COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 24/00224 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QFWR
O R D O N N A N C E N° 2024 - 231
du 26 Mars 2024
SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
ET
SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [Z] [W]
né le 12 Mars 2000 à [Localité 3] ( MAROC )
de nationalité Marocaine
retenu au centre de rétention de [Localité 6] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant, par visio conférence suite à la demande de M Le Prefet de l'Hérault, assisté par Maître Zoé LAFONT, avocat commis d'office
Appelant,
et en présence de [V] [Y], interprète assermenté en langue arabe,
D'AUTRE PART :
1°) MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Monsieur [U] [X] dûment habilité,
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Sylvie BOGE conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Béatrice MARQUES, greffier,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 19 février 2024, de MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT portant obligation de quitter le territoire national sans délai et ordonnant la rétention de Monsieur [Z] [W], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu la décision de placement en rétention administrative du 21 mars 2024 de Monsieur [Z] [W], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu la requête de Monsieur [Z] [W] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 23 mars 2024 ;
Vu la requête de MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT en date du 23 mars 2024 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [Z] [W] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;
Vu l'ordonnance du 24 Mars 2024 à 14h05 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MONTPELLIER qui a :
- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur [Z] [W],
- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [Z] [W] , pour une durée de vingt-huit jours à compter du 25 mars 2024 à 07h55,
Vu la déclaration d'appel faite le 25 Mars 2024 par Monsieur [Z] [W] , du centre de rétention administrative de [Localité 6], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 09h59,
Vu l'appel téléphonique du 25 Mars 2024 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 26 Mars 2024 à 09 H 30
Vu les courriels adressées le 25 Mars 2024 à MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT, à l'intéressé et à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 26 Mars 2024 à 09 H 30,
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus par visio conférence , librement, dans la salle d'audience de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier
L'audience publique initialement fixée à 09 H 30 a commencé à 09h58
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Assisté de [V] [Y], interprète, Monsieur [Z] [W] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' je me nomme [Z] [W] né le 12 Mars [Localité 1] ( MAROC ) ; Je n'ai pas le passeport sur moi . On me l'a pris à [Localité 4], la police aux frontères. J'ai une adresse en France, je ne l'ai pas en tête c'est l'adresse de mon frère à [Localité 4] . Le passeport n'était pas falsifié. Je veux retourner au Maroc le plus rapidement possible. Je suis là depuis 2022 je suis rentré avec un passeport mais pas de visa.
L'avocat, Me Zoé LAFONT développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger. Sur l'irrecevabilité de la requête, je soutiens les 3 irrecevabilités de la déclaration d'appel. Absence de mention du suivi psychiatrique de monsieur dans la requête du Préfet, défaut de motivation de la requête. Je renonce au moyen sur la délégation de signature. Information du Procureur du placement de monsieur en rétention, la veille du placement. Sur l'assignation à résidence, je m'en rapporte en l'absence de passeport et d'adresse.
Monsieur le représentant, de MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT, demande la confirmation de l'ordonnance déférée. Arrêt de la Cour Cassation de 2014 valide l'avis du parquet de manière anticipée. Monsieur n'a pas parlé de ses problèmes psychologiques à la Préfecture. L'assignation à résidence impossible, pas de passeport .
Assisté de [V] [Y], interprète, Monsieur [Z] [W] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' je suis devenu dépendant de mon traitement médical ; j'aimerais rentré au Maroc le plus rapidement possible. Je sors de détention. '
Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 6] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 25 Mars 2024, à 09h59, Monsieur [Z] [W] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de MONTPELLIER du 24 Mars 2024 notifiée à 14h05, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
Sur l'irrecevabilité de la requête préfectorale :
L'intéressé se désiste du moyen concernant la délégation de signature du signataire de la requête et maitient le moyen tiré du défaut de grille de vulnérabilité.
L'article R. 743-2 du CESEDA dispose que : « à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 ».
Les textes ne précisent pas les pièces justificatives utiles devant accompagner la requête à l'exception de la copie du registre actualisé.
Il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.
En l'espèce, le formulaire d'évaluation permettant de déterminer le cas échéant les conditions du placement en rétention de l'intéressé et garantissant qu'il ait été en mesure de faire valoir ses observations quant à la détection de ses vulnérabilités ne figure pas dans la procédure.
Ce formulaire d'évaluation ne figure pas parmi les pièces justificatives utiles et les éléments médicaux du dossier permettent d'apprécier sa situation au regard de sa vulnérabilité.
L'exception d'irrecevabilité sera donc rejetée.
Sur l'avis anticipé au procureur de la République du placement en rétention :
Aux termes de l'article L741-8 du CESEDA : 'Le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention'.
En l'espèce, l'appelant fait valoir que l'avis anticipé au ministère public de son placement en rétention administrative est irrégulier et qu'il n'est pas nécessaire que cette irrégularité lui fasse grief pour entraîner la nullité de la procédure.
De jurisprudence constante, l'avis au procureur de la République du placement en rétention peut être donné de façon anticipée ce qui ne le prive pas de son pouvoir de contrôle sur la mesure.
En l'espèce, l'avis au procureur de la République du placement en rétention a été réalisé le 22 mars 2024 à 16 heures 39 avec mention du début du placement le 23 mars 2024 et de la prise en charge à 7 heures 30. La notification de l'arrêté de placement a été effectuée le 23 mars 2024 à 7 heures 55 et le placement a été effectif à compter de son arrivée au centre de rétention à 9 heures 15.
La procédure est régulière, étant relevé que le ministère public a été en mesure d'exercer son pouvoir de contrôle à compter du début effectif du placement en rétention administrative.
Le moyen de nullité sera donc rejeté.
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention:
L'article L. 741-4 précise : « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention».
Le contrôle du juge des libertés et de la détention porte sur la réalité de l'appréciation de la situation de vulnérabilité par l'administration et des moyens mis en oeuvre pour permettre une privation de liberté.
L'intéressé soutient que l'administration a procédé à une évaluation erronnée de son état de vulnérabilité eu égard aux informations dont il disposait concernant son état de santé, des certificats médicaux, de son âge et de sa situation durant son incarcération.
Monsieur [Z] [W] n'a pas signalé d'autre problème de santé lors de l'entretien réalisé le 14 décembre 2023 qu'une fracture du genou et du pied, élément repris dans l'arrêté de placement en rétention administrative. Il n'a pas davantage remis de document médical lors de cet entretien.
Il ne peut dès lors être reproché une erreur d'appréciation sur l'état de vulnérabilité de l'intéressé lors de l'édiction de la décision, étant précisé que le secret médical interdit toute consultation de son dossier médical en détention. Enfin, il n'est pas démontré que son âge (24 ans) soit un élément de vulnérabilité.
De manière surabondante, l'intéressé déclare poursuivre son traitement médicamenteux prescrit en détention pour des problèmes de santé mentale, sans autre précision.
Il convient de rejeter ce moyen.
Sur la demande d'assignation à résidence':
L'article L 743-13 du CESEDA'dispose :' «'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'»
En l'espèce, l'intéressé déclare sans en justifier avoir remis son passeport à la PAF de [Localité 4] et résider à une adresse qu'il ne peut précier chez son frère à [Localité 4], sans en justifier.
L'assignation à résidence ne peut en conséquence en l'état être ordonnée.
En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions (découlant du droit de l'Union) de légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il convient de confirmer la décision critiquée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Déclarons l'appel recevable,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 26 Mars 2024 à 13h18 .
Le greffier, Le magistrat délégué,