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02/05/2024 | FRANCE | N°19/08019

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 02 mai 2024, 19/08019


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/08019 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ON3V





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14

novembre 2019

Tribunal de grande instance de BEZIERS

N° RG 17/02114





APPELANTE :



SCI Le Cep de Vigne prise en la personne de son Gérant en exercice, Monsieur [F] [H]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Corinne PAQUETTE- DESSAIGNE de l...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/08019 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ON3V

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 novembre 2019

Tribunal de grande instance de BEZIERS

N° RG 17/02114

APPELANTE :

SCI Le Cep de Vigne prise en la personne de son Gérant en exercice, Monsieur [F] [H]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Corinne PAQUETTE- DESSAIGNE de la SELARL JURIDIS-LR, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant présent sur l'audience

INTIMEES :

S.A. Axa France vie dont le siège est situé sis [Adresse 7] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Audrey HURET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, substituant sur l'audience Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

SA Société marseillaise de crédit représentée en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Pauline AQUILA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant présent sur l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 24 janvier 2006, la SCI Le Cep de Vigne (ci-après la SCI) a souscrit un prêt auprès de la Société marseillaise de crédit (ci-après la banque) de 80 000 euros pour l'achat d'un bien.

A cette occasion, M. [F] [H], en qualité d'associé de la SCI à hauteur de 100%, a adhéré à l'assurance complémentaire incapacité de travail, décès, perte totale et irréversible d'autonomie souscrite auprès de la compagnie Axa France vie via la société de courtage Delta assurances.

Souffrant d'une maladie dégénérative des deux yeux se traduisant par une perte progressive de l'acuité visuelle, M.[H] a sollicité la prise en charge du sinistre auprès de son assureur.

Par courriers des 27 juillet 2012, 10 juillet 2014 et 27 mai 2015, la société Baloo ayant succédé à la société Delta assurances, a informé M. [H] de son refus de prise en charge du sinistre au motif d'une fausse déclaration intentionnelle lors de la souscription.

Suivant jugement du 16 décembre 2015, le tribunal des affaires sanitaires et sociales de Montpellier a accordé à M.[H] le bénéfice d'une pension d'invalidité de catégorie III à compter du 10 octobre 2014.

Du fait du refus de prise en charge par l'assureur, la SCI a fait assigner la société Axa France vie et la Société marseillaise de crédit par acte du 11 septembre 2017 aux fins notamment de voir l'assureur condamné à prendre en charge les échéances du prêt.

Par jugement contradictoire en date du 14 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Béziers a :

- Déclaré prescrite l'action de la SCI Le Cep de Vigne en paiement de l'indemnité d'assurance et responsabilité ;

- Débouté la Société marseillaise de crédit de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile (CPC) ;

- Condamné la SCI Le Cep de Vigne aux dépens.

Le 13 décembre 2019, la SCI Le Cep de Vigne a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 26 octobre 2022, la cour de ce siège a infirmé cette décision, dit que l'action de la SCI était recevable, ordonné avant-dire-droit une expertise médicale et débouté la SCI de sa demande indemnitaire à l'égard de la Société marseillaise de crédit.

L'expert a déposé son rapport le 27 juillet 2023 et les parties ont été invitées à conclure.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 3 novembre 2023, la SCI Le Cep de Vigne demande en substance à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

- Condamner Axa à payer à la SCI Le Cep de Vigne la somme de 30 960,43 euros à titre de dommages et intérêts;

- Constater que la preuve d'une fausse déclaration intentionnelle ou non à la souscription du contrat n'est pas rapportée.

- Dire et juger que l'exclusion de garantie opposée par Axa à la SCI et M. [H] est infondée.

- En conséquence, condamner Axa à prendre en charge, par le biais de leur délégataire, Baloo Santé, les échéances du prêt souscrit le 24 janvier 2006 jusqu'à la dernière, à savoir celle du 26 janvier 2018, soit la somme de 30 960,43 euros correspondant aux mensualités versées depuis la lettre de refus de prise en charge et condamner Axa à rembourser cette somme à la société Le Cep de Vigne.

- Dire et juger que la SCI a subi un préjudice en raison de l'exclusion de garantie opposée à l'incapacité de travail de son associé, M. [H] ;

- Condamner Axa à verser à la SCI la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la résistance abusive ;

- Débouter Axa de toutes ses demandes, fins et conclusions;

- Condamner Axa à payer à la SCI la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 26 octobre 2023, la société Axa France vie demande en substance à la cour de :

- Dire et juger que M. [H] a commis une fausse déclaration intentionnelle à la souscription du contrat du 24 janvier 2006 qui a modifié l'opinion du risque de l'assureur;

- Déclarer le contrat souscrit le 24 janvier 2006 auprès de la société Axa nul et de nul effet. Dire et juger que l'assureur n'a jamais renoncé à invoquer la nullité du contrat. Dire et juger que la société Axa ne doit aucune garantie ;

- Débouter la SCI de toutes ses demandes, en principal, frais et accessoire ;

- Débouter la SCI de sa demande de dommages et intérêts ;

- Condamner la SCI à payer à la société Axa la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont les frais d'expertise d'un montant de 1 200 euros, dont distraction au profit de Me Huret, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 10 juin 2021, la Société marseillaise de crédit demande en substance à la cour de :

- Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté la banque de sa demande de condamnation à hauteur de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en conséquence :

- Condamner la SCI à payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure en première instance ;

- Confirmer le jugement pour le surplus ;

- Condamner la SCI à payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant la cour d'appel de Montpellier.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 février 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

- Sur la fausse déclaration intentionnelle

L'article L113-2 du code des assurances impose à l'assuré de répondre exactement aux questions posées par l'assureur notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier à l'assureur les risques qu'il prend en charge.

L'article L113-8 du même code dispose que le contrat est nul en cas de réticence ou fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

En l'espèce, l'assureur fonde son refus de garantie sur des réponses erronées apportées au questionnaire de santé soumis à son assuré 24 janvier 2006 et annexé au rapport de l'expert judiciaire - l'assureur visant les réponses aux questions 6 et 8 du dit questionnaire :

« 5. Avez-vous subi et/ou devez-vous subir une intervention chirurgicale : Non

« 6. Etes-vous atteint d'une infirmité .................. Non

8. Avez-vous des séquelles résultant d'une maladie....Non

Résultant d'un accident ' Non »

- et rappelant que M. [H] a été victime d'un accident de la circulation en 1989 ayant entraîné une fracture du genou laquelle a nécessité une intervention chirurgicale et causé un déficit fonctionnel permanent de 15%.

L'assureur déduit de ces réponses erronées l'intention de M.[H] de le tromper rappelant que l'assuré n'a pas à porter une appréciation sur son état de santé et doit se borner à répondre en toute honnêteté à la question qui lui est soumise.

Il appartient cependant à l'assureur de démontrer la mauvaise foi de l'assuré, celle-ci ne pouvant résulter de la seule réponse inexacte aux questions posées, l'omission ou la déclaration devant caractériser la volonté de tromper l'assureur.

Par ailleurs, l'appréciation de la mauvaise foi tirée de la réponse apportée à un questionnaire médical doit s'apprécier au regard de la manière dont la question est posée et des termes employés.

Or, en l'espèce, la cour relève s'agissant de la question 5 relative au fait d'avoir subi une intervention chirurgicale, qu'elle n'est assortie d'aucune précision temporelle alors même que la question précédente était libellée ainsi : «Avez-vous souffert au cours des cinq années précédentes...» et que l'accident que l'assureur reproche à M. [H] de ne pas avoir déclaré est survenu 17 ans auparavant de sorte qu'au regard de cette ancienneté, il ne peut être déduit de cette réponse une intention dolosive de l'assuré.

En outre, cette même ancienneté de l'accident litigieux qui a justifié la fixation d'un taux d'incapacité permanent de 15% est de nature à expliquer que M. [H] a pu en toute bonne foi omettre d'en faire le lien avec les questions 6 et 8 dès lors que les termes médicaux de « séquelle » et « d'infirmité » peuvent être compris dans le langage courant comme se manifestant par un handicap important ou des suites traumatiques toujours invalidantes excluant ou obérant de manière importante la pratique d'une activité physique alors qu'il résulte de l'expertise judiciaire que lorsqu'il a répondu à ce questionnaire, M. [H] était salarié en qualité d'agent d'entretien pour une société immobilière et a pu légitimement se méprendre sur ces notions médicales de séquelle et d'infirmité alors même qu'il était en capacité d'exercer une profession nécessitant un engagement physique certain.

Il sera enfin observé que l'expert a relevé que la pathologie ophtalmique ayant abouti à une incapacité de travail avec perte totale d'autonomie, et invalidité totale en 3ème catégorie avec majoration tierce personne, M. [H] avait répondu avec exactitude aux questions posées.

Il résulte de l'ensemble de ces considérations que l'assureur échoue à rapporter la preuve qu'en répondant pour partie de manière erronée au questionnaire soumis à son assuré celui-ci avait l'intention de le tromper.

- Sur la modification de l'appréciation du risque

L'assureur n'offre par ailleurs à la cour aucune preuve de ce que les réponses erronées sus-évoquées ont faussé son opinion du risque et que des réponses conformes à la stricte réalité médicale l'auraient conduit soit à refuser l'adhésion, soit à la consentir à d'autres conditions.

Partant, l'assureur sera condamné à garantir son assuré dans les termes des dispositions du contrat d'assurance, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé du surplus des moyens soutenus par l'assuré et tendant aux mêmes fins fondés sur la volonté de l'assureur de poursuivre le contrat en raison de son absence de résiliation et sur le principe de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui au motif que la compagnie Axa ayant accepté de couvrir un autre contrat de prêt souscrit en 2010 en dépit des mêmes circonstances.

- Sur l'indemnisation

L'assureur sera condamné à prendre en charge les mensualités du prêt objet de sa garantie, soit la somme non contestée par la société Axa de 30 960,43 euros.

L'assurée a par ailleurs subi un préjudice financier distinct en ce qu'elle a été contrainte d'assumer le remboursement des échéances du prêt du fait du refus de garantie opposé par son assureur et ce alors même que celui-ci continuait à lui prélever les cotisations d'assurance et que M. [H], atteint d'une cécité totale, ne pouvait plus exercer d'activité professionnelle.

Ce préjudice ne saurait toutefois être égal au montant des échéances du prêt dont elle a continué à assurer le règlement, et sera évalué par la cour à hauteur de 5000 euros.

La SCI ne justifiant pas d'un préjudice distinct de ceux déjà réparés par la condamnation de l'assureur au paiement des échéances du prêt objet de la garantie, outre la réparation de son préjudice financier, sera déboutée de sa demande au titre de la résistance abusive.

Partie succombante, la société Axa France Vie sera condamnée aux dépens d'appel en ceux compris le coût de l'expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Condamne la société Axa France Vie à payer à la SCI Le Cep de Vigne la somme de 30 960,43 euros au titre de la garantie perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail,

Condamne la société Axa France Vie à payer à la SCI Le Cep de Vigne la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Déboute la SCI Le Cep de Vigne du surplus de ses demandes.

Condamne la société Axa France Vie aux dépens d'appel en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.

La condamne à payer à la SCI Le Cep de Vigne la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à d'autre application de ce texte.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/08019
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;19.08019 ?
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