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21/03/2024 | FRANCE | N°21/05990

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 21 mars 2024, 21/05990


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à









COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 21 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05990 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFM2



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 septembre 2021

Tribunal judiciaire de Montpellier - N° RG 19/0

1566



APPELANTE :



Madame [G] [X] veuve [N]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Camille FABRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Katia DEBAY,...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 21 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05990 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFM2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 septembre 2021

Tribunal judiciaire de Montpellier - N° RG 19/01566

APPELANTE :

Madame [G] [X] veuve [N]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Camille FABRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Katia DEBAY, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMEE :

Société Caisse Régionale de Credit Agricole Mutuel du Languedoc

agissant par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascal ADDE de la SCP ADDE - SOUBRA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Frédéric DENJEAN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Frédéric DENJEAN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 29 mars 2010, Mme [G] [X] épouse [N] et M. [T] [N], son mari, ont accepté une offre de prêt immobilier, ayant pour but l'acquisition d'un immeuble, auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) portant sur un capital de 280 000 euros, au taux conventionnel fixe annoncé de 3,90 % et au Teg de 4,347 %.

Le prêt a été réaménagé par un avenant reçu par le couple [N] le 11 avril 2014, annonçant un taux annuel fixe à 3,80 % et un taux effectif global à 4,2838 % l'an en fonction de la périodicité mensuelle de 0,3570 %.

Suite au décès de son mari le 16 octobre 2017, Mme [X] a sollicité un expert afin d'étudier la conformité mathématique du contrat de prêt du 29 mars 2010 et de l'avenant du 11 avril 2014.

Le 28 janvier 2019, l'expert amiable, Mme [P] experte près de la cour d'appel, a constaté, dans son rapport, des anomalies affectant l'offre de prêt et l'avenant.

C'est dans ces conditions que, par acte en date du 19 mars 2019, Mme [X] a fait assigner la banque devant le tribunal judiciaire de Montpellier, aux fins d'annulation d'une clause du contrat de prêt et de l'avenant à tire principal, et de déchéance des droits aux intérêts, à titre subsidiaire.

Par jugement contradictoire en date du 2 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes en déchéance totale du droit aux intérêts et les demandes subséquentes.

- débouté Mme [X] veuve [N] de sa demande de restitution des intérêts perçus.

- l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté la banque de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné Mme [X] aux dépens.

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 8 octobre 2021, Mme [X] a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 7 janvier 2022, Mme [X] demande en substance à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- Juger ses demandes recevables et bien fondées, que l'absence de mention du taux de période sur l'offre de prêt acceptée le 29 mars 2010 est une violation de l'article R. 313-1 du code de la consommation, que dans l'offre de prêt acceptée le 29 mars 2010 et l'avenant reçu le 11 avril 2014 les intérêts courus entre deux échéances sont calculés sur la base de 360 jours.

- Prononcer la déchéance totale des intérêts contractuels.

- Débouter la banque de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- La condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

A l'appui de ses demandes elle soutient que :

- le point de départ du délai de prescription est fixé à la date de révélation à l'emprunteur de l'erreur affectant le taux effectif global.

- les emprunteurs ne disposaient pas des compétences nécessaires pour analyser le tableau d'amortissement au jour de la signature du contrat, ni aucune connaissance en mathématiques financières et droit bancaire afin de savoir que le taux de période devait être communiqué.

- l'offre de prêt ne mentionne qu'un taux effectif sans préciser ensuite son taux de période qui est une mention impérative.

- le TEG doit être calculé sur la base de l'année civile, et les intérêts sont calculés à partir du capital restant dû sur une base de 360 jours avant et après avenant au lieu de 365 jours.

- l'écart de taux est supérieur à la décimale.

Par uniques conclusion remises par voie électronique le 18 janvier 2022, la Caisse régionale de crédit agricole demande en substance à la cour de confirmer le jugement et de :

- Juger l'action en déchéance du droit aux intérêts irrecevable car prescrite.

Subsidiairement sur le fond,

'$gt; Sur le grief issu des modalités de calcul des intérêts :

- Ecarter l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels tenant l'absence de démonstration du calcul des mensualités d'intérêts du prêt sur une autre base que l'année civile, tenant l'absence de démonstration d'un écart affectant le taux effectif global au-delà de la décimale.

- Juger la déchéance encourue à hauteur du préjudice subi pour la somme de 11,22 euros,

'$gt; Sur le grief issu de la communication du taux de période mensuel du Teg annuel de l'offre de prêt.

- Ecarter l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels tenant l'absence de l'obligation de communication, tenant la communication du taux de période en raison des mentions de l'offre de prêt et des documents annexés et des mentions de l'avenant,

- Ecarter l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en l'absence de démonstration d'un écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel supérieur à la décimale,

- Condamner Mme [X] à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

L'intimée soutient que :

- l'emprunteuse disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du taux effectif global à la date de conclusion du contrat qui constitue le point de départ du délai de prescription.

- il appartient à l'emprunteuse de démontrer que les mensualités d'intérêts ont été calculées à son détriment sur une base autre qu'une année civile.

- les modalités de calcul de la méthode lombarde et de la méthode dite du mois normalisé sont équivalentes.

- la sanction du défaut de calcul sur l'année civile est exclusivement la déchéance du droit aux intérêts.

- la sanction n'est encourue qu'en cas d'écart de TEG supérieur à une décimale.

- l'écart invoqué n'est pas supérieur à une décimale.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 janvier 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

SUR LA PRESCRIPTION

L'article 110-4 du code de commerce applicable aux faits, mentionne que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.

En l'espèce, les emprunteurs, dont il n'est pas rapporté qu'ils étaient professionnels de la banque ou de même capacité, n'ont pas disposé des compétences financières nécessaires pour leur permettre de déceler par eux-mêmes, à la simple lecture de l'acte de prêt, les éventuelles erreurs affectant le calcul du TEG, puisque l'intervention d'un tiers ayant les compétences pour réaliser les opérations mathématiques complexes a été nécessaire pour vérifier le calcul du TEG présenté par la banque.

De ce fait les conditions particulières de l'offre de prêt acceptées par les emprunteurs ne pouvaient permettre à ces derniers de s'interroger sur le mode de calcul du taux effectif global, et seules les investigations effectuées par l'experte amiable mandatée par la demanderesse lui a permis de se convaincre des irrégularités invoquées.

Le premier juge a indiqué dans sa motivation qu'il appartenait aux emprunteurs de solliciter une analyse plus tôt afin que le rapport, et donc la révélation d'éventuelles irrégularités non décelables à la simple lecture de l'offre de prêt ou de l'acte de prêt, interviennent dans le délai de 5 ans de la conclusion du contrat.

Mais il n'est pas rapporté que les demandeurs étaient en mesure de vérifier par eux-mêmes à partir des documents qui étaient à leur disposition dés l'émission de l'offre de prêt, l'erreur prétendue concernant le TEG non décelable par un profane, sauf à considérer que tout emprunteur non averti doit systématiquement recourir à une société d'expertise financière dés lors qu'il n'est pas professionnel pour faire vérifier l'offre de prêt, ce qui ne peut être envisageable.

Le premier juge a donc décidé à tort que l'action engagée n'est pas recevable pour être prescrite.

SUR LE CALCUL DES INTERETS

En application des dispositions du code de la consommation, le taux d'intérêt conventionnel doit être mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur et doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base d'une année civile.

Et si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non contradictoire réalisée à la demande de l'une des parties.

En l'espèce, l'emprunteuse se contente de produire un document établi à sa demande par une analyste de son choix, évoquant une base de calcul des intérêts sur une année dite lombarde, mais sans pour autant établir que l'application d'un diviseur 360 a eu une incidence sur le montant des intérêts dus, dés lors qu'ils sont décomptés mensuellement et non jour par jour.

En effet, puisque s'agissant d'un prêt dont les intérêts sont payés mensuellement, le montant des intérêts dus chaque mois est le même, que les intérêts soient calculés, par référence au mois normalisé de 30,41666 jours en appliquant le rapport 30,41666/365, ou qu'ils le soient par référence à un mois de 30 jours et une année de 360 jours, en appliquant le rapport 30/360, le calcul des intérêts conventionnels sur un mois de 30 jours et une année de 360 jours étant sans incidence s'agissant de mois civils complets, sauf éventuellement pour le surcoût de 11,22 euros occasionné par la majoration contractuelle de 2 jours basée sur la première période de 27 jours, soit 25 jours calendaires plus deux jours de majorations.

Mais ce montant modique ne peut en tout état de cause nullement constituer un écart de calcul du TEG d'une décimale par rapport au TEG conventionnel.

Ce moyen, qui ne peut être prescrit puisque tendant à voir prononcer la déchéance des intérêts conventionnels, sera rejeté.

SUR LE TAUX DE PERIODE

L'omission du taux de période ne permet nullement de préjuger de l'inexactitude du TEG mentionné par le contrat, laquelle n'est nullement rapportée par l'emprunteuse, puisqu'en matière de crédit immobilier où la périodicité est celle du mois normalisé, le TEG annuel est obtenu en multipliant le taux de période par 12 mois, de sorte que le taux de période peut tout aussi facilement être obtenu en dividant le TEG par 12.

L'absence de communication du taux de période n'affecte pas en elle-même la validité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et la communication du taux de période n'est donc pas une condition de validité de la stipulation du TEG, le taux de période n'ayant qu'une utilité probatoire permettant de vérifier, au regard du tableau d'amortissement pour chaque échéance, que le taux appliqué correspond bien à 1/12 ème du TEG.

Ainsi le simple défaut de mention du taux de période invoqué, lequel au demeurant a bien été mentionné dans l'avenant, ne peut faire l'objet d'une sanction.

Ce moyen, qui ne peut être prescrit puisque tendant à la même fin de voir prononcer la déchéance des intérêts conventionnels, sera rejeté.

SUR LE CALCUL DU TAUX EFFECTIF GLOBAL

Pour la détermination du taux effectif global du prêt, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ; le résultat du calcul est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale.

En l'espèce, l'emprunteuse se contente de produire aux débats un rapport d'expertise amiable de calcul du TEG, qui ne peut à lui seul justifier d'une prétendue erreur de calcul du TEG d'une décimale par rapport au TEG conventionnel de 3,90 %, ensuite ramené à 3,80 % dans l'avenant.

Ce rapport se contente de signaler notamment un TEG de 4,23661 % pour le mois de février de 28 jours, mais de seulement 3,7284 % pour les mois de 31 jours, sans pour autant démontrer que l'écart sur la durée du prêt entre le TEG mentionné et le prétendu taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l'annexe à l'article R.313-1 du code de la consommation, concernant le prêt initial comme son avenant, ce dernier au demeurant ayant réduit le montant des intérêts contractuels convenus initialement puisque abaissé de 0,10 %.

Par conséquent il conviendra d'infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes en déchéance totale du droit aux intérêts et les demandes subséquentes, et de le confirmer en ses autres dispositions.

Partie perdante Mme [G] [X] sera condamnée aux entiers dépens d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme partiellement le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes en déchéance totale du droit aux intérêts et les demandes subséquentes,

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les demandes de Mme [G] [X] en déchéance totale du droit aux intérêts et les demandes subséquentes,

Déboute Mme [G] [X] de l'ensemble de ses demandes,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Condamne Mme [G] [X] aux entiers dépens d'appel,

Condamne Mme [G] [X] à payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05990
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;21.05990 ?
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