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23/05/2024 | FRANCE | N°22/05506

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 23 mai 2024, 22/05506


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 23 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/05506 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PTAO



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 octobre 2019

Tribunal de grande instance

de MONTPELLIER

N° RG 17/01258





DEMANDEURS A LA REQUETE ET APPELANTS :



Monsieur [L] [N]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Benjamin EQUIN substituant Me Jordan DARTIER de la SELARL ACTAH & ASSOCIES, avocat...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 23 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/05506 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PTAO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 octobre 2019

Tribunal de grande instance de MONTPELLIER

N° RG 17/01258

DEMANDEURS A LA REQUETE ET APPELANTS :

Monsieur [L] [N]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Benjamin EQUIN substituant Me Jordan DARTIER de la SELARL ACTAH & ASSOCIES, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Appelant dans 19/07988

Madame [R] [O] épouse [N]

née le [Date naissance 3] 1967 à[Localité 9])

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Benjamin EQUIN substituant Me Jordan DARTIER de la SELARL ACTAH & ASSOCIES, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

Autre qualité : Appelant dans 19/07988

DÉFENDERESSE A LA REQUETE ET INTIMÉE :

Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon Banque coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du Code monétaire et financier - SA à Directoire et Conseil d'Orientation et de Surveillance - capital social 370 00 000 euros - RCS Montpellier 383 451 267 -intermédiaire d'assurance immatriculé à l'ORIAS sous le n° 07 005 729 - Titulaire de la carte professionnelle 'Transactions sur immeubles et fonds de commerce, sans perception de fonds, effets ou valeurs' n° 2008/34/2106, délivrée par la Préfecture de l'Hérault, garantie par CEGC [Adresse 2], [Localité 8], prise en la personne du Président de son Directoire

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Christophe BLONDEAUT substituant Me Alexia ROLAND de la SCP VPNG, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Autre qualité : intimée dans 19/07988

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-José FRANCO, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, prévue le 16 mai 2024 et prorogé au 23 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 2 août 2007, M. et Mme [R] [N] ont contracté un prêt immobilier 'Concepto Cap n°1276351" auprès de la Caisse d'Epargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon (ci-après la Caisse d'épargne) d'un montant de 920 000 euros remboursable en 252 mois, dont une période différé total de 12 mois, au taux nominal fixe de 4,47 % l'an et un TAEG de 4,47 % l'an.

Le 8 août 2008, ils ont contracté un prêt immobilier 'Primo écureuil n°1293641" auprès de la Caisse d'épargne d'un montant de 153 500 euros remboursable en 240 mois, hors période de préfinancement de 30 mois, au taux nominal fixe de 5,75 % l'an, et un TAEG 5,98 %.

Le 20 mai 2010, un premier avenant au prêt Primo écureuil a été conclu ramenant le taux nominal à 4,30 % l'an.

Le 26 novembre 2010, ils ont sollicité de la Caisse d'épargne une renégociation des taux de leurs crédits et réitéré cette demande par courriel le 12 mars 2012, en vain.

Le 17 juillet 2012, ils ont saisi également en vain le médiateur de la banque de cette même demande.

C'est dans ces circonstances que le 25 février 2013, la banque a proposé aux époux [N], suivant avenants, une modification des taux et un allongement de la durée des prêts.

Ainsi, à cette date un second avenant au prêt Primo écureuil a été conclu, portant sur le réaménagement du capital restant dû soit la somme de 131 450, 17 euros aux conditions suivantes remboursable en 212 mois au taux nominal de 3,560 % et un TAEG de 3,576 % l'an.

A la même date, un avenant au prêt 'Concept cap' a été conclu portant sur le réaménagement du capital restant dû soit la somme de 792 737,61 euros remboursable en 209 mensualités de 5095,09 euros au taux nominal de 3,560 % l'an et un TAEG de 3,563 % l'an.

Le 3 septembre 2013, la Caisse d'épargne a transmis aux consorts [N] un tableau d'amortissement relatif au prêt Concept cap faisant mention de mensualités à 5 098,20 euros.

Estimant que le tableau d'amortissement présentait des erreurs et que les avenants du 25 février 2013 prévoyaient un calcul des intérêts sur la base d'une année lombarde et la banque leur affirmant qu'iln'existait aucune irrégularité, ils ont saisi leur assureur lequel a fait diligenter une expertise dont il est ressorti une erreur sur le TAEG appliqué au prêt Concept cap affectant le calcul des intérêts fondé sur la base d'une année lombarde.

C'est dans ce contexte que par acte en date du 22 février 2017, les consorts [N] ont fait assigner la Caisse d'épargne aux fins de voir ordonner la nullité de la stipulation des intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 3 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

- Déclaré recevable la demande en nullité de la stipulation d'intérêts contractuels fondée sur l'article 1907 du code civil;

- Déclaré irrecevable comme prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels concernant le contrat de prêt d'un montant de 920 000 euros conclu le 14 août 2007 ;

- Déclaré irrecevable comme prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels concernant le contrat de prêt de 153 500 euros conclu le 15 septembre 2008 ;

- Déclaré irrecevable comme prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels concernant l'avenant du 25 février 2013 au prêt de 920 000 euros en ce qu'elle se fonde sur la non prise en compte des frais de garantie ;

- Déclaré recevable comme non prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels concernant l'avenant du 25 février 2013 au prêt de 920 000 euros et l'avenant du 25 février 2013 au prêt de 153 500 euros en ce qu'elle se fonde sur le recours à l'année lombarde ;

- Au fond, rejeté les demandes des consorts [N] ;

- Déclaré irrecevable comme prescrite la demande indemnitaire pour manquement de la banque au devoir de conseil et de mise en garde ;

- Condamné les consorts [N] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné les consorts [N] aux dépens de l'instance ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Les consorts [N] ont relevé appel de ce jugement le 12 décembre 2019.

Par arrêt du 21 septembre 2022, la cour d'appel de ce siège a :

- Ordonné le retrait de la procédure ;

- Dit que l'affaire sera rétablie à la demande de la partie la plus diligente, à moins que la péremption de l'instance ne soit acquise entre-temps ;

- Dit que cette mesure d'administration judiciaire emporte suppression de l'affaire du rang des affaires en cours ;

- Réservé les dépens.

Le 27 octobre 2022, les consorts [N] ont demandé la réinscription après retrait du rôle.

En cours de procédure, deux nouveaux avenants ont été conclus.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 21 février 2024, les consorts [N] demandent en substance à la cour de :

- Rejeter toutes conclusions contraires comme étant injustes et mal fondées ;

- Rétablir au rôle de la cour l'affaire RG 19/07988 opposant les consorts [N] à la Caisse d'épargne ;

- Débouter la Caisse d'épargne de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevable comme prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels concernant le contrat de prêt d'un montant de 920 000 euros conclu le 14 août 2007 ;

- Déclaré irrecevable comme prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels concernant le contrat de prêt de 153 500 euros conclu le 15 septembre 2008 ;

- Déclaré irrecevable comme prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels concernant l'avenant du 25 février 2013 au prêt de 920 000 euros en ce qu'elle se fonde sur la non prise en compte des frais de garantie ;

- Au fond, a rejeté leurs demandes ;

- Déclaré irrecevable comme prescrite la demande indemnitaire pour manquement de la banque au devoir de conseil et de mise en garde;

- Les a condamnés à payer à la Caisse d'épargne la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens.

- Constater que la Caisse d'épargne a modifié les prêts concepto cap et primo écureuil par avenants et nouveaux tableaux d'amortissement en date du 29 janvier 2024. Constater que les modifications ont permis de régulariser les irrégularités soulevées par les époux [N], démontrant ainsi l'aveu par la banque du bien-fondé de leurs moyens.

- Constater que concernant le prêt du 14 août 2007 et le tableau d'amortissement correspondant, la Caisse d'épargne calcule les intérêts par la méthode de l'équivalence et le recours au mois normalisé sans comporter de clause en ce sens et calcule en outre les intérêts par le recours au mois normalisé sur la base d'une année Lombarde de 360 jours ;

- Déclarer que le TAEG mentionné dans le prêt de 920000 euros et dans l'avenant en date du 25 février 2013 est erroné ;

- Les déclarer emprunteurs profanes, et dire qu'ils ne pouvaient pas déceler l'irrégularité relative au TAEG et au calcul des intérêts sur la base d'une année Lombarde à la seule lecture de l'offre ou de l'acte de prêt ;

- Les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes les jugeant non prescrites ;

- Prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel du contrat de prêt en date du 14 août 2007 ;

- Ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel concernant le contrat en date du 14 août 2007 et notamment sur la période allant du 14 août 2007 au 30 avril 2013 ;

- Condamner en conséquence la caisse d'épargne à leur payer les sommes trop perçues au titre des intérêts versés au-delà du taux légal concernant le contrat de prêt du 14 août 2007 ;

- Prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel de l'avenant du 25 février 2013 au contrat de prêt en date du 14 août 2007 ;

- Ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel concernant l'avenant du 25 février 2013 au contrat de prêt en date du 14 août 2007 et ce, à partir des échéances payées à compter du 1er mai 2013 ;

- Condamner en conséquence la Caisse d'épargne à leur payer les sommes trop perçues au titre des intérêts versés au-delà du taux légal concernant l'avenant du 25 février 2013 au contrat de prêt du 14 août 2007 ;

- Constater que le contrat de prêt de 153 500 euros en date du 15 septembre 2008 et l'avenant du 25 février 2013 comportent une clause faisant référence à l'année de 360 jours et calcule les intérêts par le recours au mois normalisé sur la base d'une année lombarde de 360 jours ;

- Déclarer que le TAEG mentionné dans le contrat de prêt en date du 15 septembre 2008 et l'avenant en date du 25 février 2013 est erroné ;

- Déclarer que les consorts [N] sont des emprunteurs profanes et ne pouvaient pas déceler l'irrégularité relative au TAEG et au calcul des intérêts sur la base d'une année Lombarde à la seule lecture de l'offre ou de l'acte ;

- Les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes les jugeant non prescrites ;

- Prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel du contrat de prêt en date du 15 septembre 2008 ;

- Ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel concernant le contrat de prêt en date du 15 septembre 2008 et notamment sur la période allant du 15 septembre 2008 au 30 avril 2013 ;

- Condamner en conséquence la Caisse d'épargne à leur payer les sommes trop perçues au titre des intérêts versés au-delà du taux légal concernant le contrat de prêt du 15 septembre 2008 ;

- Prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel de l'avenant en date du 25 février 2013 au contrat du 15 septembre 2008 ;

- Ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel concernant l'avenant en date du 25 février 2013 au contrat de prêt du 15 septembre 2008 et ce, à partir des échéances payées à compter du 1er mai 2013 ;

- Condamner en conséquence la caisse d'épargne à leur payer les sommes trop perçues au titre des intérêts versés au-delà du taux légal concernant l'avenant en date du 25 février 2013 au contrat du 15 septembre 2008 ;

- Condamner la caisse d'épargne à leur payer la somme de 25 500 euros, à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde ;

- Confirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il a :

- Déclaré recevable la demande en nullité de la stipulation d'intérêts contractuels fondée sur l'article 1907 du code civil ;

- Déclaré recevable comme non prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels concernant les avenants du 25 février 2013, en ce qu'elle se fonde sur le recours à l'année Lombarde ;

- Condamner la Caisse d'épargne à leur payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 1er mars 2024, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon demande en substance à la cour de :

- Dire recevable et bien fondé le présent appel ;

- Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture du 22 février 2024 ;

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré intrinsèquement recevable la demande de nullité de la stipulation des intérêts des époux [N] ;

- Juger intrinsèquement irrecevable la demande de nullité de la stipulation des intérêts ;

- Juger prescrites les actions au titre des prêts des 2 août 2007, 8 août 2008 et des avenants du 25 février 2013 en ce qui concerne le grief tiré du caractère prétendument erroné du TAEG ;

- Subsidiairement, juger que les TAEG des prêts et des avenants sont réguliers ;

- Quoi faisant, débouter les époux [N] de leur demande visant à voir prononcer la nullité de la stipulation des intérêts ;

- Déclarer irrecevables les demandes tendant à la modification du taux conventionnel postérieurement à la prise d'effet des avenants régularisés le 8 février 2024, soit le 1er octobre 2024 ;

- Condamner les époux [N] à payer à la Caisse d'épargne une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 février 2024, sa révocation le 14 mars 2024 aux fins de recevoir les conclusions de la caisse d'Epargne remises les 29 février et 1er mars 2024 et la nouvelle ordonnance de clôture rendue le 14 mars 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la recevabilité intrinsèque de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts

La caisse d'épargne soutient que c'est à tort que le premier juge a déclaré recevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts engagée par les époux [N] alors que depuis l'ordonnance du 17 juillet 2019 applicable immédiatement aux contrats en cours conformément à l'avis n° 15004 de la cour de cassation en date du 10 juin 2020, la mention d'un taux conventionnel erroné dans un contrat immobilier est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Cependant, ce moyen, qui tend en réalité à faire juger cette action mal-fondée sur le fondement des dispositions sus-visées - effectivement applicables aux instances en cours - sera écarté par la cour, et l'action jugée recevable et examinée au fond conformément à ce que jugé en première instance.

- Sur la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts au titre des offres de prêt initiales

Les époux [N] font grief au premier juge d'avoir déclaré irrecevable comme étant prescrite leur action en nullité au titre des deux contrats de prêt des 14 août 2007 et 15 septembre 2008 alors que le point de départ de l'action en nullité se situe à la date à laquelle ils ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant de l'exercer c'est-à-dire le jour de la remise du rapport d'expertise des offres de prêt le 17 août 2016 dès lors que la simple lecture des offres de prêt ne leur permettait pas en leur qualité d'emprunteurs profanes de déceler les irrégularités.

La banque leur oppose le fait que les éléments invoqués au soutien de leur action étaient décelables dès la signature des offres de prêt.

Tant sous l'empire des dispositions de l'article 1304 du code civil ancien que par application des dispositions de l'article 2224 du code civil entré en vigueur le 18 juin 2008, le point de départ de la prescription de l'action fondée sur le caractère erroné des taux figurant dans l'acte de prêt se situe au jour où l'emprunteur a connu, ou aurait dû connaître l'erreur alléguée affectant ledit taux, soit, à la date de la convention si l'examen de sa teneur permettait de constater cette erreur, soit, lorsque tel n'est pas le cas, à la date à laquelle celle-ci a été révélée à l'emprunteur.

Or en l'espèce outre le fait pertinemment rappelé par le premier juge que les emprunteurs ont attendu près de neuf ans pour obtenir une expertise destinée à l'analyse des offres de crédit laquelle a été réalisée sur la seule base des éléments dont ils disposaient déjà à savoir les offres de prêt et les tableaux d'amortissement, la cour observe que la simple lecture de ces documents contractuels fait apparaître que les frais de garantie s'élèvent à 100 euros, que les frais d'assurance n'ont pas été pris en compte puisque la mention « échéance hors assurance » figure sur l'offre de prêt du 2 août 2017, et celle de « 0 » figure sur l'offre de prêt du 8 août 2008 et qu'il en va de même s'agissant de l'absence de mention des frais d'assurance-décès dans les tableaux d'amortissement des deux prêts.

Dès lors en conséquence que la simple lecture des documents contractuels permettait aux emprunteurs de faire apparaître ne serait-ce qu'un au moins des motifs de nullité invoqués au soutien de leur action introduite plus de cinq ans après leur signature, cette action ne peut qu'être déclarée prescrite ainsi que jugé à bon droit par le tribunal.

- Sur la prescription de la stipulation d'intérêts au titre des avenants du 25 février 2013

C'est à bon droit sur la base des motifs identiques à ceux qui précèdent que le premier juge a déclaré prescrite l'action en nullité fondée sur le fait que les avenants n'intègrent pas les frais de prise de garantie dès lors que cette omission apparaît de leur simple lecture.

S'agissant de la nullité fondée sur la clause dite lombarde insérée dans les avenants, le premier juge a considéré qu'elle était recevable et l'a déclarée mal-fondée.

Cette clause est inscrite sans ambiguïté en page 2 de chacun des avenants aux crédits litigieux. La cour considère dès lors que les emprunteurs ont pu, à la simple lecture des dites clauses, constater que le calcul du taux d'intérêt était basé sur une année théorique de 360 jours et non sur une année civile de 365 jours, et sont dès lors irrecevables à invoquer ce moyen de nullité plus de cinq ans après leur acceptation des dits avenants.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré recevable ce moyen de nullité.

- Sur le devoir de mise en garde

- Sur la recevabilité de l'action indemnitaire

Les époux [N] font observer que la banque a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde tant lors de la souscription des prêts initiaux que lors de la signature des avenants de 2013 et qu'en leur qualité d'emprunteurs profanes les dispositions de l'article L110-4 du code du commerce leur sont inapplicables de sorte que la décision du premier juge qui a déclaré leur action indemnitaire irrecevable doit être infirmée.

Le tribunal a considéré par application combinée des dispositions des articles L110-4 du code du commerce et 2224 du code civil et après avoir fixé le point de départ des actions indemnitaires au 19 juin 2013 au titre du prêt consenti le 14 août 2007 et au 19 juin 2013 au titre du prêt accepté le 15 septembre 2008, que ces actions étaient prescrites.

Cependant, le délai de prescription d'une action fondée sur le manquement d'une banque à son obligation de mise en garde d'un emprunteur non-averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt commence à courir à la date de la manifestation du dommage, et non à la date du contrat.

La date de manifestation du dommage peut en l'espèce être fixée au 10 août 2012 date à laquelle M. et Mme [N] écrivent au médiateur de la Caisse d'Epargne qu'ils ne peuvent plus assumer le règlement des échéances de leurs prêts et sollicitent leur restructuration.

L'action indemnitaire ayant été engagée le 22 février 2017 doit en conséquence être déclarée recevable, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

- Sur le bien-fondé de l'action indemnitaire

Il est acquis que repose sur le banquier dispensateur de crédit sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil ancien applicable à l'espèce une obligation de mise en garde de l'emprunteur non averti au regard du risque d'endettement excessif dès lors que ses capacités de remboursement sont inadaptées à l'opération de prêt envisagée.

Il appartient aux emprunteurs de démontrer que les prêts n'étaient pas adaptés à leur situation financière et créaient de ce fait un risque d'endettement contre lequel ils devaient être mis en garde.

Or, en l'espèce, les époux [N] ne précisent nullement en quoi la charge de remboursement des prêts était, lors de leur souscription, inadaptée à leur situation financière et patrimoniale qu'ils se gardent de décrire.

La cour est néanmoins en mesure de relever dans les pièces versées aux débats que les deux prêts immobiliers étaient destinés à financer la construction d'une immeuble locatif ce dont il résulte nécessairement que les biens acquis étaient sources de revenus, que les emprunteurs étaient en outre propriétaires lors de leurs engagements d'une maison à usage d'habitation sise à [Localité 6] qui a fait l'objet d'une inscription hypothécaire conventionnelle en garantie du prêt consentie le 2 août 2007.

Que les époux [N] indiquent dans le courrier déjà cité du 10 août 2012 adressé au médiateur de la banque avoir réalisé cet investissement en prévision de leur retraite et qu'à cette date ils n'en attendent pas de revenus étant toujours en activité, ce dont il résulte que s'ils commençaient lors de la rédaction de ce courrier à éprouver des difficultés à honorer leurs engagements ce qui motivait leur demande de réaménagement de leurs crédits, ils n'étaient pas à ce stade en situation d'endettement.

Par ailleurs, la banque répondant à leurs inquiétudes, a fait droit à leur demande de réaménagement au moyen des avenants consentis en février 2013.

Il suit de ces observations que les époux [N] qui ne justifient pas d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde seront déboutés de leur demande indemnitaire.

Parties succombantes, les époux [N] seront condamnés aux dépens d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré recevable comme non prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels en ce qu'elle se fonde sur le recours à l'année lombarde,

- déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action indemnitaire fondée sur le devoir de mise en garde,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déclare irrecevable comme étant prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels en ce qu'elle se fonde sur le recours à l'année lombarde.

Déclare recevable l'action indemnitaire fondée sur le devoir de mise en garde.

La dit mal-fondée.

Déboute en conséquence les époux [N] de leur demande indemnitaire.

Confirme le surplus des dispositions du jugement.

Y ajoutant,

Condamne les époux [N] aux dépens d'appel.

Les condamne à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/05506
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;22.05506 ?
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