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16/05/2024 | FRANCE | N°21/01466

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 16 mai 2024, 21/01466


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à



























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 16 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01466 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4ZT



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 janvier 2021 >
Tribunal judiciaire de RODEZ - N° RG 19/00925





APPELANTE :



S.A. Pacifica inscrite au RCS de PARIS sous le n° 352 358 865, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01466 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4ZT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 janvier 2021

Tribunal judiciaire de RODEZ - N° RG 19/00925

APPELANTE :

S.A. Pacifica inscrite au RCS de PARIS sous le n° 352 358 865, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEES :

Madame [T] [Z] épouse [D]

née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et Me Denis BENAYOUN, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

Mutualité Msa Midi-Pyrénées Nord prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

assignée par acte en date du 10 juin 2021 remis à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, prévu le 25 avril 2024 et prorogé au 16 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe BRUEY, Conseiller, en remplacement de M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, légitimement empêché, en application de l'article 456 du Code de Procédure Civile et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

La Sa Pacifica garantit Mme [D] au titre d'un contrat garantie des accidents de la vie.

Le 17 janvier 2014, Mme [T] [D] a été victime d'un accident dans le cadre de son activité professionnelle agricole, étant projetée en arrière par une vache, sa tête heurtant le sol en béton ; le choc crânien consécutif à sa chute a entraîné notamment un traumatisme crânien grave.

Mme [D] a été hospitalisée jusqu'au 7 février 2014 et a fait l'objet de plusieurs séjours en centre de rééducation ainsi qu'au service de médecine physique et de réadaptation de l'hôpital d'[Localité 4] du 14 février au 27 mars 2014 et du 16 avril au 25 juin 2015.

Les séquelles de Mme [D] persistant, une expertise amiable a été organisée le 24 mai 2016 et le rapport a été déposé le 26 juillet suivant.

Par courrier en date du 20 juillet 2016, Mme [D] a contesté cette expertise et, par courrier du 27 septembre 2016, a sollicité la réalisation d'une nouvelle expertise amiable confiée à un autre expert.

La Sa Pacifica, assureur de Mme [D], a diligenté une nouvelle expertise en désignant à nouveau le Docteur [K].

Plusieurs provisions ont été versées à Mme [D] par son assureur :

$gt; 2 000 € le 22 août 2014 ;

$gt; 1 000 € le 30 octobre 2014 ;

$gt; 5 000 € le 21 septembre 2015 ;

$gt; 5 000 € le 1er juillet 2016.

Dans ce contexte, Mme [D] a fait assigner son assureur, la société Pacifica, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Rodez aux fins d'expertise judiciaire, laquelle a été ordonnée et confiée au docteur [N], par ordonnance en date du 3 mai 2018 et condamnant la société Pacifica à verser une provision de 10 000 €.

L'expert a déposé son rapport définitif le 17 novembre 2018.

Par actes d'huissier de justice en date des 24 et 25 septembre 2019, Mme [D] a fait assigner son assureur aux fins d'indemnisation des préjudices subis consécutivement à son accident.

Par jugement en date du 22 janvier 2021 rendu sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Rodez a :

- constaté que la mutualité sociale agricole Midi-Pyrénées Nord n'a pas fait valoir sa créance ;

- fixé le préjudice de Mme [D] comme suit :

$gt; 62 138,52 € au titre des frais temporaires d'assistance à domicile ;

$gt; 1 213 714,72 € au titre de l'assistance tierce personne ;

$gt; 274 625 € correspondant au déficit fonctionnel permanent;

$gt; 77 470,54 € au titre des frais de logement adapté ;

$gt; 10 000 € correspondant au préjudice esthétique permanent;

$gt; 25 000 € correspondant aux souffrances endurées ;

$gt; 15 000 € au titre du préjudice d'agrément

- condamné la société Pacifica à verser à Mme [D] la somme de 1 677 648,78 € ;

- dit que les provisions versées par la société Pacifica à hauteur de 23 000 € viendront en déduction du montant des réparations fixé par la présente décision ;

- condamné la société Pacifica à payer à Mme [D] la somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 5 mars 2021, la société Pacifica a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 16 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel de Mme [D] recevable, s'est déclaré incompétent au profit de la cour pour statuer sur la fin de non recevoir soulevée par la société Pacifica tirée du caractère nouveau de la demande en paiement d'une indemnité pour financer la construction d'un immeuble présentée par Mme [D], renvoyé les parties à mieux se pourvoir à ce sujet devant la cour au fond, condamné la société Pacifica à payer à Mme [D] une indemnité de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et a réservé les dépens.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 26 janvier 2024, la société Pacifica demande en substance à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a fait application du contrat, en ce qu'il a débouté Mme [D] de ses demandes, juger que le barème de capitalisation de référence pour l'indemnisation des victimes est le BCRIV 2023 et qu'il doit s'appliquer en lieu et place du barème de la Gazette du Palais et de :

- Réformer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [D] la somme de 62 138,52 € à titre d'indemnisation de l'assistance tierce personne temporaire et débouter Mme [D] de toute somme excédant 29 658 € en indemnisation de ce poste,

- Réformer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [D] la somme de 1 213 714,72 € à titre d'indemnisation de l'assistance tierce personne permanente et débouter Mme [D] de toute somme excédant 726 411,60 € en indemnisation de ce poste,

- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Pacifica à payer 77 410,54 € au titre des frais de logement adapté,

- Juger que ces frais d'aménagement du logement ne sauraient excéder 10 000 €,

- Juger la demande de financement d'un nouveau logement irrecevable comme nouvelle en cause d'appel ou à tout le moins comme injustifiée,

- Réformer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [D] la somme de 25 000 € à titre d'indemnisation du préjudice de souffrances endurées et débouter Mme [D] de toute somme excédant 20 000 € en indemnisation de ce poste,

- Réformer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [D] la somme de 274 625 € à titre d'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent et débouter Mme [D] de toute somme excédant 180 200 € en indemnisation de ce poste,

- Réformer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [D] la somme de 15 000 € à titre d'indemnisation de son préjudice d'agrément et la débouter de toute demande de ce chef,

- Réformer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [D] la somme de 10 000 € à titre d'indemnisation de son préjudice esthétique permanent et la débouter de toute somme excédant 2 500 € en indemnisation de ce poste,

- Juger que les prestations versées par les tiers payeurs à Mme [D] doivent être soustraites de l'indemnité qui lui sera allouée, conformément aux dispositions contractuelles ;

- Juger que la provision de 23 000 € doit être soustraite de l'indemnité qui lui sera allouée ;

- Débouter Mme [D] de toute autre demande, fin et prétention ;

- Condamner Mme [D] au paiement d'une somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 13 décembre 2023, Mme [D] demande en substance à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a homologué partiellement le rapport d'expertise déposé par le docteur [N] le 17 novembre 2018, dire que le barème de capitalisation publié par la gazette du Palais le 31 octobre 2022 au taux de -1 % est applicable, confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnisation de Mme [D] à 25 000 € au titre des souffrances endurées, réformer le jugement sur les autres postes d'indemnisations et, statuant à nouveau, de :

- Fixer l'indemnisation des préjudices de Mme [D] de la manière suivante :

1.1 PRÉJUDICE PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

1.1.1 DSA (dépenses de santé actuelles) 14 €

1.1.2 PGPA (perte de gains professionnels actuels) 15 558,24 €

A titre subsidiaire 15 000 €

1.1.3 FD les frais divers

A. Les frais restés à charge : 7 625,63 €

B. Frais temporaires d'assistances à domicile : 79 803,84 €

1.2 PRÉJUDICE PATRIMONIAUX PERMANENTS (après consolidation)

1.2.1 DSF (Dépenses de santé futures) 0 €

1.2.2 PGPF (perte de gains professionnels futurs) 681 218,74 €

1.2.3 ATP (assistance tierce personne) 1 675 620,48 €

1.2.4 FLA (frais de logement adapté)

244 000 €

A titre subsidiaire 77 410,54 €

II. LES PRÉJUDICE EXTRA-PATRIMONIAUX

2.1 PRÉJUDICE EXTRA PATRIMONIAUX TEMPORAIRES (avant consolidation)

2.1.1 DFT (déficit fonctionnel temporaire)

13 156 €

2.1.3 PET (préjudice esthétique temporaire)

4 500 €

2.2 PRÉJUDICE EXTRA PATRIMONIAUX PERMANENTS (après consolidation)

2.2.1 DFP (déficit fonctionnel permanent)

408 000 €

2.2.2 PA (préjudice d'agrément)

30 000 €

2.2.3 PEP (préjudice esthétique permanent)

12 000 €

2.2.4 PS (préjudice sexuel)

15 000 €

- Fixer le préjudice corporel de Mme [D] consécutivement à l'accident à la somme de 2 992 256,93 € ;

- Débouter la Sa Pacifica de ses demandes sur l'ensemble des postes de préjudice ;

- Déduire les provisions versées à hauteur de 23 000 € ;

- Constater que la Sa Pacifica ne rapporte pas la preuve d'avoir informé Mme [D] de l'existence de conditions générales mais surtout de produire la preuve que lesdites conditions générales ont été validées par elle ;

- Faire droit à la demande de Mme [D] ;

- Condamner la compagnie d'assurance Sa Pacifica à verser à Mme [D] la somme de 2 000 000 € ;

- Confirmer la somme de 5 000 € allouées par les premiers juges au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner en appel la société Pacifica à la somme complémentaire de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

 

Vu l'ordonnance de clôture en date du 30 janvier 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le champ contractuel

Les parties sont en l'état d'un contrat garantie accidents de la vie souscrit le 27 novembre 2008 par M. [D], Mme [D] étant désignée comme bénéficiaire.

Soutenant que seul a été porté à sa connaissance un projet de demande d'adhésion dont la seule condition restrictive est un seuil d'intervention de 5% du déficit fonctionnel permanent, Mme [D] réclame l'indemnisation de certains postes de préjudice dont Pacifica soutient qu'ils n'entrent pas dans le champ de la garantie contractuelle (dépenses de santé actuelles, frais divers, déficit fonctionnel temporaire, préjudice esthétique temporaire et préjudice sexuel), le premier juge ayant suivi l'assureur dans son argumentation.

C'est toutefois à juste titre que s'agissant de l'objet même de la garantie, l'assureur soutient qu'il appartient au seul assuré, lequel se prévaut par ailleurs des stipulations contractuelles relatives au plafonnement de 2 millions, de justifier que la garantie lui est offerte, la problématique n'intéressant pas une clause d'exclusion ou de limitation de garantie. Mme [D] ne saurait se contredire au détriment de Pacifica en revendiquant un plafonnement de garantie de 2 millions, somme à laquelle elle entend voir l'assureur condamné et tel qu'il résulte de la police tout en contestant l'application d'autres dispositions de cette police.

C'est en revanche à juste titre mais de manière inopérante en l'état de la motivation ci-dessus que Mme [D] souligne que la clause de renvoi 'je reconnais avoir pris connaissance de la convention PACIFICA' est bien trop imprécise pour lui être opposable comme a pu le retenir le premier juge.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les postes de réclamation de Mme [D] relatifs aux dépenses de santé actuelle, frais divers, déficit fonctionnel temporaire, préjudice esthétique temporaire et préjudice sexuel, lesquels ne sont pas couverts par la police.

Sur le choix du barème de capitalisation

Le premier juge a calculé les postes de préjudice capitalisable sur la base de la gazette du Palais 2018.

Pacifica demande qu'il soit fait application du barème de capitalisation de référence pour l'indemnisation des victimes (BCRIV) 2023 tandis que Mme [D] sollicite l'application du barème de la Gazette du Palais du 31 octobre 2022 au taux de -1%.

Sans entrer dans le détail de l'argumentation des parties et tenant le principe de la réparation intégrale qui vise à replacer le blessé dans une situation la plus proche possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit, la cour considère, avec le recul entre la date à laquelle elle procède à l'examen de la situation de Mme [D] et celle à laquelle le premier juge a statué que le barème de la Gazette du Palais du 31 octobre 2022 est fondé sur un taux d'inflation élevé reflétant une vision fortement pessimiste qui ne se confirme pas sur la durée et qu'il n'est pas le plus adapté pour assurer les modalités de la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime, sans perte ni profit.

L'assureur ne produit pas le barème dont il revendique l'application et ne fournit aux débats aucune documentation objective, autre que ce qui ne reste que simples allégations dans ses écritures. La cour considérant alors que s'il propose un tel barème, c'est qu'il lui est favorable, n'en fera pas plus application.

La cour appliquera donc le barème de la Gazette du Palais 2020 qu'elle estime être le plus adapté.

Sur la recevabilité en appel de la demande tendant au financement d'un nouveau logement

Au visa de l'article 564 du code de procédure civile, Pacifica s'oppose à la demande de Mme [D] tendant à l'indemniser de frais de construction d'une nouvelle habitation au motif qu'elle n'avait présenté en première instance qu'une demande indemnitaire au titre des travaux d'aménagement de son logement actuel. Elle souligne qu'est présenté en appel un devis du 25 novembre 2020 d'un montant de 244 000 € et que la juridiction de première instance n'en a pas été saisie.

Toutefois, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent (article 565 du code de procédure civile).

La demande indemnitaire, qu'elle soit présentée sous la forme d'une demande de frais de construction d'une nouvelle habitation ou d'une demande de frais d'aménagement du logement actuel tend à la même fin, à savoir l'indemnisation des frais de logement adapté à la situation nouvelle née du fait dommageable. Elle repose au demeurant sur le même fondement indemnitaire.

Elle est donc recevable en cause d'appel, Pacifica ne pouvant opposer la date du devis sur lequel elle est fondée, cette pièce du 25 novembre 2020 étant postérieure à la clôture des débats prononcée le 3 septembre 2020 ainsi qu'à l'audience de plaidoirie fixée le 6 novembre 2020.

La fin de non-recevoir sera rejetée.

Les parties formulent leurs prétentions sur la base de l'expertise du [N] dont les termes sont les suivants :

'Le 17 janvier 2014, Mme [T] [D] travaillait à l'étable et aidait à charger une vache dans le camion. Elle est exploitante agricole en GAEC avec son mari et s'occupe des soins des bêtes et du travail administratif. La vache s'est retournée et l'a renversée, la faisant tomber en arrière sur la tête.

Mme [T] [D] a perdu connaissance pendant quelques minutes, puis a fait une crise épileptique généralisée tonico-clonique. Elle a gardé l'amnésie des faits.

Il est alors diagnostiqué :

- un traumatisme crânien grave avec un score de Glasgow à 14

- une otorragie gauche

- une plaie du sclap pariéto-temporale gauche suturée par 4 points.

Le scanner cérébral objective des pétéchies, une hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-temporale droite, une fracture longitudinale du rocher gauche passant par la chaîne ossiculaire sans luxation, extra-labyrinthique et s'étendant à l'os temporal, avec comblement des sinus et des cellules mastoïdiennes et une oedème cérébral.

Un scanner cérébral de contrôle montre ensuite une nette majoration de la contusion parachymenteuse oedemato-hémorragique temporale externe droite, une augmentation de l'hématome sous-dural aigu temporal droit et de l'effet de masse sur le parenchyme cérébral adjacent, avec engagement sous calcique, et début d'engagement temporal interne droit associé.

En février 2016, l'IRM cérébrale retrouve une atrophie séquellaire du ruban cortical du lobe temporal droit avec cavité parencéphalique.

Après l'accident initial, seront mis en évidence :

- une hémiparésie gauche,

- des troubles cognitifs avec altération de la mémoire de travail, des fonctions exécutives (jugement, raisonnement, calcul, capacité de planification de la pensée), une fragilité des capacités attentionnelles, et un ralentissement du traitement de l'information.

En février 2016, le bilan neuropsychique met en évidence des troubles de l'attention, d'inhibition des processus automatiques, de la mémoire de travail et de la vitesse de traitement de l'information, et une fatigabilité.

- des malaises évoquant des crises épileptiques généralisées et partielles motrices à partir du 31 mars 2015. L'EEG a alors montré des activités irritatives pseudo-rythmiques à environ 3 Hz sur les régions bi-frontales pendant des myoclonies faciales. Un traitement anti-comitial a été introduit (Keppra). Elle a aussi commencé à faire des manifestations motrices atypiques, plutôt anorganiques, entrant dans le cadre d'un syndrome subjectif post-commotionnel,

- une anosmie (perte d'odorat) et une agueusie (perte du goût),

- une perte auditive binaurale sur l'audiométrie de 0.30%,

- des vertiges par otolites,

- une hypoesthésie dans le territoire du V2 et du V3,

- une insuffisance oculaire de divergence.

Actuellement, Mme [T] [D] garde des séquelles conséquentes sur le plan clinique, ces séquelles étant toutes en relation avec son traumatisme crânien du 17 janvier 2014 :

- une hémiparésie gauche.

- un syndrome cérébelleux statique important et kinétique bilatéral prédominant du côté gauche.

- des crises épileptiques généralisées et partielles motrices. La dernière crise épileptique s'est produite mi 2017. Il s'agit d'une épilepsie séquellaire à son traumatisme crânien et le risque de refaire des crises épileptiques existera à vie malgré le traitement anti-épileptique. Il faut signaler qu'elle fait en plus des malaises non-épileptiques s'intégrant dans son syndrome subjectif post-commotionnel.

- des troubles cognitifs avec troubles de concentration, troubles mnésiques, dysarthrie et manque du mot en faveur d'une aphasie de Broca partielle, fatigue importante.

- un syndrome subjectif post-commotionnel.

- des céphalées et cervicalgies.

- une hypoacousie, une hyperacousie et des acouphènes bilatéraux. Cette hyperacousie est liée au traumatisme crânien survenu le 17 janvier 2014 en relation avec l'hématome temporal droit et la fracture du rocher gauche.

- des sensation vertigineuses faisant évoquer un vertige paroxystique bénin, en rapport aussi avec le traumatisme crânien du 17 janvier 2014.

- une insuffisance oculaire de divergence.

- une agueusie et une anosmie.

(...)

l'ensemble des lésions initiales, de leur évolution et de toutes les séquelles est imputable à l'accident initial du 17 janvier 2014, de façon directe, certaine et totale. Il n'y a pas d'état antérieur.

préjudices temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire :

total à 100 % : du 17 janvier au 07 février 2014 et du 14 février au 27 mars 2014 ainsi que le 16 octobre 2014 et du 31 mars au 25 juin 2015 ;

partiel à 50 % du 08 février au 13 février 2014, du 28 mars au 15 octobre 2014, du 17 octobre 2014 au 30 mars 2015 et du 25 juin 2015 au 24 mai 2016 ;

- Souffrances endurées 4,5/7 ;

- Préjudice esthétique temporaire : boiterie avec utilisation d'une canne ;

- Perte de gains professionnels actuels : du 17 janvier 2014 au 24 mai 2016 ;

- Date de consolidation : 24 mai 2016

préjudices permanents (après consolidation)

- atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique = Déficit fonctionnel permanent : 52 % qui comprend (selon le barème fonctionnel des incapacités en droit commun du Concours Médical) : à noter qu'après dires, l'expert fixera le taux à 53%

° hémiparésie gauche et syndrome cérébelleux statique important et kinétique bilatéral prédominant du côté gauche : 30%

° troubles cognitifs et syndrome subjectif post-commotionnel : 15%

° crises épileptiques généralisées et partielles motrices : 10%

° troubles auditifs et vertiges : 5%

° agueusie et anosmie : 3%

° insuffisance oculaire de divergence : 2%.

- Préjudice d'agrément: impossibilité de reprendre le crochet, le tricot, la couture, elle ne sort plus au restaurant, ne fait plus de ski, de randonnées, de gymnastique.

- Préjudice esthétique permanent : 2/7

- Préjudice sexuel : elle est gênée sur le plan sexuel et a moins envie.

- Dépenses de santé futures : (...)

- Frais de logement adapté : plaque à induction, détecteur de fumée, douche à l'italienne avec des appuis, rampes et poignées dans les toilettes. Elle envisage de réaliser des travaux ou sinon acquérir une nouvelle construction adaptée à son handicap.

- frais de véhicule adapté : impossibilité de reprendre la conduite automobile

- Assistance par tierce personne : 2h/jour à vie

- Pertes, de gains professionnels futurs / incidence professionnelle : inaptitude à tout travail.'

Sur les postes d'indemnisation critiqués tant par l'appel principal que par l'appel incident, sans respect de la nomenclature habituelle

Sont remis en question devant la cour par l'effet de ces appels :

Sur l'assistance par tierce personne temporaire

Le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte, a parfaitement analysé la réduction d'autonomie de Mme [D] entre le jour de l'accident et le jour de la consolidation, faisant droit à l'augmentation à 4h/jour des besoins en tierce personne au lieu des 3 heures proposées par l'expert et à la fixation d'un taux horaire à 20 euros, deux points à nouveau critiqués par l'assureur sans emporter la conviction de la cour. Le jugement sera confirmé.

Sur l'assistance par tierce personne permanente

La cour, à l'instar du premier juge, retenant un besoin journalier d'assistance par tierce personne à hauteur de 4h/jour et un taux horaire de 20 €, actualisera l'indemnisation de Mme [D]:

arrérages échus du 25 mai 2016 au 16 mai 2024, jour du prononcé de la décision :

2913 jours x 4 heures x 20 € = 233 040 euros

termes à échoir : 4 heures x 20 € x 365 jours/an = 29 200 €/an.

Mme [D] est née le [Date naissance 2] 1971 de telle sorte que pour l'application du barème de capitalisation Gazette du Palais 2020, la cour retiendra l'âge de 53 ans (52 ans, 9 mois et 18 jours séparant cette date anniversaire de la date à laquelle il est statué), soit 33,314 x 29 200 = 972 769 €.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur les pertes de gains professionnels actuels

Le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte, a parfaitement analysé la situation de revenus justifiés de Mme [D] entre la date du dommage et la date de consolidation pour retenir qu'elle ne justifiait d'aucune perte de revenus, les indemnités journalières perçues de l'organisme social étant supérieures aux ressources annuelles ressortant des avis d'imposition antérieurs. Les revenus du Gaec ne se confondent pas avec ceux de Mme [D]. Le jugement sera confirmé.

Sur les pertes de gains professionnels futurs

Le premier juge a très exactement rappelé que l'appréciation de la perte de gains professionnels futurs doit se faire in concreto, la charge de la preuve incombant à la demanderesse.

Mme [D] reprend en cause d'appel une demande d'évaluation tirée non de l'appréciation concrète de ses propres revenus, qu'elle estime difficile à établir en raison d'une pluralité de facteurs mais d'une application à son profit d'une moyenne nationale tirée du rapport 2019 de l'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, classant le Gaec [Localité 6] dans la catégories des exploitations 'naisseur engraisseur de jeunes bovins' conduisant à une moyenne de rémunération de 1,45 SMIC.

C'est toutefois à juste titre que le premier juge a écarté cette prétention au regard du principe probatoire précédemment rappelé et de l'insuffisance des éléments apportés par Mme [D] pour procéder à l'appréciation de sa perte de revenus. La cour, à l'instar du premier juge par adoption du surplus des motifs, confirmera le rejet de cette prétention.

Sur l'indemnisation des frais de logement adapté

Mme [D] sollicite à hauteur de cour la condamnation de la société Pacifica à prendre en charge les frais de construction d'une nouvelle habitation à hauteur de 240 000 € tandis que l'assureur poursuit l'infirmation du jugement en déboutant Mme [D] de ce poste de préjudice, à titre subsidiaire en limitant l'indemnisation à hauteur de 10 000 €.

Contrairement à ce que soutient l'assureur, Mme [D] a produit un certain nombre de devis qui ont permis au premier juge de fixer l'indemnisation de ce poste à hauteur de 77 410,54 €.

Mme [D] ne produit pas en cause d'appel de quelconques éléments médicaux permettant de réévaluer l'indemnisation de l'aménagement du véhicule, son argument principal lié à l'enchérissement du coût de la vie trouvant sa solution dans une demande d'indexation qu'elle n'a pas formulé.

Le jugement sera confirmé.

Sur les souffrances endurées

Ce poste de préjudice, arbitré par l'expert à 4,5/7, a été justement indemnisé à hauteur de 25 000 €, montant que la cour estime adapté et conforme aux pratiques indemnitaires habituelles dans des situations comparables.

Le jugement sera confirmé.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Initialement arbitré par l'expert à 52%, augmenté après dires à 53%, le premier juge a retenu un taux de 65%, addition des taux d'incapacité, d'autant plus retenu au vu des deux expertises du médecin conseil de l'assureur et de celui de l'assurance maladie, en excluant l'application de la règle de Balthazard, conduisant à une addition des taux.

L'assureur demande de retenir le taux de 53% tandis que Mme [D] demande de le porter à 85%, selon les termes de son dire à expert.

C'est à tort cependant que le premier juge a écarté l'application de cette règle, parfaitement explicitée et motivée par l'expert judiciaire en réponse au dire qui lui était adressé, de telle sorte que la cour qui ne trouve aucune raison objective de l'écarter retiendra le taux de 53%.

S'agissant de la valeur du point, le premier juge, retenant que Mme [D] est âgée de 42 ans, a fixé la valeur du point à 4225€, que Mme [D] demande de porter à 4800 € tandis que l'assureur demande de le minorer à 3400 €.

La cour, en l'état d'indemnisation habituellement allouées dans des situations comparables, fixera la valeur du point à 4000€ pour une personne âgée de 44 ans à la consolidation, de telle sorte que le jugement sera infirmé et l'indemnisation fixée à 53 x 4000€ = 212 000 €.

Sur le préjudice d'agrément

Retenu dans son principe par l'expert au regard des éléments listés, ce poste a été indemnisé par le premier juge à hauteur de 15000 €, que Mme [D] demande de porter à 30 000 € tandis que l'assureur demande de l'en débouter.

La cour, en l'état des justificatifs produits et de l'appréciation concrète des privations d'activité spécifique sportive et de loisirs, portera ce poste à la somme de 20 000 €. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur le préjudice esthétique permanent

Arbitré par l'expert à 2/7 au regard de la boiterie avec utilisation d'une canne, maintenu après dire qui lui demandait de le porter à 3/7, cotation retenue par le premier juge qui l'indemnise à hauteur de 10 000 €, Mme [D] demande de porter l'indemnisation à hauteur de 12 000 € tandis que l'assureur demande de la diminuer à 2500 €.

La qualification d'une marche très difficile par l'expert permet de confirmer l'appréciation du premier juge et de confirmer l'indemnisation allouée.

La société Pacifica, partie essentiellement perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

Déclare recevable la demande de Mme [D] tendant à être indemnisée des frais de logement adapté par financement d'un nouveau logement,

l'en déboute

Infirme le jugement en ce qu'il a fixé le préjudice de Mme [T] [D] au titre de l'assistance par tierce personne à la somme de 1 213 714,72 €, au titre du déficit fonctionnel permanent à la somme de 274 625 €, au titre du préjudice d'agrément à la somme de 15 000 € et condamné la société Pacifica à lui payer une somme de 1 677 948 €,

statuant à nouveau de ces chefs,

fixe le préjudice de Mme [T] [D] comme suit :

au titre de l'assistance par tierce personne permanente : 1 205 809€

au titre du déficit fonctionnel permanent : 212000€

au titre du préjudice d'agrément : 20000€

confirme les fixations pour le surplus des postes de préjudices,

condamne en conséquence la SA Pacifica à payer à Mme [T] [D] la somme de 1 632 418,06 €,

confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

Condamne la SA Pacifica aux dépens d'appel,

Condamne la SA Pacifica à payer à Mme [T] [D] la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier P/ Le Président empêché

Le Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01466
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.01466 ?
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