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23/05/2024 | FRANCE | N°22/00734

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 23 mai 2024, 22/00734


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRÊT DU 23 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00734 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PJYV





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 10 novembre 2021

Tribunal judiciai

re de Perpignan - N° RG 21/01677





APPELANT :



Monsieur [S] [O]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Alice JACOUTOT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant présent sur l'audience







INTIMEE :


...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRÊT DU 23 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00734 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PJYV

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 10 novembre 2021

Tribunal judiciaire de Perpignan - N° RG 21/01677

APPELANT :

Monsieur [S] [O]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Alice JACOUTOT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant présent sur l'audience

INTIMEE :

S.A Bnp Paribas

Société anonyme immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 662 042 449 dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-Denis CLERMONT substituant Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant présent sur l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Frédéric DENJEAN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Frédéric DENJEAN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Le 18 juin 2012, aux termes d'un acte authentique, la société Sarl Café [O] (anciennement Garden Ice cafe [O]) a contracté auprès de la SA BNP Paribas un prêt professionnel d'un montant global de 821 750 euros composé en deux tranches :

- La tranche 1 dénommée "Prêt" à concurrence de 305 000 euros, remboursable sur 88 mensualités à compter du 5 novembre 2012, et destiné au règlement partiel du prix d'acquisition d'un fonds de commerce de vente d'huîtres et de crustacés ;

- La tranche 2 dénommée "ouverture de crédit", à concurrence de 516 570 euros remboursable sur 85 mensualités à compter du 5 octobre 2012, et destiné au financement de divers travaux pour l'exploitation du fonds de commerce.

M. [S] [O] et Mme [L] [O] sont intervenus en qualité de cautions solidaires de la société Café [O], en garantie du prêt, et ce dans la limite de 808 041 euros.

Par avenant du 5 janvier 2014, les conditions financières des tranches 1 et 2 de cet emprunt ont été modifiées, partant, de nouveaux tableaux d'amortissement ont été établis.

Par avenant du 16 octobre 2015, la SA BNP Paribas a consenti à la société Café [O] une augmentation de la durée de remboursement du prêt. Les époux [O] indiquent qu'aux termes de ce contrat, ils se sont à nouveau portés cautions solidaires pour un montant maximum de 348 208 euros, couvrant le paiement de 67,40 % du montant de la créance du au titre de la tranche n°2 du prêt.

Par jugement du 18 juin 2018, le tribunal de commerce de Tarbes a ouvert une procédure de sauvegarde judiciaire à l'encontre de la société Cafe [O], Me [I] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Le 13 juillet 2018, la SA BNP Paribas a régulièrement déclaré ses créances à titre privilégié, soit 136 811,70 euros pour la tranche 1 et 229 014,47 euros pour la tranche 2, outre intérêts conventionnels à échoir. Les créances ont été admises au passif.

Le 16 juillet 2018, par courriers recommandés avec accusé de réception, la SA BNP Paribas a notifié aux époux [O] cette déclaration de créance.

Par jugement du 25 novembre 2019, le tribunal de commerce Tarbes a prononcé la liquidation judiciaire de la société Café [O], Me [I] a été signé es qualité de liquidateur.

Le 3 décembre 2019 et le 21 septembre 2020, par courriers recommandés, la SA BNP Paribas a mis en demeure les époux [O] de satisfaire à leurs engagements de caution solidaire, sans succès.

Par jugement du 12 novembre 2020, la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actifs.

Le 14 octobre 2020, par courriers, Me [I] a notifié à la SA BNP Paribas les certificats d'irrecouvrabilité de ses créances.

La SA BNP Paribas argue que selon décomptes actualisés au 22 octobre 2020, les époux [O] restent lui devoir, au titre de leurs cautionnements solidaires susvisés, 153 238,39 euros au titre de la tranche 1 et 157 19, 40 euros au titre de la tranche 2.

C'est dans ce contexte que par acte du 1er juillet 2021, la SA BNP Paribas a fait assigner M. [O] aux fins d'obtenir paiement.

Par jugement réputé contradictoire en date du 10 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

- Condamné M. [O] en sa qualité de caution solidaire de la SARL Garden Ice Café [O] à payer à la SA BNP Paribas prise en la personne de son représentant légal la somme de 138811,70 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 3,95% l'an à compter du 3 décembre 2019 dans la limite de son engagement au titre de la tranche 1, dite "tranche prêt' n°606410-67, d'un montant de 305 000 euros, du prêt professionnel d'un montant total de 821 570 euros consenti suivant acte authentique du 12 juin 2012 ;

- Condamné M. [O] à payer à la SA BNP Paribas prise en la personne de son représentant légal la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

- Condamné M. [O] aux dépens ;

- Dit que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Le 7 février 2022, M. [O] a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 8 février 2024, M. [O] demande en substance à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

- Juger que l'acte de signification en date du 1er juillet 2021 est atteint d'un vice de forme qui cause à M. [O] un grief. En conséquence, prononcer la nullité de l'acte et du jugement subséquent rendu le 10 novembre 2021 ;

- A titre subsidiaire, sur le fond, juger que l'engagement de caution de M. [O] était manifestement disproportionné à ses biens et ses revenus au jour où il l'a souscrit, soit le 18 juin 2012. Partant, débouter la SA BNP Paribas de sa demande tendant à voir condamner M. [O] à lui payer le solde restant dû au titre de la tranche n°1 du contrat de prêt, outre les intérêts ;

- Subsidiairement, prononcer la déchéance de la totalité des intérêts et pénalités de retard relatifs à la tranche n°1 du contrat de prêt, échus depuis le 31 mars 2013. Partant, débouter la SA BNP Paribas de sa demande tendant à voir condamner M. [O] à lui payer les intérêts et pénalités de retard du contrat de prêt échus depuis le 31 mars 2013 ;

- En toute hypothèse, condamner la SA BNP Paribas à payer à M. [O] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC. Condamner la SA BNP Paribas aux entiers dépens d'instance qui incluront le droit de recouvrement à la charge du créancier fixé par le décret n°2016-230 du 26 février 2016 et par l'arrêté du 26 février 2016, si dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, aucun règlement n'est intervenu, contraignant le créancier à poursuivre par voie d'huissier.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 1er mars 2024, la SA BNP Paribas demande en substance à la cour de :

- Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par M. [O], et au fond, le dire injuste et infondé ;

- Déclarer l'acte de signification de l'assignation du 1er juillet 2021 régulier ;

- Juger que le cautionnement de M. [O] n'était pas manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus;

- Juger que la SA BNP Paribas a respecté son devoir d'information annuelle des cautions ;

- A défaut juger que la SA BNP Paribas est en toute hypothèse fondée à se prévaloir des intérêts légaux courant à compter de la première mise en demeure notifiée à M. [O] le 3 décembre 2019 ;

- En conséquence, débouter M. [O] de l'intégralité de ses moyens de nullité, demandes, fins et conclusions ;

- Sur l'appel incident de la SA BNP Paribas, le déclarer recevable et bien fondé.

- Réformer le jugement dont appel sur le quantum de la condamnation mise à la charge de M. [O] au titre de son cautionnement souscrit le 18 juin 2012 au profit de la SA BNP Paribas.

- En conséquence, statuant à nouveau, condamner M. [O] à payer à la SA BNP Paribas, au titre de son cautionnement consenti en garantie de la tranche 1 du prêt, la somme de 153 238, 39 euros, portant intérêts au taux contractuel majoré de 6,95 % l'an, à compter du 23 octobre 2020 et jusqu'à parfait paiement. Confirmer le jugement pour le surplus ;

- Juger que les intérêts dus pour au moins une année entière produiront eux-mêmes intérêts ;

- Condamner M. [O] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 4 mars 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Selon l'article 656 du code de procédure civile applicable à la date de l'assignation du 1er juillet 2021, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faîte à domicile.

L'article 114 du même code précise que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

L'appelant soutient que :

- la seule confirmation du domicile par le voisinage, sans autre précision, n'est pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l'acte.

- l'huissier de justice s'est contenté de se faire confirmer l'adresse du domicile par une personne rencontrée sur place à savoir un " voisin d'en face " sans plus de précision et dont l'identité n'est pas mentionnée, tout en s'abstenant de procéder à la vérification élémentaire de la présence du nom du destinataire de l'acte sur la boite aux lettres.

- les énonciations de l'acte de signification sont non seulement insuffisantes, mais par ailleurs erronées dès lors qu'il n'habitait plus à la date de l'acte d'assignation à l'adresse y figurant, mais au numéro [Adresse 1] sur la même commune.

- le manque de diligences lui cause indéniablement grief dès lors qu'il n'a pas été en mesure de se défendre devant le tribunal judiciaire et a été ainsi privé du bénéfice du double degré de juridiction qui est un principe essentiel de la procédure et de garantie d'équité pour le justiciable.

L'intimée soutient que :

- l'adresse de signification est justifiée par les échanges intervenus entre l'avocat de la Bnp Paribas et la société d'huissiers de [Localité 8], ainsi que par les statuts constitutifs de la société Sarl L'autentic datés du 1er mai 2021.

- M. [O] ne justifie pas que l'adresse de la signification n'était pas la sienne au moment de la délivrance de l'assignation.

- la fiche de visite de déclaration à l'administration fiscale indiquant sa prétendue nouvelle adresse à compter du 31 mai 2021 n'a aucune valeur probante.

- le prétendu courrier concernant un état des lieux de sortie fin mai 2021 qui ne comporte ni entête, ni logo de Foncia, ni signature, est manifestement un faux.

- aucun justificatif de domicile valable tels facture d'électricité, gaz, internet, téléphone, n'est versé aux débats.

Il est constant que :

- il appartient à l'huissier de justice instrumentaire de relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

- la seule mention dans l'acte de signification de la confirmation du domicile par différents voisins est insuffisante à caractériser les vérifications imposées à l'huissier de justice.

Il apparaît que :

- les échanges intervenus entre l'avocat de la Bnp Paribas et la société d'huissiers de [Localité 8], pas plus que par les statuts constitutifs de la société Sarl L'autentic datés du 1er mai 2021, donc antérieurs à la signification, n'établissent la réalité du domicile de M. [O] à l'adresse du lieu de signification en date du 1er juillet 2021.

- aucun élément ne démontre que la fiche de visite de déclaration à l'administration fiscale indiquant la nouvelle adresse de M. [O] à compter du 31 mai 2021, différente de celle de la signification de l'assignation, est inexacte.

- il n'est pas établi que le courrier du 11 mai 2021 fixant l'état des lieux de sortie du domicile situé au [Localité 4] à la date du 31 mai 2021 soit un faux, alors que figure sur celui-ci l'identité de la rédactrice qui possédait bien une adresse mail référencée @foncia.fr.

- la seule vérification mentionnée dans les modalités de remise de l'acte est la confirmation du domicile par le voisinage, cette vérification unique étant manifestement insuffisante puisque contraire au texte ci-dessus rappelé qui impose que des vérifications soient faites par l'huissier de justice, ce qui n'a pas été le cas.

- il n'est même pas mentionné dans les modalités de remise de l'acte la présence du nom du signifié sur la boite aux lettres, sonnette ou porte, pas plus que l'absence de ces éléments, ce qui justifiait d'effectuer des recherches complémentaires afin de s'assurer de la réalité de l'adresse, mais aucune recherche approfondie n'a manifestement été accomplie lors de cette signification.

- l'huissier de justice n'ayant pas accompli les diligences exigées afin de s'assurer de la réalité de la domiciliation de M. [O] à la date de signification de l'acte d'assignation, ce qui lui a nécessairement occasionné un grief pour l'avoir privé du double degré de juridiction, principe essentiel de la procédure judiciaire et garantie d'équité pour le justiciable, celle-ci doit être déclarée nulle, ainsi que le jugement subséquent rendu le 10 novembre 2021.

Par conséquent il conviendra d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Partie perdante, la SA BNP Paribas sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Prononce la nullité de l'acte de signification en date du 1er juillet 2021 et du jugement subséquent rendu le 10 novembre 2021,

Condamne la SA BNP Paribas aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SA BNP Paribas à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00734
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;22.00734 ?
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