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16/05/2024 | FRANCE | N°21/07158

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 16 mai 2024, 21/07158


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à









COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 16 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/07158 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHVJ





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 10 septembre 2021

Tribunal judiciaire de Rodez - N° RG 20/

01242





APPELANTE :



Madame [G] [P]

née le 20 Mars 1987 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Erwan AUBE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant







INTIME :



Monsieur [H] [K]

né le 13 Octobre 1981 à ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/07158 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHVJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 10 septembre 2021

Tribunal judiciaire de Rodez - N° RG 20/01242

APPELANTE :

Madame [G] [P]

née le 20 Mars 1987 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Erwan AUBE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIME :

Monsieur [H] [K]

né le 13 Octobre 1981 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant pour Me Charlotte CARDI, avocat au barreau de l'AVEYRON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, prévu le 2 mai 2024 et prorogé au 16 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe BRUEY, Conseiller en remplacement de M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre empêché, en application de l'article 456 du code de procédure civile et par Mme Henriane MILOT, greffier

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 10 avril 2018, Mme [G] [P] a acheté un véhicule utilitaire auprès de M. [H] [K] qui lui a remis un procès-verbal de contrôle technique daté du 28 mars 2018 faisant mention d'une part de l'existence d'un défaut à corriger sans obligation de contre-visite, d'autre part du kilométrage du véhicule, à savoir 112 507 km.

Le 9 mars 2020, Mme [P] a présenté son véhicule au garage DBF afin de : changer la courroie de distribution, les pneus avant et de réaliser un contrôle technique, le tout pour un montant total de 1 109 €.

Le 11 mars 2020, Mme [P] a repris possession du véhicule, lequel est tombé en panne le 15 mars suivant.

Suite au remorquage, le garage Volkswagen de [Localité 7] a indiqué que l'origine de la panne se trouvait au niveau de l'injecteur n°2. Le devis de réparation s'est élevé à la somme de 750 €.

Le garage DBF a expliqué à Mme [P] que le chef d'atelier a fait réaliser une reprogrammation du moteur pouvant engendrer une défaillance de l'injecteur n°2 et in fine une panne. Il lui a été conseillé de prendre attache avec la marque pour une prise en charge.

A l'aide du numéro de châssis, le concessionnaire Volkswagen sis à [Localité 8] a appris à Mme [P] que le véhicule affichait au compteur 132 000 km en 2016.

Le 23 avril 2020, Mme [P] a adressé un courrier de réclamation à M. [K] afin de l'alerter sur sa découverte concernant le kilométrage et de trouver un règlement amiable, en vain.

Le 16 juillet 2020, par courrier, Mme [P] a réclamé l'annulation de la vente. Le 31 juillet 2020, par l'intermédiaire de son conseil, la demande a été réitérée.

Le 9 septembre 2020, M. [K] a adressé une lettre à Mme [P] porposant de lui rembourser le véhicule pour la somme de 6 500 €.

C'est dans ce contexte que par acte en date du 13 novembre 2020 Mme [P] a fait assigner M. [K].

Par jugement contradictoire en date du 10 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Rodez a :

- Débouté Mme [P] de sa demande de nullité du contrat de vente ;

- Débouté par conséquent Mme [P] de ses demandes en paiement à l'encontre de M. [K] ;

- Condamné Mme [P] à payer à M. [K] la somme de 1 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le 13 décembre 2021, Mme [P] a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 26 août 2023, Mme [P] demande en substance à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :

- Recevoir Mme [P] en son appel et la dire bien fondée ;

- Dire et juger que M. [K] a commis un dol en s'abstenant de révéler la falsification du compteur kilométrique du véhicule vendu à Mme [P]. Dire et juger que M. [K] n'a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme.

- Condamner M. [K] à rembourser à Mme [P] la somme de 6 500 € correspondant au prix d'achat du véhicule ;

- Condamner M. [K] à payer à Mme [P] la somme de 3 979,26 € au titre de dommages et intérêts représentant les frais engagés ;

- Condamner M. [K] à payer à Mme [P] la somme de 7 117,50 € au titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice de privation de jouissance du véhicule subi, ainsi que 2 000 € au titre des tracasseries subies ;

- Ordonner à M. [K] de venir récupérer à ses frais le véhicule vendu sur son lieu de stockage sous quinzaine de la sommation qui lui sera délivrée par tous moyens à l'initiative de Mme [P]. Autoriser Mme [P] à disposer du véhicule et au besoin à le détruire si M. [K] ne vient pas le récupérer dans le délai prescrit ;

- Subsidiairement, dire et juger que M. [K] a commis un dol et n'a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme, en conséquence le condamner à payer à Mme [P] :

3 250 € correspondant à la moins-value sur le prix d'achat du véhicule en raison de la falsification

977,33 € et 450, 88 € au titre des frais de réparation du véhicule ;

1 500 € au titre des frais de gardiennage ;

5 00 € au titre des frais de son expert ;

7 117,50 € au titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice de privation de jouissance ;

2 000 € au titre des tracasseries subies ;

- En tout état de cause, condamner M. [K] à payer à Mme [P] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile relatif à la l'appel et 1 500 € au titre de la première instance, outre les entiers dépens.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 2 juin 2022, M. [K] demande en substance à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et condamner Mme [P] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 février 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la nullité du contrat de vente pour dol

Selon l'article 1137 du code civil, "Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

(...)"

Mme [P] soutient avoir été victime d'un dol de la part de son vendeur qui lui aurait dissimulé la falsification du compteur kilométrique, alors que le kilométrage était un élément déterminant de son consentement.

M. [K] s'oppose au moyen de nullité en soulignant que l'expertise amiable non contradictoire sur laquelle Mme [P] se fonde en cause d'appel ne lui est pas opposable et qu'elle n'est pas corroborée par un quelconque élément objectif, de telle sorte qu'il n'est pas établi que le compteur a été trafiqué préalablement à la vente et il n'est pas démontré de manoeuvres de sa part en vue de tromper Mme [K] sur le kilométrage réel du véhicule.

Au vu des pièces du dossier de la demanderesse, complété en cause d'appel par la production d'un rapport d'expertise amiable non contradictoire de M. [N] en date du 3 mars 2022 (pièce 12), la cour est à même de :

- retenir que ce dernier document, soumis à la discussion contradictoire dans la présente instance, est corroboré par plusieurs éléments qui permettent de retenir avec certitude la falsification du compteur kilométrique du véhicule vendu, particulièrement la facture du garage des lacs émise à l'attention de M. [H] [K] qui le 27/09/2017 mentionne un kilométrage de 100907 (pièce 11) et la réponse de la marque Volkswagen utilitaires France qui, sous réserve des précautions d'usage de nature à exclure sa propre responsabilité, fait état d'un kilométrage de 132285 courant 2016.

- en extraire des informations déterminantes, étant observé que M. [K] est devenu titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule le 18 septembre 2017 l'ayant lui même acquis le 26 avril 2017 alors que selon le site histovec consulté par l'expert [N], le véhicule présentait un kilométrage de 151295 le 21 février 2017 et de 155639 le 30 août 2017 lors des visites techniques.

Il en résulte que M. [K] qui a acquis le véhicule le 18 septembre 2017 alors que le kilométrage relevé lors de la visite technique du 30 août 2017, information dont il ne conteste pas avoir été destinataire, mentionnait 155639 km, l'a vendu à Mme [P] le 10 avril 2018 en lui remettant un procès-verbal de contrôle technique du 28 mars 2018 faisant état de 112507km et ayant été en possession d'une facture à son nom du garage des lacs du 27 septembre 2017 faisant état de 100907km.

Si la cour ne peut avec la certitude absolue requise en la matière retenir que M. [K] est lui même l'auteur de la falsification kilométrique, la réduction kilométrique pouvant avoir eu lieu entre le 30 août 2017 et le 18 septembre 2017, il est cependant acquis qu'il la connaissait puisqu'ayant acheté le 18 septembre 2017 un véhicule affichant 155639km le 30 août 2017, il se trouvait en possession d'une facture de réparation du 27 septembre 2017 mentionnant 100907km qu'il n'allègue pas avoir remis à Mme [P].

Cette information sur le kilométrage réel du véhicule n'a manifestement pas été communiquée à Mme [P] alors que le kilométrage réel d'un véhicule est un élément essentiel dans la prise de décision de l'acheter ou non ou d'en proposer un moindre prix. M. [K] en a d'ailleurs tiré les conséquences, reconnaissant au moins implicitement le bien fondé de la demande que lui adressait le conseil de celle-ci en proposant par son écrit du 7 septembre 2020 de rembourser le prix d'achat du véhicule. La dissimulation nécessairement volontaire de cet élément déterminant du consentement de Mme [P] est donc de nature à provoquer la nullité de la vente sur le fondement du dol.

De surcroît, l'obligation de délivrance conforme à laquelle était tenu M. [K] n'a manifestement pas été respectée puisque la vente portait sur un véhicule avec un certain kilométrage et les pièces analysées ci dessus permettent de retenir qu'il présentait un kilométrage supérieur de 50% aux caractéristiques promises. L'action en résolution de la vente sur le fondement des articles 1603 et 1604 du code civil est également fondée.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions, la vente annulée et les restitutions ordonnées, y compris la condamnation de ce chef de M. [K] à lui rembourser le coût du certificat d'immatriculation pour 260,76€.

Sur la demande de dommages et intérêts

Il est admis que l'action en nullité pour dol peut être accompagnée d'une demande de dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle en l'espèce.

Mme [P] sollicite l'indemnisation de factures d'entretien du véhicule pour un total de 1979,26€. Il n'est en rien établi que les travaux ainsi payés aient été rendus nécessaires par l'état réel du véhicule au kilométrage exact dissimulé. Ils auraient dûs être exposés.

Mme [P] évoque des frais de gardiennage qu'elle indique avoir pu négocier à hauteur de 1500€. Elle ne produit pas la facture qu'elle évoque.

Elle produit en revanche la facture de l'intervention de l'expert [N] à hauteur de 500€ qu'il convient de mettre à la charge de M. [K], sa résistance en première instance ayant nécessité cet acte.

Mme [P] affirme sans offre de preuve que le véhicule est immobilisé et en panne comme l'atteste l'expert [N]. La cour ne trouve pas d'élément concordant dans ce rapport, sauf la mention d'une immobilisation au jour de l'examen, et rien ne démontre ce qui ne reste qu'une allégation selon laquelle le constructeur aurait refusé de prendre en charge les conséquences de la panne liée à l'injecteur du fait d'une non conformité du kilométrage. La privation de jouissance, à la supposer établie, n'est pas en causalité directe avec la falsification du kilométrage.

Il est en revanche certain que Mme [P] a été exposée à diverses tracasseries et contraintes personnelles du fait du comportement de M. [K], conduisant la cour à l'indemniser à hauteur de 1500€ à ce titre.

M. [K], partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, supportera les dépens de première instance et d'appel.

L'infirmation totale du jugement de première instance conduit la cour à allouer à Mme [P] la somme de 1000€ pour la première instance et celle de 2500€ pour l'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

statuant contradictoirement

Infirme le jugement en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Prononce la nullité de la vente du véhicule utilitaire Caddy Volkswagen immatriculé [Immatriculation 5] en date du 10 avril 2018 entre M. [H] [K] et Mme [G] [P]

Condamne M. [K] à restituer à Mme [P] la somme de 6500€ au titre du prix de vente et à lui payer la somme de 260,76€ au titre du coût du certificat d'immatriculation

Ordonne la restitution du véhicule par Mme [P], aux frais avancés de M. [K]

Condamne M. [K] à payer à Mme [P] la somme de 500€ au titre du rapport de l'expert [N], celle de 1500€ au titre du préjudice moral

Déboute Mme [P] de ses demandes indemnitaires plus amples ou contraires

Condamne M. [K] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne M. [K] à payer à Mme [P], en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 1000€ et de 2500€ au titre respectivement de la première instance et de l'appel.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE

LE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/07158
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.07158 ?
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