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16/05/2024 | FRANCE | N°23/05192

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 16 mai 2024, 23/05192


ARRÊT n°

































AFFAIRE :



S.A. BANQUE INTERNATIONALE DU LUXEMBOURG



C/



[M]

[O]









































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 16 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/05

192 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P7YF



Décision déférée à la cour de renvoi par arrêt rendu par la cour de cassation le 27 septembre 2023 (arrêt n° 553 F-D) qui a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes, en date du 25 mars 2021 (RG n°19/2890) sur appel du jugement du tribunal de grande instance de Nîmes en date du 08 avril 2...

ARRÊT n°

AFFAIRE :

S.A. BANQUE INTERNATIONALE DU LUXEMBOURG

C/

[M]

[O]

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/05192 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P7YF

Décision déférée à la cour de renvoi par arrêt rendu par la cour de cassation le 27 septembre 2023 (arrêt n° 553 F-D) qui a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes, en date du 25 mars 2021 (RG n°19/2890) sur appel du jugement du tribunal de grande instance de Nîmes en date du 08 avril 2019 (RG n°16/03026)

Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile;

DEMANDERESSE A LA SAISINE :

S.a Banque Internationale du Luxembourg

société anonyme dont le siège social est [Adresse 7], inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro B-6307, constituée par acte de Maître [H] [S], alors notaire à [Localité 8], en date du 8 mars 1856, publié au Mémorial C, journal official du Grand-Duché de Luxembourg n°9 du 17 avril 1856, agissant poursuites et diligences de son Conseil d'Administration actuellement en fonction, dont les membres sont domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

Représentée par Me Camille GUIRAO substituant Me Vincent RIEU de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant présent sur l'audience et par Me Michel DRAILLARD, avocat au barreau de GRASSE

appelante devant la 1ère cour d'appel

DEFENDEURS A LA SAISINE

Madame [L] [M] épouse [O]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 9]

[Adresse 2]

Représentée par Me Fanny LAPORTE substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant présent sur l'audience

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-011797 du 08/01/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

intimée devant la 1ère cour d'appel

Monsieur [D] [O]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Fanny LAPORTE substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant présent sur l'audience

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-011795 du 08/01/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

intimé devant la 1ère cour d'appel

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe BRUEY, Conseiller en remplacement de M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre empêché, en application de l'article 456 du code de procédure civile et par Mme Henriane MILOT, greffier

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 8 avril 2015, la Sa Banque internationale du Luxembourg (ci-après 'la banque' ou 'BIL') a consenti une ouverture de crédit de 150 000 € à M. [D] [O] et son épouse, Mme [L] [M] épouse [O], sur leur compte courant, limitée au 31 décembre 2015 et avec application d'un taux d'intérêt conventionnel de 3,25 % l'an.

A titre de garantie, la banque a sollicité l'inscription d'hypothèque de premier rang sur l'immeuble de la Sci Fanny situé à Montpezat dont les époux [O] étaient les seuls associés, lesquels se sont engagés à faire intervenir la société à titre de caution solidaire et hypothécaire. Toutefois, l'acte n'a pas pu être régularisé.

Par lettre recommandée du 11 mars 2016, la banque a informé les époux [O] du solde débiteur de leur compte bancaire à hauteur de 165 251,79 €.

En outre, par courrier du 29 mars 2016, la banque a fait état aux époux d'autres créances résultants d'engagements commerciaux au profit de la Sa Financial Way, gérée également par les époux [O].

Dans ce contexte, la banque a fait assigner les époux [O], par acte en date du 4 juillet 2016.

Par jugement contradictoire rendu sous le bénéfice de l'exécution provisoire en date du 8 avril 2019, le tribunal de grande instance de Nîmes a :

- débouté la société Banque Internationale du Luxembourg de sa demande de condamnation des époux [O] au paiement de la somme de 165 251,79 € au principal ;

- condamné M. [D] [O] et Mme [L] [M] épouse [O] à verser à la société Banque Internationale du Luxembourg la somme de 25 251,79 € avec intérêt au taux conventionnel de 3,25% et ce à compter du 11 mars 2016 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière à compter du 4 juillet 2016 ;

- débouté M et Mme [O] de leur demande de dommages et intérêts et de leur prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande de la société Banque Internationale du Luxembourg présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Banque Internationale du Luxembourg aux entiers dépens de l'instance;

- prononcé l'exécution provisoire de la décision

Le 17 juillet 2019, la banque a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt contradictoire en date du 25 mars 2021, la cour d'appel de Nîmes a infirmé la décision déférée dans l'intégralité de ses dispositions sauf en ce qu'elle a ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière à compter du 4 juillet 2016 et, statuant à nouveau, a :

- condamné solidairement les consorts [O] à payer à la banque la somme de 165 251,79 € avec intérêts au taux conventionnel de 3,25% l'an à compter du 11 mars 2016 ;

- débouté les consorts [O] de l'intégralité de leurs prétentions ;

- les a condamnés solidairement à payer à la banque la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Les époux [O] ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 27 septembre 2023, la première chambre civile de la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes aux motifs que :

'Vu l'article 3 du code civil :

Pour condamner M et Mme [O] au remboursement de l'ouverture de crédit et rejeter leurs demandes tendant à mettre en cause la responsabilité contractuelle de la BIL, notamment pour manquement à son devoir de mise en garde, l'arrêt, après avoir reconnu que seul le droit luxembourgeois était applicable au litige, retient qu'ayant signé la convention de prêt du 8 avril 2015, les intimés ne pouvaient reprocher à la Banque d'avoir organisé le recouvrement d'une créance compromise au motif que le compte de la société Financial Way était débiteur à la date d'octroi du crédit le 21 avril 2015, ce que les époux [O] ne pouvaient eux-mêmes ignorer compte tenu de leur rôle dans cette société, qu'ils ne pouvaient en outre tirer argument de la procédure de faillite prononcée à l'égard de cette société par jugement du tribunal de commerce du Luxembourg le 3 octobre 2016 avec fixation de la date de cessation des paiements au 3 avril 2016 dans la mesure où ils échouaient à démontrer que la Banque aurait disposé d'informations supplémentaires sur cette société dont ils n'auraient pas eu connaissance, qu'enfin l'établissement de crédit qui accorde un prêt à un emprunteur non averti est tenu d'un devoir de mise en garde sur les risques d'endettement nés de l'octroi du prêt eu égard aux capacités financières de l'emprunteur et que les éléments produits par la

banque attestaient de la qualité de professionnels avertis des époux [O], de sorte que la BIL n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde.

En se déterminant ainsi, sans préciser sur quelles dispositions du droit

luxembourgeois, qu'elle reconnaissait pourtant applicable, elle a fondé sa décision, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision'.

La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Montpellier.

La banque a alors saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration de saisine du 20 octobre 2023.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 12 mars 2024, la Sa Banque internationale du Luxembourg demande en substance à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture, d'accueillir sa saisine, de préciser, dans la décision à intervenir, les autres dispositions luxembourgeoises justifiant du bien-fondé de ses prétentions et notamment les articles 1315 alinéa 1er, 1271 à 1281 du code civil luxembourgeois ainsi que les principes jurisprudentiels au titre du devoir de mise en garde d'une part et de la responsabilité de la banque d'autre part, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la somme de 165 251,79 € en principal, en ce qu'il a rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles et des dépens, confirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de :

- Débouter purement et simplement les époux [O] de leur appel incident et de l'ensemble de leurs demandes et argumentaire ;

- Les condamner solidairement à lui payer la somme de 165 251,79€, outre intérêts au taux conventionnel de 3,25% l'an du 1er janvier 2016 au jour du règlement ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts échus pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- Les condamner solidairement au paiement d'une somme de 9000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 12 février 2024, les époux [O] demandent en substance à la cour de réformer la décision en ce qu'elle les a condamnés au paiement de la somme de 25  51,79 € avec intérêts et en ce qu'elle les a déboutés de leurs demandes, confirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de :

- Annuler le prêt consenti aux époux [O] le 8 avril 2015

- Rejeter la demande de la banque tendant à leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 165 251,79 €, outre intérêts au taux conventionnel ;

- Condamner la banque au paiement de la somme de 165251,79 € à titre de dommages-intérêts ;

- La condamner, en toute hypothèse, à leur restituer la somme de 140 000 € indûment transférée de leur compte personnel à celui de la société financial way

- En tout état de cause, la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- La condamner au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 mars 2024, révoquée par une nouvelle ordonnance du 19 mars 2024 fixant la nouvelle clôture à cette date.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le droit applicable

La Bil soutient en lecture des stipulations contractuelles que le contrat est soumis à la loi luxembourgeoise, tandis que les époux [O] soutiennent l'application de la loi française, faisant valoir la fraude dont la banque se serait rendue l'auteur à leur égard en contournant les règles applicables au cautionnement, lequel est régi par la loi du pays où la caution a sa résidence habituelle.

Selon l'article 3 paragraphe 1 du règlement n°593/2008 du Parlement et du Conseil du 17 juin 2008, 'le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.'

La cour se doit de constater que les parties sont en l'état d'une convention sous seings privés en date du 8 avril 2015, par laquelle la Bil a consenti aux époux [O] une ouverture de crédit de 150 000€ destinée à injecter des fonds dans la société Financial Way. In fine, page 4 des conditions particulières, dans un paragraphe 'déclarations', situé immédiatement au dessus de leurs signatures, les époux [O], désignés sous le vocable 'client' déclarent avoir pris une copie et avoir lu et compris les conditions générales et la lettre d'aperçu des risques.

L'article 23 de ces conditions générales stipule : « Les relations entre la banque et ses clients sont soumises à la loi luxembourgeoise » et l'article 25 que « les Tribunaux du Grand-Duché du Luxembourg seront seuls compétent pour toutes contestations entre le client et la banque, celle-ci pouvant cependant porter le litige devant toute autre juridiction qui, à défaut de l'élection de juridiction qui précède, aurait normalement compétence à l'égard du client ».

Il s'en déduit sans équivoque que les parties ont entendu choisir la loi luxembourgeoise pour régir leurs relations, que le choix exprès des parties exclut tout recours aux circonstances de la cause (l'argument de la fraude opposé par les époux [O] est à cet égard inopérant) et que la banque a choisi de saisir la juridiction française territorialement compétente.

Sur la nullité de la convention

Les époux [O] invoquent deux moyens qui se recoupent au moins partiellement :

- la convention serait nulle car entachée de fraude puisque le prêt n'a été consenti qu'en lieu et place de leur cautionnement que la banque a cherché en réalité à obtenir.

Ce moyen se heurte toutefois à la participation consciente, pleine et entière des époux [O] au montage financier qu'ils dénoncent.

Comme il sera vu ci-dessous, les époux [O] sont des emprunteurs particulièrement avisés à qui il ne pouvait échapper que l'objet de l'ouverture de crédit qu'ils contractaient, expressément précisé comme destinée à injecter des fonds dans la société Financial Way, qu'ils dirigeaient, et qu'ils s'engageaient personnellement en qualité d'emprunteurs, non de cautions. Si la banque a effectivement recherché une caution, il s'agit de celle de la SCI Fanny dont les époux [O] étaient les associés, laquelle dispose d'une personnalité juridique distincte de la leur. La participation personnelle consciente des époux [O] à la fraude qu'ils dénoncent exclut toute fraude à leurs droits.

- la convention serait nulle pour absence de consentement : les époux [O] soulignent que la convention précisait qu'elle était à garantir par une inscription hypothécaire de premier rang par acte notarié et qu'aucune hypothèque n'a été consentie.

La cour a de première part quelques difficultés à comprendre le raisonnement des époux [O] lorsqu'ils écrivent que 'le courrier du 9 avril 2015 annulant et remplaçant le courrier du 8 avril 2015, la convention du 8 avril 2015 concomitante à celui-ci se trouve elle aussi annulée dès lors que l'une des conditions déterminantes des engagements n'a pas été remplie', étant observé que la cour ne trouve pas de courrier du 8 avril 2015 dans les pièces produites en demande ou en défense et que le courrier du 9 avril 2015 (pièce 10) fait état d'une ouverture de crédit à garantir par une inscription hypothécaire via l'engagement de la SCI Fanny en qualité de caution hypothécaire, conformément à la convention du 8 avril 2015. Il résulte toutefois de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes et des écritures des parties qu'un courrier du 8 avril 2015 a bel et bien existé, le courrier du 9 annulant et remplaçant celui du 8, dont la teneur serait de substituer l'engagement de caution solidaire et réelle de la SCI Fanny par un engagement en qualité de caution hypothécaire, le notaire ayant fait connaître les réserves juridiques qui s'opposaient au premier.

A considérer que le moyen tend à soutenir une novation de la convention, laquelle ne se présume pas, les époux [O] sont défaillants dans la preuve qui leur incombe à cet égard.

De seconde part, ils visent les articles 1002, 1100 et 1128 du code civil français, inapplicables puisque seul le droit luxembourgeois l'est.

En tout état de cause, au visa des textes français, dans une version qui n'était pas en vigueur au jour de la convention, ils sont malvenus à soutenir qu'ils n'ont pas consenti à la réalisation d'un élément déterminant de la convention tenant à la constitution de la garantie sollicitée dès lors que :

- la nullité est relative ;

- la garantie de l'inscription hypothécaire est stipulée au seul bénéfice de la banque, laquelle n'a pas entendu avant le 8 juillet 2015 comme stipulé dans la convention, se considérer comme déchargée de tous engagements découlant de celle-ci puisque l'ouverture de compte était débloquée le 20 avril 2015 et immédiatement affectée par la banque au compte de la société Financial Way qui en remerciait le chargé d'affaires par courriel du 21 avril 2015 ;

- la banque n'a été informée que tardivement, par courriel du notaire du 21 janvier 2016, de ce que la signature de l'acte notarié initialement prévue le 13 avril 2015, reportée au 15 avril 2015, selon projet produit en pièce 12 portant engagement de caution hypothécaire de la SCI Fanny, n'était pas intervenue puisque les époux [O] n'avaient pas réglé ses honoraires. Les fonds avaient d'ores et déjà été débloqués, sans faute de la part de la banque puisque la destination d'injection des fonds dans la société Financial Way était respectée.

Aucun moyen de défense n'est opposé par les époux [O] quant au quantum de la créance de la banque de telle sorte qu'au vu des pièces produites par celle-ci, le jugement sera infirmé et les époux [O] condamnés solidairement à lui payer la somme de 165251,79€ avec intérêts au taux conventionnel de 3,25% l'an à compter du 11 mars 2016, date de la mise en demeure; la condamnation au titre de la capitalisation des intérêts sera confirmée.

Sur la faute de la banque

La motivation ci-dessus répond à l'absence de faute en excluant toute fraude et toute faute dans l'affectation des fonds.

Il convient de la compléter en soulignant que l'affectation des fonds réalisée le 20 avril l'a été sans précipitation, la société Financial Way se fendant d'un courriel de remerciement, en exécution du mandat que la convention conférait au moins de manière implicite à la banque par la destination explicite de l'ouverture de crédit stipulée à l'acte. Il est particulièrement étonnant de lire dans les écritures des époux [O] que la banque a agi dans son intérêt exclusif alors qu'ils étaient demandeurs de financement pour cette nouvelle start up et qu'à considérer l'existence d'un 'montage', dont nul ne peut disconvenir qu'il était intéressant pour la banque, il ne l'était pas moins pour eux qui trouvaient le financement nécessaire au fonctionnement de leur société.

Rompus aux affaires et au droit des affaires, ils connaissaient les tenants et aboutissants de leur engagement.

La cour de céans ne peut que reprendre pour le surplus la motivation de la cour de Nimes selon laquelle : 'Ayant signé la convention de prêt du 8 avril 2015, les intimés ne pouvaient reprocher à la Banque d'avoir organisé le recouvrement d'une créance compromise au motif que le compte de la société Financial Way était débiteur à la date d'octroi du crédit le 21 avril 2015, ce que les époux [O] ne pouvaient eux-mêmes ignorer compte tenu de leur rôle dans cette société, qu'ils ne pouvaient en outre tirer argument de la procédure de faillite prononcée à l'égard de cette société par jugement du tribunal de commerce du Luxembourg le 3 octobre 2016 avec fixation de la date de cessation des paiements au 3 avril 2016 dans la mesure où ils échouaient à démontrer que la Banque aurait disposé d'informations supplémentaires sur cette société dont ils n'auraient pas eu connaissance.'

Aucune faute n'est caractérisée de nature à ouvrir droit à indemnisation, la banque justifiant, sans que la charge de la preuve lui incombe, du respect de l'article 1134 du code civil luxembourgeois dans l'exécution de bonne foi de la convention.

Sur le manquement au devoir de mise en garde.

Comme en droit français, le devoir de mise en garde en droit luxembourgeois n'existe pas au profit de l'emprunteur averti.

La banque cite ainsi, sans démenti adverse, qu'il est de jurisprudence que de par ses qualités et fonction, le dirigeant de l'entreprise, habitué à la pratique des affaires et de par ses capacités intellectuelles, est à même de juger si compte tenu des capacités financières de la société, le crédit a des chances d'être remboursé. Aussi les personnes cadres ou dirigeants sont-elles normalement considérées comme des emprunteurs avertis ne pouvant pas bénéficier du devoir de mise en garde du banquier (Arrêt du 16.02.2012, rôle no 36102 ; Jugement civil no 21/16 du 05.02.2016, rôle no 160937). »

Les époux [O] ne contestent d'ailleurs pas leur qualité d'emprunteurs avertis - ce qu'ils seraient en peine de faire au regard de leur curriculum vitae énoncé dans le dossier de présentation de la société Financial Way soumis à la banque (pièce 44) dont il ressort que madame s'y présente en tant que juriste en droit des affaires et fiscalité Cabinet d'avocat et Agent judiciaire du Trésor, MBA expérience professionnelle en grand groupe (Total, Sanofi, Safran) en qualité d'acheteur industriel, créatrice en 2009 un cabinet de conseil expertise ayant pour activité principale l'ingénierie en financement public et bancaire, que monsieur s'y décrit comme ayant exercé en qualité de chef d'entreprise pendant six ans puis en qualité de chargé d'affaires Nielsen et chargé de développement France Gestelia- mais entendent voir la cour juger que cette circonstance doit être désormais considérée comme indifférente depuis l'entrée en vigueur de l'article 2299 du code civil issu de l'ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021.

Toutefois, ce texte, comme ils le soulignent, n'intéresse que les cautions personnes physiques, ce que les époux [O] ne sont pas, de telle sorte que les extrapolations proposées sont sans pertinence.

Leur demande indemnitaire sera rejetée.

Parties perdantes au sens de l'article 69 du code de procédure civile, les époux [O] supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2023

vu le droit luxembourgeois applicable (articles 1134, 1271 à 1281, 1315 alinéa 1er du code civil luxembourgeois et principes jurisprudentiels applicables à la responsabilité contractuelle et au devoir de mise en garde) ;

Infirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière à compter du 4 juillet 2016

Statuant à nouveau sur le surplus

Condamne solidairement M. [D] [O] et Mme [L] [M] épouse [O] à payer à la Banque Internationale à Luxembourg la somme de 16551,79€ avec intérêts au taux conventionnel de 3,25% l'an à compter du 11 mars 2016

Déboute M. et Mme [O] de l'ensemble de leurs prétentions.

Condamne solidairement M. et Mme [O] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Condamne solidairement M. et Mme [O] à payer à la Banque Internationale à Luxembourg la somme de 6000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE

LE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/05192
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.05192 ?
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