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02/05/2024 | FRANCE | N°21/05712

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 02 mai 2024, 21/05712


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05712 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PE34



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 27

août 2021

Tribunal judiciaire de MONTPELLIER

N° RG 19/05961





APPELANT :



Monsieur [H] [E]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me François GIRAULT de la SELAS AGN AVOCATS MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant prés...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05712 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PE34

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 27 août 2021

Tribunal judiciaire de MONTPELLIER

N° RG 19/05961

APPELANT :

Monsieur [H] [E]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me François GIRAULT de la SELAS AGN AVOCATS MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant présent sur l'audience

INTIMEE :

Association Réseau entreprendre - Association agissant poursuites et diligences de son Président en exercice

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 mars 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 1er mars 2012, M. [H] [E] a créé la start-up E Prospect immatriculée au greffe du tribunal de commerce de Montpellier.

L'association Réseau entreprendre a pour vocation de faire émerger et de soutenir de nouveaux entrepreneurs en leur apportant un service d'accompagnement ainsi qu'un appui financier par le biais de prêts d'honneur.

Le 29 juillet 2015, le Réseau entreprendre a accordé un prêt d'honneur d'un montant de 20 000 € à M. [E], remboursable en 42 mensualités égales avec un différé de 18 mois à compter de la date du premier versement.

Un contrat d'assurance a été souscrit sur la tête du chef d'entreprise.

Le 6 mars 2017, la liquidation judiciaire de la société E Prospect a été prononcée par le tribunal de commerce de Montpellier.

Le 13 février 2018, l'association Réseau entreprendre a adressé à M. [E] une mise en demeure de payer la somme de 20 000 €.

En l'absence de règlement, le Réseau entreprendre a fait assigner M. [E] devant le juge des référés par acte du 18 juin 2018.

Par ordonnance du 2 novembre 2018, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé en l'état d'une contestation sérieuse.

Par acte en date du 22 novembre 2019, le Réseau entreprendre a fait assigner au fond M. [E].

Par jugement contradictoire en date du 27 août 2021, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

- rejeté la demande d'injonction de produire les conventions établies entre Bpi, Oseo et Réseau entreprendre ;

- condamné M. [E] à payer à l'association Réseau entreprendre, la somme de 20 000 € au titre du prêt d'honneur, avec intérêts au taux légal sur ladite somme à compter de la mise en demeure du 13 février 2018 ;

- débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné M. [E] à payer à l'association Réseau entreprendre la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

- rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Le 27 septembre 2021, M. [E] a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 13 juillet 2022, le conseiller chargé de la mise en état a rejeté la demande de nullité de la déclaration d'appel formée par le Réseau entreprendre, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à ce stade de la procédure, dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'affaire au fond.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 30 janvier 2024, M. [E] demande en substance à la cour de réformer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- Débouter le Réseau entreprendre de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions du fait qu'il aurait dû solliciter le paiement à la société E Prospect ;

- A titre subsidiaire, débouter le Réseau entreprendre de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions tenant l'inexécution de ses obligations contractuelles ;

- En tout état de cause, condamner le Réseau entreprendre à lui régler la somme de  3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 7 janvier 2022, l'association Réseau entreprendre demande en substance à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [E] à la somme de 20 000 € au titre du prêt, avec intérêts et à la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et :

- Condamner par provision M. [E] à lui verser la somme de 20 000 € outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 février 2018,

- Condamner M. [E] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 février 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la qualification du contrat de prêt

M. [E] soutient en appel, comme il l'avait fait en première instance, que la demande de l'association est mal dirigée en ce que, s'agissant d'un prêt qu'il entend faire qualifier de professionnel par application des dispositions de l'article 1188 du code civil, seule la société E Prospect aurait due être poursuivie en paiement. Il fait valoir au soutien que le prêt est professionnel par destination en raison de l'affectation professionnelle exclusive et dans le suivi de son exécution, déduisant du peu de décisions sur ce point que les autres réseaux entreprendre ne diligentent pas de procédures à l'encontre des emprunteurs.

Toutefois, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de requalification telle que présentée dès lors que :

- les stipulations contractuelles désignent le lauréat, M. [E] en l'espèce, comme bénéficiaire à titre personnel du prêt d'honneur de 20 000€, lequel est destiné exclusivement à constituer un apport en capital ou en compte courant bloqué non rémunéré dans la société E Prospect pendant toute la durée du différé de remboursement du prêt.

- c'est bien le lauréat qui s'engage à rembourser le prêt dans les conditions fixées à l'article 2.4 du contrat.

- la destination du prêt, si elle est rattachable à la sphère professionnelle en ce que les fonds sont à investir dans la société n'en est pas moins personnelle dans la mesure où elle est destinée à l'apport personnel de M. [E] dans le capital social ;

- le suivi de l'exécution du prêt est destiné à faciliter un accompagnement personnel du lauréat et à lui procurer les clefs propres à développer son activité personnelle à travers le prisme de la société.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la prétention de M.[E] à requalification du contrat, le premier juge ayant à juste titre souligné que la société E Prospect restait un tiers à la convention souscrite qui n'a aucun effet vis-à-vis d'elle.

Sur le dol

Tout comme en première instance, M. [E] poursuit en appel une demande de nullité du contrat pour dol au visa de l'article 1137 du code civil. Ils développe de nombreuses manoeuvres dolosives à travers la communication de l'association.

Le dol consiste pour l'un des cocontractants à obtenir le consentement de l'autre en exerçant des manoeuvres frauduleuses telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; il ne se présume pas et s'apprécie au jour du contrat.

La simple lecture de l'article 1116 du Code civil dans sa rédaction applicable, impose que l'existence de manoeuvres frauduleuses est aussi importante que le terme « évident », et doit s'apprécier au moment de la conclusion du contrat, la preuve qui doit être expressément rapportée selon ce texte reposant sur le cocontractant qui s'estime victime du dol, en l'espèce M. [E].

Or, c'est à juste titre que le premier juge a justement apprécié que M. [E] produisait comme preuve du dol un unique article tiré d'un site internet antérieur au contrat, selon lequel 'par nature, le prêt d'honneur implique qu'en cas d'échec, il n'y aura pas d'action contentieuse engagée. Il ne s'agit pas d'enfoncer le créateur qui a des soucis, qui a perdu son entreprise et son emploi.'

Cet article unique est insuffisant à caractériser l'existence de manoeuvres frauduleuses.

De surcroît, il n'est d'aucune évidence que M. [E] n'aurait pas contracté s'il n'avait pas lu cette publication, les avantages retirés par lui d'un tel contrat (prêt gratuit, différé d'amortissement, apport personnel du capital social...) étant beaucoup plus évidents que l'engagement nécessairement conscient qu'il avait à sa simple lecture de devoir le rembourser en cas d'échec.

Quant à l'argument d'une couverture des risques par les garanties Oseo et BPI France, aucun élément ne permet d'établir qu'elle ait été mise en avant au jour de la signature du contrat.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de nullité pour dol.

Sur l'inexécution contractuelle imputable à l'association et l'exception d'inexécution subséquente

L'article 2.4 du contrat stipule : 'Le Lauréat est informé qu'en cas de manquement délibéré à l'un des engagements qu'il souscrit dans le cadre de l'accompagnement et visé à l'articIe 3, Réseau Entreprendre Languedoc-Roussillon se réserve le droit de lui réclamer le remboursement anticipé de l'intégralité du prêt à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la lettre de mise en demeure adressée à cet effet et restée sans effet.'

M. [E] soutient que l'association ne justifie pas d'un manquement délibéré de sa part, qu'elle est fautive pour lui avoir délivré via un organisme de recouvrement une lettre de mise en demeure ne respectant pas son propre processus contractuel ainsi que pour ne pas l'avoir accompagné en violation de sa mission de suivi, reprochant au premier juge d'avoir inversé la charge de la preuve.

Toutefois, l'exception d'inexécution ne permettrait à M.[E] d'être déchargé de ses propres obligations, dont celle de remboursement du prêt, qu'à condition d'établir des manquements de son cocontractant dont la preuve lui incombe.

Le fait pour l'association d'avoir confié le recouvrement de sa créance à une officine de recouvrement qui n'a pas respecté le processus contractuel conduisant à l'exigibilité du prêt n'est en rien d'une gravité suffisante alors que M. [E] ne conteste à aucun moment n'avoir procédé à aucun remboursement à la date du 13 février 2018, manquement délibéré à ses obligations, l'erreur de l'officine de recouvrement n'ayant au mieux comme conséquence que de mettre obstacle à l'exigibilité du prêt, laquelle a été régularisée par la mise en demeure ultérieure du 24 octobre 2019 en tout point conforme aux stipulations contractuelles.

Sur le manquement de l'association à son obligation de suivi et d'accompagnement telle qu'énoncée au IV du contrat, M.[E] ne justifie par aucune offre de preuve d'avoir sollicité l'association pour qu'elle l'accompagne alors qu'une telle démarche apparaît indispensable dans l'économie générale du contrat.

C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté M.[E] de ce moyen de défense et, en tirant les conséquences, l'a condamné à rembourser le prêt. Toutefois, c'est par erreur que le point de départ des intérêts a été fixé à la date de la mise en demeure inopérante à prononcer l'exigibilité du prêt, de telle sorte que la cour infirmera partiellement le jugement en fixant le point de départ des intérêts moratoires à la date du 24 octobre 2019.

Partie globalement perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [E] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [H] [E] à payer à l'association Réseau entreprendre à la somme de 20 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2018

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. [H] [E] à payer à l'association Réseau entreprendre à la somme de 20 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2019.

Confirme le surplus du jugement,

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [E] aux dépens d'appel.

Condamne M. [H] [E] à payer à l'association Réseau entreprendre la somme de 1200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05712
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.05712 ?
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