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14/03/2024 | FRANCE | N°21/06261

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 14 mars 2024, 21/06261


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à









COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRÊT DU 14 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06261 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PF5Z





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 octobre 2021

Tribunal judiciaire de Narbonne - N° RG

18-000764





APPELANTE :



S.A. Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon

Banque Coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du Code Monétaire et Financier, Société Anonyme à directoire et à conseil d'orientation et de surveillance au capital social de 29...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRÊT DU 14 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06261 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PF5Z

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 octobre 2021

Tribunal judiciaire de Narbonne - N° RG 18-000764

APPELANTE :

S.A. Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon

Banque Coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du Code Monétaire et Financier, Société Anonyme à directoire et à conseil d'orientation et de surveillance au capital social de 295600000 €, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de MONTPELLIER sous le numéro 383 451 267, dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Antoine BENET de la SCP GOUIRY/MARY/CALVET/BENET, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

Madame [W] [H] épouse [M]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Mohamed ESSAQRI, avocat au barreau de NARBONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Philippe BRUEY, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 14 janvier 2011, la SA Caisse d'Epargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon (CELR) a consenti à la SARL [M], représentée par M. [G] [M], un prêt d'un montant initial de 240 000 € portant sur l'achat d'un fonds de commerce connu sous le nom commercial Sport 2000, moyennant 84 mensualités au taux de 2,90 %.

Le même jour, Mme [W] [H] épouse [M] s'est portée caution de ce contrat de prêt.

Le 16 janvier 2015, la SA CELR, la SARL [M], M.[G] [M] et Mme [W] [H] épouse [M] ont conclu un avenant prévoyant un report de 12 échéances, engendrant un report du terme du contrat de prêt du 5 mars 2018 au 5 février 2019.

Par jugement du 18 juillet 2018, le tribunal de commerce de Narbonne a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL [M].

La SA CELR a déclaré sa créance auprès de Maître [C] [Z], pris en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure collective.

Se prévalant d'une créance d'un montant de 7 296,13 € à l'égard de Mme [W] [H] en sa qualité de caution, la SA CELR lui a notifiée une mise en demeure le 2 août 2018, en vain.

C'est dans ces circonstances que par acte du 4 octobre 2018, la SA CELR a assigné Mme [W] [H] devant le tribunal d'instance de Narbonne en paiement.

Par jugement contradictoire du 18 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Narbonne a :

- débouté la SA CELR de sa fin de non recevoir ;

- déclaré recevable les demandes et prétentions de Mme [H] épouse [M] ;

- débouté Mme [H] épouse [M] de sa demande de nullité de l'assignation du 4 octobre 2018 ;

- déclaré inopposable l'acte de caution de Mme [H] épouse [M] ;

- débouté la SA CELR de l'intégralité de ses demandes ;

- ordonné la restitution par la SA CELR à Mme [H] épouse [M] de la somme de 8 353,35 € versée par au titre de son engagement de caution suite à l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire ;

- condamné la SA CELR à payer à Mme [H] épouse [M] la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;

- condamné la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon aux dépens.

Le 26 octobre 2021, la SA CELR a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 10 juillet 2023, la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon demande à la cour, sur le fondement des articles 1101 et suivants, 2288 et suivants, 2292 et suivants et 1302-1 du code civil, 122 du code de procédure civile, L. 332-1 du code de la consommation, de :

Réformer le jugement du 18 octobre 2021 du tribunal judiciaire de Narbonne sauf en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande de nullité de l'assignation du 4 octobre 2018 ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Juger justifiée l'action engagée par acte du 4 octobre 2018 par elle à l'encontre de Madame [W] [H],

Vu le paiement effectué par Madame [W] [H] en cours de procédure, et notamment en octobre 2020,

Juger que Madame [H] n'a aucun intérêt à agir, tant à titre principal qu'à titre reconventionnel,

Juger donc irrecevables les moyens et prétentions formés par Madame [H] tant à titre principal, qu'à titre reconventionnel pour défaut d'intérêt,

A titre subsidiaire,

Juger régulier tant en la forme qu'au fond l'engagement de caution donné par Madame [W] [H] pour garantir le prêt consenti le 14 janvier 2011,

Juger que la banque est en droit de se prévaloir de l'engagement de caution signé par Madame [W] [M] le 14 janvier 2011,

Juger opposable à Madame [W] [H] l'engagement de caution qu'elle a signé le 14 janvier 2011,

Débouter Madame [W] [H] de toutes ses prétentions et notamment de sa demande de restitution de la somme de 8 353,35 € versée au titre de son engagement de caution,

Débouter Madame [W] [H] de toutes ses prétentions et donc de son appel incident,

Condamner Madame [W] [H] à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Madame [W] [M] aux dépens,

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 14 février 2022, Mme [W] [H] demande à la cour de :

confirmer le jugement ;

A défaut et, statuant à nouveau :

Dire ses demandes recevables et rejeter les prétentions contraires de la SA CELR,

In limine litis et à titre principal,

Juger que sa situation financière et patrimoniale ne lui permettait pas de faire face à ses engagements en cas de défaillance du débiteur principal,

Juger que les mentions de l'acte de cautionnement relatives à sa durée sont obscures et sujettes à interprétation,

Annuler l'acte de caution,

Débouter la banque de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

Ordonner la restitution de la somme de 8 353,55 € et débouter la banque de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

Dire que l'acte de caution lui est inopposable,

Dire que l'engagement de caution est arrivé à terme le 5 février 2018,

Dire que la banque a manqué à son obligation d'information et de conseil lui ayant causé un préjudice,

Dire que la banque a manqué à son devoir de vigilance lui ayant causé un préjudice,

Ordonner la restitution de la somme de 8 353,55 € et débouter la banque de ses demandes.

A titre reconventionnel et dans tous les cas,

Dire que la banque a manqué à son obligation d'information et de conseil lui causant un préjudice,

Dire qu'elle a aussi manqué à son obligation de vigilance lui causant un préjudice,

Condamner la SA CELR à lui régler la somme de 8 353,55€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et ordonner la compensation de cette somme avec le montant qu'elle lui a réglée ;

Condamner la SA CELR aux dépens et à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 26 décembre 2023.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur l'irrecevabilité des prétentions de Mme [W] [H]

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

L'article 31 du même code précise que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.

Il résulte de ces textes que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, et l'existence du préjudice invoqué par le demandeur dans le cadre d'une action en responsabilité n'est pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celle-ci.

En l'espèce, la SA CELR fait valoir qu'en cours de procédure, Madame [W] [H] a payé la totalité de sa dette, soit 8 323,55 euros, et qu'elle est donc désormais irrecevable à lui opposer des moyens de défense et à lui réclamer la restitution de cette somme.

Toutefois, l'existence du droit invoqué par Madame [W] [H] n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.

Dès lors, les demandes de Madame [W] [H] sont donc recevables. Il convient de confirmer le jugement de ce chef.

Sur la demande en restitution de la somme de 8 323,55 euros

Madame [W] [H] sollicite la restitution de la somme de 8 323,55 euros en faisant valoir qu'elle s'est expressément opposée à ce que le notaire en charge de la vente du bien immobilier procède à un tel paiement. Elle soulève plusieurs moyens : la nullité de l'acte de caution, le caractère manifestement disproportionné du cautionnement et le manquement de la banque à ses obligations d'information et de vigilance.

Les rapports entre les parties se résument chronologiquement comme suit :

La SA CELR a engagé son action contre Mme [H] le 4 octobre 2018 pour la voir condamnée en sa qualité de caution à lui payer la somme de 7 296,13 euros ;

Pour garantir le paiement de sa créance, objet du litige, et de sa créance sur Monsieur [M], la SA CELR a été autorisée par le juge de l'exécution de Narbonne à prendre une « inscription d'hypothèque judiciaire » sur le bien immobilier appartenant à Mme [H] (en indivision avec son époux, M. [G] [M]), compte tenu de sa qualité de caution solidaire (ordonnance du 10 janvier 2019 du juge de l'exécution de Narbonne) ;

Le 25 janvier 2019, cette ordonnance autorisant l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire a été signifiée à Mme [H] « à personne » ;

L'ordonnance ne fait l'objet d'aucune contestation ;

Par acte notarié du 9 octobre 2020, Mme [H] et M.[M] ont vendu le bien immobilier. Au sujet de la garantie hypothécaire, l'acte authentique précise que : « Les créanciers ont donné leur accord de mainlevées contre paiement des sommes dues. Le vendeur donne l'ordre à son Notaire de prélever sur le prix de vente le montant et les frais de main levée » ;

Le même jour, le notaire a adressé à la SA CELR la somme de 8 323,55 euros correspondant au décompte des sommes dues au 8 octobre 2020 ;

Le 12 octobre 2020, Mme [H] a donné instruction à son avocate de prendre l'attache du notaire pour ne pas payer la SA CELR ;

Compte tenu du paiement de la somme due, la SA CELR a proposé de se désister de sa procédure devant le tribunal judiciaire.

Comme l'indique la SA CELR, au regard de cette chronologie, il est parfaitement démontré que Madame [W] [H] avait connaissance de la dénonciation d'inscription d'hypothèque provisoire du 25 janvier 2019. En effet, l'acte lui a été remis « à personne » selon les mentions de l'huissier de justice qui font foi jusqu'à inscription de faux. Il est donc également établi qu'elle a reçu l'ordonnance du 10 janvier 2019 du juge de l'exécution de Narbonne qui autorise la SA CELR à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire sur le bien immobilier lui appartenant, compte tenu de sa qualité de caution solidaire.

Dès lors, l'accord donné 18 mois plus tard « à son Notaire de prélever sur le prix de vente le montant et les frais de main levée » caractérise la volonté de Madame [W] [H] de payer volontairement la dette litigieuse, en sa qualité de caution.

En effet, l'allégation selon laquelle elle aurait donné l'instruction de ne pas payer la SA CELR ne résiste pas aux pièces produites par les parties :

Le courriel par lequel Madame [H] s'oppose au paiement a été rédigé 3 jours après le paiement ;

Par ailleurs, la mention précitée de l'acte authentique de vente selon laquelle Mme [H] a donné instruction au notaire de payer la SA CELR en vue d'obtenir la levée d'hypothèque (et donc de permettre la réalisation de la vente) fait foi jusqu'à inscription de faux, en vertu des dispositions de l'article 1371 du code civil.

Il est donc démontré un paiement volontaire de Mme [H] de la créance que la SA CELR.

L'originalité du dossier tient à ce que Madame [W] [H] a déjà procédé au paiement, et de ce que la SA CELR ne lui réclame plus aucune somme.

La demande en remboursement de Madame [W] [H] ne peut donc s'analyser qu'en une demande en répétition de l'indu, régie par l'article 1302 du code civil qui dispose que : « Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution ».

Alors qu'il n'est pas contesté que la SA CELR, accipiens, avait bien la qualité de créancier véritable de la SARL [M], la demande de Madame [W] [H], solvens, relève des dispositions de l'article 1302-2 du code civil : « Celui qui par erreur [...] a acquitté la dette d'autrui peut agir en restitution contre le créancier ».

Or, Madame [W] [H] n'allègue et ne rapporte pas la preuve d'une « erreur » de sa part.

Les différents actes versés aux débats (acte authentique de vente notamment), démontrent, au contraire, un paiement opéré par Madame [W] [H] en connaissance de cause, qui ne peut donc donner lieu à répétition puisque ne procédant pas d'une erreur.

Dès lors, en l'absence d'une démonstration préalable d'une erreur, la demande principale de restitution de la somme de la somme de 8 353,55 euros ne peut qu'être rejetée, sans qu'il y ait à examiner les différents moyens soulevés par Mme [H] (nullité de l'acte de caution, caractère manifestement disproportionné du cautionnement et manquement de la banque à ses obligations d'information et de vigilance).

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré et de débouter Mme [H] de sa demande en restitution de la somme payée.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Madame [W] [H] supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 18 octobre 2021 du tribunal judiciaire de Narbonne sauf en ce qu'il a déclaré recevable les demandes de Madame [W] [H] ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit que Madame [W] [H] échoue à rapporter la preuve d'une erreur dans le paiement de la somme de 8 323,55 euros ;

Dit qu'elle est donc mal fondée à en obtenir restitution ;

Déboute Madame [W] [H] de ses demandes ;

Condamne Madame [W] [H] aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06261
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.06261 ?
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