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29/05/2024 | FRANCE | N°18/05709

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 29 mai 2024, 18/05709


Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 29 Mai 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05709 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N4OJ



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 OCTOBRE 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE DES PYRENEES ORIENTALES

N° RG21700507





APPELANT :
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Monsieur [P] [V]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Michèle BENHAMOU-BARRERE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-34172-2024-488 du 06/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ...

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 29 Mai 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05709 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N4OJ

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 OCTOBRE 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE DES PYRENEES ORIENTALES

N° RG21700507

APPELANT :

Monsieur [P] [V]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Michèle BENHAMOU-BARRERE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-34172-2024-488 du 06/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

URSSAF LANGUEDOC ROUSSILLON

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentant : Me Julien ASTRUC de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 AVRIL 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

M. Patrick HIDALGO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRÊT :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 15 avril 2014, les services de l'URSSAF procédaient à un contrôle au sein de l'établissement «'[8]» situé à [Localité 4], exploité en nom propre par M. [P] et ils constataient à cette occasion la présence de M. [X] [F] qui se trouvait en situation de travail au sein de l'entreprise sans avoir fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche (DPAE).

Une lettre d'observations était notifiée à M. [P] le 02 juin 2014 et l'avisant de ce qu'un redressement d'un montant de 4003 euros était envisagé.

Une mise en demeure en date du 18 mai 2017 lui était notifiée pour un montant total de 5316 euros se décomposant en rappel de cotisations pour 4003 euros, 1001 euros au titre de la majoration complémentaire de 25 pourcents sur l'ensemble des montants mis en recouvrement à l'issue du contrôle et 312 euros au titre des majorations de retard.

Une contrainte en date du 17 juillet 2017 lui était notifiée par acte d'huissier de justice le 23 août 2017, il formait opposition à cette contrainte le 28 août 2017.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale des Pyrénées Orientales (TASS des PO) par jugement du 10 octobre 2018 le déboutait de ses demandes et validait la contrainte signifiée le 23 août 2017 pour un montant de 5316 euros.

Par courrier daté du 10 novembre 2018, enregistré au greffe de la cour le 15 novembre 2018, M. [P] a interjeté appel du jugement rendu par le TASS et qui lui a été notifié à une date inconnue de la cour en l'absence d'avis de réception joint aux pièces du dossier communiqué.

L'affaire a été appelée à l'audience du 04 avril 2024 à laquelle le conseil de M. [P] par conclusions déposées et soutenues à l'audience demande à la cour d'annuler la contrainte contestée et de lui donner acte de ce qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

Le conseil de l'URSSAF, au soutien de ses conclusions, sollicite que M. [P] soit débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, que la contrainte signifiée le 23 août 2017 soit validée en son entier montant, de laisser les dépens de la procédure à la charge de l'appelant, de le condamner à régler les frais d'huissier de justice afférents à l'acte de signification de la contrainte, ainsi qu'au paiement de la somme de 1900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d'annulation de la contrainte':

M. [P] conteste la régularité de la procédure suivie à son encontre dès lors que l'URSSAF devait produire devant la juridiction le procès verbal de travail dissimulé qui aurait été établi, qu'il n'a jamais eu, au mépris du contradictoire et dont en tout état de cause il conteste l'existence et le contenu.

Il précise n'avoir jamais reçu la lettre d'observations qui lui aurait été adressée le 02 juin 2014 ni la convocation par l'URSSAF qui a été adressée à une adresse qui n'était plus la sienne.

Il conteste également la réalité du travail dissimulé ainsi que le caractère excessif de la taxation d'office alors que l'attestation de M. [F] qu'il produit établit que ce dernier lui avait rendu service pour seulement deux jours.

L'URSSAF rétorque que le procès verbal de travail dissimulé à l'origine du redressement n'a pas à être joint à la lettre d'observation.

Elle ajoute avoir adressé la lettre d'observations, faisant suite au contrôle réalisé le 15 avril 2014, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception sans que le pli ait été retiré par l'appelant qui par ailleurs ne justifie pas de la date à laquelle il aurait déclaré son changement d'adresse de sorte que la procédure est régulière.

S'agissant de la régularité de la procédure':

Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 11 juillet 1950 relatif aux imprimés à mettre en service pour l'immatriculation à la sécurité sociale des employeurs et des travailleurs indépendants, applicable au litige, «'Tout employeur ou travailleur indépendant est tenu d'indiquer dans un délai de huit jours (') les changements intervenus dans la situation ou l'activité de son établissement ou de son entreprise(...)» (Cour de cassation, Chambre sociale, 11 avril 1996 n° 94-17.176).

En l'espèce, la cour relève que l'URSSAF a effectué un contrôle le 15 avril 2014 dans l'établissement situé [Adresse 3] [Localité 4].

À la suite de ce contrôle, un courrier a été adressé par l'URSSAF, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 19 mai 2014 et consistant en une convocation fixée au 02 juin 2014, ayant pour objet la lutte contre le travail dissimulé, ladite convocation demandant à M. [P] de se munir du registre unique du personnel, des bulletins de salaires depuis 2013, du chiffre d'affaires mensuel réalisé depuis 2013 et d'un relevé d'identité bancaire ou postal.

À la suite de ce courrier demeuré sans réponse, l'URSSAF a notifié à M. [P] une lettre d'observations le 02 juin 2014 et faisant suite au contrôle effectué le 15 avril 2014.

Tant le courrier du 19 mai 2014 que la lettre d'observations du 02 juin 2014 ont été adressés à M. [P] à l'adresse suivante': Crêperie restauration, résidence Ensoleillée, [Adresse 6] [Localité 4].

Les accusés de réception des deux envois étaient retournés par la poste avec la mention «'pli avisé et non réclamé'».

Si M. [P] excipe d'un changement d'adresse qui serait intervenu, pour autant il ne justifie nullement du changement d'adresse allégué, ni d'en avoir avisé l'URSSAF comme il en avait l'obligation alors qu'il ressort au contraire des pièces versées au débat qu'il n'a pas retiré les courriers qui lui ont été adressés bien qu'ayant été avisé par la poste de l'acheminement de ces courriers.

S'agissant du procès verbal de travail dissimulé, celui-ci n'a pas à figurer dans les documents communiqués à l'employeur par l'organisme de recouvrement à l'issue du contrôle (Cass.Civ 2ème 14 février 2019 pourvoi n° 18-12.150, 21 mars 2024 pourvoi n° 21-25.368).

La lettre d'observations notifiée contient par ailleurs les éléments essentiels du contrôle opéré, notamment l'identité de l'inspecteur du recouvrement, l'identité du tiers rencontré effectuant un travail, la date et l'horaire du contrôle, les déclarations du tiers rencontré, M. [F].

Cette lettre d'observations a été notifiée à l'intéressé, elle lui ouvrait un délai de trente jours pour faire part à l'URSSAF de ses observations'; le contradictoire de la procédure a dès lors été assuré.

Il convient de rappeler qu'en matière de solidarité financière, si l'organisme de recouvrement n'est pas non plus tenu d'annexer à la lettre d'observations adressée au donneur d'ordre le procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de son co-contractant, (Civ 2 28 mai 2020 pourvois n 19 14862 ) il doit toutefois la produire devant la juridiction en cas de contestation par le donneur d'ordre de son existence ou de son contenu (Civ 2 6 avril 2023 pourvoi n 21 17173).

Toutefois force est de constater qu'en l'espèce M. [P] ne démontre pas être un donneur d'ordre ni d'avoir fait l'objet d'une procédure comme tel et ne saurait dès lors invoquer l'application d'une jurisprudence inopérante dans le présent cas d'espèce.

Il en ressort que M. [P] ne peut qu'être débouté de sa demande de voir constater l'annulation de la contrainte pour irrégularité de la procédure de redressement.

S'agissant de la contestation du travail dissimulé :

M. [P] conteste le travail dissimulé, soutenant qu'il s'agissait de services rendus bénévolement et ponctuellement par un ami d'enfance.

L'article L8221-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L 1221-10 du code du'travail'dispose que l'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative accomplie par l'employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet. L'employeur accomplit cette déclaration dans tous les lieux de'travail'où sont employés des salariés.

En l'espèce il ressort de la lettre d'observations du 02 juin 2014 que l'inspecteur de recouvrement a relevé le jour du contrôle la présence, dans l'établissement exploité par M. [P], de M. [F] [X] qui était alors occupé à préparer un sandwich à un client et qui indiquait être là depuis deux jours pour aider le patron.

L'attestation établie par M. [F] confirme bien sa présence sur place. S'il ajoute qu'il était présent pour rendre service à un ami d'enfance pour seulement une période de deux jours, pour autant aucun autre élément ne vient corroborer cette thèse alors même qu'il se trouvait seul dans l'établissement, lequel était ouvert à la clientèle et qu'il préparait un sandwich pour un client de l'établissement, ce dont il s'évince qu'il était en situation de travail, et qu'enfin le 15 avril 2014 il ne précisait pas être présent pour rendre service à un ami d'enfance, mais «'(...)pour aider le patron'(...)».

Il en résulte que L'URSSAF rapporte la preuve de ce que M. [F] accomplissait le 15 avril 2014 une prestation de'travail''pour M. [P] sous son contrôle et son autorité en contrepartie d'une rémunération alors même qu'il n'a pas procédé à la déclaration préalable à l'embauche de M. [F] avant de le faire travailler.

Il s'ensuit que l'Urssaf'rapporte la'preuve'd'une situation de'travail'dissimulé'au sens des dispositions de l'article L 8221-5 du code du'travail'justifiant un rappel de cotisations et contributions au titre du'travail'de M. [F].

S'agissant du montant du redressement

Tout en contestant le travail dissimulé, M. [P] soutient que la taxation forfaitaire d'office est d'un caractère excessif, non représentative de l'activité normale d'un établissement de type crêperie, restauration et doit être annulée pour défaut de motivation de la méthode de calcul, la lettre d'observation ne fournissant aucun élément permettant de comprendre comment l'URSSAF est parvenue au calcul d'un horaire de travail hebdomadaire alors qu'il considère que l'amplitude de travail a été surestimée.

L'URSSAF réplique que tant la lettre d'observations que la mise en demeure ont respecté les exigences légales et jurisprudentielles et rappelle que faute de comptabilité probante les cotisations ont été calculées sur la base forfaitaire visée à l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, soit sur la base de six SMIC mensuel.

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige dispose que pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L. 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement à six fois la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 3232-3 du même code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. Ces rémunérations sont soumises à l'article L. 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté.

En l'espèce, il convient de relever que la lettre d'observations contient les éléments de calcul de la taxation forfaitaire retenue faute d'éléments probants communiqués par M. [P] qui ne s'est pas présenté lors de la convocation fixée au 02 juin 2014 et qui n'a pas plus communiqué d'observations ou transmis des justificatifs dans le délai de trente jours suivant la lettre d'observations adressée à la date du 02 juin 2014 et s'il conteste devant la cour le «'quantum'» d'heures effectuées, ainsi que la période d'activité de M. [F], il ne produit aucun élément probant à l'appui de sa contestation.

C'est donc à juste titre que l'Urssaf''a calculé le montant du redressement de manière forfaitaire conformément aux dispositions de l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale faute par M. [P] d'avoir rapporté la preuve contraire de cette évaluation forfaitaire.

Le montant de la contrainte du 17 juillet 2017 sera retenu en totalité, soit à hauteur de 5316 euros et en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de ses demandes

Sur les autres demandes':

M. [P] qui succombe sera condamné au paiement des dépens et au paiement des frais de signification de la contrainte ainsi qu'à payer à l'URSSAF des PO la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour par arrêt rendu contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Pyrénées Orientales le 10 octobre 2018';

Y ajoutant,

Condamne M. [P] au paiement des entiers dépens'et aux frais de signification de la contrainte du 17 juillet 2017';

Condamne M. [P] au paiement de la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au profit de l'URSSAF des Pyrénées Orientales

Donne acte à M. [P] de ce qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/05709
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;18.05709 ?
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