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29/05/2024 | FRANCE | N°18/01345

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 29 mai 2024, 18/01345


Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 29 Mai 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01345 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NSLC



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 FEVRIER 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AUDE

N° RG21500397





APPELANTE :



CPAM DE [

Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me TROUILLARD avocat pour Me Jean daniel CAUVIN de la SCP CAUVIN, LEYGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



Madame [Z] [C] épouse [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me GARRIGUE avocat pour Me G...

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 29 Mai 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01345 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NSLC

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 FEVRIER 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AUDE

N° RG21500397

APPELANTE :

CPAM DE [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me TROUILLARD avocat pour Me Jean daniel CAUVIN de la SCP CAUVIN, LEYGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [Z] [C] épouse [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me GARRIGUE avocat pour Me Gaëlle GUILLE-MEGHABBAR de la SCP SCP RECHE-GUILLE MEGHABBAR, avocat au barreau de CARCASSONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/005701 du 13/06/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 AVRIL 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

M. Patrick HIDALGO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRÊT :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

[1] Par lettre du 13 mars 2015 portant la mention « remise en main propre par agent assermenté », la CPAM de [Localité 3] a notifié à Mme [Z] [C] épouse [T] un trop-perçu d'un montant de 11 564,45 € concernant l'allocation supplémentaire invalidité perçue du 1er décembre 2011 au 31 octobre 2013. Le 17 mars 2015, l'assurée a sollicité une remise de cette dette auprès de la commission de recours amiable, laquelle, par décision du 22 avril 2015, a statué ainsi :

« Objet de la demande

Demande de remise de dette pour un trop-perçu de 11 564,43 €.

Textes de référence

Article 1376 du code civil :

« Celui qui reçoit par erreur au sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. »

Article L. 256-4 du code de la sécurité sociale :

« Sauf en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale notamment dans les cas mentionnés aux articles L. 244-8, L. 374-1, L. 376-1à L. 376-33, L. 452-2 à L. 452-5, L. 454-1 et L. 811-6 peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse. »

Faits et circonstances

Par notification en date du 13 mars 2015, la caisse a notifié à Mme [C]-[T] [Z] un trop-perçu d'un montant de 11 564,45 €. En effet, sur la période du 1er décembre 2011 au 31 octobre 2013, Mme [C]-[T] [Z] a perçu l'allocation supplémentaire invalidité sur la base de ses déclarations de ressources. Or, lors de ces déclarations, elle n'a jamais communiqué à la caisse les ressources de son conjoint, M. [T] [U], à savoir : Retraite ARRCO, retraite complémentaire Pro-BTP et allocation de PÔLE EMPLOI.

Par recours formé le 17 mars 2015, Mme [C]-[T] [Z] demande l'exonération de sa dette auprès de la commission de recours amiable. Elle explique qu'elle et son époux ne savent pas lire et qu'ils ont toujours remis les déclarations de ressources à un agent d'accueil après une simple signature.

Observations :

Âgée de 62 ans, Mme [C]-[T] [Z] est mariée avec deux enfants étudiants de 19 et 20 ans à charge.

RESSOURCES MENSUELLES : 1 782,62 €

(Pension de retraite de Mme [C]-[T] [Z] : 690,83 € ' Pension de retraite de M. [T]

[U] : 656,37 € ; complémentaire retraite : 254,57 € ; allocation logement : 181,15 €)

CHARGES MENSUELLES : 885,93 €

(Loyer : 437,81 € ; Électricité : 29,92 € ; Gaz : 29,42 € ; Eau : 45,48 € ; Téléphone/internet : 34,88 € ;

Assurances Auto/Habitation : 116,23 € ; Lycée : 60 € ; Mutuelle : 41,78 € ; autres dettes (permis) : 90,41 €)

Décision de la commission

La commission exonère Mme [C]-[T] [Z] de la somme de 1 564,43 € et laisse à sa charge la somme de 10 000 €. »

[2] Contestant cette décision, Mme [Z] [C] épouse [T] a saisi le 19 juin 2015 le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 3], lequel, par jugement rendu le 6 février 2018, a :

déclaré prescrite la créance d'indu d'allocation supplémentaire d'invalidité susceptible d'être mise à la charge de l'assurée pour la période antérieure au mois d'avril 2013 ;

déclaré fondée et non-prescrite la demande de la CPAM en répétition d'un indu d'allocation supplémentaire invalidité pour la période du mois d'avril 2013 au mois d'octobre 2013 ;

condamné l'assurée à payer à la CPAM la somme correspondante de 2 809,52 € due à ce titre ;

rejeté toute prétention contraire ou plus ample.

[3] Cette décision a été notifiée le 12 février 2018 à la CPAM de [Localité 3] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 8 mars 2018.

[4] Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par sa représentante aux termes desquelles la CPAM de [Localité 3] demande à la cour de :

rejeter la péremption d'instance soulevée par l'intimée ;

dire que le recours de l'intimée est forclos ;

condamner l'intimée à payer l'indu d'un montant restant dû de 10 000 € ;

rejeter la demande formée au titre des frais irrépétibles ;

rejeter toute autre demande de l'assurée.

[5] Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles Mme [Z] [C] épouse [T] demande à la cour de :

in limine litis,

prononcer la péremption d'instance en l'état de l'absence de diligences utiles de la CPAM depuis le 6 avril 2018 pour faire progresser l'instance soit une période largement supérieure à deux ans outre l'absence de dépôt de conclusions d'appelante malgré injonction du 1er août 2023 du magistrat en charge d'instruire les affaires ;

dire prescrite la créance et l'action de la CPAM en répétition d'un indu sur la période allant du 1er décembre 2011 au 31 octobre 2013 ;

au fond,

dire que la CPAM ne justifie d'aucun acte interruptif de péremption ou de la prescription depuis la déclaration d'appel et la constitution d'intimée du 6 avril 2018 ;

confirmer le jugement entrepris ayant retenu la prescription de la créance pour la période antérieure au mois d'avril 2013 ;

dire la demande de la CPAM prescrite concernant l'indu d'allocation supplémentaire d'invalidité pour la période d'avril 2013 à octobre 2013 ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de 2 809,52 € pour la période du mois d'avril 2013 au mois d'octobre 2013 puisqu'à le supposer établi, l'indu est désormais prescrit ;

à titre subsidiaire,

constater qu'elle rapporte la preuve d'une absence de dissimulation volontaire et / ou fraude ;

dire que la CPAM ne rapporte pas la preuve d'une quelconque dissimulation volontaire ou fraude ;

dire que la CPAM ne caractérise pas une créance liquide, certaine et exigible concernant l'indu ou les pénalités ;

débouter la CPAM de l'ensemble de ses demandes ;

en tout état de cause,

condamner la CPAM au paiement de la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la péremption d'instance

[6] Concernant le contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale, le code de la sécurité sociale a comporté un article R. 142-22 qui en son dernier alinéa, depuis un décret du 18 mars 1986, limitait la péremption d'instance à l'hypothèse où les parties s'abstenaient d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui avaient été expressément mises à leur charge par la juridiction. Cette disposition avait été rendue applicable à la procédure d'appel par l'ancien article R. 142-30 du même code. Mais le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 a abrogé au 1er janvier 2019 l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, l'article 17 III du même décret précisant que ses dispositions relatives à la procédure étaient applicables aux instances en cours.

[7] En application des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile, l'intimée soutient que l'instance se trouve touchée par la péremption d'instance en l'état de l'absence de diligences de la CPAM depuis le 6 avril 2018 et d'une injonction du 1er août 2023.

[8] Mais, par trois arrêts du 7 mars 2024 (civ. 2, pourvois n° 21-19.761, n° 21-20.719 et n° 21-23.230), la Cour de cassation, statuant en matière de procédure écrite, a retenu que lorsqu'elles ont accompli l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état. Elle a précisé que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption. La Cour a dès lors décidé qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière. Elle a précisé que ces arrêts qui opèrent revirement de jurisprudence étaient immédiatement applicables en ce qu'ils assouplissent les conditions de l'accès au juge.

[9] La cour retient que l'article 386 du code de procédure civile ne saurait mettre à la charge des parties des obligations plus contraignantes en procédure orale qu'en procédure écrite et qu'en conséquence la caisse, à laquelle injonction n'a été faite que le 1er août 2023, n'encourt par la péremption biennale étant relevé que la fixation tardive de l'affaire n'a, en l'espèce, d'autre cause que l'encombrement du rôle.

2/ Sur la recevabilité du recours

[10] La caisse fait valoir dans le corps de ses écritures que la lettre de saisine de la commission de recours amiable était ainsi rédigée : « nous demandons votre indulgence par une remise totale ou partielle de cette dette ». Elle soutient dès lors que l'assurée n'a contesté ni le principe ni le montant du trop-perçu devant la commission de recours amiable et ne pouvait dès lors porter une telle contestation directement en justice. L'intimée ne répond pas à cette fin de non-recevoir.

[11] La cour retient que la lettre du 13 mars 2015 portant la mention « remise en main propre par agent assermenté » et faisant clairement état du délai de recours de deux mois devant la commission de recours amiable a bien été remise à l'intimée comme indiqué dès lors que cette dernière a effectivement saisi la commission dès le 17 mars 2015. Cette saisine ne visait pas à contester le montant de l'indu réclamé. En conséquence, une telle contestation formée devant le tribunal sans saisine préalable de la commission de recours amiable, et au-delà du délai de deux mois, est irrecevable.

3/ Sur les autres demandes

[12] Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a exposés. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et elle supportera la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Dit que la présente instance n'est pas atteinte par la péremption.

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déclare Mme [Z] [C] épouse [T] irrecevable en ses contestations.

Condamne Mme [Z] [C] épouse [T] à payer à la CPAM de [Localité 3] la somme de 10 000 € à titre de remboursement d'indu.

Déboute Mme [Z] [C] épouse [T] de sa demande relative aux frais irrépétibles.

Condamne Mme [Z] [C] épouse [T] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/01345
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;18.01345 ?
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