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02/05/2024 | FRANCE | N°21/06851

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 02 mai 2024, 21/06851


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06851 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHCB



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15

octobre 2021

Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal judiciaire de PERPIGNAN





APPELANTE :



S.A. BNP Paribas Personal Finance S.A, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 542097902, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Arnaud DUBOIS subs...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06851 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHCB

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 octobre 2021

Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal judiciaire de PERPIGNAN

APPELANTE :

S.A. BNP Paribas Personal Finance S.A, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 542097902, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Arnaud DUBOIS substituant Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO - DUBOIS, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Madame [Y] [U] épouse [Z]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 5]

Représentée par Me Audrey DELAHAYE, avocat au barreau de MONTPELLIER et Me Samuel HABIB (HERACLES AVOCATS), avocat au barreau de PARIS

Monsieur [X] [Z]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 5]

Représenté par Me Audrey DELAHAYE, avocat au barreau de MONTPELLIER et Me Samuel HABIB (HERACLES AVOCATS), avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. Homeco France représentée par son mandataire ad hoc Maître [W] [V]

[Adresse 4]

[Localité 9]

- jugement de clôture de la liquidation judiciaire en date du 7 mars 2018 rendu par le tribunal de commerce de CRETEIL

Maître [W] [V] en qualité de mandataire ad'hoc de la SARL Homeco France désigné par ordonnance du Président du tribunal de commerce de CRETEIL en date du 31 mars 2021

[Adresse 6]

[Localité 8]

assigné par acte du 17 mars 2022 remis à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 octobre 2015, Mme [Y] [U] épouse [Z] et M. [X] [Z] (ci-après les consorts [Z]), ont souscrit auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance (venant aux droits de la société Sygma Banque), un crédit accessoire à l'acquisition d'une installation photovoltaïque, prestation fournie par la SARL Homeco France dans le cadre d'un démarchage à domicile.

Le 5 novembre 2015, la société Homeco a procédé à l'installation des panneaux, date à laquelle les consorts [Z] ont signé un certificat de fourniture des prestations avec ordre de déblocage des fonds.

Le 9 novembre 2015, les fonds ont été débloqués par le prêteur.

Le 20 décembre 2015, le raccordement de l'installation a été réalisé.

Le 7 mars 2018, la SARL Homeco France a fait l'objet d'un jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif par le tribunal de commerce de Créteil.

Le 7 juillet 2019, les consorts [Z] ont procédé au remboursement anticipé total de l'emprunt.

Par acte en date du 20 octobre 2020, les consorts [Z] ont fait assigner la SARL Homeco et la SA BNP Paribas aux fins notamment d'annulation du contrat de vente et de crédit.

Par acte en date du 20 juillet 2021, les consorts [Z] ont régularisé leur assignation en appelant en intervention forcée la SARL Homeco France prise en la personne de Me [W] [V], ès qualité de mandataire ad hoc.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement réputé contradictoire, rendu sous le bénéfice de l'exécution provisoire, en date du 15 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

- Prononcé la nullité du contrat conclu le 21 octobre 2015 entre les consorts [Z] et la SARL Homeco France ;

- Prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 21 octobre 2015 entre les consorts [Z] et la BNP Paribas Personal Finance (venant aux droits de la société Sygma Banque) ;

- Dispensé les consorts [Z] du remboursement à la SA BNP Paribas Personal Finance du montant emprunté ;

- Condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à rembourser aux consorts [Z] les échéances déjà versées, avec intérêts à taux légal à compter de la décision ;

- Débouté les consorts [Z] de leurs demandes de dommages et intérêts ;

- Condamné in solidum la SA BNP Paribas Personal Finance et la SARL Homeco France aux entiers dépens de l'instance;

- Condamné la SA BNP Paribas Personal Finance au paiement aux consorts [Z] de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 26 novembre 2021, la SA BNP Paribas Personal Finance (ci-après la banque, le prêteur ou la société BNP Paribas) a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 7 février 2024, la banque demande en substance à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

- Dire et juger irrecevables les demandes des époux [Z] tendant à la nullité ou la résolution du contrat souscrit près la SARL Homeco France hors le contradictoire de cette société, en suite du jugement de clôture survenu le 7 mars 2018, à défaut de production aux débats de la requête visée par l'ordonnance, portant le cachet du tribunal de commerce de Paris du 9 décembre 2019 et enregistrée sous le n°2019 O 595 ;

- Dire et juger que l'assignation délivrée le 20 juillet 2021 n'a pas régularisé l'assignation irrégulière du 20 octobre 2020 laquelle n'a produit aucun effet interruptif de prescription ;

- Dire et juger que le point de départ de l'action en nullité du contrat principal pour irrégularité formelle est sa date de signature soit le 21 octobre 2015 ;

- Dire et juger que le point de départ de l'action en nullité pour dol ou absence de cause est la date de mise en service de l'installation soit le 20 décembre 2015 ;

- Dire et juger en conséquence les époux [Z] prescrits en leur action qui serait dirigée contre Homeco France contre laquelle l'assignation n'a produit aucun effet interruptif de prescription, alors que le délai quinquennal expirerait au plus tard le 21 octobre 2020 pour ce qui concerne l'action en irrégularité formelle du contrat, et le 20 décembre 2020 pour ce qui concerne le dol et l'absence de cause ;

- Dire et juger en conséquence irrecevable toute demande dirigée à titre accessoire contre la SA BNP Paribas personal finance comme une conséquence de l'annulation ou de la résolution du contrat principal. Partant, débouter les époux [Z] de l'intégralité de leurs moyens et demandes ;

- Subsidiairement :

Dire et juger qu'il n'est rapporté la preuve d'aucune faute commise par la SA BNP Paribas, ni d'aucun préjudice en corrélation dès lors que l'installation photovoltaïque est fonctionnelle, raccordée et productrice d'énergie depuis plus de 7 ans, les fruits de la revente d'électricité à ERDF constituant un gain qui ne fera l'objet d'aucune répétition par les consorts [Z] ;

Dire et juger que les obligations des époux [Z] ont pris effet à l'égard de BNP Paribas, de sorte qu'aucune faute du prêteur n'est caractérisée au visa de l'article L. 312-48 (L.311-31 ancien) du code de la consommation ;

Dire et juger à tout le moins qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun préjudice qui devrait être indemnisé par la privation totale ou partielle pour le prêteur de son droit à restitution du capital mis à disposition, ou par l'allocation d'une quelconque somme à titre de dommages et intérêts ;

Débouter en conséquence les époux [Z] de tous leurs moyens et demandes ;

Les condamner en cas d'annulation du contrat de crédit à payer à la SA BNP Paribas la somme de 29 900 € au titre de la restitution du capital mis à disposition ;

- Condamner les consorts [Z] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 8 décembre 2023, les consorts [Z] demandent en substance à la cour de confirmer le jugement notamment en ce qu'il a prononcé la nullité des contrats, dispensé les époux du remboursement, et a condamné la SA BNP Paribas aux dépens, et à rembourser les échéances déjà versées avec intérêts à taux légal. Infirmer le jugement sur le surplus, notamment ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts, et statuant à nouveau, de :

- Débouter la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma, de l'intégralité de ses demandes;

- Subsidiairement, si la cour infirmait la décision en ce qu'elle a prononcé la nullité des conventions, ou à tout le moins, privé la banque de sa créance de restitution, condamner la société BNP Paribas à verser aux époux [Z] la somme de 14 950 € à titre de dommages et intérêts, du fait de la négligence fautive de la banque ;

- A titre infiniment subsidiaire, si la cour infirmait la décision en qu'elle a prononcé la nullité des conventions, prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la BNP Paribas. En conséquence, condamner la BNP Paribas à restituer aux époux [Z] la somme de 8 003,74 €, sauf à parfaire ;

- En tout état de cause, condamner la société BNP Paribas à verser aux époux [Z] la somme de :

4 846,23 € au titre de leur préjudice financier,

6 000 € au titre de leur préjudice économique et trouble de jouissance ;

5 000 € au titre du préjudice moral ;

- En tout état de cause, condamner la société BNP Paribas à payer aux époux [Z], la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

MOTIFS

Sur la fin de non recevoir opposée par la banque

La banque critique le jugement déféré en ce qu'il a rejeté le moyen qu'elle opposait à la recevabilité des demandes présentées par les époux [Z]. Elle fait valoir que la clôture de la liquidation judiciaire de la société Homeco France pour insuffisance d'actifs ayant été prononcée le 7 mars 2018, l'assignation en nullité ou résolution de la vente délivrée le 20 octobre 2020 était irrégulière de sorte que le tribunal n'était pas valablement saisi de telles demandes hors contradictoire de cette société alors que Me [V] n'avait pas été désigné en qualité d'administrateur ad'hoc, l'ordonnance présentée intéressant manifestement un autre dossier que celui des époux [Z].

Seule l'assignation délivrée le 20 juillet 2021 après désignation régulière de Me [V] sur ordonnance du 26 mars 2021, tardivement justifiée par conclusions du 19 mai 2022, peut avoir effet interruptif de prescription. Même en l'état de cet acte, toutes les demandes d'annulation/résolution sont irrecevables, de même que par voie de conséquence les demandes subséquentes envers le prêteur en raison de l'interdépendance des contrats de l'article L. 311-32 du code de la consommation dans sa rédaction applicable.

La banque poursuit alors l'irrecevabilité des demandes pour prescription, trouvant dans le contrat dont la nullité pour irrégularité formelle est poursuivie le point de départ d'un délai de prescription tandis que celui de l'action en nullité pour dol et défaut de cause se trouve à la mise en service de l'installation.

Toutefois, les éléments de procédure révèlent que :

- une assignation a été valablement délivrée le 20 juillet 2021 à Me [V], à cette date régulièrement désigné en qualité de mandataire ad'hoc de la société Homeco France, de telle sorte que le premier juge était saisi d'une demande de nullité du contrat principal au contradictoire de celle-ci, la demande de nullité subséquente du contrat de crédit accessoire ayant été valablement dirigée contre la banque par l'assignation initiale délivrée concomitamment à l'assignation initiale irrégulière.

Selon l'article 126 du code de procédure civile, 'Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance.'

L'irrégularité de l'acte de saisine qu'elle soit de fond ou de forme peut être régularisée jusqu'au moment où le juge statue en application des dispositions de l'article 121 du code de procédure civile ou couverte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief en application des dispositions de l'article 115 du même code.

Ainsi, la délivrance le 20 juillet 2021 d'une assignation régulière, intervenue avant que le premier juge statue, a-t-elle régularisé l'acte initial du 20 octobre 2020, le premier juge étant valablement saisi des prétentions des époux [Z] au jour où il statuait.

- l'assignation dont le prêteur soutient qu'elle ne produit aucun effet interruptif de prescription, bien qu'irrégulièrement délivrée le 20 octobre 2020, n'est pas inexistante. En délivrant concomitamment une assignation en nullité du contrat principal à la société Homeco France, certes de manière irrégulière, et une assignation régulière subséquente en nullité du contrat de crédit accessoire à la banque, les époux [Z] ont entendu s'opposer à toute acquisition de prescription.

Et selon l'article 2241 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, la demande en justice interrompt le délai de prescription lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. Cet article ne distinguant pas entre le vice de forme et l'irrégularité de fond, l'assignation même affectée d'un vice de fond, a un effet interruptif.

Quelle que soit la nature de la nullité encourue par l'acte irrégulier, l'assignation du 20 octobre 2020 a interrompu la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, dont le point de départ se situait au plus tôt le 21 octobre 2015 en retenant la date du contrat comme jour où les époux [Z] ont connu ou auraient dû connaître les causes de nullité formelle du contrat qu'ils invoquent ou celle du 20 décembre 2015, date à laquelle les époux [Z] connaissaient le tarif de rachat de l'électricité suite au raccordement au réseau ERDF et à laquelle ils pouvaient estimer être victimes de manoeuvres dolosives.

Les moyens opposés par la banque tirés de l'irrégularité de l'assignation première délivrée à la société Homeco France et de la prescription subséquente de l'action des époux [Z] seront donc rejetés.

Sur la nullité des contrats

Les époux [Z] soulignent dans leur exposé n'avoir jamais signé le contrat de crédit tel que communiqué par la banque, 'de telle sorte qu'il doit être considéré qu'il n'y a jamais eu d'échange de consentement'. Ils en tirent un moyen de nullité sur le fondement de l'article 1128 du code civil. A supposer qu'ils ne soient pas les signataires de l'exemplaire produit par le prêteur, des différences réelles existant avec l'exemplaire qui est resté en leur possession, ils ont toutefois expressément ratifié un tel contrat de crédit en procédant au paiement des échéances puis au remboursement anticipé total de l'emprunt le 7 juillet 2019. C'est en parfaite connaissance de cause de leur engagement qu'ils ont ainsi procédé, la cour ne pouvant se résoudre à croire que des prélèvements de 350,41 € à compter du 7 décembre 2016 jusqu'au rachat total de la somme de 26 690,56 € aient été réalisés sans qu'ils connaissent la cause de leur engagement et la validité de celui-ci. Le moyen sera écarté.

La nullité du contrat principal a été prononcée en première instance en l'état des irrégularités formelles affectant le bon de commande (désignation particulièrement laconique des panneaux photovoltaïques et délai de livraison fixé de manière inintelligible et contradictoire) et n'est pas discutée par la banque en cause d'appel qui fait valoir que les irrégularités ont été couvertes par l'exécution volontaire des époux [Z], soulignant qu'il n'a pas été répondu à ce moyen en première instance.

Elle déduit l'exécution volontaire de la mise en service le 20 décembre 2015 avec signature du contrat ERDF, de la perception continue, y compris après l'assignation, des revenus de la vente d'électricité et du remboursement du crédit le 7 juillet 2019.

Les époux [Z] soulignent qu'ils ne pouvaient avoir pleine connaissance des vices puisque consommateurs profanes, le bon de commande se référait à des dispositions erronées du code de la consommation.

Vu l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 dont il résulte que la confirmation d'un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l'affecte.

En l'espèce, si la banque argue d'une exécution volontaire du contrat manifestée par certains actes positifs, elle échoue à démontrer que les époux [Z] avaient une connaissance quelconque des vices affectant la régularité formelle du bon de commande, ne proposant aucune argumentation au soutien de cette branche de son moyen, lequel n'est dès lors pas fondé.

Le premier juge, en l'état de la nullité du contrat principal passé entre les époux [Z] et la société Homeco France a fait une juste application des dispositions de l'article L.312-55 du code de la consommation (sauf à rectifier la référence textuelle qui est celle de l'article L. 311-32 applicable au jour du contrat) et prononcé la nullité subséquente du contrat de crédit affecté.

La nullité des contrats entraîne la remise en état des parties dans la situation où elle se trouvaient avant leur signature.

L'annulation du contrat de vente entraîne de plein droit la remise des parties dans leur état antérieur, et en conséquence, pour la société Homeco France, l'obligation de restituer le prix de vente. Sous réserve des règles applicables aux procédures collectives, l'action ne peut tendre qu'à la fixation au passif de cette société.

Par ailleurs, le prêteur, sauf faute de sa part, est habile à prétendre au remboursement du capital prêté.

Il est de jurisprudence constante que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

En l'espèce, le prêteur soutient n'avoir commis aucune faute dans le déblocage des fonds mais ne conteste pas son manquement dans l'obligation de vérifier la régularité formelle du bon de commande, lequel, par un examen succinct pour un professionnel du crédit tel que lui, lui aurait immédiatement révélé les causes du nullité, devant le conduire à en informer les consommateurs. La faute est caractérisée.

La banque n'a en revanche en rien participé à un quelconque dol, de manière directe ou indirecte, les époux [Z] ne justifiant pas que soit entrée dans le champ contractuel la valeur de rachat du prix du kW, leur pièce 12, qu'il n'est pas possible de dater au jour de la signature du contrat, établissant au mieux un engagement de garantie d'un volume de production à hauteur de 12000kw/an dont rien ne démontre qu'il n'a pas été atteint.

Il appartient à l'emprunteur qui poursuit la privation de la banque à son droit à restitution du capital non seulement de caractériser la faute mais également le préjudice en lien de causalité avec la faute.

Les époux [Z] font ainsi valoir que si la banque avait vérifié la validité du contrat, ils ne se seraient pas retrouvés dans une situation financière et personnelle alarmante, à rembourser un crédit excessif sur la base d'un contrat qui ne respecte aucunement les exigences du code de la consommation. Ils subissent un double préjudice : avoir été lié définitivement à une société peu sérieuse dont l'intervention ne les aura qu'endettés ; en dépit de la nullité des contrats, ils ne pourront jamais récupérer le prix de l'installation compte tenu de la liquidation judiciaire.

Ces dernières énonciations sont insuffisantes à caractériser le préjudice de nature à priver la banque de son droit à restitution: le prêteur n'est pas le garant ni l'assureur du vendeur/fournisseur et ne peut présumer par avance le peu de sérieux de celui-ci, le marché économique du photovoltaïque comprenant également et heureusement des acteurs sérieux ; le prêteur n'est pas plus redevable d'une garantie d'absence d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire du vendeur/installateur, les époux [Z] oubliant qu'ils sont en possession d'une installation fonctionnelle, procédant à la vente régulière à la régie électrique municipale de Prats de mollo la preste suivant contrat d'achat du 20 décembre 2015, la valeur de rachat de l'électricité produite n'étant pas dans le champ contractuel. Ils n'allèguent d'aucune difficulté que pourrait avoir généré une déclaration préalable de travaux postérieure à l'installation des panneaux mais font état d'hypothétiques difficultés qui auraient pu en résulter.

En l'absence de démonstration d'un lien de causalité quelconque entre la faute de la banque et le préjudice qu'ils allèguent qui ne serait imputable qu'au seul vendeur/installateur, le jugement sera infirmé en ce qu'il a privé la banque de son droit à restitution pour la totalité du capital.

Le préjudice dont ils font état tenant la nécessité de démonter l'installation et de remettre leur toiture en l'état est imputable à la seule société Homeco France, conséquence de plein droit de l'annulation du contrat principal, la banque n'étant pas garante de la santé financière du vendeur/installateur ni de la faute de celui-ci dans l'exécution du contrat principal. La preuve est insuffisamment rapportée d'une toiture fuyarde, d'un préjudice de jouissance et d'autres éléments constitutifs d'un préjudice économique et financier, ce qui en tout état de cause ne relève que de la responsabilité de la société Homeco France. Ces demandes indemnitaires, y compris celle afférente au préjudice moral non démontré, seront rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

En l'absence de démonstration d'un lien de causalité quelconque entre la faute de la banque et le préjudice qu'ils allèguent qui ne serait pas imputable au seul vendeur/installateur, le jugement sera infirmé en ce qu'il a privé la banque de son droit à restitution pour la totalité du capital.

Les époux [Z] font valoir à titre subsidiaire au soutien de leur demande de condamnation de la banque à leur payer la somme de 14950 € à titre de dommages et intérêts en faisant valoir que si la banque avait été diligente, les informant de ce qu'ils avaient signé un contrat nul au regard du droit de la consommation, ils n'auraient pas contracté ou choisi de poursuivre les opérations et régularisé les nullités encourues.

Une perte de chance, qui implique la disparition actuelle et

certaine d'une éventualité favorable, peut consister en la possibilité d'éviter un événement malheureux et que toute perte de chance ouvre droit à réparation de l'ensemble des préjudices directs, et non hypothétiques subis, à mesure de la chance perdue, conformément au principe de réparation intégrale sans perte ni profit.

En application de cette définition, la cour considère comme certain que les époux [Z] ont été privés, du fait de l'absence de vérification par la banque de la régularité formelle du bon de commande et du défaut de l'information dont elle leur était redevable à cet égard, de la chance de ne pas poursuivre le contrat principal et de la chance de poursuivre l'opération financée en connaissance des causes de nullité prévues par le code de la consommation dont les dispositions sont d'ordre public. La cour dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour fixer la réparation de cette perte de chance à la somme de 10 000 €.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Les époux [Z] soutiennent un manquement de la banque à ses devoirs d'information de mise en garde et de conseil quant à l'opportunité économique du projet et au caractère illusoire des rendements escomptés.

Toutefois, il n'est pas démontré l'existence d'un risque d'endettement avéré lors de l'octroi du crédit, les époux [Z] ayant certifié sincère la fiche de dialogue dans laquelle ils déclaraient percevoir un revenu net mensuel de 1900 € et n'avoir aucune charge, de telle sorte qu'une mensualité de 350,41 € était compatible avec leurs capacités de remboursement, démonstration en étant apportée par le paiement des mensualités sans incident de décembre 2016 à juillet 2019, avant rachat du capital. Encore, la banque n'a pas à s'immiscer dans les affaires des époux [Z] en s'interrogeant et en les interrogeant sur l'opportunité économique de l'opération financée. En tout état de cause, la nullité du contrat de crédit prononcée en conséquence de la nullité du contrat principal rend sans objet touts les moyens tendant à la privation de la banque à son droit aux intérêts contractuels, les époux [Z] n'étant tenus qu'à restitution du seul capital emprunté, soit 29900€, duquel doivent être déduites toutes les sommes versées par eux en exécution du contrat de crédit au titre des intérêts et des divers accessoires, précision qui trouvera sa place au dispositif de la présente décision, sans liquidation à une somme de 8003,74€, non détaillée. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la banque à rembourser aux époux [Z] les échéances déjà versées, lesquelles comprennent selon le tableau d'amortissement, une part de capital.

Partie globalement perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la cour confirmera sa condamnation au titre des dépens de première instance et condamnera la banque à supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

Déclare recevable l'action de M. [X] [Z] et Mme [Y] [U] épouse [Z],

Infirme le jugement en ce qu'il a dispensé M. [X] [Z] et Mme [Y] [U] épouse [Z] du remboursement à la SA BNP Paribas Personal Finance du montant emprunté, en ce qu'il a condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à leur rembourser les échéances déjà versées, en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Condamne M. [X] [Z] et Mme [Y] [U] épouse [Z] à rembourser à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 29 900 €, sous déduction de l'ensemble des sommes par eux versées au titre des intérêts et accessoires,

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M.[X] [Z] et Mme [Y] [U] épouse [Z] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de ne pas contracter et/ou de régulariser les causes de nullité en connaissance de cause.

Déboute M. [X] [Z] et Mme [Y] [U] épouse [Z] du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts.

Confirme le jugement pour le surplus des dispositions déférées,

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel.

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M.[X] [Z] et Mme [Y] [U] épouse [Z] la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06851
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.06851 ?
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