La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°21/00421

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 06 juillet 2023, 21/00421


Grosse + copie

délivrées le

à









COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 06 JUILLET 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00421 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O24A



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 décembre 2020

Juge des contentieux de la protection de Montpellier

N° RG 1120001485





APPELANTE :



S.A. Creatis

représentée par ses dirigeants légaux en exerci

ce domicilies

es qualités audit siège social



[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Arnaud DUBOIS substituant Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO - DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELL...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 06 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00421 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O24A

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 décembre 2020

Juge des contentieux de la protection de Montpellier

N° RG 1120001485

APPELANTE :

S.A. Creatis

représentée par ses dirigeants légaux en exercice domicilies

es qualités audit siège social

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Arnaud DUBOIS substituant Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO - DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIME :

Monsieur [E] [T]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 MAI 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

L'affaire a été mise en délibéré au 06 juillet 2023.

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suivant offre préalable acceptée le 26 juillet 2011, la SA Creatis (ci-après le prêteur ou Creatis) a consenti à M. [E] [T] un crédit destiné au regroupement de crédits d'un montant de 40500€ remboursable en 144 mensualités de 400,48€ au taux nominal de 6,25%.

M. [T] a bénéficié d'un moratoire de 24 mois accordé par la commission de surendettement, laquelle, sur nouvelle saisine, a imposé un rééchelonnement de la dette sur 51 mois, décision confirmée par le tribunal d'instance de Montpellier le 13 mai 2019.

Après mise en demeure restée infructueuse d'avoir à respecter ce rééchelonnement et invitation à régulariser, le prêteur a assigné M. [T] devant le juge des contentieux de la protection par acte d'huissier du 28 septembre 2020 aux fins notamment d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 32616,86€ avec intérêts conventionnels.

A l'audience, le juge a relevé d'office divers moyens d'ordre public.

Par jugement contradictoire du 14 décembre 2020, prononcé au bénéfice de l'exécution provisoire, le juge des contentieux de la protection de Montpellier a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, condamné M. [T] à payer à la banque la somme de 19105,08€ avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2020, débouté la banque du surplus de ses demandes, condamné M. [T] à lui payer la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Vu la déclaration d'appel du 21 janvier 2021 par la société Creatis.

Vu ses uniques conclusions, transmises par voie électronique le 10 mars 2021, au terme desquelles elle demande en substance d'annuler le jugement pourexcès de pouvoir ; en tout cas l'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déchue du droit aux intérêts et statuant à nouveau de condamner M. [T] à lui payer la somme de 32616,86€ avec intérêts au taux contractuel de 6,25% depuis le 22 juillet 2020 hors l'indemnité légale qui portera intérêts au taux légal ; celle de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et celle des articles (1343-1 et 1342 du nouveau code civil).

Vu la signification de la déclaration d'appel et de ces conclusions à M. [E] [T] par acte d'huissier du 05 mars 2021, délivré par remise à l'étude. M. [T] n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 avril 2023.

MOTIFS

Sur l'office du juge

Le prêteur critique la décision par son moyen récurrent en faisant valoir que le premier juge, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation du 18 septembre 2008 (1 Civ n°0715473 notamment), s'il pouvait relever d'office le moyen tiré de la forclusion, se devait de l'écarter, aucune de ces prétentions et moyens n'étant invoqués par le défendeur non comparant alors que leur allégation et leur preuve incombent aux seules parties.

Or, de première part, dès lors qu'il lui appartient de justifier du respect de son obligation de consultation du fichier des incidents de paiement ou d'autres obligations mises à sa charge par les dispositions impératives d'ordre public du code de la consommation, la question est nécessairement dans les débats ;

de seconde part, la lecture de l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 05/03/2020 dans l'affaire C-679/18, prononcé en matière de vérification de la solvabilité de l'emprunteur par le prêteur motive un paragraphe n°24 qui répond au moyen du prêteur en ce que la Cour a dit pour droit :

''En outre, lorsque le juge national a constaté d'office la violation de cette obligation, il est tenu, sans attendre que le consommateur présente une demande à cet effet, de tirer toutes les conséquences qui découlent selon le droit national d'une telle violation, sous réserve du respect du principe du contradictoire et que les sanctions instituées par celui-ci respectent les exigences de l'article 23 de la directive 2008/48, telles qu'interprétées par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C-377/14, EU:C:2016:283, points 71, 73 et 74). À cet égard, il convient de rappeler que l'article 23 de cette directive prévoit, d'une part,

que le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées en application de l'article 8 de ladite directive doit être défini de telle manière que les sanctions soient effectives, proportionnées ainsi que dissuasives et, d'autre part, que les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que celles-ci soient appliquées. Dans ces limites, le choix dudit régime de sanctions est laissé à la discrétion des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, LCL Le Crédit Lyonnais, C-565/12, EU:C:2014:190, point 43).'

Le paragraphe 43 du même arrêt rappelle :

'Il convient d'ajouter que les juridictions nationales, y compris celles statuant en dernier ressort, doivent modifier, le cas échéant, une jurisprudence nationale établie si celle-ci repose sur une interprétation du droit national incompatible avec les objectifs d'une directive (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, Pohotovost, C-331/18, EU:C:2019:665, point 56 et jurisprudence citée).'

Ainsi, les jurisprudences anciennes citées par le prêteur dans le corps de ses écritures, limitant l'office du juge en le conditionnant au fait que seul l'emprunteur qui a intérêt au moyen doit invoquer et prouver les faits propres à la caractériser doivent être considérées comme obsolètes dès lors que leur application fondée sur des textes de droit national est contraire au droit de l'Union et que conditionner l'office du juge en matière de crédit à la consommation à ne statuer que sur des prétentions émises par les parties priverait d'effectivité la directive 2008/48, particulièrement en son article 47 relatif aux sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, de même qu'il serait mis obstacle à l'application des dispositions de l'article R632-1 du code de la consommation en permettant uniquement au juge de relever mais non d'appliquer d'office les dispositions d'ordre public du code de la consommation dans les litiges nés de son application.

Il s'ensuit que le juge national peut, d'office et en l'absence de comparution du défendeur à l'action, soulever tous les moyens de droit et en tirer d'office toute conséquence de droit.

Sur la prescription opposée au juge

Creatis estime également que le tribunal a méconnu la prescription quinquennale, acquise au 26 juillet 2016

Toutefois, si la prescription extinctive a pour but de sanctionner l'inaction d'une partie et de ne plus lui permettre, passé un certain délai, de faire état de dispositions légales qui lui seraient favorables, le juge qui a tiré de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 le pouvoir de relever d'office des moyens de droit en matière de droit de la consommation, n'est pas une partie et, en relevant d'office un moyen d'ordre public, il ne protège pas l'une ou l'autre des parties mais assure le respect de telles dispositions par tous ;

à supposer même qu'une prescription puisse être opposée au juge, son délai ne commencerait à courir à son égard qu'à compter du jour où il a été informé de la violation de ces dispositions, soit à compter de la date de l'assignation ;

en tout état de cause, le moyen relevé d'office ne tend pas à ce que l'emprunteur obtienne un avantage autre que le rejet des prétentions du prêteur, s'agissant d'un moyen de défense au fond, de telle sorte que la prescription n'est pas applicable.

Sur la consultation du FICP

Selon l'article L. 311-9 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce,

'Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5.'

En l'espèce, il est justifié par le prêteur qu'il a débloqué les fonds le 03 août 2011 et qu'il a consulté le FICP sous la clé 111063CASSA les 13, 18 et 29 juillet 2011 de telle sorte que c'est à tort que le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

Creatis justifie d'une créance certaine, liquide et exigible de telle sorte que M. [T] sera condamné au vu du contrat de crédit et de ses annexes, du tableau d'amortissement, de l'historique de compte, des décisions de la commission de surendettement et des mises en demeure des 01 octobre 2019 et 08 juillet 2020 et du décompte de créance arrêté au 31 août 2020 à lui payer la somme de 32616,86€ avec intérêts au taux de 6,25% sur 30217,66€ et au taux légal sur 2399,20€ à compter du 22 juillet 2020.

La demande de capitalisation des intérêts présentée sur le fondement d'un texte général du code civil se heurte aux dispositions spéciales de l'article L311-23 et sera rejetée.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [T] supportera les dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt de défaut, mis à disposition au greffe;

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [E] [T] à payer à la SA Creatis la somme de 19105,08€ avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2020

statuant à nouveau,

Condamne M. [E] [T] à payer à la SA Creatis la somme de 32616,86€ avec intérêts au taux de 6,25% sur 30217,66€ et au taux légal sur 2399,20€ à compter du 22 juillet 2020.

Confirme pour le surplus

Y ajoutant,

Condamne M. [E] [T] aux dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat qui affirme son droit de recouvrement.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00421
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.00421 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award