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04/04/2024 | FRANCE | N°21/06710

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 04 avril 2024, 21/06710


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 04 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06710 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PGZP



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 juille

t 2021

Tribunal judiciaire de BEZIERS - N° RG 20/01900





APPELANTE :



Madame [U] [M]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Elisabeth MORET-LEFEBVRE de la SELARL MGS JURISCONSULTE, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et pl...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 04 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06710 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PGZP

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 juillet 2021

Tribunal judiciaire de BEZIERS - N° RG 20/01900

APPELANTE :

Madame [U] [M]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Elisabeth MORET-LEFEBVRE de la SELARL MGS JURISCONSULTE, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

INTIME :

Monsieur [S] [V]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Muriel GASTON, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Stéphanie CARRIE, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 février 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme [U] [M] affirme avoir prêté à M. [S] [V], son ancien concubin, une somme de 20 000 € afin d'effectuer des travaux d'agrandissement dans son logement personnel.

Le 1er avril 2014, M. [V] lui a rédigé une reconnaissance de dettes en s'engageant à lui restituer la somme empruntée à compter du 1er janvier 2015.

Le 16 mars 2015, Mme [M] a mis en demeure M. [V] de s'exécuter.

Par lettre du 30 mars 2015, M. [V] a expliqué avoir rédigé la reconnaissance de dette sous la contrainte.

C'est dans ce contexte que par acte du 31 mars 2016, Mme [M] a assigné M. [V] en paiement devant le tribunal de grande instance de Béziers.

Par jugement contradictoire du 12 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Béziers a :

- rejeté le moyen tiré de la nullité pour violence de la reconnaissance de dette du 1er avril 2014 invoqué par M. [V] ;

- constaté que ladite reconnaissance de dette n'a pas de valeur probante ;

- condamné Mme [M] à payer à M. [V] la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Le 22 novembre 2021, Mme [U] [M] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 29 septembre 2023, Mme [M] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

Condamner M. [V] à lui payer la somme de 20 000 € assorti des intérêts de droit à compter du mois de janvier 2011,

Le condamner à la somme de 3 000 € au titre de dommages-intérêts,

Le condamner aux dépens et à lui payer la somme de 2 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 22 août 2023, M. [S] [V] demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qui concerne le rejet de la nullité de la reconnaissance de dette pour violence et la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de :

Déclarer l'appel de Mme [M] recevable mais mal fondé.

La débouter de toutes ses demandes.

Constater que la reconnaissance de dette établie le 1er avril 2016 n'est pas conforme à l'article 1326 du code civil et n'a pas de valeur probante, qu'elle a été établi sous la contrainte et qu'elle est donc nulle.

Constater que Mme [M] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de prêt en absence de preuve de la remise d'une quelconque somme.

Rejeter l'intégralité de ses demandes.

La condamner aux dépens et à lui payer la somme de 1 500€ pour la procédure de première instance et la somme de 1500€ pour la procédure d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 17 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu de préciser que la reconnaissance de dette étant du 1er avril 2014, il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.

Sur la reconnaissance de dette

En vertu de l'article 1341 ancien du code civil (1359 nouveau), il doit être passé acte devant notaire ou sous signature privée pour toute chose excédant une somme ou valeur fixée par décret, en l'occurrence 1 500 euros.

L'article 1347 ancien (1361 nouveau) dispose qu'il peut être dérogé à la règle ci-dessus lorsqu'il existe un « commencement de preuve par écrit ».

L'article 1326 ancien (1376 nouveau) du code civil précise: « L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ».

En l'espèce, Mme [U] [M] verse aux débats le texte manuscrit suivant :

« [Localité 6], le 01/04/14,

Je soussigné, Monsieur [V] [S] demeurant [Adresse 3] m'engage à rembourser la somme de 20 000 euros que Madame [M] [U] a donné pour une partie des travaux d'agrandissement de mon domicile courant, 2011 et 2012 (afin de pouvoir venir y habiter avec ses deux filles) à partir du 1er janvier 2015 ».

Suit la signature de M. [S] [V].

Ce document du 1er avril 2014 ne respecte pas la forme d'une reconnaissance de dette selon l'article 1326 précité en ce qu'il ne mentionne pas la somme due en chiffres et en lettres. Il ne peut constituer qu'un commencement de preuve par écrit, qui doit être corroboré par d'autres éléments pour fonder la preuve d'une obligation de remboursement par M. [S] [V].

Ce commencement de preuve par écrit se trouve complété par :

Les propres écrits de Monsieur [V] qui confirme depuis le 30 mars 2015 être le rédacteur de cette reconnaissance de dette (mais il estime avoir rédigé le document sous la contrainte) ;

Divers chèques payés par Madame [M] auprès de magasins de bricolage durant la période des travaux d'agrandissement du domicile de Monsieur [V] (notamment, un chèque d'un montant de 1 430,70 € à l'ordre de BricoBât), ainsi que des paiements par carte bancaire (par exemple, pour un montant de 831,30 euros à Castorama le 4 juin 2012).

- sur le vice du consentement

M. [S] [V] oppose que la reconnaissance de dette n'est pas valable en raison du vice affectant son consentement, Mme [U] [M] l'ayant menacé de ne pas signer un acte de vente d'un terrain leur appartenant en indivision s'il refusait de rédiger ce document.

Toutefois, une violence exercée sur M. [S] [V] n'est pas mise en évidence en l'espèce, s'agissant d'un homme adulte (51 ans au moment de l'acte), sain d'esprit, en bonne santé, qui ne souffrait pas d'une vulnérabilité particulière et ne se trouvait pas dans une situation de dépendance économique envers Mme [U] [M] et était à même de refuser de signer l'acte litigieux.

En conséquence, l'acte du 1er avril 2014 ne saurait être annulé pour vice du consentement de son auteur.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité de la reconnaissance de dette pour cause de violence (contrainte morale).

- sur l'obligation de restitution par Monsieur [V]

M. [S] [V] conteste avoir reçu les fonds mentionnés dans l'acte de reconnaissance de dette. Il soutient qu'il appartient à Mme [U] [M] de justifier de la remise des fonds, de leur date et de la cause de leur versement.

Toutefois, l'article 1132 ancien du code civil dispose que « la convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée ».

Il résulte de ce texte que la preuve du défaut de cause est à la charge de celui qui l'invoque.

Ainsi, il incombe à celui qui a souscrit une reconnaissance de dette de démontrer que son engagement manquait de cause, et non au créancier de rapporter la preuve du versement effectif de la somme litigieuse entre les mains du débiteur (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 janvier 2020 ' n° 18-24.295).

En l'espèce, la cause de l'obligation est exprimée dans l'acte de reconnaissance de dette, à savoir le remboursement de différents paiements effectués par Madame [U] [M] pour financer les travaux d'agrandissement du domicile de M.[S] [V], courant 2011 et 2012.

La cour ne peut que constater que M. [S] [V] ne démontre pas que les fonds qu'il s'est engagé à rembourser n'ont pas été versés par Mme [M]. En particulier, il ne rapporte pas la preuve que les paiements dont Madame [U] [M] justifie pour un montant total de 16 278,76 euros ne lui ont pas bénéficié.

Il a déjà été analysé ci-dessus que le texte manuscrit du 1er avril 2014 constitue une reconnaissance de dette valable au regard des dispositions de l'ancien article 1326 du code civil dès lors que ce commencement de preuve par écrit a été corroboré par d'autres éléments de preuve extrinsèques.

La cour doit, dès lors, considérer que la cause de l'obligation de la reconnaissance de dette du 1er avril 2014 existe.

Il y a donc lieu à condamner M. [S] [V] à rembourser à Mme [U] [M] la somme de 20 000 euros, le jugement étant réformé en ce sens de ce chef.

Le jugement est, en revanche, confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation pour résistance abusive formulée par Mme [U] [M], aucun abus n'étant démontré en l'espèce.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [S] [V] supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 12 juillet 2021 du tribunal judiciaire de Béziers sauf en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité de la reconnaissance de dette pour cause de violence et la demande d'indemnisation pour résistance abusive formulée par Mme [U] [M] ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne M. [S] [V] à payer à Mme [U] [M] la somme de 20 000 euros ;

Condamne M. [S] [V] aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [U] [M] la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06710
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;21.06710 ?
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