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02/05/2024 | FRANCE | N°21/07091

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 02 mai 2024, 21/07091


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/07091 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHQ7



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04

novembre 2021

Tribunal judiciaire de CARCASSONNE

N° RG 18/00666





APPELANTE :



Société Kurt Obermeier gmbh & co kg - Société de droit allemandagissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Mandine CORTEY LOTZ, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postula...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/07091 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHQ7

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 novembre 2021

Tribunal judiciaire de CARCASSONNE

N° RG 18/00666

APPELANTE :

Société Kurt Obermeier gmbh & co kg - Société de droit allemandagissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Mandine CORTEY LOTZ, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et Me Nathalie PARNIERE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [I] [E]

né le 10 Février 1969 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 2]

Représenté par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Sébastien LEGUAY de la SELARL SEBASTIEN LEGUAY, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant présent sur l'audience

S.A. Generali Iard société anonyme, entreprise régie par le Code des Assurances, immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 552 062 663, prise en la personne du Président de son Conseil d'Administration

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle MERLY CHASSOUANT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et Me Caroline ALTEIRAC, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

S.A.S SIRA - Société d'imprégnation Rhône Alpes - société par actions simplifiées unipersonnelle au capital de 200 000 euros immatriculée au RCS de VIENNE sous le numéro 309 799 732 agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et Me Sophie DELON, IDEOJ AVOCATS, avocat au barreau de la VIENNE, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS société d'imprégnation Rhône-Alpes (ci-après SIRA) est spécialisée dans le traitement de bois en autoclave et commercialise notamment des piquets pour clôtures, barrières et autres structures bois ; elle est certifiée 'CTB Bois' par l'Institut technologique FCBA (Forêt - Cellulose - Bois - Ameublement).

La société Kurt Obermeier gmbh est une société de droit allemand, spécialisée dans la fabrication de produits de protection du bois. Elle compte parmi ses clients la société SIRA.

M. [I] [E] a fait appel à la société SIRA afin de clôturer un enclos cynégétique comprenant un parc de chasse et un parc d'élevage d'une surface globale de 365 hectares, situé à [Localité 7], lieudit [Localité 11].

Il a ainsi acquis 1580 piquets le 4 juillet 2007, puis 1179 piquets, respectivement pour 5806,50€ et 6720,30€.

Le 6 mai 2010, il a informé la société SIRA que des piquets étaient pourris à la base et il a refusé de mettre en place une partie du deuxième lot.

La société SIRA a déclaré le sinistre auprès de son assureur, la SA Generali.

Le 7 avril 2011, une expertise amiable s'est déroulée sur site, au terme duquel il a été constaté le pourrissement de plusieurs piquets.

Le 25 octobre 2012, M. [E] a fait assigner la société SIRA et son assureur, la SA Generali devant la juridiction des référés aux fins d'obtenir le remboursement des piquets non plantés, outre une expertise judiciaire. La société SIRA a appelé en cause la FCBA, agent certificateur des produits utilisés pour le traitement des bois dont litige, et son assureur Fan eurocourtage, afin qu'elles interviennent dans le cadre des opérations d'expertise à venir.

Le 17 janvier 2013, par ordonnance de référé, l'expertise a été ordonnée et confiée à M. [X] [M] ; le juge a par ailleurs rejeté la demande de M. [E] concernant l'enlèvement des piquets sous astreinte. La société Kurt Obermeier, fournisseur du produit de traitement des piquets a été attraite à la cause et les opérations d'expertises lui ont été déclarées communes et opposables.

Le 4 juin 2015, par ordonnance, le juge des référés a :

- Donné acte à la société SIRA de son accord pour fournir 600 piquets de 2,70 m à M. [E] dans un délai d'un mois et à défaut sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard ;

- Condamné à verser une provision de 30 000 € TTC outre 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (ci-après CPC) ;

- Condamné la compagnie Generali à relever et garantir la société SIRA mais uniquement à hauteur de 20 194 € HT correspondant à 23 194 € HT sous déduction d'une franchise de 3 000 € ;

- Débouté la compagnie Generali de ses demandes tendant à être relevée et garantie par la société Obermeier et par l'institut FCBA au regard de l'existence de contestations sérieuses ;

- Condamné la compagnie Generali à payer à l'institut FCBA la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC;

- Condamné la compagnie Generali aux entiers dépens.

La société SIRA a relevé appel de cette décision.

Nonobstant l'appel, le 26 juin 1015, la société a fait livrer à M. [E] les 600 piquets dans le délai d'un mois, et a repris par même transport, 300 piquets restant de l'ancienne livraison.

Par arrêt en date du 14 avril 2016, la cour d'appel de Montpellier a infirmé l'ordonnance susvisée, et statuant à nouveau, a :

- Constaté que la société SIRA a fourni conformément à son offre 600 piquets à M. [E] ;

- Dit par voie de conséquence, n'y avoir lieu à condamner en tant que de besoin et sous astreinte la société SIRA à fournir à M. [E] les piquets ;

- Débouté M. [E] de sa demande de provision ;

- Dit par voie de conséquences que les demandes tendant à relever et garantir la société SIRA et la compagnie Generali Iard n'ont plus d'objet ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [E] aux dépens.

Suite à cet arrêt, M. [E] a remboursé à la société SIRA la somme de 6 767,20 € et a conservé les 600 piquets.

Le 20 octobre 2016, l'expert judiciaire a rendu son rapport final.

C'est dans ce contexte que par acte en date des 30 mai et 19 juin 2018, M. [E] a fait assigner la société SIRA et la SA Generali assurances aux fins de voir notamment engager la responsabilité contractuelle de la SIRA. Par acte en date du 16 octobre 2018, la SIRA a fait assigner en intervention forcée la société Kurt Obermeier.

Le 5 décembre 2018, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances.

Par jugement contradictoire, rendu sous le bénéfice de l'exécution provisoire, en date du 4 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Carcassonne a :

- Déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Kurt Obermeier et l'en a déboutée ;

- Dit que la SAS SIRA est responsable contractuellement vis-à-vis de M. [E] ;

- Débouté M. [E] de ses demandes formées à l'encontre de la société Kurt Obermeier ;

- Condamné la SAS SIRA à payer à M. [E] la somme de 14 357,16 € TTC au titre du remplacement des piquets restants ;

- Condamné in solidum la SAS SIRA et la SA Generali à payer à M. [E] la somme de 109 458, 65 € au titre des frais de main d'oeuvre nécessaire au remplacement des piquets restants, sous déduction de la somme de 24 232,80€ réglée par cette dernière en exécution de l'ordonnance de référé du 4 juin 2015 ;

- Condamné la SA Generali à garantir la SAS SIRA de la condamnation prononcée à son encontre au titre des frais de main d'oeuvre nécessaire au remplacement des piquets restants ;

- Condamné la société Kurt Obermeier à relever et garantir la SIRA et la SA Generali des condamnations mises à leur charge à l'encontre de M. [E] ;

- Débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples, autres ou contraires ;

- Condamné in solidum la SA Generali, la SIRA, et la société Kurt Obermeier aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire.

Le 9 décembre 2021, la société Kurt Obermeier gmbh & co kg a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 19 février 2024, la société Kurt Obermeier demande en substance à la cour de :

- In limine litis : donner acte à la société Obermeier qu'elle ne s'oppose pas à la révocation de l'ordonnance de clôture. En cas d'absence de refus de révocation de ladite ordonnance, débouter la société SIRA de sa demande de rejet des conclusions notifiées le 13 février 2024 par la société Obermeier et rejeter uniquement les conclusions notifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture.

- Déclarer l'appel recevable ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société SIRA ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[E] de sa demande de condamnation de la société Obermeier fondée sur la responsabilité contractuelle et sur la garantie des vices cachés ;

- Prendre acte que l'acte de conformité du produit Korasit CC n'est pas contestée. Constater que la responsabilité de la société Obermeier est limitée à la conformité du produit Korasit CC. Constater que la société SIRA était bien possession de la fiche technique dédit produit. En conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la société Obermeier devait relever et garantir la société SIRA et la SA Generali des condamnations mises à leur charge à l'encontre de M. [E] et en conséquence débouter ces sociétés de toute demande à l'égard de la société Obermeier ;

- Subsidiairement, déclarer recevable la demande subsidiaire, partant limiter la part de la société Obermeier à 1/4 du préjudice indemnisé ;

- En tout état de cause, condamner M. [E], la société SIRA et la SA Generali, ou toute partie succombante, au paiement de 7 000 € à la société Obermeier, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 14 février 2024, la société SIRA demande en substance à la cour de :

- In limine litis : ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 14 février 2024, jour de signification des présentes. A défaut, ordonner le rejet des conclusions signifiées par la société Kurt Obermeier le 13 décembre 2024 au soir la veille de la clôture ;

- Réformer le jugement en ce qu'il a :

Dit que SIRA est responsable contractuellement vis-à-vis de M. [E] ;

Condamné SIRA à payer à M. [E] la somme de 14 357, 16 € TTC au titre du remplacement des piquets restants ;

Condamné in solidum SIRA et Generali France assurances à payer à M. [E] la somme de 109 458,65 € au titre des frais de main d'oeuvre nécessaire au remplacement des piquets restants, sous déduction de la somme de 24 232, 80 € réglée par cette dernière en exécution de l'ordonnance de référé du 4 juin 2015 ;

Débouté SIRA de ses demandant à voir :

condamner M. [E] ou la société Kurt Obermeier à payer à la société SIRA la somme de 4 170 € HT ou 5 004 € TTC au titre de la fourniture de 600 piquets neufs le 26 juin 2016 frais de port inclus ;

Condamner M. [E] ou qui mieux le devra sera condamnée à payer à la société SIRA une indemnité de 10 950 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ;

Condamner M. [E] ou qui mieux le devra aux dépenses ;

Condamné SIRA in solidum avec Generali France assurances et la société Kurt Obermeier.

- Sur la responsabilité contractuelle : Juger que SIRA n'a manqué à aucune obligation contractuelle. Juger que les désordres ne sont pas imputables à son fait. Juger que SIRA rapporte la preuve de plusieurs causes étrangères exonératoires de sa responsabilité. Subsidiairement, limiter la part de la société SIRA à 1/4 dans son rapport avec M. [E] ;

- Sur la garantie des vices cachés :

constater que M. [E] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice caché ni du lien de causalité entre ce vice et le pourrissement constaté de certains piquets. A l'inverse, constater :

que seule une part minime des piquets est défectueuse alors que tous ont été traités de la même façon et avec le même produit ;

qu'au titre des causes des désordres, l'expert retient leur mise en oeuvre par M. [E] et une contamination anormale du sol ;

que les conditions de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies ;

que les désordres sont causés par un cas fortuit ou à la faute de la 'victime' ;

que la charge des risques sur la chose appartient au propriétaire / poseur soit à M. [E], lui même ;

En conséquence, débouter M. [E] de ses demandes ;

Très subsidiairement, limiter la part de la société SIRA à 1/4 dans son rapport avec M.[E] ;

- Subsidiairement, sur les frais de remplacement, constater que seuls 341 piquets étaient endommagés sur la totalité de la fourniture, constater que 600 piquets neufs ont déjà été fournis par SIRA en remplacement. Débouter M. [E] de sa demande d'indemnisation au titre du coût du remplacement (fourniture et pose) de l'intégralité des piquets vendus ;

- Subsidiairement, évaluer ce préjudice à 13 868,47 € HT dont 1943,70 € de fourniture et 11 924,77 € HT de main d'oeuvre ;

- Très subsidiairement, juger satisfactoire la fourniture de 600 piquets de remplacement par SIRA en juin 2015.Juger pareillement satisfactoire l'indemnisation de M. [E] à hauteur de 24 232, 80 € TTC versée par Generali ;

- Infiniment subsidiairement :

Réduire le nombre total de piquets restant à 2049 déduction faite des 600 piquets déjà remplacés ;

Réduire l'indemnité au titre du coût de la fourniture en remplacement à raison de 44 % de la quantité retenue à 5,70 € HT l'unité et 56% à 3,96 € HT l'unité ;

Juger que M. [E] récupère la TVA et que les condamnations doivent être prononcées hors taxes ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté M. [E] de ses demandes :

au titre des piquets repris,

au titre des 600 piquets déjà remplacés en 2015,

au titre de son préjudice économique ,

au titre de l'article 700 du CPC ;

condamné Generali à garantir SIRA de la condamnation prononcée à son encontre au titre des frais de main d'oeuvre nécessaire au remplacement des piquets ;

condamné la société Obermeier à relever et garantir SIRA et Generali des condamnations mises à leurs charges à l'encontre de M. [E].

- En tout état de cause, déclarer irrecevable la demande subsidiaire de la société Obermeier tendant à voir limiter sa responsabilité à un quart du préjudice indemnisable ;

- A titre subsidiaire la rejeter ;

- Condamner M. [E] ou la société Kurt Obermeier à payer à la société SIRA la somme de 4 170 € HT (5004 € TTC) au titre de la fourniture de 600 piquets neufs le 26 juin 2015 ;

- Condamner M. [E] ou qui mieux le devra sera condamnée à payer à la société SIRA une indemnité de 16 750 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre aux dépens ;

- Subsidiairement, étendre la garantie de Sira par Generali France assurances et celle de SIRA et Generali France par la société Kurt Obermeier aux dépens.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 13 février 2024, la société Generali Iard demande en substance à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société SIRA était contractuellement responsable à l'égard de M. [E] et l'a condamnée in solidum avec la compagnie Generali à payer à M. [E] diverses sommes, et statuant à nouveau, de :

- Juger que les demandes de M. [E] s'analysent en une action en garantie des vices cachés ;

- juger que l'action de M. [E] est irrecevable pour cause de forclusion.

- Débouter M. [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société SIRA et de la compagnie Generali Iard ;

- Condamner M. [E] à restituer la somme de 24232,80 € à la compagnie Generali versée à l'issue de la procédure de référé provision, et les sommes versées en exécution du jugement dont appel ;

- Condamner M. [E] à régler la somme de 6 000 € à la compagnie Generali au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Subsidiairement, juger que M. [E] ne démontre ni le manquement de la société SIRA à son obligation de délivrance conforme ni le vice caché dont les piquets seraient prétendument affectés. Par conséquent, le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société SIRA et de la compagnie Generali Iard. Le condamner à restituer la somme de 24 232,80 € à la compagnie Generali versée à l'issue de la procédure de référé provision, et les sommes versées en exécution du jugement dont appel. Condamner M. [E] à régler la somme de 6 000 € à la compagnie Generali au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens ;

- A titre plus subsidiaire, juger que M. [E] ne rapporte pas la preuve des dommages allégués. Par conséquent, le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société SIRA et de la compagnie Generali Iard. Le condamner à restituer la somme de 24 232,80 € à la compagnie Generali versée à l'issue de la procédure de référé provision, et les sommes versées en exécution du jugement dont appel. Condamner M. [E] à régler la somme de 6 000 € à la compagnie Generali au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens ;

- A titre subsidiaire, minorer les demandes de M.[E] dans une très large mesure ;

- A titre subsidiaire et en toute hypothèse :

Confirmer le jugement en ce qu'il a fait application des limites et exclusions du contrat d'assurances sont opposables à l'assuré ainsi qu'aux tiers au contrat ;

Juger que la garantie de Generali ne porte pas sur la reprise de la propre prestation de son assuré et les frais engagés pour remplacer les produits fournis, à savoir la somme de 18495,35 € ;

Faire application, pour le surplus des limites de garanties telles que contenues dans la police et juger que toute condamnation prononcée à l'encontre de la compagnie Generali ne pourra pas dépasser le plafond de garantie de 150000€ au titre des frais dépose repose prévu par la police ;

Déduire la somme de 24 232,80 € de toute condamnation qui serait prononcée à l'encontre de la compagnie Generali ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Obermeier à garantir la société SIRA et la compagnie Generali des condamnations prononcées à leur encontre ;

Juger que la société SIRA et la compagnie Generali sont recevables et bien fondées à solliciter la garantie pleine et entière de la société Obermeier ;

Condamner la société Obermeier à relever et garantir la compagnie Generali de tout condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

Condamner la société Obermeier à régler la somme de 6 000 € à la compagnie Generali et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 5 août 2022, M. [E] demande en substance à la cour de :

- Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées ;

- Infirmer pour partie la décision appelée :

- Constater que les piquets livrés par la société SIRA en 2007, 2009 et 2015, ne sont pas conformes aux engagements contractuels et à tout le moins affectés de vices cachés résultant de la qualité du produit d'imprégnation de la société Kurt Obermeier, et/ou de la mise en oeuvre de ce produit par la société SIRA, et mettant en péril la clôture du domaine appartenant à M. [E] ;

- Dire et juger que, nonobstant le fait qu'il est démontré que 18% de ces piquets sont d'ores et déjà totalement inutilisables, il convient de remplacer l'intégralité de ces piquets et par conséquent, de refaire la clôture du parc animalier ;

- Condamner en conséquence la société Kurt Obermeier, la société SIRA et sa compagnie Generali in solidum à payer à M. [E] les sommes suivantes:

4 104 € TTC au titre du remboursement des 600 piquets repris ;

14 391,36 € TTC au titre du coût correspondant à 2 099 piquets à remplacer ;

165 484,80 € TTC au titre du montant des travaux nécessaires au remplacement des 2704 piquets ;

Déduction faire de la somme de 24 232,80 € réglée par la compagnie Generali en exécution de l'ordonnance de référé du 4 juin 2015 ;

- Condamner en outre in solidum la société Obermeier, la société SIRA et la compagnie Generali à payer à M. [E] une somme de 36 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pendant les 12 années qui se sont écoulées entre la découverte du sinistre et l'assignation, somme qui sera augmentée de 3 000 € par an tant qu'il n'aura pas été fourni à M. [E] les moyens financiers nécessaires pour lui permettre de faire procéder au remplacement des piquets litigieux ;

- Condamner enfin in solidum la société Obermeier, la société SIRA et la compagnie Generali au paiement d'une somme de 16 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens, en ce compris les frais de référé, d'expertise judiciaire et le coût du commandement de payer du 6 juillet 2016.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 février 2024, révoquée par une nouvelle ordonnance du 6 mars 2024 fixant la clôture à cette nouvelle date.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'obligation de délivrance

Ce manquement a été retenu par le premier juge pour engager la responsabilité de la société SIRA aux motifs que certains des piquets garantis quinze ans contre tous les champignons de pourriture ont pourri sous l'effet d'un ou de champignons avant l'expiration de ce délai. Il a par ailleurs retenu que la société SIRA ne rapportait aucune preuve de nature à l'exonérer de sa responsabilité, considérant que parmi les causes possibles du pourrissement listées par l'expert, se trouvaient des anomalies lors du traitement du bois, une efficacité insuffisante du Korasit CC.

Toutefois :

- l'expert judiciaire a conclu ses travaux en précisant que la cause des désordres des piquets atteints de pourrissement n'était pas déterminée, les champignons responsables de la pourriture n'étant pas identifiés malgré les analyses en laboratoires ;

- l'expert judiciaire a proposé plusieurs causes à ces pourrissements, sans trancher entre elles, les considérant multifactorielles : anomalies lors du traitement du bois, efficacité insuffisante du Korasit CC ; incidents mécaniques lors de la pose ; pression fongique très importante.

La conformité du bien vendu et livré s'apprécie au regard des spécifications contractuelles, au moment de la délivrance.

De l'accord des parties et de leurs relations contractuelles telles qu'elles résultent du dossier, il est constant que M. [E] a commandé auprès de la société SIRA un certain nombres de piquets destinés à compléter ou remplacer certains déjà installés en clôture de son enclos cynégétique ; ces commandes portaient sur des piquets de classe 4, spécialement traités contre les champignons de pourriture  (mention sur factures des 05 juillet 2007 et 31 août 2009) 'traitement garanti 15 ans uniquement contre tous les champignons de pourriture et les insectes xylophages. Pin traité classe 4. Tout autre dommage ne pourra faire l'objet d'aucune indemnité'. Ces piquets lui ont livrés pour être installés par M.[E], qui y a partiellement procédé.

Il n'est pas contestable que la société SIRA a procédé à la livraison, pour les quantités demandées et dans la taille commandée, des piquets de classe 4, par elle traitée avec le produit Korasit CC fourni par la société Kurt Obermeier.

La mention d'une garantie contractuelle de 15 ans ne peut de manière abstraite et automatique permettre de conclure que l'existence de pourritures affectant ces piquets démontrerait de manière irréfragable le manquement de la société venderesse à son obligation de délivrance sans s'intéresser aux causes du pourrissement, la venderesse ne garantissant que le traitement des bois contre les champignons auquel elle procède. C'est d'ailleurs ce qu'elle écrit dans la notice commerciale dont s'empare M.[E] en soulignant qu'elle vantait 'une technique de traitement efficace' et explicitait que ce procédé de traitement était le plus efficace et le plus durable contre tout développement de champignons, toutes attaques d'insectes, y compris de termites, tout vieillissement accéléré en milieu humide ou particulièrement difficile'.

Des travaux de l'expert, il résulte qu'après analyses, les piquets sont conformes aux normes d'imprégnation en cuivre et chrome, du moins ceux identifiables comme vendus par la société SIRA puisque existaient des piquets précédemment implantés ayant une autre provenance.

Les causes du pourrissement n'ont pas été déterminées et ne sont pas déterminables à ce jour, ni en lecture du rapport d'expertise ni de toute autre pièce. Dès lors que des causes multifactorielles ont pu être- ce qui n'équivaut pas à 'ont été'- à l'origine du pourrissement constaté, dont trois sont extérieures au traitement des bois opéré par la société SIRA, l'imputabilité à celle-ci d'un pourrissement d'origine fongique non identifié n'est pas possible.

Il s'ensuit que par application des dispositions de l'article 1148 ancien du code civil, trois causes étrangères au traitement garanti par la société SIRA sont exonératoires de toute responsabilité de celle-ci.

Il n'est en conséquence pas démontré par M. [E] qui est en charge de la preuve que la société SIRA a manqué à son obligation de délivrance.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu le contraire.

Sur la garantie des vices cachés

Selon l'article 1648 du code civil, 'L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.'

Il est désormais acquis en jurisprudence que :

- c'est la date de découverte du vice qui marque le point de départ du délai pour agir ;

- le point de départ du délai, dont la fixation relève du pouvoir souverain des juges du fond, peut être le jour de la notification du rapport d'expertise judiciaire (1re Civ., 11 janvier 1989, pourvoi n°87-12.766) ;

- en application des articles 1648, alinéa 1, et 2232 du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente (3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439) ;

- le délai de deux ans dans lequel doit être intentée l'action résultant de vices rédhibitoires, prévu par l'article 1648 du code civil, est un délai de forclusion qui n'est pas susceptible de suspension, mais qui, en application de l'article 2242 du même code, peut être interrompu par une demande en justice jusqu'à l'extinction de l'instance. (3e Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-22.670) ;

- le délai de l'article 1648 est interrompu par une assignation en référé (cf article 2241 du code civil)

- c'est à celui qui invoque la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action d'en justifier.

Pour échapper à la fin de non-recevoir que lui opposent la société SIRA et son assureur Generali, M. [E] fait valoir que le point de départ du délai de son action se situe au jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, soit le 20 octobre 2016 et que son action a été engagée en mai 2018 avant l'expiration du délai de deux ans.

Generali soutient l'irrecevabilité en soulignant que le délai d'action a été interrompu par l'assignation en référé expertise du 25 octobre 2012, jusqu'au 17 janvier 2013, date de l'ordonnance ; qu'il a été à nouveau interrompu par la demande de provision à l'encontre de la société SIRA jusqu'au 14 avril 2016, date de l'arrêt de la cour d'appel de ce siège ; que le délai de deux ans a donc commencé à courir de cette date de telle sorte que l'assignation délivrée le 30 mai 2018 est tardive.

Un tel raisonnement ne peut être toutefois suivi dès lors qu'il conduit à fixer le point de départ initial de l'action à une date antérieure au premier marqueur temporel du 25 octobre 2012, sans préciser lequel au demeurant. Ce serait alors la date du courrier de M. [E] qui le 6 mai 2010, ne fait qu'informer du constat de pourriture affectant le premier lot, sans qu'il puisse en être déduit sa connaissance du vice dans son ampleur et ses conséquences. C'est donc bien au jour du dépôt du rapport d'expertise, le 20 octobre 2016 que doit être fixé le point de départ de l'action en garantie des vices cachés de telle sorte que la fin de non-recevoir n'est pas fondée.

Selon l'article 1641 du code civil, 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.'

Pour que cette action puisse prospérer, il appartient à M.[E] sur qui pèse la charge de la preuve, d'établir la réunion cumulative de plusieurs conditions : un défaut de la chose ; la gravité de ce défaut (qui rend la chose impropre à sa destination) ; le caractère occulte du défaut lors de la vente ; l'antériorité du défaut à la vente.

M. [E] échoue dans l'administration de la preuve dès la première condition dès lors qu'il n'est en rien établi au regard des causes multifactorielles indiquées par l'expert que le vice serait inhérent aux piquets : la cour fait siennes à cet égard les arguments de la société SIRA qui souligne avec pertinence que le traitement des piquets ne vaut que pour certaines causes (champignons de pourrissement et insectes xylophages) dont l'existence n'est pas avérée en l'espèce ; le traitement ne vaut que pour une mise en 'uvre correcte alors qu'en l'espèce la mauvaise mise en 'uvre des piquets est une des causes possibles retenues par l'expert (pose en force ayant fissuré les piquets ; le traitement ne vaut que pour un sol normal alors qu'en l'espèce l'existence d'une contamination anormale consécutive à l'implantation de poteaux polonais non traités ou à une rétention d'eau est également envisagée.

Il n'est donc pas même établi que les piquets présentaient au jour de la vente un vice les affectant, la cause des dommages affectant 18% d'entre eux n'étant pas déterminée. De surcroît, au même titre que pour l'obligation de délivrance, l'imputabilité d'un vice affectant partie des piquets à la société SIRA n'est pas caractérisée.

Il s'ensuit que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions s'agissant de l'action de M. [E] contre la société SIRA.

S'agissant des demandes de M. [E] contre la société Kurt Obermeier, appelée en cause initialement aux fins de relevé et garantie par la seule société SIRA, il précise en cause d'appel agir sur le fondement de l'article 1245 du code civil.

Aucun élément ne permet toutefois de retenir que le produit Korasit CC, dont l'expert a relevé que 'la conformité n'est contestée par aucune partie', du moins c'était alors le cas, présente la moindre défectuosité au sens de l'article précité et l'identification d'une efficacité insuffisante du Korasit CC comme possible multifactorielle n'étant pas même établie.

M. [E] échoue donc à engager la responsabilité de quiconque.

L'infirmation totale de la décision de première instance conduit de facto aux restitutions de plein droit qui s'imposent, M.[E] étant spécialement condamné sur la demande expresse de la société Sira à payer à celle-ci la somme de 4170 € HT correspondant à la fourniture de 600 piquets neufs le 26 juin 2015 dont il a alors bénéficié en appauvrissant d'autant la société SIRA.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [E] supportera les dépens de première instance, en ceux compris les frais de référé expertise et d'expertise, et ceux d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [I] [E] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société SIRA, la société Generali Iard et la société Kurt Obermeier.

Dit sans objet les demandes des sociétés SIRA et Generali tendant à être relevées et garanties par la société Kurt Obermeier.

Condamne M. [I] [E] à payer à la société SIRA la somme de 4 170 € HT.

Condamne M. [I] [E] aux dépens de première instance, en ceux compris les frais de référé expertise et d'expertise et d'appel.

Condamne M. [I] [E] à payer à la société SIRA la somme de 8 000 €, à la société Kurt Obermeier celle de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à d'autre application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/07091
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.07091 ?
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