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04/04/2024 | FRANCE | N°21/04945

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 04 avril 2024, 21/04945


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à









COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 04 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04945 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PDNJ





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 juin 2021

Tribunal judiciaire de Carcassonne - N° RG

1119324





APPELANTS :



Monsieur [H] [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Fanny LAPORTE substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant pour Me Stéphanie PETIT, avocat au barreau de CARCASSONNE


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ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 04 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04945 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PDNJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 juin 2021

Tribunal judiciaire de Carcassonne - N° RG 1119324

APPELANTS :

Monsieur [H] [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Fanny LAPORTE substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant pour Me Stéphanie PETIT, avocat au barreau de CARCASSONNE

Madame [R] [B] épouse [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Fanny LAPORTE substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant pour Me Stéphanie PETIT, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIMEE :

La société Carrefour Banque

(313 811 515), S.A. dont le siège social est

[Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié de droit audit siege

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Vincent BERTRAND substituant Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Philippe BRUEY, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par offre acceptée le 25 mars 2016, la SA Carrefour banque a consenti à M. [H] [Z] et Mme [R] [B] épouse [Z] un prêt personnel de 25 000 € au taux annuel effectif global de 6,79 %, remboursable en 84 mensualités.

Lors de la souscription du crédit, les époux [Z] étaient tenus au remboursement de 15 autres crédits auprès de banques différentes, soit pour des mensualités totales de 6 908 € auquel s'ajoute la nouvelle mensualité, portant le taux d'endettement du couple à hauteur de 102 %.

Les époux [Z] ont fait l'objet de grandes difficultés financières à la suite d'un accident de la circulation subi par M.[Z] le 6 avril 2017, ayant perdu ses revenus, de sorte qu'ils ont vendu leur résidence principale pour rembourser leurs créanciers.

Par lettre recommandée du 11 novembre 2018, la banque les a mis en demeure de régulariser les échéances du prêt impayées.

Face à leur défaillance, la banque a prononcé la déchéance du terme le 4 février 2019.

Par acte du 23 mai 2019, la banque a assigné les époux [Z] en paiement.

Par jugement contradictoire du 30 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Carcassonne a :

- déclaré la banque « pour l'essentiel » fondée en ses demandes en paiement,

- condamné solidairement les époux [Z] à payer à la SA Carrefour banque les sommes de :

1°/ 16 579,19 € correspondant au capital restant dû après déduction des règlements effectués sur un prêt du 25 mars 2016, la banque étant déchue en totalité de son droit aux intérêts, y compris au taux légal, sur cette créance,

2°/ 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes demandes autres ou plus amples des parties,

- condamné solidairement les époux [Z] aux dépens.

Le 2 août 2021, les époux [Z] ont relevé appel de ce jugement.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 18 octobre 2021, les époux [Z] demandent à la cour de :

Réformer le jugement,

statuant à nouveau,

Condamner la banque à leur payer la somme de 24 000 € à titre de dommages et intérêts,

Ordonner la compensation des créances respectives,

à titre subsidiaire,

Réduire la clause pénale à l'euro symbolique,

Prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

A titre infiniment subsidiaire,

Leur accorder des délais de 24 mois pour régler toute somme qui pourrait rester à leur charger,

En toutes hypothèses,

Condamner la banque à leur payer la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 14 janvier 2022, la SA Carrefour banque demande à la cour de confirmer le jugement, et à titre d'appelant incident, d'infirmer et réformer la décision sur le quantum des condamnations et, statuant à nouveau, de :

Condamner les époux [Z] à la somme principale de 24.539,21 €, outre les intérêts sur cette somme au taux contractuel de 6,59 % l'an à compter de la mise en demeure jusqu'au jour du règlement ;

Les condamner à la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement directement au profit de Me Bertrand.

Vu l'ordonnance de clôture du 15 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur le devoir de mise en garde

Les époux [Z] soutiennent que la SA Carrefour banque a manqué à son devoir de mise en garde.

Toutefois, si l'établissement financier est tenu à l'égard de l'emprunteur profane d'un devoir de mise en garde, encore faut-il que cet emprunteur soit de bonne foi.

Nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, la cour ne manque pas de relever qu'aux termes de la fiche de dialogue renseignée par eux, M. et Mme [Z] ont omis de déclarer certains de leurs crédits, dont ils font état désormais, sachant pertinemment qu'une déclaration exhaustive les aurait empêché d'obtenir le concours sollicité auprès de la SA Carrefour banque.

En tout état de cause, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, à la date de conclusion du prêt du 25 mars 2016, les époux [Z] ont déclaré sur la fiche de dialogue qu'ils remboursaient uniquement un autre prêt contracté qu'ils réglaient par mensualités de 999,94 euros, leur taux d'endettement passant à 14,81 %, ce qui démontre que ce prêt était adapté à leurs capacités financières et qu'il n'existait aucun risque d'endettement manifeste du fait de ce crédit lors de son obtention.

En l'absence de démonstration d'un manquement de la SA Carrefour banque à son devoir de mise en garde, la décision dont appel sera donc confirmée.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

L'article L.311-9 (devenu L.312-16) du code de la consommation en sa version applicable au contrat dispose que : «Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L.511-7 du code monétaire et financier ».

La méconnaissance de cette obligation de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) emporte pour le prêteur déchéance du droit aux intérêts, aux termes de l'article L.311-48 du code de la consommation.

En l'espèce, l'offre de prêt est du 25 mars 2016. La consultation du FICP et la réponse de la Banque de France sont datées du 19 avril 2016 pour Monsieur [H] [Z] et du 18 avril 2016 pour Madame [R] [B] épouse [Z]. Le déblocage des fonds est du 21 avril 2016.

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, le premier juge retient que la banque n'a pas consulté le FICP dans le délai maximal de 7 jours laissé au prêteur pour faire connaître aux emprunteurs sa décision d'accorder le crédit.

Toutefois, l'article L. 311-13 (devenu L. 312-24) du code de la consommation dispose que : «Le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que ledit emprunteur n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l'article L. 311-14 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur. ».

En outre, il résulte de l'article 2 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, dans sa rédaction applicable au litige, que les établissements et organismes assujettis à l'obligation de consultation du FICP doivent consulter ce fichier avant toute décision effective d'octroyer un crédit (...). « Sans préjudice de consultations antérieures dans le cadre de la procédure d'octroi de crédit, cette consultation obligatoire, qui a pour objet d'éclairer la décision finale du prêteur avec les données les plus à jour, doit être réalisée lorsque le prêteur décide d'agréer la personne de l'emprunteur en application de l'article L. 311-13 du code de la consommation pour les crédits mentionnés à l'article L. 311-2 du même code ».

Sur le fondement de ces textes, la Cour de cassation a jugé que dès lors que la consultation du FICP a lieu avant la mise à disposition des fonds, par laquelle le prêteur agrée la personne de l'emprunteurs, la déchéance du droit aux intérêts ne peut être prononcée (1ère Civ., 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-15.435).

En l'occurrence, il convient de relever que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la SA Carrefour banque justifie de la consultation du FICP les 18 et 19 avril 2016, soit antérieurement à la mise à disposition des fonds valant agrément de l'emprunteur par le prêteur intervenue le 21 avril 2016.

La déchéance du droit aux intérêts conventionnels n'est donc pas encourue et le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur la demande relative à la clause pénale

Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, le juge peut toujours, même d'office, modérer ou réduire la pénalité prévue au contrat si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Sur le fondement de ce texte, M. et Mme [Z] demandent que l'indemnité légale contentieuse de 8 % soit diminuée à l'euro symbolique.

Toutefois, ils ne motivent nullement leur demande, laquelle sera en voie de rejet, le montant de l'indemnité (1 321,76 euros) n'apparaissant pas manifestement excessive au regard de l'économie globale du contrat.

Sur le montant de la créance

La créance de la banque apparaît justifiée au vu de l'offre préalable de crédit, du tableau d'amortissement, des courriers de mise en demeure et du décompte de créance arrêté au 7 mai 2019.

Les époux [Z] seront donc condamnés à payer à la SA Carrefour banque la somme de 24 539,21 € avec intérêts au taux contractuel de 6,59 % à compter du 4 février 2019, date de la mise en demeure.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur la demande de délais de paiement

M. et Mme [Z] sollicitent des délais de paiement faisant valoir que M. [Z] a été victime d'un très grave accident de la route et qu'ils ont dû vendre leur maison pour pouvoir rembourser leurs créanciers.

S'ils font valoir une situation financière totalement obérée depuis l'accident de M. [Z], les époux [Z] ne versent au soutien de leur demande aucun justificatif permettant de connaître leur situation actualisée et informant la cour d'appel sur les mérites de leur demande, laquelle sera dés lors rejetée.

Il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Succombant à l'action, M. et Mme [Z] seront condamnés, en application de l'article 696 du de procédure civile, aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement au profit de Me Denis Bertrand, avocat.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et sur le quantum de condamnation ;

Statuant à nouveau ;

Condamne M. [H] [Z] et Mme [R] [B] épouse [Z] à payer à la SA Carrefour banque la somme de 24 539,21 € avec intérêts au taux contractuel de 6,59 % à compter du 4 février 2019 ;

Déboute M. [H] [Z] et Mme [R] [B] épouse [Z] de leur demande de réduction de la clause pénale ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [Z] et Mme [R] [B] épouse [Z] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement directement au profit de Me Denis Bertrand, avocat,

Condamne M. [H] [Z] et Mme [R] [B] épouse [Z] à payer à la SA Carrefour banque la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/04945
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;21.04945 ?
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