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29/05/2024 | FRANCE | N°18/06487

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 29 mai 2024, 18/06487


Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 29 Mai 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/06487 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N6J6 + RG 20/06048



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 NOVEMBRE 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT

N° RG21700630





APPELANTE :
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SAS [4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Frédéric FRIBURGER de la SELAS GRAVIER FRIBURGER AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMEE :



CPAM DE L'HERAULT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Mme [H] en vertu d'un pouvoir ...

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 29 Mai 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/06487 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N6J6 + RG 20/06048

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 NOVEMBRE 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT

N° RG21700630

APPELANTE :

SAS [4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Frédéric FRIBURGER de la SELAS GRAVIER FRIBURGER AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

CPAM DE L'HERAULT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Mme [H] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 AVRIL 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

M. Patrick HIDALGO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRÊT :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

2

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [N] [K] est salarié en qualité d'électricien par la SAS [4].

Le 11 aout 2015, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle a été adressée à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault pour des douleurs invalidantes des genoux avec fissures des ménisques.

Un premier certificat médical du 11 aout 2015 dressé par le Dr [U] fait état d'une « chondropathie du genou gauche stade 4 (arthroscanner) gonalgie bilatérale ».

Un 2ième certificat établi par le même médecin le 11 aout 2015 avec la mention « duplicata rectificatif » pose comme diagnostic « lésions chroniques du ménisque T79- gonalgie bilatérale ».

S'agissant du genou droit, après avis du CRRMP de la région de [Localité 7], la caisse a notifié à l'assuré et à son employeur, par courrier du 9 juin 2016, une décision de prise en charge au titre du tableau n°79 des maladies professionnelles du régime général de l'affection déclarée étant précisé que l'état de santé du salarié a été estimé consolidé au 30 octobre 2016.

S'agissant du genou gauche, après avis du CRRMP de la région de [Localité 7], la caisse a notifié à l'assuré et à son employeur, par courrier du 9 juin 2016, une décision de prise en charge au titre du tableau n°79 des maladies professionnelles du régime général de l'affection déclarée étant précisé que l'état de santé du salarié a été estimé consolidé au 30 octobre 2016.

La SAS [4] a contesté ces décisions devant la commission de recours amiable.

Après refus de la commission de recours amiable de sa contestation, la SAS [4] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Herault qui le 5 novembre 2018 a :

Reçu la SAS [4] en sa contestation,

Rejeté l'exception de nullité de la procédure d'instruction au regard du non respect du principe du contradictoire,

Vu les avis en date du 6 juin 2016 du CRRMP de [Localité 7],

Vu les dispositions de l'article R142-24-2 du code de la sécurité sociale,

Sursis à statuer,

Ordonné la saisine du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de la région de [Localité 6] afin de dire s'il peut être retenu un lien certain et direct de causalité entre le travail habituel de Monsieur [N] [K] et les pathologies dont il se plaint, à savoir « lésions chroniques du ménisque ' côté gauche- côté droit » pour laquelle il demandait reconnaissance et réparation,

Rappelé que le Comité régional ainsi saisi doit statuer dans le délai de 4 mois à compter de sa saisine,

Dit que l'affaire reviendra à la plus prochaine audience utile après que ces avis aient été notifiés aux parties.

Le 21 décembre 2018, la SAS [4] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Cette affaire a été enregistré sous le numéro RG 18/06487.

Le CRRMP de [Localité 6] a rendu ses avis motivés le 14 janvier 2019 et selon jugement du 19 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier a :

- confirmé la décision du 9 juin 2016 de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault relative à la prise en charge au titre de la législation professionnelle des pathologies présentées par Monsieur [K] : lésions chroniques du ménisque gauche et lésions chroniques du ménisque droit,

- débouté la SAS [5] venant aux droits de la SAS [4] de l'intégralité de ses demandes.

La SAS [5] a interjeté appel de ce jugement le 23 décembre 2020. Cette affaire a été enregistré sous le numéro RG 20/06048

Les deux affaires ont été appelées à l'audience du 4 avril 2024.

Au visa de ses conclusions transmises par RPVA le 2 avril 2024 et soutenues à l'audience, la SAS [5] venant aux droits de la SAS [4] demande à la cour de

- ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 18/06487 et RG 20/06048 ;

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Montpellier le 5 novembre 2018 en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par la société et considéré que le principe du contradictoire avait été respecté ;

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Montpellier le 19 novembre 2020 ayant retenu un lien de causalité direct et certain des pathologies de Monsieur [K] avec ses conditions de travail ;

En conséquence, et statuant à nouveau :

- dire et juger que la CPAM de l'HERAULT a violé le principe du contradictoire ;

- dire et juger que la CPAM de l'HERAULT n'a pas établi une des conditions de fond exigées par le Code de la sécurité sociale ;

- dire et juger que les avis rendus par le CRRMP sont insuffisamment motivés et insusceptibles d'établir un lien de causalité entre les affections déclarées par Monsieur [K] et son emploi ;

- dire et juger inopposables à la Société [5], venant aux droits de la Société [4] les décisions de la CPAM de l'HERAULT du 9 juin 2016 ;

- condamner la Caisse primaire d'assurance maladie de l'herault à lui la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

La caisse primaire d'assurances maladie de l'Hérault représentée par Madame [C] [H] munie d'un mandat régulier soutient ses écritures aux termes desquelles elle demande :

- ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 18/06487 et RG 20/06048 ;

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Montpellier le 5 novembre 2018 en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par la société et considéré que le principe du contradictoire avait été respecté,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Montpellier le 19 novembre 2020 ayant retenu un lien de causalité direct et certain des pathologies de Monsieur [K] avec ses conditions de travail,

- dire et juger que la caisse a parfaitement respecté le principe du contradictoire dans le cadre de l'instruction des dossiers de Monsieur [K], conformément aux dispositions des articles R441-10 et suivants du code de la sécurité sociale,

- dire et juger que c'est à bon droit que la caisse d'assurance maladie a pris en charge au titre de la législation professionnelle les affections déclarées le 11 aout 2015, conformément aux dispositions des articles L461-1 et suivants, D461-29 et D461-30 du code de la sécurité sociale,

- déclarer opposable à l'employeur les décisions de prise en charge des maladies professionnelles conformément aux dispositions de l'article R441-11 du code de la sécurité sociale,

- débouter l'intéressée des fins de sa demande.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions déposées par les parties pour l'audience du 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la jonction

Il est d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des procédures RG 18/06487 et RG 20/06048.

Sur le respect du principe du contradictoire dans l'instruction des demandes des deux maladies professionnelles de Monsieur [K]

L'article D461-29 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au temps du litige dispose que :

« Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1° Une demande motivée de reconnaissance signée par la victime ou ses ayants droit intégrant le certificat médical initial rempli par un médecin choisi par la victime dont le modèle est fixé par arrêté ;

2° Un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l'exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises ;

3° Un rapport circonstancié du ou des employeurs de la victime décrivant notamment chaque poste de travail détenu par celle-ci depuis son entrée dans l'entreprise et permettant d'apprécier les conditions d'exposition de la victime à un risque professionnel ;

4° Le cas échéant les conclusions des enquêtes conduites par les caisses compétentes, dans les conditions du présent livre ;

5° Le rapport établi par les services du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie indiquant, le cas échéant, le taux d'incapacité permanente de la victime.

Les pièces demandées par la caisse au deuxième et troisième paragraphes doivent être fournies dans un délai d'un mois.

La communication du dossier s'effectue dans les conditions définies à l'article R. 441-13 en ce qui concerne les pièces mentionnées aux 1°, 3° et 4° du présent article.

L'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par les services du contrôle médical mentionnés aux 2° et 5° du présent article sont communicables de plein droit à la victime et ses ayants droit. Ils ne sont communicables à l'employeur que par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par la victime ou, à défaut, par ses ayants droit. Ce praticien prend connaissance du contenu de ces documents et ne peut en faire état, avec l'accord de la victime ou, à défaut, de ses ayants droit, que dans le respect des règles de déontologie.

Seules les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir sont communicables de plein droit à son employeur. »

Au visa de ces dispositions, la société appelante considère que parmi les pièces qu'elle a pu consulter avant la transmission du dossier du salarié au CRRMP de la région de [Localité 7] ne figuraient pas les conclusions de l'avis du médecin du travail et que cet élément lui fait nécessairement grief.

Il convient préalablement de relever que la SAS [5] venant aux droits de la SAS [4] ne conteste pas avoir reçu par courrier du 5 janvier 2016 la transmission des pièces du dossier par la caisse, que cette dernière l'a bien informée par courrier du 22 décembre 2015 que l'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par le service médicale ne sont communicables que par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par la victime ou ses ayant droits.

La cour constate que les dispositions de l'article D. 461-29 précitées ne prévoient pas obligatoirement l'existence de conclusions administratives dans l'avis motivé du médecin du travail et dans le rapport du service médical. Compte tenu de la formulation retenue par cet article (« seules les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir »), il n'est nullement fait obligation à la caisse de transmettre des conclusions administratives qui n'existent pas.

Le moyen tiré de l'absence des conclusions administratives du médecin du travail du travail doit donc être écarté.

La SAS [5] venant aux droits de la SAS [4] considère également qu'elle n' a pas disposé d'un temps suffisant pour faire valoir ses observations au CRRMP alors même qu'elle a pris connaissance du dossier le 5 janvier 2016 et qu'il n'est pas démontré qu'il a été transmis au CRRMP le 12 janvier 2016.

Il est constant que le courrier informant l'employeur d'une possibilité de consultation du dossier avant transmission au CRRMP a été envoyé par la caisse le 22 décembre 2015 et réceptionné le 28 décembre 2015, ce courrier indiquant la possibilité de consulter le dossier avant le 11 janvier 2016, avant transmission au CRRMP.

Il résulte des textes applicables à la présente procédure de reconnaissance de maladie professionnelle ( articles D.461-29 et D.461-30 du Code de la sécurité sociale), qu'il appartient à la caisse d'aviser l'employeur de sa décision de saisir le CRRMP et de lui permettre, dans un délai raisonnable, de consulter le dossier puis de faire des observations puis, après cette phase d'information et d'observations éventuelles, de transmettre le dossier au CRRMP.

Ainsi, pour permettre aux observations de l'employeur de rejoindre le dossier destiné au CRRMP, il a été jugé que l'information de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de lui faire grief s'effectuait avant la transmission du dossier audit comité régional ( 2e Civ., 25 janvier 2018, pourvoi nº 17-10.994 ;2e Civ., 25 novembre 2021, pourvoi nº 20-15.574 ) et que pour mettre l'employeur en mesure de savoir dans quel délai il devait venir consulter le dossier, le courrier d'information de la caisse devant être adressé aux parties avant la transmission du dossier comité régional devait préciser la date à laquelle s'effectuera cette transmission. ( 2e Civ., 25 novembre 2021, nº 20-15.574).

Ainsi, à la différence de la nouvelle procédure introduite par le décret du 23 avril 2019, il n'était pas imposé à la caisse de rapporter la preuve de l'envoi au CRRMP, la seule obligation lui incombant était celle de préciser la date de transmission au CRRMP.

En l'espèce, la cour constate que les courriers du 22 décembre 2015 informant l'employeur de la transmission au CRRMP comportent bien la date de cette transmission en l'espèce le 11 janvier 2016.

Par ailleurs, ce CRRMP a statué le 6 juin 2016 de sorte qu'il était loisible à l'employeur de communiquer à tout moment d'éventuelles observations.

Il s'en déduit que le principe du contradictoire a été respecté.

Le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 5 novembre 2018 sera ainsi confirmé.

Sur le caractère professionnel des affections contestées

Pour contester l'avis du CRRMP de [Localité 6], la SAS [5] venant aux droits de la SAS [4] considère que ce dernier n'a pas motivé sa décision en indiquant que le salarié a été exposé « sur la majeure partie de sa carrière » sans précision sur la période d'emploi. Il indique que depuis 2008, le salarié occupe un poste d'encadrement de sorte que les travaux qu'il exécute n'entre pas dans la liste figurant au tableau n°79.

La cour constate que tant l'avis du CRRMP de [Localité 7] du 6 juin 2016 que celui du CRRMP de [Localité 6] du 14 janvier 2019 sont motivés, qu'ils ont tous deux pris en compte le travail d'encadrement de chantiers occupé par le salarié depuis le 1ier mai 2008 impliquant « des travaux d'installation électrique sur différents chantiers avec des travaux répétés en position accroupie ou à genou avec ports de charges », que dans le cadre de l'instruction menée par la caisse le salarié a déclaré « j'occupe un poste d'agent de maîtrise, je peux encadrer une équipe mais généralement j'interviens seul. Même quand j'encadre une équipe, je travaille autant qu'eux », que le représentant de l'employeur entendu dans le cadre de cette enquête a d'ailleurs admis un travail en position accroupie ou éventuellement à genoux pour un maximum de 20 minutes par jour, qu'ainsi il est établi que les maladies professionnelles affectant Monsieur [K] ont un lien direct et certain avec le travail habituel de la victime.

Les décisions de reconnaissance des deux maladies professionnelles sont donc bien opposables à l'employeur.

PAR CES MOTIFS

La Cour

ORDONNE la jonction des procédures RG 18/06487 et RG 20/06048,

CONFIRME la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault du 5 novembre 2018 en toutes ses dispositions,

CONFIRME la décision du pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier du 19 novembre 2020 en toutes ses dispositions,

DEBOUTE la SAS [5] venant aux droits de la SAS [4] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS [5] venant aux droits de la SAS [4] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/06487
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;18.06487 ?
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