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23/05/2024 | FRANCE | N°22/00899

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 23 mai 2024, 22/00899


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à













COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 23 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00899 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKCX



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 janvier 2022

Juge des Contentieux de la Protecti

on - Tribunal judiciaire de PERPIGNAN - N° RG 11-20-000396





APPELANTE :



Ste Coopérative Banque populaire du Sud immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le n°554 200 808, et pour elle son représentant légal en exercice

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Marjorie AGIER, avoca...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 23 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00899 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKCX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 janvier 2022

Juge des Contentieux de la Protection - Tribunal judiciaire de PERPIGNAN - N° RG 11-20-000396

APPELANTE :

Ste Coopérative Banque populaire du Sud immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le n°554 200 808, et pour elle son représentant légal en exercice

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, présente sur l'audience, substituant Me Harald KNOEPFFLER, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

INTIMES :

Monsieur [K], [Z] [G]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 8] (Espagne)

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Fabien CAUQUIL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant

Madame [U] [V] épouse [G]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Fabien CAUQUIL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-José FRANCO, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, prévue le 16 mai 2024 et prorogé au 23 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [G] a ouvert en 2008 dans les livres de la Banque populaire du Sud (ci-après la banque) un compte bancaire professionnel au nom de la SARL [G] [K] [Z] (ci-après la SARL) en sa qualité de gérant et associé unique.

Le 16 décembre 2016, la banque a consenti à M. [K] [Z] [G] et Mme [U] [V] épouse [G] (ci-après les époux [G]) un prêt personnel d'un montant de 20 000 euros au taux nominal de 6,32 %.

Suivant jugement du 27 juillet 2017, le tribunal de commerce de Perpignan a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL.

Les époux [G] arguant d'une faute de la banque dans le respect de son obligation de conseil et de mise en garde lors de l'octroi du prêt personnel l'ont fait assigner en indemnisation devant le tribunal judiciaire de Perpignan.

Par jugement contradictoire en date du 7 janvier 2022 le tribunal  a :

- Rejeté la fin de non-recevoir soulevée in limine litis par la Banque populaire du Sud ;

- Dit subséquemment recevables en leur action [Z] [G] [K] et [U] [V] ;

- Dit que la société Banque populaire du Sud a manqué à son devoir de mise en garde et est déchue de son droit aux intérêts ;

- Condamné la société Banque populaire du Sud à payer à [Z] [G] [K] et [U] [V] les sommes de :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- 4 306,45 euros au titre de la déchéance du droit aux intérêts ;

- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- Dit que les sommes perçues au titre des intérêts par la société Banque Populaire du Sud en exécution du contrat de prêt personnel de 20 000 euros souscrit par [Z] [G] [K] et [U] [V] par offre de crédit acceptée le 16 décembre 2016, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par la Banque populaire du Sud ou imputées sur le capital restant dû ;

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;

- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement et rappelle qu'il est exécutoire par provision nonobstant appel ;

- Mis les dépens à la charge de la société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable, Banque populaire du Sud et, en tant que de besoin, l'y condamne.

La Banque populaire du Sud a relevé appel de ce jugement le 15 février 2022.

Par ordonnance en date du 19 mai 2023, le conseiller de la mise en état saisi par les époux [G] a :

- Rejeté la demande de caducité de la déclaration d'appel présentée par M et Mme [G] ;

- Prononcé l'irrecevabilité des conclusions déposées le 5 janvier 2023 par la banque populaire du Sud et répondant notamment à leur appel incident, régularisé le 14 juin 2022 ;

- Condamné la banque populaire du Sud à payer à M et Mme [G] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Réservé les dépens ;

- Rappelé que l'ordonnance est susceptible d'être déférée dans les conditions de l'article 916 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS

Par conclusions remises par voie électronique le 29 avril 2022, la Banque populaire du Sud demande en substance à la cour de réformer le jugement, et statuant à nouveau, de :

- Déclarer les époux [G] irrecevables en leurs demandes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;

En tout état de cause :

- Débouter les époux [G] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

- Condamner solidairement les époux [G] à verser la Banque populaire du Sud la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les époux [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 14 juin 2022, les consorts [G] demandent en substance à la cour de:

- Déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par la Banque populaire du Sud ;

- Déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par les consorts [G] ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Rejeté la fin de non-recevoir soulevée in limine litis par la société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable, Banque populaire du Sud;

- Dit subséquemment recevables en leur action [Z] [G] et [U] [V] ;

- Dit que la société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable, Banque populaire du Sud a manqué à son devoir de mise en garde et est déchue de son droit aux intérêts ;

- Condamné la société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable, Banque populaire du Sud à payer à [Z] [G] [K] et [U] [V] les sommes de :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- 4 306,45 euros au titre de la déchéance du droit aux intérêts ;

- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- Dit que les sommes perçues au titre des intérêts par la société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable, Banque populaire du Sud en exécution du contrat de prêt personnel de 20 000 euros souscrit par [Z] [G] [K] et [U] [V] par offre de crédit acceptée le 16 décembre 2016, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par la société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable, Banque populaire du Sud ou imputées sur le capital restant dû;

- Mis les dépens à la charge de la société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable, Banque populaire du Sud et, en tant que de besoin, l'y condamne.

- Reformer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes et plus précisément concernant les consorts [G] celles tendant à voir :

dire et juger que la banque a exercé une violence économique à l'encontre des co-emprunteurs en les contraignant à souscrire le prêt n°07400 comme particulièrement défavorable à leur détriment. En conséquence,

condamner la banque à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts des préjudices moraux subis à ce titre ;

- Dit qu'il n'y aura pas lieu d'examiner les autres moyens des demandeurs assortis des mêmes sanctions, et plus précisément tendant à voir :

constater le caractère erroné à hauteur d'un écart de 1,82 % (soit plus de 18 dixièmes) du TAEG stipulé au contrat de prêt n°0400 avec celui réellement appliqué de 8,76 % ;

constater que la banque populaire du Sud a procédé à un retrait de l'assurance emprunteur afin de positionner le TAEG à l'extrême limite du taux usuraire ;

constater que la Banque populaire du Sud a fait une présentation particulièrement trompeuse et fautive du coût du crédit proposé à ses emprunteurs;

constater que le taux d'intérêt stipulé au contrat de prêt n°07400 présente un caractère usuraire à hauteur de la différence de 1,81 % au sens de la législation en vigueur ;

En conséquence, les consorts [G] demandent à voir dire et juger que la Banque populaire du Sud est déchue de l'intégralité des intérêts contractuels à ce titre et sera condamnée à la restitution des sommes perçues à ce titre ;

- Condamner la Banque populaire du Sud au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 février 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la fin de non- recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir

La banque poursuit en cause d'appel le moyen écarté en première instance fondé sur les dispositions des articles 30 alinéa 1er, 31 et 32 du code de procédure civile selon lequel les époux [G] seraient irrecevables en leurs demandes présentées pour le compte de la Sarl [G] [K] [Z] dès lors qu'ils ne justifient pas à titre personnel d'un intérêt à agir.

Il doit être cependant relevé à l'instar du premier juge que les époux [G] forment une demande indemnitaire et sollicitent le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts au titre du prêt personnel en qualité de co-emprunteurs que la banque leur a consenti le 16 décembre 2016, et non sur le découvert en compte de la Sarl dont M. [G] était le gérant.

Ils justifient dès lors de manière évidente de leur qualité et intérêt à agir de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

- Sur le manquement à l'obligation d'information et de mise en garde

La banque fait grief au premier juge d'avoir considéré qu'elle avait manqué à son obligation de mise en garde alors qu'elle a notifié à chacun des co-emprunteurs les informations pré-contractuelles, que le taux d'endettement de ces derniers n'était pas excessif puisqu'il ressortait à 28,85% et non à 36% comme retenu par le premier juge, lequel a de manière erroné intégré dans son assiette de calcul les cotisations d'assurance.

La banque fait observer en outre que les capacités financières des emprunteurs telles que ressortant de la fiche d'informations renseignée lors de l'octroi du prêt leur permettaient contrairement à leurs allégations de faire face à leurs obligations.

Les époux [G] considèrent quant à eux que la banque n'a pas satisfait à son obligation d'information et de mise en garde du fait non seulement de l'absence de réelle vérification de leurs capacités de remboursement arguant de ce que la fiche dite «dialogue» comportait des renseignements erronés quant au montant de leurs revenus et soutenant que la banque aurait notamment inventé un revenu complémentaire de 127 euros ne correspondant à aucune réalité aux fins de correspondre exactement au montant de l'échéance d'un précédent prêt.

S'agissant de l'obligation d'information, l'article L312-12 dans sa version applicable à l'espèce, indique que :

« Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, sous forme d'une fiche d'informations, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d'informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Cette fiche comporte, en caractères lisibles, la mention indiquée à l'article L. 312-5.

Lorsque le consommateur sollicite la conclusion d'un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d'informations mentionnée au premier alinéa lui soit remise sur le lieu de vente.

Lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui la souscription d'une assurance, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit informe l'emprunteur du coût de l'assurance en portant à sa connaissance les éléments mentionnés à l'article L. 312-7.»

L'article L312-14 du code de la consommation dans sa version applicable depuis le 01 juillet 2016 prévoit que :

« Le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L312-12. Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur. Lorsque le crédit est proposé sur un lieu de vente, le prêteur veille à ce que l'emprunteur reçoive ces explications de manière complète et appropriée sur le lieu même de la vente, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges ».

En l'espèce, la banque justifie en pièce 5 de son dossier de la remise aux emprunteurs le 16 décembre 2016 de la fiche pré-contractuelle d'informations exigée par le texte sus-visé leur ayant permis d'appréhender clairement l'étendue de leur engagement tel que le montant, la durée du crédit, le coût total du crédit, le taux débiteur, le taux annuel effectif global, ainsi qu'une fiche explicative également signée par les emprunteurs des conséquences de la souscription d'un prêt sur leur situation financière notamment en cas de défaut de paiement.

Ont également été portées à leur connaissance au moyen d'une fiche d'informations qu'ils ont signée les conditions de l'assurance couvrant les risques décès et perte d'autonomie.

La banque justifie ainsi du respect de son devoir d'information.

S'agissant du devoir de mise en garde, il est acquis que repose sur le banquier dispensateur de crédit sur le fondement des dispositions de l'article 1231-1 du code civil une obligation de mise en garde de l'emprunteur non averti quant à l'adéquation de ses capacités de remboursement avec l'opération de prêt envisagée au regard du risque d'endettement excessif, et qu'il lui incombe de rapporter la preuve qu'il a satisfait à cette obligation qui exige que le banquier doit vérifier avant d'apporter son concours les capacités financières de son client.

L'article L312-16 du code de la consommation stipule qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.

L'article L312-17 du même code prévoit que lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d'une technique de communication à distance, une fiche d'informations distincte de la fiche mentionnée à l'article L. 312-12 est remise par le prêteur ou par l'intermédiaire de crédit à l'emprunteur.

Cette fiche, établie par écrit ou sur un autre support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier.

La fiche est signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l'emprunteur et contribue à l'évaluation de sa solvabilité par le prêteur. Les informations figurant dans la fiche font l'objet d'une déclaration certifiant sur l'honneur leur exactitude.

Cette fiche est conservée par le prêteur pendant toute la durée du prêt.

Si le montant du crédit accordé est supérieur à un seuil défini par décret, (ce seuil étant de 3000 euros) la fiche est corroborée par des pièces justificatives dont la liste est définie par décret.

L'article D312-8 précise que les pièces justificatives mentionnées à l'article L. 312-17 sont les suivantes :

1° Tout justificatif du domicile de l'emprunteur ; et

2° Tout justificatif du revenu de l'emprunteur ; et

3° Tout justificatif de l'identité de l'emprunteur.

Les pièces justificatives doivent être à jour au moment de l'établissement de la fiche d'information mentionnée à l'article L.312-17.

En l'espèce, la cour observe d'une part que la fiche dialogue produite par la banque porte la mention outre d'un revenu principal de 1350 euros, celle d'une autre source de revenus d'un montant mensuel de 127 euros et que la banque ne justifie pas, alors qu'elle en a l'obligation en vertu des dispositions qui précèdent, avoir sollicité de ses clients la justification de leurs revenus et en particulier de ce revenu complémentaire de 127 euros, et s'abstient en tout état de cause de produire ces justificatifs en même temps que la fiche dialogue.

La cour observe d'autre part à la suite du premier juge que la banque a sous-estimé la charge mensuelle de remboursement au titre du prêt litigieux en retenant à tort le montant de la mensualité hors assurance au motif que l'assurance ne serait pas obligatoire alors que le montant de la cotisation d'assurance est une charge effective de l'emprunteur qui doit être prise en compte pour évaluer ses capacités de remboursement de sorte que le taux d'endettement des époux [G] ressortait non à 28% comme soutenu par la banque, mais à 36 % (405,55+126,81 au titre du remboursement d'un précédent prêt / 1477 x100) comme relevé par le premier juge, voire même à 39 % en retenant comme seul montant non contesté de revenus (ainsi que le fait d'ailleurs la banque aux termes de ses conclusions) la somme de 1350,19 euros.

Il en résulte que la charge mensuelle de remboursement du prêt consenti par la banque n'étant manifestement pas en adéquation avec la situation financière des emprunteurs, et la banque ne rapportant pas la preuve de les avoir mis en garde sur les conséquences de cette inadéquation, c'est à bon droit que le premier juge a dit qu'elle leur devait réparation.

Le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter dont l'indemnisation a été justement évaluée par le premier juge à hauteur de 10 000 euros.

- Sur la faute du prêteur fondée sur la violence économique

Au soutien de leur demande indemnitaire au titre d'un préjudice moral, les époux [G] invoquent également les dispositions des articles 1130 et 1140 du code civil soutenant en substance que la banque détenait comme captive leur double relation bancaire et professionnelle et personnelle et a en outre exercé sur Madame [G] en situation de handicap et seule interlocutrice de la banque qui tentait de soutenir administrativement son époux, une violence et une pression illégitimes aux fins de les faire consentir à un nouveau prêt alors qu'elle ne pouvait ignorer leur situation catastrophique en raison de la mauvaise santé financière de la Sarl dont elle tenait également la totalité de la relation bancaire et que ce faisant, elle les a privés d'une chance de ne pas contracter pareil prêt ne présentant aucun intérêt économique, et consenti à des conditions usuraires.

Ils estiment en conséquence bien-fondée leur demande d'indemnisation au titre du préjudice moral à hauteur de 5000 euros.

La cour constate toutefois que les époux [G] échouent en cause d'appel comme en première instance à démontrer l'existence de manoeuvres dolosives exercées par la banque et de la violence invoquée qui les auraient contraints à souscrire l'emprunt litigieux de sorte que le jugement sera également confirmé sur ce point.

- Sur la faute tirée du défaut de consultation du FICP

En application de l'article L312-16 dans sa version applicable à la cause « Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L.511-7 du code monétaire et financier ».

L'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010 oblige les prêteurs à « conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable ». Les prêteurs «doivent », prévoit le texte, « être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l'intégrité des informations ainsi collectées ».

Les époux [G] soutiennent que la pièce produite par la banque ne satisfait pas aux dispositions des articles L312-16 du code de la consommation et 2 de l'arrêté du 26 octobre 2010 en ce qu'elle ne comporte pas notamment un numéro de consultation obligatoire par emprunteur et au modèle annexé à l'arrêté sus-visé de sorte que par application des dispositions de l'article L312-16 du code de la consommation la banque ne peut qu'être déchue du droit aux intérêts.

La banque soutient, quant à elle, que le document produit présente un caractère probant incontestable dès lors qu'il porte mention d'un certificat BDF portant le n° [Numéro identifiant 3] faisant état de l'absence de fichage.

La cour constate toutefois que ce document qui se présente comme un « récapitulatif du dossier » et non comme un bordereau informatique ou la reproduction d'une capture d'écran, porte en outre la mention d'un numéro de certificat identique pour les deux co-emprunteurs alors qu'un numéro différent est attribué par la banque de France à chaque personne faisant l'objet d'une interrogation du fichier. Dès lors la cour ne peut, à l'instar du premier juge, accorder une valeur probante aux mentions figurant sur ce document de sorte que la décision du tribunal ayant prononcé la déchéance du droit du prêteur aux intérêts par application des dispositions de l'article L341-2 du code de la consommation sera confirmée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé du surplus des moyens tendant aux mêmes fins.

Partie succombante, la Banque populaire du Sud sera condamnée aux dépens par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Banque populaire du Sud aux dépens d'appel.

La condamne à payer aux époux [G] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00899
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;22.00899 ?
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