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25/04/2024 | FRANCE | N°22/06547

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 25 avril 2024, 22/06547


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 25 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/06547 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PVED





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 0

1 décembre 2022

Tribunal judiciaire de BEZIERS - N° RG 22/01858





APPELANTS :



Monsieur [W] [D]

né le 18 Novembre 1958 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représenté par Me Nicolas RENAULT substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocats au barreau de BEZIERS, a...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 25 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/06547 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PVED

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 décembre 2022

Tribunal judiciaire de BEZIERS - N° RG 22/01858

APPELANTS :

Monsieur [W] [D]

né le 18 Novembre 1958 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représenté par Me Nicolas RENAULT substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

Monsieur [F] [D]

né le 12 Février 1956 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représenté par Me Nicolas RENAULT substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

Madame [Z] [D]

née le 17 Juin 1960 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Nicolas RENAULT substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

Monsieur [B] [D]

né le 06 Novembre 1961 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représenté par Me Nicolas RENAULT substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

Monsieur [J] [D]

né le 06 Avril 1963 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représenté par Me Nicolas RENAULT substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Monsieur [N] [V]

né le 29 Avril 1972 à [Localité 14] ([Localité 14]) ([Localité 14])

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représenté par Me Lisa MONSARRAT substituant Me Anne-Chloé MERCEY de la SCP PIJOT POMPIER MERCEY, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

Madame [T] [S] épouse [V]

née le 11 Décembre 1974 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Lisa MONSARRAT substituant Me Anne-Chloé MERCEY de la SCP PIJOT POMPIER MERCEY, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 19 décembre 2016, M. [O] [D] et Mme [K] [U] épouse [D] ont vendu à M. [N] [V] et Mme [T] [S] épouse [V], une maison d'habitation située à [Localité 9] (Hérault) moyennant le prix de 234 000 euros.

L'assureur responsabilité civile des vendeurs est la MACIF et celui des acheteurs, la société MMA Iard.

Les époux [V] se sont plaints de l'apparition de fissures au printemps 2017.

La commune de [Localité 9] a fait l'objet d'un arrêté de catastrophe naturelle du 27 décembre 2017 paru au journal officiel le 16 février 2018, concernant des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols au cours de l'année 2016.

Le 23 février 2018, les époux [V] ont effectué une déclaration de sinistre auprès de leur assureur, la société MMA Iard qui, par courrier du 10 décembre 2018, a refusé la prise en charge du sinistre au motif que, contact pris avec les vendeurs, ceux-ci avaient déjà déclaré un sinistre en 2011.

Par courrier du 3 janvier 2019, les époux [V] ont mis en demeure les vendeurs de prendre en charge le coût des réparations.

Par courrier du 26 janvier 2019, M. [O] [D] a refusé aux motifs que la fissure pour laquelle il avait déclaré un sinistre en 2011 était visible au moment de la vente et qu'elle ne présentait qu'un simple caractère esthétique, insusceptible de donner lieu à la mise en jeu de la garantie décennale.

Par actes des 1er et 4 juillet 2019, les époux [V] ont assigné en référé les époux [D] et leur assureur, la société MMA Iard.

Par ordonnance du 3 septembre 2019, une expertise judiciaire a été ordonnée.

L'expert judiciaire, Monsieur [A] [G], a déposé son rapport le 14 octobre 2021.

Les époux [D] sont décédés en janvier et février 2020.

Leurs ayants-droits, [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] sont intervenus volontairement à l'instance.

Les époux [V] ont mandaté la société Labyrinthe qui a mis au jour, dans un rapport du 14 février 2022, la présence de moisissures noires toxiques (champignons, mycotoxines) sur les murs intérieurs de l'habitation.

C'est dans ce contexte que, après y avoir été autorisés, par actes du 25 juillet 2022, les époux [V] ont assigné à jour fixe les consorts [D].

Par jugement contradictoire du 1er décembre 2022, le tribunal judiciaire de Béziers a :

- dit que l'intervention volontaire de [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] est recevable ;

- rejeté le moyen tiré de la forclusion opposé par les consorts [D] et dit que les demandes des époux [V] sont recevables ;

- dit que les consorts [D] sont tenus à garantie des désordres causés aux époux [V] ;

- condamné solidairement [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] à payer aux époux [V] les sommes suivantes:

- 124 122,50 € en réparation des désordres structurels,

- 5 000 € en réparation des frais de relogement et de garde-meubles durant la reprise des travaux structurels,

- 5 000 € en réparation du préjudice de jouissance,

- 2 000 € en réparation du préjudice moral ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné solidairement [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] à payer aux époux [V] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile comprenant le coût du procès-verbal établi par l'huissier ;

- condamné solidairement [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] aux dépens comprenant le coût de la procédure de référé et d'expertise judiciaire.

Le 26 décembre 2022, les consorts [D] ont relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 22 janvier 2024, les consorts [D] demandent à la cour, sur le fondement des articles 122 et 32-1 du code de procédure civile, 2241, 1641 et suivants, 1240 du code civil, de :

réformer le jugement et,

Statuant à nouveau,

Sur la fin de non-recevoir :

juger que l'action initiée par les époux [V] à leur encontre au titre de la garantie des vices cachés est frappée de forclusion,

juger que leurs demandes sont irrecevables,

débouter purement et simplement les époux [V] de l'ensemble de leurs demandes,

les condamner à leur verser la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts,

les condamner aux dépens dont distraction au profit de Maître Cambon et à leur payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre principal,

juger que les consorts [D] ignoraient le vice inhérent à l'immeuble et que les demandes des époux [V] sont irrecevables tenant l'absence de vice caché,

débouter les époux [V] de l'ensemble de leurs demandes,

condamner les époux [V] à leur verser la somme de 10000€ à titre de dommages intérêts,

A titre subsidiaire,

juger que les demandes des époux [V] seront limitées aux sommes suivantes  :

- 12 100 € en réparation des désordres structurels,

- 1 500 € en réparation du préjudice de jouissance,

- 800 € en réparation du préjudice moral.

débouter les époux [V] du surplus de leurs demandes,

condamner les époux [V] à leur verser la somme de 10000€ à titre de dommages intérêts,

condamner les époux [V] à leur verser la somme de 6000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 26 janvier 2024, M. [N] [V] et Mme [T] [S] épouse [V] demandent à la cour, sur le fondement des articles 788 et suivants du code de procédure civile, des articles 1103, 1104, 1193 et 1231-1 du code civil, des articles 1641 et suivant du code civil, de :

Confirmer le jugement sauf en ce qu'il a réduit leur demande de dommages-intérêts au titre des frais de relogement et de garde-meubles durant les travaux de reprise,

Accueillir leur appel incident et statuant à nouveau :

Condamner solidairement les consorts [D] à leur payer la somme de 7 440 € au titre des frais de relogement et de garde meubles durant la reprise des travaux structurels,

Y ajoutant,

Déclarer irrecevable la demande subsidiaire des consorts [D] de cantonner leur condamnation à la somme de 12 100 euros comme étant nouvelle en cause d'appel, non concentrée dans les premières écritures d'appelant, infondée et injustifiée,

Déclarer irrecevable leur demande à titre reconventionnel tendant à obtenir la condamnation des époux [V] au paiement de la somme de 10 000 € au titre de leur prétendu préjudice d'anxiété dès lors que ces derniers n'ont pas été autorisés à la formuler dans le cadre de la procédure à jour fixe,

Rejeter, en conséquence, les demandes des consorts [D] à ce titre,

Condamner solidairement les consorts [D] aux dépens en cause d'appel et à leur payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Vu l'ordonnance de clôture du 30 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'action en garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En application de l'article 1648 de ce code, en son premier alinéa, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un « délai de deux ans à compter de la découverte du vice », en son second alinéa, dans le cas prévu par l'article 1642-1 (régime propre à la vente d'immeuble à construire), l'action doit être introduite, « à peine de forclusion », dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.

L'article 2239 du code civil dispose que la prescription est « suspendue » lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription « recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ».

Enfin, l'article 2241 du code civil précise que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

En vertu de ces textes, la Cour de cassation, réunie en chambre mixte, a jugé dans un arrêt du 21 juillet 2023 que le délai biennal prévu à l'article 1648 précité du code civil pour intenter l'action en garantie à raison des vices cachés de la chose vendue est un délai de prescription (et non un délai de forclusion) susceptible de suspension en application de l'article 2239 de ce code (Ch. mixte., 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-15.809).

Par ailleurs, il est de principe que les premières manifestations du vice ne suffisent pas à faire courir le délai pour agir si l'acquéreur pouvait les considérer comme sans gravité. Il est, en effet, de principe que le point de départ du délai de la garantie des vices cachés doit être fixé au jour où l'acquéreur a effectivement « connaissance » du vice allégué.

En l'espèce, c'est à juste titre que les premiers juges ont indiqué que la découverte du vice ne résulte ni du procès-verbal du 19 mars 2019 établi par huissier de justice qui n'est pas un spécialiste de la construction, ni du courrier du 3 janvier 2019 valant mise en demeure de remédier aux désordres.

En effet, ce n'est qu'au jour du dépôt du rapport d'expertise, soit le 14 octobre 2021, que les époux [V] n'ont véritablement eu connaissance du vice, car c'est seulement à cette date que l'existence du vice a été clairement établie. Les assignations ayant été délivrées le 25 juillet 2022, le moyen de la forclusion opposé en défense sera, par conséquent, rejeté.

A titre surabondant, à supposer pour les seuls besoins du raisonnement que les époux [V] aient eu connaissance du vice dès le 3 janvier 2019 (jour où ils ont mis en demeure les vendeurs), la saisine de la juridiction en référé-expertise, les 1er et 4 juillet 2019 a interrompu la prescription jusqu'au 3 septembre 2019, date de l'ordonnance ayant désigné l'expert, qui a déposé son rapport le 14 octobre 2021, période durant laquelle le délai de prescription a été suspendu en application de l'article 2239 du code civil précité, ce qui a pour conséquence que l'action n'est de toute façon pas prescrite, l'assignation au fond étant du 25 juillet 2022.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action des époux [V].

Sur la recevabilité des nouvelles demandes formulées par les consorts [D] dans leurs conclusions notifiées le 22 janvier 2024

L'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Sur le fondement de ce texte, les époux [V] soulèvent in limine litis l'irrecevabilité des conclusions notifiées le 22 janvier 2024 par les consorts [D] en ce que celles-ci comporteraient des chefs de demande nouveaux, à savoir une demande subsidiaire de cantonner leur condamnation en réparation des désordres structurels à la somme de 12 100 euros.

Toutefois, cette demande visant à réduire le montant d'une condamnation à de plus justes proportions ne peut être considérée comme une demande nouvelle, celle-ci découlant de la demande initiale de débouté. En outre, les consorts [D] produisent un devis établi le 10 août 2023 par la société AccessBTP, ce qui constitue un fait nouveau.

Dès lors, la demande subsidiaire des consorts [D] sera déclarée recevable.

Sur la recevabilité des demandes reconventionnelles des consorts [D]

Il y a lieu de déclarer recevable la demande reconventionnelle tendant à obtenir la condamnation des époux [V] au paiement de la somme de 10 000 € au titre de leur préjudice d'anxiété, les époux [V] échouant à démontrer en quoi les consorts [D] auraient dû être autorisés à formuler une telle demande dans le cadre de la procédure à jour fixe.

Sur le bien fondé de l'action en garantie des vices cachés

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1642 du code civil dispose que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

En l'espèce, l'expert judiciaire, Monsieur [A] [G], a constaté, dans un rapport clair et dépourvu d'ambiguïté dont il convient d'adopter les conclusions et avis techniques, que':

Les désordres, constitués notamment de fissures, proviennent d'un tassement des fondations de l'immeuble dans l'angle sud-est dès 2009-2010 (page 64 du rapport d'expertise) ;

Ces désordres sont apparus dès 2011, comme en attestent les photographies prises en 2011 par M. [H] [I], expert amiable du cabinet Cle expertise. Ils se sont multipliés après la vente en 2016, notamment à l'intérieur de la maison, où ils ont empêché la fermeture des portes ;

Le vice de construction affecte, pour partie, la solidité de l'ouvrage et le rend impropre à sa destination :

les désordres concernant le muret, le carrelage du séjour et du coin cuisine, le plan de travail et la porte de la salle de bain compromettent la solidité de l'ouvrage ;

les désordres concernant la porte-fenêtre de la cuisine et la porte d'entrée, qui laisse passer de l'air, ne sont « pas qu'esthétiques » (pages 44 et 45 du rapport).

Les désordres ont commencé à se manifester au niveau des façades de l'immeuble. Ils se sont aggravés au cours de l'année 2017 sous l'effet de la sécheresse des sols en s'étendant à l'intérieur de la maison. Ils ont pour origine le tassement des fondations de l'immeuble dans l'angle sud-est.

Ainsi, il est établi que ce n'est pas la sécheresse de l'année 2016 qui est à l'origine des désordres. Elle n'a fait qu'accélérer leur apparition.

Le vice trouve son origine dans le « tassement des fondations ».

Les époux [V], qui exercent la profession de fleuristes, n'ont pas de compétences particulières en matière de fondations des bâtiments. La présence de fissures en façade au moment de l'acquisition de l'immeuble n'est pas suffisante pour établir qu'ils avaient connaissance, avant la vente, du phénomène de tassement des fondations, vice affectant l'immeuble dès 2011.

Les fissures n'étant que la manifestation du vice, à savoir le tassement de fondations, et non le vice lui-même, il est indifférent que des fissures aient existé au jour de la vente et qu'elles aient été prises en considération par les parties, étant précisé que l'acceptation par les acquéreurs des fissures en façade ne vaut pas acceptation de la cause des désordres, dont les époux [V] n'avaient manifestement pas connaissance au jour de la vente.

Il est fautif, pour les époux [D], de ne pas avoir informé les époux [V] de l'existence de la déclaration de sinistre de 2011 et de ne pas leur avoir communiqué le rapport établi à cette occasion par M. [H] [I], expert amiable du cabinet Cle expertise, qui avait mis au jour un processus de tassement des fondations de l'ouvrage.

En effet, dans son rapport du 19 décembre 2011, M.[H] [I], expert amiable du cabinet Cle expertise, souligne que : « En ce qui concerne les microfissures qui sont apparues sur les façades Sud et Est de la maison, la cause du problème est à rechercher dans un tassement des fondations, dans l'angle Sud-est (...). Il n'est donc pas à exclure que les eaux (...) de pluie (..) s'infiltrent au sein des sols pour aller « polluer » les sols fondations de la maison. Les sols étant ainsi à la merci de variations hydriques, ils sont susceptibles de pouvoir se mouvoir et ainsi de créer les microfissures qui ont été constatées sur les murs (...) » (pièce n° 17).

Cette double information de ce que la cause des microfissures devait être recherchée dans un tassement des fondations et de ce que les sols étaient susceptibles de se mouvoir, aurait dû être délivrée aux acquéreurs avant la signature de la vente en 2016.

Dès lors, l'absence de transmission d'une telle pièce aux acquéreurs avant la vente constitue un manquement des vendeurs à leur obligation d'information.

Il est incontestable que si les acquéreurs avaient eu l'information de l'existence du phénomène du tassement des fondations, ils auraient soit renoncé à acquérir l'immeuble, soit sollicité une réduction du prix.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que les consorts [D] devaient être tenus à garantie des désordres causés aux époux [V], au titre des dispositions de l'article 1641 du code civil.

Sur la réparation des dommages

L'article 1644 du code civil prévoit que l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle a été arbitrée par experts.

L'article 1645 du code civil prévoit que, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Ainsi, si la réduction de prix est proportionnelle à la diminution de la valeur de la chose et trouve sa limite extrême dans le montant global réglé par l'acquéreur, les dommages et intérêts sont dus jusqu'à la réparation intégrale du préjudice subi si le vendeur est un professionnel ou s'il apparaît de mauvaise foi.

En l'espèce, les époux [V] ont choisi de garder l'immeuble et d'obtenir la réparation intégrale par les vendeurs du montant des travaux nécessaires à la remise en état de l'immeuble, ainsi que la réparation d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral.

Les vendeurs avaient parfaitement connaissance du vice de l'immeuble avant sa vente puisqu'ils détenaient le rapport de M.[H] [I] du 19 décembre 2011. Ils sont donc tenus à la réparation intégrale des préjudices subis par les acquéreurs.

L'expert judiciaire a estimé le coût des travaux de reprise à la somme de 124 122,50 euros TTC, qui a été retenue par les premiers juges à juste titre, étant observé que le devis produit en appel par les consorts [D] ne peut qu'être écarté des débats s'agissant d'une pièce non contradictoire établie par un artisan qui ne s'est pas déplacé sur les lieux.

Les premiers juges ont également fait une juste appréciation de la réparation des frais de relogement et de garde-meubles (la proposition de l'expert à ce titre étant excessive), du trouble de jouissance et du préjudice moral subis par les époux [V] qui vivent, depuis la vente, dans un immeuble soumis à des fissures évolutives et qui vont devoir exposer des frais de relogement pendant la durée des travaux à venir, estimée à trois mois.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné solidairement [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] à payer aux époux [V] une somme de 5 000 euros en réparation des frais de relogement et de garde-meubles, de 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et de 2 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Par ailleurs, pour prononcer une condamnation sur ce fondement, il serait nécessaire d'apprécier un préjudice qui ne serait pas déjà réparé par les condamnations sur les dépens ou au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En l'espèce, aucun élément de la procédure ne permet de déterminer un abus de leur droit d'agir en justice de la part des époux [V].

En conséquence, les consorts [D] seront déboutés de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice d'anxiété

Aucun préjudice d'anxiété n'étant démontré, les consorts [D] seront déboutés de leur demande de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] supporteront solidairement les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Déclare recevables l'ensemble des demandes des consorts [D],

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Déboute [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] de leur demande de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété,

Condamne solidairement [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] aux dépens d'appel,

Condamne solidairement [F], [W], [Z], [B] et [J] [D] à payer à M. [N] [V] et Mme [T] [S] épouse [V] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/06547
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.06547 ?
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