ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 19 MARS 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/02415 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PM7N
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 15 NOVEMBRE 2021
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEZIERS
N° RG 20/01567
APPELANT :
Monsieur [V] [M]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 5] (34)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMEE :
Madame [R] [T]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 5] 34 (34)
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Andie FULACHIER, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 23 Janvier 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre chargée du rapport et Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
EXPOSE DU LITIGE
Le 13 août 2020, M. [V] [M] a fait assigner Mme [R] [T], son ex-épouse, devant le tribunal judiciaire de Béziers aux fins de voir juger parfaite la vente à son profit de 50 parts sociales de la SCI Paumat par Mme [T], suivant promesse de cession de parts sociales du 21 mars 2016.
Par jugement du 15 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Béziers a :
- débouté Mme [T] de sa demande de serment décisoire ;
- constaté que la promesse de cession de parts sociales du 21 mars 2016 est caduque ;
- débouté M. [M] de l'intégralité de ses demandes ;
- constaté que M. [M] a payé une somme de 104 000 euros à Mme [T] au titre de la promesse de cession de parts sociales du 21 mars 2016 ;
- ordonné, tenant la caducité de la promesse de cession de parts sociales du 21 mars 2016, la remise en état entre les parties, et condamné Mme [T] à payer à M. [M] la somme de 104 000 euros ;
- débouté Mme [T] du surplus de ses demandes en paiement ;
- dit n'y avoir lieu à condamnation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [M] aux dépens de la procédure.
Le 4 mai 2022, M. [V] [M] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 30 septembre 2022, il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté la caducité de la promesse de cession, débouté M. [M] de l'intégralité de ses demandes, condamné Mme [T] au paiement de la somme de 104 000 euros ;
et statuant à nouveau
- de débouter Mme [T] de toutes ses demandes ;
- de juger parfaite la cession des 50 parts de la SCI Paumat, de l'autoriser à régulariser les actes et publier l'arrêt valant cession de parts auprès du registre du commerce et des sociétés pour rendre opposable aux tiers cette cession ;
- et de condamner Mme [T] au remboursement de la somme de 4 000 euros de l'indu outre 5 000 euros pour résistance abusive et 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 9 septembre 2022, Mme [R] [T] demande à la cour:
- de la recevoir en son appel ;
statuant à nouveau, avant dire droit :
- de prendre acte de ce que Mme [T] défère à M. [M] un serment décisoire sur la question suivante : M. [M] a-t-il versé à Mme [T] la somme de 20 000 euros telle que visée dans la prétendue reconnaissance du 19 mars 2016 pour le rachat des parts de la SCI Paumat ; fixer les jours, heures et lieux où le serment décisoire sera reçu par la cour et rappeler à M. [M] que le faux serment expose son auteur à des sanctions pénales ;
- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes ; de juger que la promesse de vente est nulle et non avenue, en tous les cas caduque, à défaut de réalisation de la condition suspensive le 21 mai 2016 ;
- de l'infirmer pour le surplus et juger n'y avoir lieu à restitution à défaut de versement du prix ;
- de condamner M. [M] à payer à Mme [T] la somme de 31 000 euros au titre de l'immeuble sis au Mexique ;
à titre subsidiaire, si par impossible la cour devait estimer que la promesse de cession valide,
- de condamner M. [M] à lui payer la somme de 100 000 euros au titre du prix de cession ; la somme de 20 000 euros au titre du solde du prix de cession s'il devait estimer que les 80 000 euros reçus au mois d'août 2016 correspondent à une partie du prix de cession ;
- et en tout état de cause, de débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers frais et dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 23 janvier 2024.
MOTIFS
Sur le serment décisoire
Le tribunal a adopté les motifs développés suivants, s'agissant de cette demande de serment décisoire déféré par Mme [T] à M. [M] :
« L'article 1385 du code civil prévoit que le serment décisoire peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit et en tout état de cause, et l'article 1385-1 du code civil énonce que le serment décisoire "ne peut être déféré que sur un fait personnel à la partie à laquelle on le défère".
Aux termes de l'article 317 du code de procédure civile, la partie qui défère le serment énonce les faits sur lesquels elle le défère.
Il appartient au juge du fond d'apprécier si le serment décisoire demandé est nécessaire et pertinent.
En l'espèce, Mme [T] défère le serment décisoire sur la question suivante: " M. [M] a-t-il versé à Mme [T] la somme de 20 000 euros telle que visée dans la prétendue reconnaissance du 19 mars 2016 pour le rachat des parts de la SCI Paumat '" à M. [M], arguant avoir subi des violences de la part de ce dernier aux fins de signer la reconnaissance du paiement d'une somme de 20 000 euros à la date du 19 mars 2016 et signer la promesse de cession de parts sociales du 21 mars 2016 sans pour autant avoir perçu la dite somme.
Le tribunal relève cependant que tant la quittance établie le 19 mars 2016, que le compromis de cession de parts sociales du 21 mars 2016 par lequel Mme [T] reconnaît avoir reçu "un dépôt de garantie de 20 000 euros" ce dont elle donne "quittance à M. [M] " sont des moyens de preuve par écrit qui établissent la réalité du paiement, alors qu'a contrario, Mme [T] avance sans preuve s'être fait extorquer ces écrits sans le démontrer.
Par ailleurs, le serment décisoire ne peut porter que sur des faits de nature à clore le litige. Tel n'est pas le cas en l'espèce, la demande principale contestée par la partie adverse portant sur la validité de la promesse de cession des parts sociales, soit sur une question liée à la formation du contrat, de sorte que l'issue du litige n'est pas exclusivement fondée sur la réalité du paiement, ce fait juridique relevant de la phase d'exécution du contrat.
Le tribunal rejette la demande de serment décisoire déféré à M. [M] par Mme [T], cette demande n'apparaissant ni nécessaire ni pertinente pour la solution du litige. »
Ces motifs pertinents méritants complète adoption, le jugement sera entièrement confirmé sur ce point.
Sur la vente forcée
Le juge aux affaires familiales de Béziers, par jugement du 17 mars 2015, a prononcé le divorce des époux [M] et a homologué la convention de divorce relative aux intérêts pécuniaires des époux par laquelle Mme [T] a accepté de vendre à M. [M] l'intégralité de ses parts dans la SCI Paumat, soit 50 parts sociales au prix de 100 000 euros.
La promesse de cession de parts sociales du 21 mars 2016 signée par chacune des parties ne vise qu'à régulariser les engagements homologués par le juge aux affaires familiales , aux termes d'un protocole d'accord non produit en première instance ni davantage en cause d'appel.
Mme [T] ne conteste pas la signature de la promesse de cession des parts sociales dont il a été dit supra qu'elle résulte d'aucun vice du consentement.
La promesse de cession de parts sociales du 21 mars 2016 stipule une condition suspensive rédigée en ces termes :
"La présente promesse est consentie et acceptée sous réserve de réalisation de la condition suspensive suivante : obtention par M. [M] auprès de tout établissement bancaire ou financier d'un prêt d 'un montant minimum de 80000 euros au taux du marché sur une durée maximale de 20 ans.
Cette condition suspensive devra être réalisée au plus tard dans un délai de deux mois à compter de ce jour.
A défaut de réalisation dans le délai convenu, la présente promesse sera considérée comme nulle et non avenue, sans indemnité pour l'une ou l'autre partie, sauf pour les parties à imputer le dépôt de garantie sur une cession ultérieure en application de la décision du Tribunal".
Or, Me [O], le notaire chargé de la cession, a constaté l'obtention du prêt d'un montant de 86 198 euros le 25 août 2016 et qu'une somme de 84 000 euros été virée sur un compte bancaire détenu par Mme [T], l'avis d'opération portant expressément comme motif : "Rachat parts SCI".
La cédante ne s'est en rien prévalue au moment de ce paiement d'une quelconque caducité de la promesse de vente : à l'opposé, elle a accepté de recevoir les fonds issus de l'emprunt en août 2016, la condition suspensive d'obtention d'un prêt par M. [M] ne s'étant réalisée qu'après l'expiration le 21 mai 2016 du délai initialement stipulé.
Les parties ont ainsi, l'une en versant le prix et l'autre en le recevant, entendu prolonger les effets de la promesse de cession datée du 21 mars 2016, de sorte que celle-ci n'est pas devenue caduque au 21 mai 2016, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.
Les paiements effectués par M. [M] dans le cadre de la promesse de cession de parts sociales et dont il rapporte la preuve sont les suivants :
- 20 000 euros au titre du dépôt de garantie
- 84 000 euros au titre du solde, soit un trop versé de 4000 € au regard du prix de vente fixé par le protocole d'accord et la promesse de cession à 100 000 €.
Mme [T] ne plaide pas utilement à cet égard l'existence d'une prétendue dette mexicaine pour tenter de justifier du paiement du solde du prix, lequel s'élevait, déduction faite du dépôt de garantie précisément à 80 000 euros, en affirmant détenir une créance d'un montant de 31 000 euros seulement sur M. [M] par suite de la vente d'un bien immobilier sis au Mexique.
Un avis d'opération bancaire en provenance du Mexique au nom de son ex-époux, M. [M], est insuffisant à rapporter la preuve de cette prétendue créance.
Ce moyen et la demande reconventionnelle en ce sens de l'intimée seront donc rejetés.
M. [M] est en conséquence fondé à obtenir le respect par Mme [T] de ses engagements contractuels en vente forcée des parts sociales à son profit, le protocole et la promesse de cession constatant l'accord des parties sur la chose et sur le prix.
Le jugement qui a "condamné Mme [T] à restituer à M. [M] la somme totale de 104 000 euros sauf à ce que les parties usent de la possibilité qui leur est offerte d'imputer le paiement à hauteur de 100 000 euros sur une cession ultérieure en application de la convention homologuée par le juge aux affaires familiales et par laquelle Mme [T] a pris l'engagement de céder les parts sociales qu'elle détient dans le capital social de la SCI Paumat moyennant le prix de 100 000 euros", doit donc être entièrement réformé.
Aucune résistance abusive ne peut être retenue de la part de l'intimée, qui avait obtenu gain de cause en première instance, d'où il suit le rejet de la demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts de ce chef.
Mme [T] succombant devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, et verser à M. [M] la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant elle-même prétendre au bénéfice de ce texte.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de serment décisoire et en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande reconventionnelle en paiement,
L'infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant,
Déclare parfaite la cession des 50 parts de la SCI Paumat par Mme [R] [T] à M. [V] [M], en suite de la promesse de cession de parts sociales du 21 mars 2016,
Autorise ce dernier à régulariser les actes subséquents et à publier le présent arrêt valant cession desdites parts auprès du registre du commerce et des sociétés afin de rendre opposable aux tiers cette cession,
Condamne Mme [R] [T] à payer à M. [V] [M] la somme de 4000 euros à titre de restitution d'un trop-perçu,
Déboute M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Condamne Mme [R] [T] à payer à M. [V] [M] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
le greffier, le président,