La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2024 | FRANCE | N°23/02889

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 23 mai 2024, 23/02889


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE [Localité 35]



4e chambre civile



ARRET DU 23 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/02889 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P3BQ



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 septe

mbre 2015

Tribunal de grande instance de [Localité 35]

N° RG 13/03874





DEMANDEUR A LA REQUÊTE EN RÉINSCRIPTION



Monsieur [B] [R]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 31] - 62 -

de nationalité Française

[Adresse 25]

[Localité 18]

Représenté par Me Lola JULIE substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SAR...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE [Localité 35]

4e chambre civile

ARRET DU 23 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/02889 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P3BQ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 septembre 2015

Tribunal de grande instance de [Localité 35]

N° RG 13/03874

DEMANDEUR A LA REQUÊTE EN RÉINSCRIPTION

Monsieur [B] [R]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 31] - 62 -

de nationalité Française

[Adresse 25]

[Localité 18]

Représenté par Me Lola JULIE substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocats au barreau de [Localité 35], avocat postulant et Me Christophe JERVOLINO, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Autre qualité : Appelant dans 15/07303 (Fond)

DÉFENDEURS A LA REQUÊTE EN RÉINSCRIPTION

Maître [G] [N] - Décédé le [Date décès 4] 2020

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Localité 6]

Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de [Localité 35], avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Intimé dans 15/07303 (Fond)

Maître Maguelonne Escande Cambon, notaire

de nationalité Française

[Adresse 24]

[Localité 21]

Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de [Localité 35], avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Intimée dans 15/07303 (Fond)

Monsieur [Z] [V]

de nationalité Française

[Adresse 37]

[Adresse 32]

[Localité 19]

assigné par acte remis à personne le 29 janvier 2016 - 15/07303

Autre qualité : Intimé dans 15/07303 (Fond)

S.A. Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon - banque coopérative régie par les articles L. 512-85 et suivants du code monétaire et financier, société anonyme à directoire et conseil d'orientation et de surveillance au capital social de 295 600 000 euros, siège social sis [Adresse 13], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 35] sous le n°Siren 383 451 267, intermédiaire d'assurance immatriculé à l'Orias sous le n° 07 005 729, titulaire de la carte professionnelle « transactions sur immeubles et fonds de commerce, sans perception de fonds, effets ou valeurs » n°2008/34/2106 délivré par la préfecture de l'Hérault, garantie par CECI Cautions [Adresse 7], agissant aux poursuites et diligences de son

représentant légal en exercice,

[Adresse 13]

[Localité 18]

Représentée par Me Christophe BLONDEAUT substituant Me Alexia ROLAND de la SCP VPNG, avocats au barreau de [Localité 35], avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Intimée dans 15/07303 (Fond)

S.A. Cic Sud Ouest - SA à conseil d'administration inscrite au RCS BORDEAUX sous le numéro 456 204 809, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 12]

[Localité 16]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de [Localité 35], avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Intimée dans 15/07303 (Fond)

S.A. Crédit Foncier de France inscrite au RCS de PARIS sous le n°542 029 848, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 11]

[Localité 26]

Représentée par Me Pauline PESCAROU substituant Me Vincent RIEU de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de [Localité 35], avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Intimée dans 15/07303 (Fond)

S.A. Crédit Immobilier - La SA Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits de la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, SA au capital de 124 821 566,00 euros, immatriculée au SIREN sous le numéro 379 502 644 (RCS PARIS), prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 14]

[Localité 27]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de [Localité 35], avocat postulant, substituant sur l'audience Me Christine BAUDON, avocat au barreau de CLERMONT FERRAND

Autre qualité : Intimée dans 15/07303 (Fond)

S.A. Crédit Immobilier de France - Le Crédit Immobilier de France Développement, (CIFD), SA au capital de 124.821.703 euros, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°379 502 644 intervenant en vertu d'une décision de fusion absorption en date du 1er décembre 2015 et aux droits du Crédit Immobilier de France Méditerranée (CIF MED), SA au capital de 78.775.064 euros, immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n°391 654 399, dont le siège est [Adresse 15])

[Adresse 14]

[Localité 27]

Représentée par Me Ouiçal MOUFADIL substituant Me Emmanuelle MASSOL de la SELARL AMMA AVOCATS, avocats au barreau de [Localité 35], avocat postulant présent sur l'audience

Autre qualité : Intimée dans 15/07303 (Fond)

S.C.P. Granier Bonnary Fournier Montgieux Claron Daudet société titulaire d'un office notarial

[Adresse 28]

[Localité 18]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de [Localité 35], avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Intimée dans 15/07303 (Fond)

PARTIES INTERVENANTES :

Madame [A] [H] veuve [N]

- en qualité d'héritière de [G] [N]

née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 29]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de [Localité 35], avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Partie intervenante dans 15/07303 (Fond)

Madame [W] [N] épouse [U]

- en qualité d'héritière de [G] [N]

née le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 20]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de [Localité 35], avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Partie intervenante dans 15/07303 (Fond)

Madame [I] [N] épouse [E]

- en qualité d'héritière de [G] [N]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de [Localité 35], avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Partie intervenante dans 15/07303 (Fond)

Madame [L] [N] épouse [D]

- en qualité d'héritière de [G] [N]

née le [Date naissance 8] 1980 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 23]

[Localité 17]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de [Localité 35], avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Partie intervenante dans 15/07303 (Fond)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 mars 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, prévue le 2 mai 2024, prorogé au 16 mai 2024 puis au 23 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [B] [R] a été démarché en 2002 par M. [Z] [V], conseiller en gestion de patrimoine, afin de s'engager dans différents programmes d'investissement qui devaient s'autofinancer grâce aux loyers perçus.

C'est ainsi que M. [R] a contracté plusieurs prêts dans le cadre d'investissements locatifs alors qu'il énonce avoir été licencié de son poste de directeur commercial juste avant les premiers prêts contractés, en 2004.

M. [R] a ainsi contracté de nombreux prêts entre 2004 et 2008 :

1. Le 13 octobre 2004, auprès de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon (CELR) deux prêts, destiné à l'achat de deux lots d'appartement en Vente en l'Etat Futur d'Achèvement (VEFA) dans la résidence la Barbacane à [Localité 6] d'un montant de :

$gt; 146 800 € au taux initial de 4,20 % remboursable en 240 échéances,

$gt; 140 700 € au taux initial de 4,20 % remboursable en 240 échéances.

En garantie, une hypothèque conventionnelle sur les lots a été consentie.

Suite à la défaillance de M. [R], la déchéance du terme a été prononcée le 20 décembre 2010.

Des saisies-immobilières ont été pratiquées et lesdits lots ont été vendus pour la somme totale de 102 000 € suivant jugements d'adjudication du 22 novembre 2011, laissant subsister une créance de la CELR.

2. Le 7 novembre 2004, auprès de la Sa Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (CIFRAA) d'un montant de 287613 €,destinés à l'achat de deux autres lots d'appartement en VEFA dans la résidence la Barbacane à [Localité 6].

Suite à la défaillance du débiteur, la banque l'a mis en demeure par courriers recommandés du 16 juin 2010, 21 juin 2011 et 31 mai 2012.

Deux saisies attributions ont été dénoncées à M. [R], l'une portant sur les loyers perçus, l'autre auprès de la LCL sur les sommes détenues par cet établissement bancaire par M. [R].

3. Le 4 mai 2007, auprès du Cic Sud Ouest, un prêt de 291161€ au taux de 4,260 % destiné à l'achat de deux appartements situés à [Localité 36].

Les échéances du prêt n'ont plus été honorées de sorte que la banque a mis en demeure M. [R] par courrier du 28 février 2012 puis a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé du 28 juin 2012.

4. Le 16 avril 2008, un prêt de 300 000 € auprès de la Sa Crédit foncier de France, destiné à financer l'acquisition de quatre appartements à usage locatif à Lamalou les Bain.

La vente a été réalisée par acte authentique de Me [X] [F] le 28 avril 2008 pour un montant de 203 333,33 € et le surplus de la somme était destinée à réaliser des travaux de rénovation.

Suite à la défaillance de M. [R], la déchéance du terme a été prononcée le 6 juin 2011 et le Crédit Foncier a saisi les biens financés et poursuivi leur vente devant le tribunal de grande instance de Béziers. Les biens ont été vendus à la somme de 109776,11 €, une créance reste donc à devoir de la somme de 292 735,52 €.

5. Les 24 mars et 15 septembre 2008, deux prêts auprès de la Sa Crédit immobilier de France Méditerranée (CIFM) d'un montant de :

$gt; 327 500 € destiné à financer l'acquisition d'un appartement à Lamalou les bains,

$gt; 371 200 € destiné à l'acquisition d'un bien à [Localité 35].

Suite à la défaillance du débiteur, la déchéance du terme a été prononcée après plusieurs mises en demeure.

Une inscription provisoire d'hypothèque a été autorisée sur le bien sis à [Localité 34] à hauteur de 450 000 € et sur le bien sis à [Localité 35] à hauteur de 500 000 €.

M. [R] a fait opposition à cette demande, laquelle a été rejetée par jugement du 22 juin 2015 du juge de l'exécution du tribunal d'instance de [Localité 35].

Arguant être victime de M. [V] en ce qu'il l'a conduit à souscrire différents prêts en dépit de son endettement et de ne pas l'avoir mis en garde sur la caractère excessif de ces opérations, M.[R] a, par actes en date des 19 juin, 5, 8, 10 et 16 juillet 2013, fait assigner les organismes prêteurs, M. [V] et Me [N], notaire ayant rédigé les actes de ventes en VEFA de la résidence Barbacane, Me [X] [F] ceux de la résidence de [33] et la Scp Granier Bonnary Fournier Montgieux Claron Daudet le compromis de terrain à bâtir à [Localité 35].

Parallèlement, M. [R] a déposé plainte le 30 juillet 2013 contre X pour délit d'escroquerie et de faux et usage de faux.

Par jugement réputé contradictoire en date du 1er septembre 2015, le tribunal de grande instance de [Localité 35] a :

- déclaré irrecevables les demandes en tant qu'elles visent le Crédit agricole,

- déclaré irrecevables les demandes en tant qu'elles visent la Bnp et le Crédit Logement,

- constaté que M. [R] est un emprunteur averti,

- rejeté ses demandes en tant qu'elles visent à faire admettre la faute des établissements bancaires pour manquement à leur obligation de mise en garde,

- dit n'y avoir lieu de ce fait de statuer sur les préjudices imputés par le demandeur à ce manquement, y compris le préjudice moral,

- rejeté la demande d'expertise,

- dit n'y avoir lieu de déchoir les établissements bancaires de leur droit à intérêts contractuels,

- rejeté en conséquence la demande relative à l'application de l'intérêt légal et à l'obligation d'émettre un nouveau tableau d'amortissement conforme aux paiements intervenus,

- dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause les notaires défendeurs,

- rejeté les demandes de M. [R] en tant qu'elles visent à faire admettre la faute des notaires pour manquement à leur obligation de conseil,

- dit n'y avoir lieu de ce fait de statuer sur les préjudices imputés par le demandeur à ce manquement, y compris le préjudice moral,

- l'a déclaré non prescrite,

- rejeté la demande reconventionnelle en paiement formulée par le CIF Méditerranée,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. [R] à payer à chacun des onze défendeurs une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au bénéfice des avocats des défendeurs.

Le 1er octobre 2015, M. [R] a relevé appel de ce jugement.

Par requête du 26 février 2018, M. [R] a sollicité du conseiller de la mise en état qu'il sursoit à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale engagée à la suite d'un dépôt de plainte pour faux, usage de faux, escroquerie et non-respect du délai en matière de démarchage.

Par ordonnance du 31 octobre 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive sur la plainte avec constitution de partie civile déposée le 24 décembre 2015.

Par requête du 27 mars 2020, M. [R] a sollicité du conseiller de la mise en état que les effets de l'ordonnance du 31 octobre 2018 ayant prononcé le sursis à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive soient maintenus et qu'en tant que de besoin il soit à nouveau sursis à statuer.

Par ordonnance du 31 mars 2021, il a été ordonné la poursuite du sursis à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive.

Par décision du 9 février 2023, l'affaire a été radiée.

Par arrêt du 1er février 2023, la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi formé par M. [R] contre l'arrêt de la cour d'appel de [Localité 35] du 7 octobre 2021 ayant confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.

Par courrier en date du 24 mai 2023, M. [R] a sollicité la réinscription de cette affaire au rôle.

PRÉTENTIONS

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 9 février 2024, M. [R] demande en substance à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a constaté qu'il était un emprunteur averti, qu'il a écarté la responsabilité de l'ensemble des requis et l'a débouté de sa demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels, le confirmer en ce qu'il a rejeté la demande en paiement du Crédit immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit immobilier de France Méditerranée (CIFM) et, statuant à nouveau, de :

- Condamner les requis à supporter la totalité de son préjudice in solidum avec chaque défendeur à hauteur proportionnelle de leur responsabilité sur cet endettement disproportionné soit :

$gt; Pour le CIF Développement : 10,28 % soit : 1 664 978 * 10, 28 % = 171 091 €, in solidum avec Me [N] pris en la personne de ses héritiers intervenants volontaires et M.[V]

$gt; Pour la CELR : 5,24 % + 5,03 % soit : 1 684 978 * 10,27% = 171 024 € in solidum avec Me [N] pris en la personne de ses héritiers intervenants volontaires et M.[V]

$gt; Pour le CIC : 10,4 % soit 1 664 978 * 10, 4 % - 173 202€ in solidum avec M. [V]

$gt; Pour le Crédit Foncier : 11,57 % soit 192 609 € in solidum avec Me Escande Cambon et M. [V]

$gt; Pour le CIF Méditerranée : 11, 7 % pour Villacasablanca in solidum avec Me [X] [F], soit : 220 814 € et 13,26 % soit 194 818 € pour Woodstock villa, in solidum avec Me [M] et M. [V]

En outre :

- Me [X] [F] sera condamné in solidum sur l'opération de Villa Casablanca avec M. [V] à la somme de 190 952 € pour le lot financé par le Crédit Agricole.

- Me [M] sera condamné in solidum avec M. [V] sur l'opération Woodstock pour 219 714 € pour le lot financé par Bnp.

- Subsidiairement, et avant dire droit, dans l'hypothèse où la Cour ne s'estimerait pas suffisamment éclairée sur le préjudice subi par M. [R], ordonner une expertise comptable et immobilière avec pour mission habituelle d'évaluer le préjudice financier subi du fait de ces investissements.

- En tout état de cause, condamner in solidum l'ensemble des requis à réparer le préjudice moral subi par M. [R] à hauteur de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;

- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour l'ensemble des banques ;

- Juger la demande reconventionnelle du CIF Méditerranée comme irrecevable et prescrite, ou en tout état de cause insuffisamment fondée, et à défaut la déchoir des intérêts au taux contractuel ;

- Juger que les banques devront appliquer le taux d'intérêt légal correspondant en émettant un nouveau tableau d'amortissement conforme aux paiements intervenus ;

- Condamner chacun des requis à lui payer la somme de 10000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les aux entiers dépens.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 13 février 2024, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon (CELR) demande en substance à la cour de rabattre l'ordonnance de clôture, confirmer le jugement, débouter M. [R] de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 13 février 2024, le Cic Sud Ouest demande en substance à la cour de rabattre l'ordonnance de clôture, recevoir ses conclusions, confirmer le jugement, débouter M. [R] de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle s'ajoutera la somme octroyée en première instance, outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 29 février 2024, le Crédit foncier de France demande le rabat de l'ordonnance de clôture, et, en substance à la cour, de réformer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [R] recevable en ses demandes formulées à son encontre et, statuant à nouveau de, juger ses demandes prescrites et irrecevables, subsidiairement confirmer en toutes ses dispositions le jugement, débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes et en toutes hypothèses, le condamner à lui payer la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel, outre les dépens de première instance et d'appel.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 19 octobre 2023, Me [X] [F] demande en substance à la cour de confirmer le jugement, la mettre purement et simplement hors de cause, condamner M. [R] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement, le débouter de ses demandes et en toute hypothèse, le condamner à une somme de 3 500 € pour appel abusif, 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile auxquels s'ajouteront les sommes octroyées en première instance, outre les entiers dépens.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 19 octobre 2023, les ayants droits de M. [N] demandent en substance à la cour de prendre acte de leur intervention volontaire, confirmer le jugement, les mettre purement et simplement hors de cause, condamner M. [R] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement, le débouter de ses demandes et en toute hypothèse, le condamner à une somme de 3 500 € pour appel abusif, 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile auxquels s'ajouteront les sommes octroyées en première instance, outre les entiers dépens.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 19 octobre 2023, la Scp Granier Bonnary Fournier Montgieux Claron Daudet demande en substance à la cour de confirmer le jugement, la mettre purement et simplement hors de cause, condamner M.[R] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement, le débouter de ses demandes et en toute hypothèse, le condamner à une somme de 3 500 € pour appel abusif, 5 000 € à chacun des ayants droits sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile auxquels s'ajouteront les sommes octroyées en première instance, outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 27 février 2024, le Crédit immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhones Alpes Auvergne (CIFRAA) demande le rabat de l'ordonnance de clôture, et, en substance à la cour, de confirmer le jugement, subsidiairement, débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions et le condamner à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 28 février 2024, le Crédit immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit immobilier de France Méditerranée (CIFM) demande le rabat de l'ordonnance de clôture, et, en substance à la cour de le recevoir, intervenant eu égard à une fusion absorption, débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre, confirmer en tous points le jugement et en tout état de cause, le condamner à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance.

M. [V] s'est vu signifier :

- le 29 janvier 2016 la déclaration d'appel et les conclusions n°1 de M. [R] par remise à personne,

- le 20 octobre 2023, les conclusions du Cic Sud Ouest par remise à personne,

- le 25 octobre 2023, les conclusions des ayants droit de Me [N] à personne,

- le 7 novembre 2023, celles du CIFD venant aux droits du Crédit immobilier de France Méditerranée (CIFM) par dépôt étude,

- le 10 novembre 2023, les conclusions de Me Escande Cambon par dépôt étude,

- le 10 novembre 2023, les conclusions de la Scp par dépôt étude.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 février 2024, révoquée par nouvelle ordonnance du 5 mars 2024 fixant la clôture à cette dernière date.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les demandes dirigées contre M. [V]

Il sera observé que les conclusions n°2 de M. [R], transmises par voie électronique le 9 février 2024, n'ont pas fait l'objet d'une justification de leur signification à M. [V].

Toutefois, au regard des prescriptions de l'article 16 du code de procédure civile, il ressort de la lecture de leur dispositif qu'elle ne comportent pas de demandes additionnelles à celles signifiées par M. [R] à M. [V] par acte d'huissier du 29 janvier 2016.

La cour peut donc examiner ces demandes, présentées au contradictoire de M. [V].

M. [R] fait valoir que M. [V], intervenu à son égard en qualité de conseiller en gestion du patrimoine est l'auteur de fautes envers lui à travers diverses manoeuvres l'ayant conduit à souscrire les nombreux crédits de financement immobiliers. Il souligne ainsi un discours mensonger et trompeur qui faisait croire à un auto-financement garanti par l'apport locatif, à l'origine de son surendettement, M. [V] ayant bénéficié de l'inexistence d'un fichier central des crédits immobiliers et de l'absence de contrôle des banques ; une falsification de documents (bulletins de salaire dans le dossier de financement CIFRAA ; relevés de compte LCL dans le dossier CIF Méditerranée, absence de signatures de documents transmis à la BNP).

Selon l'article 472 du code de procédure civile,

'Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.

Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.'

Il importe en liminaire de préciser que si M. [R] vise dans le dispositif de ses écritures le fondement du dol (article 1116 ancien du code civil) il n'entend pas en faire le fondement juridique de son action puisqu'il ne demande pas la nullité de le convention passée avec M. [V].

En tout état de cause, le dol dont il convient de rappeler qu'il ne se présume pas, et qui consiste pour l'un des cocontractants à obtenir le consentement de l'autre en exerçant des manoeuvres frauduleuses telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, ne peut alors porter que sur le contrat de conseil en gestion du patrimoine dont la réalité est établie en cause d'appel par la production par M.[R] de l'audition de M. [V] par les services enquêteurs le 3 février 2016 dont il résulte que M. [R] était un de ses clients qui a suivi ses conseils pour faire des investissements, qu'il lui a proposé des opérations qu'il a acceptées et présentant les dossiers aux banques. À cette audition est annexée une attestation datée du 29 mai 2015 dans laquelle M. [V] détaille son parcours professionnel de commercial dans l'immobilier et précise avoir alors contacté M. [R] pour lui proposer et faire réaliser diverses opérations patrimoniales, clés en mains, avec financement, se chargeant de contacter les banques qui, à l'exception de la Caisse d'Epargne avec laquelle la première opération a été montée, ne rencontraient pas M. [R]. Il se chargeait de fournir les pièces demandées pour obtenir les prêts et a fait signer à M. [R] les documents d'acceptation qu'il a lui même renvoyés aux établissements bancaires, lesquels le rémunéraient en qualité d'apporteurs d'affaires.

Un lien contractuel est aujourd'hui caractérisé, pour l'ensemble des opérations d'investissement réalisées par M. [R] sur les conseils de M. [V].

Au delà des obligations spécifiques pesant sur le conseiller en gestion de patrimoine, il est de principe tiré de l'article 1134 ancien du code civil que la convention doit être exécutée de bonne foi, expression du principe de loyauté.

Les éléments avancés par M. [R] démontrent que M.[V] s'est adressé à une pluralité d'organismes de crédit, qui n'étaient pas la banque habituelle de M. [R], lesquels, maintenus dans l'ignorance de l'intervention des autres en l'absence de fichier de l'endettement immobilier et donc de la situation exacte de l'emprunteur, ont accepté d'apporter leur concours, sans rencontrer le candidat emprunteur, exception faite de la Caisse d'Epargne pour la première opération, conduisant à un endettement final de M. [R] dans des proportions telles qu'il ne pouvait conduire qu'à sa ruine (cumul des mensualités d'emprunt pour 201 378 € annuels avec des revenus locatifs attendus de 118 858 €, soit un ensemble structurellement déficitaire à hauteur de 109 458 €).

Pour parvenir à un tel résultat, M. [V] a présenté aux organismes prêteurs des dossiers avantageux, parfois falsifiés par la production de bulletins de salaire (dossier CIFRAA) ou relevés de compte LCL (dossier CIF Méditerranée) pour faire disparaître tout élément négatif qui aurait pu alerter les banques et leur faire refuser leur concours et le priver de sa rémunération d'apporteur d'affaires.

M. [V], qui fait le choix de ne pas constituer avocat et de se défendre, n'invoque aucune cause étrangère pour l'exonérer au moins partiellement de sa responsabilité.

Il a donc engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil envers M. [R].

Sur les demandes dirigées contre les banques

M. [R] invoque à l'égard des banques leur manquement à leur devoir de mise en garde, contestant de manière générale ce qui a été retenu par le premier juge : il n'était pas emprunteur averti mais profane.

M. [R], au moment des premiers crédits souscrits en 2004, était directeur commercial d'une société de commerce de gros de produits pharmaceutiques.

Cette qualité professionnelle ne lui conférait aucune compétence spécifique dans le domaine de l'investissement immobilier avec mise en place d'opérations de défiscalisation ni d'opérations bancaires et contrairement à l'appréciation du premier juge, il importe peu qu'il ait disposé de placements financiers mobiliers, étrangers au débat. Le fait de s'être fait assister par un conseiller en gestion de patrimoine est inopérant dès lors que le caractère averti ou profane doit s'apprécier en la seule personne de l'emprunteur. Il serait d'autant plus paradoxal de le définir alors comme emprunteur averti que la cour retient que M. [R] a été victime de comportements déloyaux de la part de celui qui devait l'assister.

Ce dernier point exclut toute mauvaise foi de la part de M.[R] qui n'a pas participé à une quelconque dissimulation ou falsification de pièces présentées par le seul M. [V] dans le cadre d'un système économique vicié où le même agent économique agit tout à la fois en tant que conseiller en gestion de patrimoine pour son client et en qualité d'apporteur d'affaires pour la banque, laquelle lui assure le paiement de sa commission.

Pour que la responsabilité des banques au titre d'un manquement au devoir de mise en garde puisse être retenu, il importe encore de démontrer l'existence d'un risque d'endettement excessif, apprécié au jour du contrat. Il convient d'examiner les conditions d'octroi de chaque prêt, étant observé que pour le bon fonctionnement du processus mis en place par M. [V] ou d'autres intermédiaires indélicats, il est de principe que chaque banque ignore le ou les concours financiers apportés par les autres, ce que l'absence d'un fichier de l'endettement immobilier permet.

À l'égard du CIFRAA, cette banque a fait preuve de négligence dans l'examen du dossier de financement. Des pièces qui lui ont été présentées, il ressort que des bulletins de salaire de M. [R] ont été falsifiés et la banque avait les moyens de relever ce qui ressort de l'anomalie apparente : les bulletins de salaire de mai à juillet 2004, dont elle ne conteste pas avoir été en possession lors de l'examen de l'octroi du crédit sont des reproductions imparfaites de ceux des mêmes mois de l'année 2003, le faussaire ayant oublié de modifier les périodes travaillées dans le corps des bulletins. Au delà de l'examen visuel qui devait l'alerter, le CIFRAA n'a pas rencontré M. [R], lequel aurait pu alors, dès l'une des premières opérations d'investissement, être alerté sur l'honnêteté de son conseiller. Une autre anomalie apparente consiste en l'absence de signature de la demande de crédit. Le CIFRAA n'a manifestement pas contrôlé le dossier qui lui était soumis. Il ne peut alors opposer à M. [R] les documents qui lui ont été présentés, ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude.

Il en résulte par conséquent que le CIFRAA ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'avoir examiné si l'octroi du crédit n'exposait pas M. [R] à un risque d'endettement excessif alors que celui démontre que son taux d'endettement était alors supérieur au taux de 33% communément admis. Cette banque ne s'est pas suffisamment renseignée sur l'adéquation entre le prêt et les capacités de remboursement de M. [R] ne pouvant se fier aux informations qu'elle avait en sa possession et ne l'a pas alerté d'une excessivité au regard de ses capacités financières en l'état de l'insuffisance des éléments dont elle disposait affectés d'anomalies apparentes.

Le manquement du CIFRAA est caractérisé et de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

A l'égard du CIF Développement, des observations comparables peuvent être effectuées en ce que cette banque, qui n'a pas rencontré M. [R], a accordé un crédit sur le vu de relevés de compte du LCL qu'un simple examen visuel permettait de détecter comme faux, la pagination n'étant pas celle habituellement pratiquée, ce qui constituait une anomalie apparente, doublée à l'examen plus approfondi d'erreur de calcul dans le cumul des opérations y figurant. Ces négligences de la banque mettent obstacle à ce qu'elle puisse valablement opposer son respect de l'obligation de mise en garde, ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, alors que M. [R], libre alors de démontrer la réalité de son endettement, expose et justifie d'un taux d'endettement de l'ordre de 70%.

Cette banque ne s'est pas suffisamment renseignée sur l'adéquation entre le prêt et les capacités de remboursement de M.[R] ne pouvant se fier aux informations qu'elle avait en sa possession et ne l'a pas alerté d'une excessivité au regard de ses capacités financières en l'état de l'insuffisance des éléments dont elle disposait affectés d'anomalies apparentes.

Le manquement du CIFD est caractérisé et de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

A l'égard de la Caisse d'Epargne, intervenue pour l'octroi du premier prêt, il est acquis de la déposition de M. [V] que c'est la seule banque qui a rencontré M. [R]. Celui-ci lui fait grief de lui avoir accordé deux crédits pour un total de 287 500 € alors que le même jour, par acte passé devant le même notaire mandataire, Me [N], le CIFRAA lui accordait un autre crédit pour l'achat de lots dans la même résidence de tourisme. Il souligne que cette banque ne produit aucun élément relatif à son évaluation de son taux d'endettement, qu'elle savait que les biens étaient surévalués.

Toutefois, contrairement à ce qu'indique M. [R], la Caisse d'Epargne était en possession d'une déclaration d'endettement par lui certifiée sincère et exacte, exempte d'anomalie apparente, faisant état d'une seule dette au titre d'un loyer mensuel de 955 €, sans mention de prêts et de bulletins de salaire de janvier à mars 2004 faisant état d'un salaire net de 4240 € et d'une prime d'objectifs versée en mars pour 11 290 € nets, soit un montant mensualisé de 5180 €. De tels éléments, s'inscrivant dans une opération qui devait s'autofinancer, sans démonstration quelconque d'une collusion entre banque et son intermédiaire financier, lui permettaient de constater que les prêts par elle consentis pour un montant mensuel cumulé de 1772 € n'exposaient pas M. [R] à un risque d'endettement excessif.

La banque, qui n'étaient pas présente à la signature de l'acte notarié, représentée par un clerc de notaire signataire non délégataire de l'obligation de mise en garde n'était pas censée savoir qu'un autre crédit était accordé par une autre banque pour une opération d'acquisition d'autres lots, prêt dont M. [R] soutient lui même qu'il lui était présenté par M. [V] comme devant s'autofinancer.

Rien ne démontre que la banque pouvait avoir une quelconque connaissance d'une surévaluation des lots par elle financés.

La responsabilité de la Caisse d'Epargne n'est pas engagée.

A l'égard du CIC, les griefs de M. [R] sont comparables et le raisonnement est donc identique : s'agissant du financement d'un appartement à destination locative ayant vocation à être couvert par le montant du loyer perçu, il n'est pas établi l'existence d'une anomalie apparente dans les documents en possession de cette banque (avis d'imposition 2003, 2004, 2005, bulletins de salaire, synthèse des comptes et crédits détenus dans les livres du LCL, placements sous forme d'assurance vie, pièces d'état civil et jugement de divorce mentionnant le paiement d'une pension alimentaire de 914 €) et la banque était en mesure de se fier à ceux-ci ne révélant pas l'état d'endettement réel dont M. [R] se prévaut aujourd'hui.

A l'égard du Crédit Foncier, cette banque oppose à M.[R], qui n'y répond pas en cause d'appel, une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par une assignation qui lui a été délivrée le 5 juillet 2013, estimant que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l'octroi du crédit, soit en l'espèce le 16 avril 2008.

Toutefois, il est de jurisprudence établie, rappelée encore récemment par un arrêt 1re Civ., 13 mars 2024, pourvoi n°22-24.812 qu'il résulte de l'article 2224 du code civil que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

La cour ne trouve pas dans le dossier de la banque la démonstration qui lui incombe que le premier incident de paiement est antérieur de plus de cinq années à la date du 5 juillet 2013, le décompte produit en pièce 2 faisant état d'une exigibilité au 06 juin 2011. La fin de non recevoir sera écartée.

S'agissant du risque d'endettement excessif auquel le crédit aurait exposé M. [R], la cour se doit de constater que la banque était en possession de bulletins de salaire et de déclaration d'impôt sur le revenu qui révélaient la perception en 2006 d'un revenu mensuel de 5648 € alors que la charge de remboursement du crédit de 1871 €, que le bien financé à usage locatif devait être amorti par la perception de loyers et que la banque ignorait l'état d'endettement réel de M. [R], de telle sorte qu'elle n'était pas tenue au devoir de mise en garde invoqué par celui-ci.

Sur les demandes dirigées contre les notaires

M. [R], agissant au visa de l'article 1382 ancien du code civil, soutient que les notaires, ayant connaissance de la totalité de l'investissement ont manqué à leur obligation d'information et de conseil en ne le mettant pas en garde au regard de la surévaluation des biens.

A l'égard de Me [N], il fait valoir que ce notaire a réalisé quatre actes notariés concernant la résidence la [30] avec deux financements pour deux lots auprès de la Caisse d'Epargne et deux lots auprès du CIFRAA. Le notaire n'a émis aucune réserve et ne l'a pas mis en garde du risque d'endettement excessif. Peu importe qu'il soit extérieur aux négociations comme il le soutient, conférer force authentique à un acte ne le dispensant pas de son obligation de conseil. La surévaluation des biens était évidente pour le notaire.

Les fautes du notaire ne peuvent s'apprécier que dans le cadre et les limites de son intervention, sachant que M. [R] ne soutient pas avoir informé Me [N] de son état d'endettement réel.

Le 26 novembre 2004, l'étude de Me [N] a passé les actes suivants :

- n°9.202 vente en l'état futur d'achèvement dans l'ensemble immobilier La Barbacane, situé à [Localité 6], à usage de résidence avec services para-hôteliers de deux appartements et de deux parkings (lots 46 et 1046 ; 48 et 1048) pour le prix de 287613€, financé par le CIFRAA pour ce montant remboursable en 240 mensualités ;

- n°9.203 vente en l'état futur d'achèvement dans l'ensemble immobilier La Barbacane de deux appartements et leurs parkings (lots 45 et 1047 ; 47 et 1047) pour le prix de 287 613 € ;

- n°9.204 prêt par la Caisse d'Epargne de 146 800 € remboursable en 240 mensualités pour le financement des lors 45 et 1045 de l'ensemble immobilier La Barbacane ;

- n°9.205 prêt par la Caisse d'Epargne de 140 700 € remboursable en 240 échéances avec garantie hypothécaire sur le lot 47 et son parking.

Il est constant que M. [R], présent à tous ces actes, lecture lui en ayant été faite, a reçu toutes les informations nécessaires, retranscrites dans l'acte, sur la portée de ce à quoi il s'engageait et la validité et l'efficacité de ces actes ne sont pas remises en cause. Le notaire intervenait dans son devoir d'authentificateur des conventions précédemment librement discutées entre les parties qui comparaissaient devant lui, tant sur l'objet des ventes de lots en l'état futur d'achèvement que sur leur financement, précédemment négocié.

Aucune anomalie apparente dans l'opération authentifiée ne devait conduire l'étude de Me [N] à interroger spécialement M. [R] sur sa réelle compréhension de l'économie générale des conventions qui portaient sur des opérations d'investissements immobiliers courantes, sous forme d'achat de lots de résidence para-hôtelière située dans la cité touristique de [Localité 6], avec mise en place de baux commerciaux, dont le financement par recours intégral au crédit accordé par les banques était alors une modalité classique dès lors que le remboursement différé à trois ou cinq ans de la période d'amortissement du capital permettait d'une part de terminer la construction et d'autre part de mettre en place la partie exploitation de la résidence, le paiement des loyers par la société d'exploitation permettant le remboursement des échéances des prêts.

L'étude notariale n'avait pas à s'immiscer dans les affaires de M. [R] et à lui prodiguer un quelconque conseil sur l'opportunité économique d'une telle opération ni à le mettre en garde sur les conséquences possibles de risques intrinsèques à l'opération, au delà de ce qui était mentionné à l'acte ou à l'interroger sur ses capacités de remboursement si la société d'exploitation devait faire faillite, tous risques que l'investisseur normalement diligent est à même de réaliser par lui-même et le notaire n'étant pas en charge de vérifier la solvabilité des parties.

S'agissant du prix de l'investissement réalisé, M. [R] procède par simple affirmation relative à une surévaluation au jour de son engagement, aucune conséquence ne pouvant être tirée à cet égard du prix de vente effectif en l'état d'une situation économique et juridique évolutive.

A l'égard de Me [X] [F], il fait valoir que le notaire a eu connaissance de l'acquisition de trois lots sur la résidence [Adresse 32], respectivement financés par le Crédit Agricole, le Crédit Foncier et le CIF Méditerranée pour un montant total de 972 985 € ; il considère que ce montant colossal sur des biens immobilier surévalués aurait du alerter le notaire qui aurait du alors l'alerter sur les risques de cet endettement, manquant à ses obligations de conseil et de mise en garde dans le cadre d'une opération complexe et risquée.

La cour reprend ici ses motivations précédentes, lesquelles trouvent également application s'agissant de l'intervention de la SCP Granier Bonnary Fournier Montigeux Claron Daude.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute M. [R] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les notaires.

Sur le préjudice en lien de causalité avec les fautes retenues

Les manquements à l'obligation de bonne foi et à l'exécution loyale de ses obligations de conseiller en gestion du patrimoine par la réalisation de faux commis par M [V] qui en fait usage auprès des banques pour obtenir des financements sur lesquels il est rémunéré en qualité d'apporteur d'affaire sont causals de l'endettement excessif de M. [R], engagé dans une opération qui s'est avérée ruineuse.

M. [R] propose de chiffrer son préjudice à la différence entre le montant des prêts accordés pour 2 609 978 € diminué de la valeur réelle des biens pour 945 000 €, soit 1 664 978 €. Alors que M. [R] ne justifie pas de la valeur réelle des biens, la cour estime exagérée ce chiffrage pour lequel elle dispose d'éléments suffisants permettant de l'apprécier à hauteur de 500 000 €, lequel intégrer la réparation du préjudice moral subi par M. [R] du fait des manoeuvres de M. [V].

A l'égard des deux banques dont la responsabilité contractuelle a été retenue, la cour ne peut suivre M. [R] dans son appréciation du préjudice subi.

Il est de jurisprudence constante que le manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt prive cet emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt.

Le préjudice subi par M. [R] ne peut être abordé que sous le prisme de la perte de chance qu'il ne soutient pas et qu'il n'appartient pas à la cour de mettre dans les débats dans le cadre de son office. Toute demande contre le CIFD venant tout à la fois aux droits du CIFRAA et du Crédit Immobilier Méditerranée sera rejetée.

Sur la déchéance du droit aux intérêts pour violation des dispositions de la loi Scrivener

Il convient de relever en liminaire que les développements de M. [R] contre la BNP sont en sans objet, cette banque n'étant pas attraite à la procédure d'appel.

En application des dispositions de l'article L. 312-7 et L.312-10 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure au 1er juillet 2016 applicable à tous les crédits de l'espèce, le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée gratuitement par voie postale à l'emprunteur éventuel ainsi qu'aux cautions déclarées par l'emprunteur lorsqu'il s'agit de personnes physiques. L'offre est soumise à l'acceptation de l'emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L'emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l'offre que dix jours après qu'ils l'ont reçue. L'acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi.

Il appartient au prêteur de rapporter la preuve du respect des ces démarches et délais, particulièrement de l'envoi par la poste, formalité impérative.

A l'égard du CIFD venant aux droits du CIF MED, étant observé que M. [R] affirme ne pas avoir bénéficié des dispositions précitées, il ne peut résulter de la seule mention préimprimée de l'offre acceptée le 15 septembre 2008 ou de celle acceptée le 26 mars 2008 selon laquelle M. [R] déclare accepter la présente offre reçue par voie postale que l'acceptation a eu lieu au moins onze jours après l'avoir reçue, aucune date n'étant mentionnée, de telle sorte que c'est à tort que le premier juge a écarté ce qu'il qualifiait de moyen purement formel. Pas plus un courrier du conseil du CIFD en date du 19 novembre 2012 affirmant diverses dates de retour de l'offre et de réception par le prêteur n'est il probant. Le prêteur ne produit pas aux débats la preuve d'envoi de cette offre pas plus que l'enveloppe de retour qu'aurait postée M. [R] de telle sorte que la sanction prévue à l'article L.312-33 dernier alinéa du code de la consommation trouve application.

A l'égard du CIFD venant aux droits de CIFRAA, étant à nouveau observé que M. [R] affirme ne pas avoir bénéficié des dispositions précitées, le prêteur ne justifie pas par ses pièces 15 à 17 visées à son bordereau ni de l'envoi de l'offre (la pièce 15 est une copie d'une lettre d'envoi sans preuve d'envoi), ni la preuve du retour de cette offre passé un délai de10 jours (la pièce 16 étant une copie d'un courrier du 23 novembre 2004 faisant état de la transmission du dossier au notaire et la pièce 17 étant la copie de l'offre.)

Toutefois, la mention contenue dans l'acte notarié (pièce 18) selon laquelle M. [R] reconnaît 'avoir reçu par voie postale du Prêteur une offre indiquant les caractéristiques financières du crédit qui lui a été accordé, avoir bénéficié du délai d'acceptation de 10 jours prévu par la Loi entre la réception de l'offre et l'acceptation de l'offre, chaque emprunteur reconnaissant avoir accepté cette offre après écoulement de ce délai, avoir adressé au prêteur par voie postale son offre de prêt acceptée' vaut renouvellement de l'acceptation de l'offre et preuve du respect des dispositions de l'article L.312-10 du code de la consommation.

La sanction prévue à l'article L.312-33 dernier alinéa du code de la consommation ne trouve pas application.

A l'égard du CIC Sud Ouest, au delà d'allégations de faux formulées par M. [R] contre l'enveloppe de retour produites, non étayées, l'enveloppe produite porte un tampon dateur du 22 mai 2017 et l'offre produite en pièce 16 annexée au courrier du prêteur en accusant réception comprend de la main de M [R] qui ne conteste pas être le signataire la mention selon laquelle il a réceptionné l'offre le 10 mai 2017 et qu'il en a fait retour le 21 mai 2017, corroborant la date de réception du 22 mai 2017 présente sur l'enveloppe.

La sanction prévue à l'article L.312-33 dernier alinéa du code de la consommation ne trouve pas application.

A l'égard de la Caisse d'Epargne, les pièces produits par celle-ci, notamment les enveloppes en lettres suivies de retour des deux offres et les récépissés de réception des offres signées par M.[R] établissent que les offres émises le 13 octobre 2004 ont été reçues le 16 octobre 2004 et que M. [R] en a fait retour le 8 novembre 2004.

La sanction prévue à l'article L.312-33 dernier alinéa du code de la consommation ne trouve pas application.

A l'égard du Crédit Foncier, il résulte de l'acte authentique du 22 avril 2008 (page 8) que l'offre en date du 4 avril 2008 a été acceptée le 16 avril 2008, le prêteur produisant également le récépissé d'offre signé de M. [R] le 5 avril 2008.

La sanction prévue à l'article L.312-33 dernier alinéa du code de la consommation ne trouve pas application.

Les dépens de première instance et d'appel seront partagés entre les parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, à savoir M. [V] et M. [R].

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a constaté que M. [B] [R] est un emprunteur averti, dit n'y avoir lieu à déchoir l'ensemble des établissements prêteurs de leur droit à intérêts et condamné M.[R] aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Juge que M. [B] [R] était emprunteur profane,

Prononce la déchéance du CIFD venant aux droits du CIF Méditerranée de son droit aux intérêts contractuels,

Condamne M. [Z] [V] à payer à M. [B] [R] la somme de 500 000 € à titre de dommages et intérêts,

Condamne M. [Z] [V] et M. [B] [R], par parts égales, aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne M. [Z] [V] à payer à M. [B] [R] la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à d'autres applications des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/02889
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.02889 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award