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29/05/2024 | FRANCE | N°20/02182

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 29 mai 2024, 20/02182


Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 29 Mai 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02182 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OS25



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 AVRIL 2020 POLE SOCIAL DU TJ DE PERPIGNAN

N° RG19/00085





APPELANTE :



CARSAT LANGUEDOC ROUSSILLONr>
[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentant : Me VISTE avocat pour Me Françoise AURAN-VISTE de la SCP AURAN-VISTE & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS





INTIME :



Monsieur [P] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me NEGRE avocat pour Me Caroline A...

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 29 Mai 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02182 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OS25

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 AVRIL 2020 POLE SOCIAL DU TJ DE PERPIGNAN

N° RG19/00085

APPELANTE :

CARSAT LANGUEDOC ROUSSILLON

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentant : Me VISTE avocat pour Me Françoise AURAN-VISTE de la SCP AURAN-VISTE & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS

INTIME :

Monsieur [P] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me NEGRE avocat pour Me Caroline ANEGAS, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 AVRIL 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

M. Patrick HIDALGO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRÊT :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

[1] M. [P] [T] a bénéficié d'une pension de réversion à compter du 1er juillet 2010 à la suite du décès de son épouse survenu le 14 juin 2010. Le 4 octobre 2018, la CARSAT de Languedoc-Roussillon a informé M. [P] [T] de la suspension du paiement de sa pension de réversion à compter du 1er juillet 2013 et d'un trop perçu de 6 962,91 € concernant la période du 1er août 2016 au 30 septembre 2018. Le 26 novembre 2018, M. [P] [T] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable.

[2] Se plaignant d'une décision de rejet implicite, M. [P] [T] a saisi le 15 février 2019 le pôle social du tribunal de grande instance de Perpignan.

[3] La commission de recours amiable s'est prononcée le 1er avril 2019 en ces termes :

« LA REQUÊTE

M. [T] [P] a été admis, à compter du 1er juillet 2010, au bénéfice d'une pension de réversion du chef des droits à l'assurance vieillesse de son ex-conjoint, Mme [J] [S], décédée le 14 juin 2010. Par notification du 4 octobre 2018, le requérant a été informé de la suppression du paiement de cette prestation. Cette décision est intervenue au motif que les ressources de l'intéressé dépassent le plafond autorisé pour une personne seule. Le 8 octobre 2018, M. [T] a été informé qu'il était redevable de 6 427,17 € pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2018. Par courrier du 29 novembre 2018, l'intéressé conteste la révision des droits de réversion et le trop-perçu notifié.

LES FAITS / LA DISCUSSION

Le code de la sécurité sociale qui régit les pensions du régime général stipule qu'au décès de l'assuré, son conjoint survivant peut obtenir un avantage de réversion s'il réunit certaines conditions d'âge et de ressources (plafond fixé par décret à 1 676,13 € par mois au 1er janvier 2016). Il convient de préciser que la pension de réversion n'est plus révisable soit 3 mois après le point de départ de l'ensemble des avantages personnels de base et complémentaires du demandeur ; soit à compter du 1er jour du mois qui suit l'âge légal de la retraite du demandeur, s'il n'a pas droit à des retraites personnelles. Suite à l'attribution de la retraite personnelle au 1er juin 2013, une révision de la pension de réversion a été opérée. Une vérification des ressources a été effectuée et il est apparu que ces dernières n'étalent pas toutes connues de nos services. Concernant les ressources à prendre en compte, un abattement de 30 % est appliqué sur les revenus d'activité du demandeur âgé d'au moins 55 ans. M. [T] [P] dispose des ressources suivantes au 1er juin 2013 : Rente CARDIF : 403 €, Revenus professionnels BIC : 9 654 / 12 = 804,50 € X 70 % = 563,15 €. Total des ressources : 966,15 €. L'intéressé a donc bénéficié de la totalité de sa retraite de réversion soit 442,86 €.

À partir du 1er juillet 2013, les ressources de M. sont stabilisées :

Retraite personnelle CARSAT : 808,87 €

Retraite complémentaire ARRCO : 1 271,55 €

Retraite RSI artisan : 102,49 €

Retraite RSI commerçant : 16,54 €

Retraite RCI : 14,10 €

Rente [5] : 438,52 €

Revenus professionnels BIC : 9 654 / 12 = 804,50 € X 70 % = 563,15 €

Total des ressources : 3 215,22 €.

Le total des ressources excède le plafond fixé à 1 676,13 € par mois pour une personne seule. Par conséquent, il convient de confirmer l'arrêt du paiement de la pension de réversion ainsi que le trop-perçu de 6 427,17 € représentant les arrérages indûment perçus du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2018. Il est observé qu'en application de la prescription biennale, les arrérages perçus à tort du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2016 ne sont pas réclamés. Par suite, la requête ne peut recevoir de suite favorable.

LES TEXTES

Les demandeurs sont invités à déclarer leurs ressources sur le formulaire de demande de pension de réversion. Ces ressources sont examinées compte tenu des informations portées par les assurés sur le formulaire de demande, conformément aux dispositions de la circulaire CNAV n° 2002-65 du 18 décembre 2002. À l'appui de leur déclaration, les assurés doivent produire le ou les avis d'imposition sur le revenu utiles à la vérification des ressources conformément aux dispositions prévues par l'article L. 161-1-4 CSS. Ce point complète le § 1441 de la circulaire CNAV n° 2005-17 du 11/04/2005.

Remarque : la non production immédiate du ou des avis d'imposition ne s'oppose pas à l'attribution de la prestation demandée qui sera payée pendant le temps nécessaire à l'intéressé pour obtenir le justificatif fiscal demandé. Css art. R. 815-25. Lettre ministérielle du 06/10/1977. Code civil art. 516, art 518, art. 524 ô 626, art. 520. Cour de cassation du 18/05/1977. Les biens mobiliers et immobiliers du demandeur sont censés lui procurer un revenu fictif annuel égal à 3 % de leur valeur vénale à la date de sa demande. Css art. R. 353-1-1. Circulaire Cnav 2010/58 du 30/06/2010 § 24. Circulaire Cnav 2011/69 du 07/10/2011 § 1. Circulaire Cnav 2012/25 du 08/03/2012 § 4. La retraite de réversion calculée compte tenu des règles de ressources n'est plus révisable :

' soit 3 mois après le point de départ de l'ensemble des avantages personnels de base et complémentaires du demandeur :

' soit à compter du 1er jour du mois qui suit l'âge légal de la retraite du demandeur, s'il n'a pas droit à des retraites personnelles.

À partir de cette date de dernière révision, aucun changement de ressources ou de situation familiale n'est pris en compte. L'article R. 353-1 du code de la sécurité sociale modifié par le décret n° 2004/1447 du 23 décembre 2004, indique : « La pension de réversion est attribuée lorsque le conjoint de l'assuré décédé ou disparu ne dispose pas de ressources dépassant un montant fixé par décret. Ces ressources sont appréciées selon les modalités et dans les conditions fixées par les articles R. 815-22 à R. 815-28 et au deuxième alinéa de l'article R. 815-32.

L'article R. 353-1-1 (modifié par décret n° 2011-620 du 31 mai 2011 ' art 4) stipule que la pension de réversion est révisable en cas de variation dans le montant des ressources, calculé en application des dispositions de l'article R. 353-1. dans les conditions et selon les modalités fixées aux articles R. 815-20, R. 815-38, R. 815-39 et R. 815-39. La date de la dernière révision ne peut être postérieure :

' À un délai de trois mols après la date à laquelle le conjoint survivant est entré en jouissance de l'ensemble des avantages personnels de retraite de base et complémentaire lorsqu'îl peut prétendre à de tels avantages ;

' À la date à laquelle il atteint l'âge prévu par l'article L.161-17-2, lorsqu'il ne peut pas prétendre à de tels avantages.

LA DÉCISION

La commission, après avoir pris connaissance des éléments de droit et de fait, décide de rejeter la contestation, comme étant non fondée. »

[4] Par jugement rendu le 8 avril 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Perpignan a :

déclaré le recours de M. [P] [T] recevable et fondé ;

rétabli M. [P] [T] dans ses droits à pension de réversion à compter du 1er juillet 2013 ;

annulé l'indu notifié le 4 octobre 2018 ;

condamné la CARSAT à payer à M. [P] [T] la somme de 800 € au titre des frais irrépétibles ;

condamné la CARSAT aux entiers dépens de l'instance.

[5] Cette décision a été notifiée le 25 mai 2020 à la CARSAT de Languedoc-Roussillon qui en a interjeté appel suivant déclaration du 4 juin 2020.

[6] L'intimé s'étant prévalu de la péremption d'instance, la cour, suivant arrêt avant dire droit du 17 janvier 2024, a :

relevé d'office le moyen tiré d'une éventuelle incompatibilité, en matière de sécurité sociale, de l'article 386 du code de procédure civile au droit à l'accès au juge garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lu à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, arrêt du 30 mars 2021, OORZHAK c. RUSSIE, n° 001-208885 ;

renvoyé la cause à l'audience du 4 avril 2024 pour y être plaidée ;

sursis à statuer pour le surplus ;

réservé les dépens.

[7] Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles la CARSAT de Languedoc-Roussillon demande à la cour de :

dire que la péremption d'instance n'est pas acquise ;

infirmer le jugement entrepris ;

dire bien fondée la révision de la pension de réversion de M. [P] [T] notifiée le 4 octobre 2018, l'intéressé ayant manqué à son obligation d'information ;

dire M. [P] [T] redevable de la somme de 6 427,17 € au titre des arrérages de pension de réversion dont il a indûment bénéficié sur la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2018 ;

débouter M. [P] [T] de l'ensemble de ses prétentions, y compris la demande indemnitaire qu'il formule à titre subsidiaire ;

condamner M. [P] [T] à lui rembourser la somme de 6 398,17 €, solde de sa dette.

[8] Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles M. [P] [T] demande à la cour de :

in limine litis,

prononcer la péremption de la présente instance pour défaut de diligences des parties depuis plus de deux ans ;

prononcer le caractère définitif du jugement entrepris ;

ordonner le dessaisissement de la cour ;

condamner la CARSAT au paiement de la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner la CARSAT aux entiers dépens de l'instance ;

sur le fond,

confirmer en tout point le jugement entrepris ;

débouter la CARSAT de l'ensemble de ses demandes ;

annuler la décision de la CARSAT mettant fin au paiement de sa pension de réversion en lui enjoignant le paiement d'un prétendu indu à hauteur de 6 962,91 € ;

ordonner le remboursement des sommes indûment prélevées par la CARSAT à son détriment depuis le mois de novembre 2018 ;

le rétablir dans ses droits, rétroactivement au jour où la CARSAT a décidé de cesser les versements légitimement dus au titre de la retraite de réversion :

à titre subsidiaire,

dire que les demandes de la CARSAT son en partie prescrites et qu'elle ne peut prétendre à la restitution d'un indu que du 15 février 2017 au 30 septembre 2018 ;

dire que la CARSAT a commis une faute lui occasionnant des préjudices ;

condamner la CARSAT au paiement des sommes suivantes :

'6 962,91 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier occasionné ;

'2 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral généré ;

ordonner la compensation des sommes dues par chaque créancier, conformément à l'article 1347 du code civil ;

en tout état de cause,

condamner la CARSAT au paiement de la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner la CARSAT aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la péremption d'instance

[9] Concernant le contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale, le code de la sécurité sociale a comporté un article R. 142-22 qui en son dernier alinéa, depuis un décret du 18 mars 1986, limitait la péremption d'instance à l'hypothèse où les parties s'abstenaient d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui avaient été expressément mises à leur charge par la juridiction. Cette disposition avait été rendue applicable à la procédure d'appel par l'ancien article R. 142-30 du même code. Mais le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 a abrogé au 1er janvier 2019 l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, l'article 17 III du même décret précisant que ses dispositions relatives à la procédure étaient applicables aux instances en cours.

[10] En application des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile, l'intimé reproche à la caisse d'être restée inactive plus de deux ans depuis le 4 juin 2020, date de la déclaration d'appel.

[11] Il convient de relever tout d'abord que le 26 décembre 2022 le magistrat chargé d'instruire l'affaire a pris une première ordonnance enjoignant à la caisse de conclure au plus tard le 3 février 2023, injonction respectée par l'appelante qui a déposé ses conclusions le 2 février 2023.

[12] Par trois arrêts du 7 mars 2024 (civ. 2, pourvois n° 21-19.761, n° 21-20.719 et n° 21-23.230), la Cour de cassation, statuant en matière de procédure écrite, a retenu que lorsqu'elles ont accompli l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état. Elle a précisé que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption. La Cour a dès lors décidé qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière. Elle a précisé que ces arrêts qui opèrent revirement de jurisprudence étaient immédiatement applicables en ce qu'ils assouplissent les conditions de l'accès au juge.

[13] La cour retient que l'article 386 du code de procédure civile ne saurait mettre à la charge des parties des obligations plus contraignantes en procédure orale qu'en procédure écrite et qu'en conséquence la caisse, qui a conclu dans le délai prescrit par le magistrat chargé de la mise en état, n'encourt pas la péremption étant relevé que la fixation tardive de l'affaire n'a, en l'espèce, d'autre cause que l'encombrement du rôle.

2/ Sur la révision de la pension de réversion

[14] L'intimé conteste la révision de sa pension de réversion ainsi que le trop-perçu qui lui est réclamé par la caisse. Il fait valoir que cette dernière ne justifie pas de ses calculs et qu'elle connaissait ses revenus, la direction générale des finances publiques lui communiquant sa situation fiscale. Il soutient subsidiairement que l'indu réclamé s'étend au-delà du délai de prescription de deux ans posé par l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale en l'absence de fraude ou de fausse déclaration.

[15] La caisse répond que, le 17 avril 2018, elle réinterrogeait l'intimé sur ses ressources et que c'est alors qu'il déclarait pour la première fois bénéficier de divers avantages de retraite personnelle en sus de la pension de vieillesse servie par la CARSAT, à savoir :

' des retraites personnelles de commerçant et d'artisan versées par la caisse RSI pour des montants mensuels respectifs de 70,98 € et 10,24 € ;

' des retraites personnelles complémentaires ARRCO et AGIRC servies par l'organisme [4] pour des montants mensuels respectivement de 298,85 € et 836,57 € ;

' une retraite personnelle CIPAV d'un montant mensuel de 187,20 € ;

' une rente [5] d'un montant mensuel de 402,90 €.

La caisse ajoute que la règle de la dernière révision posée par l'article R. 353-1-1 du code de la sécurité sociale ne s'applique qu'à la condition que le bénéficiaire de la pension de réversion ait satisfait pleinement et spontanément à son obligation d'information concernant ses ressources. Elle explique que si elle est bien informée par l'administration fiscale du caractère imposable ou non d'un assuré afin de déterminer si elle doit procéder aux prélèvements sociaux sur les pensions qu'elle lui sert, elle ne reçoit aucune information sur la nature des revenus déclarés ou sur leur montant. La caisse rappelle qu'il appartient à l'assuré de l'informer de la date d'obtention et du montant de ses retraites personnelles, quand bien même elle aurait été en mesure de procéder à toute investigation utile et aurait pu obtenir l'information par un autre moyen (Cass, Civ. 2e, 24 janvier 2019, pourvoi n° 18-11627). La caisse fait enfin valoir qu'elle a respecté la prescription biennale ne réclamant que les arrérages de pension de réversion servis d'octobre 2016 à septembre 2018 et laissant à l'intimé le bénéfice des arrérages servis à tort du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2016. Elle précise que la dette a été ramenée à un solde de 6 398,17 € après compensation avec un rappel de pension d'un montant de 29 € dû au titre de la revalorisation légale des retraites intervenue au 1er juillet 2022.

[16] La cour retient que la règle de la dernière révision ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce dès lors que l'intimé n'a pas satisfait à son obligation d'information à laquelle il avait pourtant consenti à deux reprises par la mention portée en caractère gras avant sa signature « Je m'engage à vous faire connaître toute modification de ma situation » les 19 juillet 2010 16 juillet 2013. La caisse justifie que la pension de réversion n'est plus due, le total des ressources mensuelles se montant à 3 215,22 € alors que le plafond de la réversion est fixé à 1 676,13 € par mois.

[17] La prescription biennale est bien acquise pour la période allant du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2016 comme le reconnaît la caisse mais l'intimé ajoute que la période du 30 septembre 2016 au 15 février 2017 se trouve aussi prescrite. La caisse répond que la prescription a été interrompue par la notification de trop-perçu du 8 octobre 2018. La cour retient qu'aux termes de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration et qu'il résulte de l'article L. 133-4-6 du même code que la prescription est interrompue par une des causes prévues par le code civil et que l'interruption de la prescription peut, en outre, résulter de l'envoi, à l'adresse du destinataire, d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, quels qu'en aient été les modes de délivrance (Civ. 2e, 28 septembre 2023, pourvoi n° 21-22.501). En conséquence, la demande la caisse n'est pas prescrite.

3/ Sur la demande de rétablissement de la pension de réversion

[18] L'intimé sollicite le rétablissement de la pension de réversion, mais, pour les motifs énoncés au § 16, cette demande sera rejetée.

4/ Sur les demandes de dommages et intérêts

[19] L'intimé reproche à la caisse une carence à l'origine du service indu de la pension de réversion. Mais il n'apparaît pas que la caisse, qui s'est fiée aux déclarations de l'intimé, lequel s'était engagé à l'informer des modifications de sa situation, ait manqué en l'espèce à son obligation de diligence et de loyauté et moins encore que l'information tardive de la caisse ait causé à l'intimé un préjudice dès lors qu'il a ainsi pu conserver le bénéfice indu de la pension de réversion qui lui a été servi du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2016. En conséquence, l'intimé sera débouté de ses demandes de dommages et intérêts.

5/ Sur les autres demandes

[20] Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles de première instance et d'appel. Il sera dès lors débouté de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Dit que l'instance d'appel n'est pas atteinte par la péremption.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le recours de M. [P] [T] recevable.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Dit bien fondée la révision de la pension de réversion de M. [P] [T] notifiée le 4 octobre 2018.

Condamne M. [P] [T] à payer à la CARSAT de Languedoc-Roussillon la somme de 6 398,17 € au titre du solde des arrérages de pension de réversion dont il a bénéficié indûment du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2018.

Déboute M. [P] [T] de ses demandes.

Condamne M. [P] [T] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02182
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;20.02182 ?
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