Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 27 MARS 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01621 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLO4
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 MARS 2022
POLE SOCIAL DU TJ DE MONTPELLIER N° RG19/06020
APPELANT :
Monsieur [O] [M]-[P]
Centre de détention [6]
Écrou N°14434 - BP 369
[Localité 2]
Représentant : Me Jérémie OUSTRIC, avocat au barreau de MONTPELLIER
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/003766 du 30/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DU GARD (MDPH)
[Adresse 3]
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparante
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 FEVRIER 2024,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Magali VENET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Magali VENET, Conseillère
M. Patrick HIDALGO, Conseiller
Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- réputé contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;
- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Par courrier du 14 août 2018, M. [O] [M] [P] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier , devenu pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier, d'une contestation à l'encontre de la décision rendue le 26 juin 2018 par la MDPH du Gard refusant sa demande d'attribution de l'allocation aux adultes handicapées déposée le 1er décembre 2016.
Par un jugement en date du 03 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier a confirmé la décision rendue par la MDPH du Gard et débouté M. [M] [P] de l'ensemble de ses demandes.
Le 23 mars 2022, M. [M] [P] a relevé appel du jugement.
Devant la cour, à l'audience du 22 février 2024, son conseil a développé et complété oralement les conclusions écrites précédemment déposées.
Il sollicite le bénéfice de l'AAH et précise que suite à une nouvelle demande déposée le 17 juin 2022 cette allocation lui a été attribuée le 13 septembre 2022, alors qu'il était encore incarcéré, et alors qu'il présentait déjà en 2016 la même pathologie que celle pour laquelle l'AAH lui a été postérieurement accordée.
La Maison des Personnes Handicapées de l'Hérault, bien que régulièrement convoquée et avisée, n'a pas comparu, ni personne pour elle, ni n'a sollicité de dispense de comparution.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre préliminaire, la maison départementale des personnes handicapées de l'Hérault n'étant pas comparante, il appartient à la cour de fonder sa décision sur les éléments visés au jugement critiqué ainsi que sur les pièces de l'appelant, et non d'enjoindre la MDPH à la transmission de diverses pièces. La demande sera rejetée sur ce point.
Sur l'allocation aux adultes handicapés:
Selon les dispositions des articles L.821-1 , L.821.2 et D.821.1 du Code de la Sécurité Sociale (CSS), l'allocation aux adultes handicapés est servie, sous diverses conditions, notamment de ressources, à la personne dont le taux d'incapacité permanente, appréciée selon le guide barème figurant à l'annexe 2-4 du Code de l'Action Sociale et des Familles (CASF) , est au moins égal à 80%.
Elle est également versée à la personne dont l'incapacité permanente, inférieure à 80% est au moins égal à 50% et à laquelle la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi , appréciée dans les conditions définies par l'article D.821-1-2du CSS.
Sur le taux d'Incapacité:
Le pourcentage d'incapacité est apprécié à la date de la demande, d'après le guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles.
Ainsi, un taux inférieur à 50% correspond à des troubles légers dont les retentissements n'entravent pas la réalisation des actes de la vie quotidienne.
Un taux compris entre 50% et 79% correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne, l'entrave pouvant soit être % à la date de la demande.'concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique, étant toutefois précisé que l'autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne.
Un taux d'au moins 80% correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle, laquelle est définie comme l'ensemble des actions que doit mettre en oeuvre une personne vis-à-vis d'elle-même dans la vie quotidienne. Dès lors que la personne doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne, ou ne les assure qu'avec les plus grandes difficultés, ce taux de 80% est atteint. Il l'est également en cas de déficience sévère avec abolition d'une fonction.
Les conditions d'attribution s'apprécient au jour de la demande.
En l'espèce, M. [J] [P] sollicite qu'un taux d'au moins 80% lui soit attribué au regard des pathologies qu'il présente.
Pour retenir un taux d'incapacité permanente partielle compris entre 50% et 79% au jour de la demande, le tribunal a retenu que:
'Il ressort du rapport de l'expert et des pièces versées aux débats que M. [O] [J] [P], âgé de 59 ans présentait à la date de sa demande:
- polyarthrite rhumatoïde
- gastrite
- hypertension
- migraines
La MDPH a rejeté la demande au motif que l'état de santé n'était pas stabilisé en suggérant un réexamen à l'expiration du délai de un an.
Selon le médecin consultant, les pathologies justifiaient au jour de la demande et selon le guide barème réglementaire un taux d'incapacité permanente compris entre 50% et 79% à la date de la demande.'.
M. [J] [P] objecte qu'il souffre d'un polyarthrite rhumatoïde invalidante, ainsi que de douleurs importantes et d'une impotence fonctionnelle en constante aggravation qui rendent de plus en plus difficile les gestes de la vie quotidienne et justifient l'octroi d'un taux d'au moins 80%.
Il fait valoir qu'il était attaché commercial, qu'il a commencé à ressentir des douleurs articulaires dans les pieds à compter du mois de mars 2016 que ces douleurs se sont rapidement étendues aux jambes, aux genoux, aux bras et enfin aux épaules et qu'il a été dans l'obligation de prendre des médicaments anti-inflammatoires. Il ajoute avoir sollicité l'AAH suite à la pseudo polyarthrite rhizomélique diagnostiquées par le docteur [R] le 2 novembre 2016. Il précise avoir été incarcéré à la maison d'arrêt de [Localité 5] le 05 décembre 2017, transféré au centre de détention de [6] le 4 juin 2020 et avoir été récemment libéré.
Il mentionne avoir formé le 17 juin 2022 une nouvelle demande d'AAH qui lui a été attribuée le 13 septembre 2022 avec la reconnaissance de travailleur handicapé avec orientation professionnelle vers le marché du travail.
Il verse aux débats:
- le certificat médical du Docteur [R] du 2 novembre 2016 ainsi rédigé: 'pathologie principale: pseudo polyarthrite rhizomélique' et décrivant les symptômes suivants:
'apparition fin septembre 2016 de douleurs des épaules, des hanches et des membres inférieurs invalidants entraînant un confinement à domicile. Asthénie, pathologie anxieuse avec quelques éléments dépressifs réactionnel lenteur de la marche. Fatigabilité des membres supérieurs. Difficulté à effectuer les tâches ménagères et les courses.'
- le compte rendu de l'examen du médecin de la MDPH du 12 avril 2017 qui indique : ' rhumatisme en août 2016, état fluctuant, dérouillage matinal 2h , kinésiophobie, et dit très limité au niveau des épaules marche 1/4 d'heure sans difficulté. Les articulations atteintes sont réputées inexaminables et quasi ankylosées. Affirme ne plus pouvoir conduire. '
- un certificat médical établi le 4 avril 2018, par le docteur [B], médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de Nîmeselon lquel il présente les problèmes de santé suivants:
'- maladie rhumatismale invalidante(polyarthrite rhumatoïde)nécessitant un traitement et un suivi spécialisé rhumatologique chronique
- gastrite sous anti-inflammatoire compliquant la prise en charge rhumatologique
- hypertension artérielle,
- une attestation de son co détenu M. [S] [Y] établie le 10 octobre 2019 mentionnant que l'appelant se plaignait de multiples gestes douloureux.
- un nouveau certificat médical établi le 24 décembre 2019 dans lequel le médecin précise que M. [M] a présenté en septembre une atteinte hépatique ayant conduit à l'arrêt de son traitement rhumatologique par methotrexate.
- un certificat médical du 18 juin 2020 établi par le docteur [L] mentionnant que M. [J] [P] st porteur d'une maladie rhumatismale invalidante avec des douleurs généralisées.
- le certificat médical du 29 octobre 2021 établi par le docteur [U] qui précise: 'certifie que l'état de santé de M. [J] [P] [O] né le 12/04/1962retrouve une polyarthrite rhumatoïde invalidante incapacité entre 50% et 79% validée MDPH du Gard ...la vie quotidienne est largement perturbée dans les actes répétitifs et obligatoires domestiques avec des périodes d'impotence fonctionnelle variable mais très invalidantes. Malgré tout le patient s'efforce de travailler au quotidien avec des difficultés variables. Au total PAR invalidante et reconnue.'
- un arrêt de travail du 17 décembre 2021
- la notification de l'attribution de l'AAH du 13 septembre 2022 en raison d'un taux d'incapacité supérieur ou égal à 50% et inférieur à 80% et d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé avec orientation professionnelle vers le marché du travail.
- le certificat médical du docteur [V] établi le 02 janvier 2024 mentionnant qu'il présente une polyarthrite immunonegative non érosive depuis 2016 actuellement sous IMETH20mg /sem.
- le certificat médical établi le 02/02/2024 par le docteur [R] : 'je certifie avoir traité M. [J] [P] [O] et avoir constaté à partir de septembre 2016 des signes de rhumatisme inflammatoire invalidant pour lequel un avis rhumatologique (Dr [D]) avait été demandé.'
- le certificat médical établi le 20 février 2024 par le Docteur [D] indiquant: 'je soussigné avoir examiné M. [J] [P] [O] en septembre 2016 qui présentait une polyarthrite rhumatoïde invalidante avec atteinte des grosses et petites articulations raideur articulaire, épanchements. Ce patient suit un traitement régulier depuis cette date ...'
Ces divers éléments médicaux produits par M. [J] ne permettent pas de remettre en cause la décision du tribunal qui a retenu qu'il présentait au jour de la demande un taux d'incapacité compris entre 50% et 79% .
La décision sera confirmée sur ce point.
Sur la restriction substantielle et durable à l'emploi:
Pour l'application des dispositions du 2° de l'article L. 821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :
1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :
a) Les déficiences à l'origine du handicap ;
b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;
c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;
d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.
Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.
2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :
a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;
b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;
c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.
3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.
4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.
5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :
a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles ;
b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;
c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles.
En l'espèce, pour retenir que ne présentait pas une restriction substantielle et durable à l'emploi, le tribunal a retenu que:
'Monsieur [O] [J] [P], dit avoir été autrefois attaché commercial. Il est en détention depuis plusieurs années et ne justifie à la date de sa demande rejetée aucune démarche de recherche d'emploi ou de formation.
Il ne justifie donc pas subir à la date de sa demande une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.
Il y a lieu d'observer que M. [O] [J] [P] produit des documents justifiant une probable aggravation progressive de ses pathologies qui ne peut être prise en considération à la date de la demande rejetée.'
Dans ses écritures, le conseil de M. [M] [P] a mentionné que page 13 et 14: 'M. [J] [P] a intégré une activité au sein de l'atelier de l'établissement, son médecin lui conseillant d'éviter de rester totalement immobile. Cette activité a toutefois fait l'objet d'aménagements pour tenir compte de son état:
- M. [J] [P] travaille en position assise contrairement aux autres travailleurs qui sont debout
- il travaille sur des chantiers de petits conditionnements, des collages
- il a obtenu de pouvoir regagner sa cellule lorsque le douleurs ne sont plus supportables. M. [M] [P] est en outre contraint de prendre quatre antalgiques par jour et ce depuis 2016".
Au regard de l'ensemble de ces éléments, et notamment des éléments médicaux précédemment développés, s'il apparaît que M. [O] [J] [P] présentait dès 2016 une polyarthrite rhumatoïde , ce dernier ne justifie pas , au jour de la demande du 1er décembre 2016, du caractère insurmontable de l'accès à l'emploi nécessaire à la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi , dès lors qu'aucun élément n'établit qu'il lui était impossible d'occuper un emploi adapté à son handicap , et que suite à son incarcération, il a été en mesure d'exercer une activité professionnelle dans un cadre adapté à sa pathologie.
M. [J] [P] ne produit aux débats aucun élément nouveau contraire de nature à établir qu'au jour de sa demande son état de santé justifiait qu'il bénéficie de l'AAH
C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que le taux d'incapacité de M. [J] était compris entre 50 % et 79% et dit qu'il ne remplissait pas les conditions requises pour l'attribution de l'AAH, le jugement sera confirmé.
Sur le préjudice moral:
M. [J] [P] allègue, sans en justifier d'un préjudice moral causé par l'attitude de la MDPH du Gard qui aurait refusé de lui communiquer son dossier médical, la décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et rendu en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 03 mars 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier
Y ajoutant,
Rejette la demande tendant à enjoindre sous astreinte la MDPH du Gard à la transmission de son dossier médical
Condamne M. [J] [P] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT