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14/03/2024 | FRANCE | N°21/01782

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 14 mars 2024, 21/01782


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à









COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile



ARRÊT DU 14 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01782 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5MB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 mars 2021

Tribunal judiciaire de Montpellier - N° RG 18/02827





APPELANTS :



Monsieur [M] [J]

né le 25 Juillet 1960 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Aurélie GILLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Stéphanie AUBERT, avocat au barreau de NIMES



M...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRÊT DU 14 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01782 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5MB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 mars 2021

Tribunal judiciaire de Montpellier - N° RG 18/02827

APPELANTS :

Monsieur [M] [J]

né le 25 Juillet 1960 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Aurélie GILLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Stéphanie AUBERT, avocat au barreau de NIMES

Madame [R] [X] épouse [J]

née le 08 Juin 1963 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Aurélie GILLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Stéphanie AUBERT, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [U] [J]

né le 26 Avril 1996 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Aurélie GILLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Stéphanie AUBERT, avocat au barreau de NIMES

INTIMEE :

S.A. CIC Lyonnaise de Banque

Société Anonyme, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 954 507 976 agissant poursuites et

diligences de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Laure BENHAFESSA de la SELARL SELARL AVOCAT LAURE TIDJANI BENHAFESSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d' AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 JANVIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 13 juin 2012, M. [M] [J], salarié de la SA CIC Lyonnaise de Banque, a été licencié pour faute grave.

Par jugement du 20 septembre 2013, le conseil de prud'hommes de Fréjus a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SA CIC Lyonnaise de Banque, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à verser à M. [M] [J] la somme totale de 148 732 €, outre la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA CIC Lyonnaise de Banque a interjeté appel de cette décision, et au regard de l'exécution provisoire prononcée, a versé à M. [M] [J] la somme au paiement de laquelle elle a été condamné.

Par arrêt du 20 janvier 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a réformé le jugement et, statuant à nouveau, a dit bien-fondé le licenciement et a débouté de M. [M] [J] de ses demandes.

La SA CIC Lyonnaise de Banque a tenté d'obtenir le remboursement des sommes précédemment versées par diverses voies d'exécution, en vain.

Or, il est apparu que par acte du 30 décembre 2016, M.[M] [J] avait fait donation au profit de son épouse, Mme [R] [X] épouse [J] et de son fils M.[U] [J], de la nue-propriété, à concurrence respectivement de 85 % et 15 % d'un appartement qui constituait le domicile familial, le donateur conservant l'usage et la jouissance du bien légué.

Par jugement du 5 avril 2018 du tribunal d'instance de Montpellier, M. [J] a été déclaré irrecevable à sa demande d'ouverture d'une procédure de surendettement, compte tenu de son absence de bonne foi.

C'est dans ce contexte que par acte du 23 mai 2018, la SA CIC Lyonnaise de Banque a assigné M. [M] [J], Mme [R] [X] épouse [J] et M. [U] [J] (les consorts [J], ci-après), sur le fondement de l'action paulienne, pour que la donation du 30 décembre 2016 lui soit déclarée inopposable en tant qu'acte d'appauvrissement effectué en fraude de ses droits de créancier.

Par jugement contradictoire du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

- déclaré inopposable à la SA CIC Lyonnaise de Banque l'acte de donation du 30 décembre 2016 reçu par l'étude [H] [G]-Matthieu Leonard, notaires associés à [Localité 9], souscrit par Monsieur [M] [J] au profit de son fils, Monsieur [U] [J] et son épouse, Madame [R] [X], et portant sur la nue-propriété d'un ensemble immobilier (lots 4, 29, 30 et 42), sis à [Localité 8], cadastrée section BB n°[Cadastre 2], lieudit [Adresse 3], d'une contenance de 7a 18ca ;

- condamné M. [M] [J], Mme [R] [X] épouse [J] et M. [U] [J] aux dépens et à payer à la SA CIC Lyonnaise de Banque la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration du 17 mars 2021, les consorts [J] ont relevé appel du jugement.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 février 2023, M. [M] [J], Mme [R] [X] épouse [J] et M. [U] [J] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1341-2 du code civil, de :

infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En conséquence,

débouter la SA CIC Lyonnaise de Banque de l'ensemble de ses demandes,

condamner la SA CIC Lyonnaise de Banque aux dépens et à leur payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 février 2023, la SA CIC Lyonnaise de Banque demande à la cour de :

confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

dire que l'acte de donation du 30 décembre 2016 reçu par Maître [H] [G], notaire à [Localité 9], souscrit par Monsieur [M] [J] au profit de son fils, Monsieur [U] [J] et son épouse, Madame [R] [X], et portant sur la nue-propriété d'un ensemble immobilier (lots 4, 29, 30 et 42), sis à [Localité 1], cadastrée section BB n°[Cadastre 2], lieudit [Adresse 3], d'une contenance de 7a 18ca est intervenu en fraude de ses droits, étant créancière de Monsieur [J],

Déclarer que cette créance lui est inopposable, avec toutes conséquences de droit,

Dire que les biens et droits immobiliers ci-dessus décrits réintégreront le patrimoine de Monsieur [J], pour y être saisis, dans les limites de la créance et de ses accessoires,

Condamner les consorts [J] in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 13 juin 2023.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de préciser que l'acte de donation litigieux étant du 30 décembre 2016, c'est à tort que les parties se fondent sur l'ancien article 1167 du code civil. En effet, depuis le 1er octobre 2016, l'action paulienne trouve son siège à l'article 1341-2 du code civil, issu de la réforme du droit des obligations opérée par l'ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016. Cette erreur textuelle ne prête pas à conséquence dès lors que la nouvelle rédaction de l'article 1341-2 n'a pas modifié l'état du droit antérieur qu'elle s'est contentée de consolider.

Sur l'action paulienne

L'article 1341-2 du code civil dispose que le créancier peut « agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d'établir, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude ».

Il résulte de ce texte les principes suivants :

La fraude paulienne résulte de la connaissance qu'a le débiteur du préjudice qu'il cause au créancier en se rendant insolvable ;

Les juges doivent se placer à la date de l'acte par lequel le débiteur se dépouille, notamment dans le cadre d'une donation, pour déterminer s'il y a eu fraude ;

Il suffit pour l'exercice de l'action paulienne que le créancier justifie d'une créance certaine en son principe au moment de l'acte argué de fraude, même si elle n'est pas encore liquide et exigible.

En l'espèce, les consorts [J] poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré inopposable l'acte notarié de donation du 30 décembre 2016 de Monsieur [M] [J] au profit de son fils, Monsieur [U] [J] et de son épouse, Madame [R] [X], et portant sur la nue-propriété d'un ensemble immobilier situé à [Localité 1]. Ils exposent, en effet, que cette donation a été réalisée par Monsieur [M] [J], en bon père de famille, dans un souci de transmission de son patrimoine compte tenu de son état de santé qui n'a cessé de se détériorer depuis 2012 (pathologie cardio-vasculaire, endocrinienne, diabète et dépression chronique). Ils ajoutent qu'aucune intention de frauder n'existait alors que la SA CIC Lyonnaise de Banque avait perdu toutes ses procédures au jour de la donation (que ce soit devant le tribunal judiciaire ou devant le Premier président dans le cadre de la demande de suspension de l'exécution provisoire) et que sa créance ne présentait qu'un caractère éventuel, puisqu'elle n'existait pas encore.

Pour retenir que la SA CIC Lyonnaise de Banque justifiait d'un principe certain de créance au jour de l'acte critiqué de fraude, les premiers juges ont relevé que :

« En l'espèce, étant constant que la SA CIC Lyonnaise de banque a réglé à Monsieur [M] [J] les sommes au paiement desquelles elle a été condamnée aux termes du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 20 septembre 2013, dès lors que celle-ci a interjeté appel à l'encontre de cette décision, et qu'une réformation dudit jugement par la cour d'Appel pouvait obliger Monsieur [J], en application des dispositions de l'article L111-10 du code des procédures civiles d'exécution, à restituer les sommes ainsi perçues, le principe de la créance de la SA CIC Lyonnaise de banque a existé dès lors que celle-ci a interjeté appel du jugement du conseil des prud'hommes ».

La cour ne peut que partager cette analyse procédant à une correcte et pertinente appréciation des conditions de mise en oeuvre de l'action paulienne de l'article 1341-2 du code civil.

En effet, l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution dispose que : « (...) l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire. L'exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié ».

Il résulte de ce texte que le bénéficiaire de l'exécution provisoire n'a aucune obligation d'exécuter la décision exécutoire par provision. Il s'agit d'une simple faculté, d'autant que les conséquences d'une exécution provisoire peuvent être périlleuses en cas d'infirmation postérieure, le créancier étant alors tenu à restitution.

En l'espèce, M. [M] [J] a fait exécuter « à ses risques et périls » le jugement du 20 septembre 2013 du conseil de prud'hommes de Fréjus condamnant la SA CIC Lyonnaise de Banque à lui payer, avec exécution provisoire, la somme totale de 148 732 €, outre la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ce jugement a été infirmé par arrêt du 20 janvier 2017 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Depuis cette date, M. [M] [J] est donc tenu de « rétablir » la SA CIC Lyonnaise de Banque dans ses droits, au sens de l'article L. 111-10 précité, c'est-à-dire de lui restituer les sommes payées en vertu du jugement.

En procédant à une donation le 30 décembre 2016, M.[M] [J] avait pleinement conscience de nuire à la SA CIC Lyonnaise de Banque puisqu'il savait, d'une part, que le jugement du 20 septembre 2013 n'était pas définitif, ayant été frappé d'appel dès le 2 octobre 2013, et d'autre part, que sa situation financière personnelle était obérée.

C'est depuis la date de déclaration d'appel, et plus exactement depuis la date de mise en paiement par chèque Carpa de la somme de 137 586,33 euros, soit en mars 2014, que la créance de la SA CIC Lyonnaise de Banque était « certaine en son principe », même si elle n'était pas encore liquide et exigible au moment de l'acte de donation du 30 décembre 2016.

Cette donation en nue-propriété réalisée par M. [M] [J] au profit de son épouse et de son fils, avec conservation de l'usufruit pour le donateur, a manifestement pour seul objectif d'écarter le bien des poursuites, étant précisé qu'il a été évalué à 215 000 €.

Dans ces conditions, il ne peut valablement être affirmé que la donation intervenue était liée à l'état de santé de M. [M] [J], de telle sorte que le jugement, par des motifs pertinents que la cour adopte, sera confirmé.

Le jugement déféré doit, en revanche, être rectifié sur une erreur purement matérielle en ce qui concerne la localisation de l'appartement ayant fait l'objet d'une donation ([Localité 1] et non [Localité 8]).

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [M] [J], Mme [R] [X] épouse [J], M. [U] [J] supporteront les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rectifie le jugement déféré en sa sixième page dans les termes suivants

au lieu de la mention : « Déclare inopposable à la SA CIC Lyonnaise de Banque l'acte de donation en date du 30 décembre 2016 reçu par l'étude [H] [G]-Matthieu Leonard, notaires associés à [Localité 9], souscrit par Monsieur [M] [J] au profit de son fils, Monsieur [U] [J] et son épouse, Madame [R] [X], et portant sur la nue-propriété d'un ensemble immobilier (lots 4, 29, 30 et 42), sis à [Localité 8], cadastrée section BB n°[Cadastre 2], lieudit [Adresse 3], d'une contenance de 7a 18ca »,

sera portée la mention suivante :

« Déclare inopposable à la SA CIC Lyonnaise de Banque l'acte de donation en date du 30 décembre 2016 reçu par l'étude [H] [G]-Matthieu Leonard, notaires associés à [Localité 9], souscrit par Monsieur [M] [J] au profit de son fils, Monsieur [U] [J] et son épouse, Madame [R] [X], et portant sur la nue-propriété d'un ensemble immobilier (lots 4, 29, 30 et 42), sis à [Localité 1] (Hérault) [Localité 1], cadastrée section BB n°[Cadastre 2], lieudit [Adresse 3], d'une contenance de 7a 18ca »,

Dit que la mention du présent arrêt sera portée en marge du jugement rendu le 9 mars 2021 dans la procédure n° 18/02827,

Condamne M. [M] [J], Mme [R] [X] épouse [J], M. [U] [J] aux dépens d'appel,

Condamne M. [M] [J], Mme [R] [X] épouse [J], M. [U] [J] à payer à la SA CIC Lyonnaise de Banque une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01782
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.01782 ?
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