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06/07/2023 | FRANCE | N°19/02285

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 06 juillet 2023, 19/02285


Grosse + copie

délivrées le

à

























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 06 JUILLET 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02285 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OC5D



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 février 2019

Tribunal de grande instance de Béziers

N° RG 14/02088



APPELANTE :



Société Mic Dac

société de droit ir

landais, anciennement dénommée Medical Insurance Company Designated Activity Company, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié à son siège social et de son représentant en France, la SAS FRANCOIS BRANCHET (RCS 443 093 3...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 06 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02285 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OC5D

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 février 2019

Tribunal de grande instance de Béziers

N° RG 14/02088

APPELANTE :

Société Mic Dac

société de droit irlandais, anciennement dénommée Medical Insurance Company Designated Activity Company, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié à son siège social et de son représentant en France, la SAS FRANCOIS BRANCHET (RCS 443 093 364) dont le siège social est [Adresse 8], faisant élection de domicile au cabinet de Me Denis BERTRAND, Avocat [Adresse 4],

[Adresse 2] (Irlande)

Représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Maud HUBERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMES :

Madame [C] [R]

née le [Date naissance 6] 1977 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 7]

Représentée par Me Fanny LAPORTE substituant Me Josy-Jean BOUSQUET, avocat au barreau de BEZIERS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/006383 du 22/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Monsieur [Z] [F]

né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 3]

Représenté par Me Cécile NEBOT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et non plaidant

Organisme Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Hérault

[Adresse 5]

Représentée par Me Françoise AURAN-VISTE de la SCP AURAN-VISTE & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS,

avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 MAI 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

L'affaire a été mise en délibéré au 06 juillet 2023.

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

FAITS ET PROCÉDURE 

Le docteur [Z] [F] a pratiqué le 28 juin 2011, sur Mme [C] [R] une intervention chirurgicale d'abdominoplastie et le 18 octobre 2011 une intervention chirurgicale de mammoplastie, au sein de la Clinique [10] à [Localité 9].

Mme [R] a notamment constaté des nécroses, boursouflures et fait état de souffrances importantes suites aux interventions chirurgicales.

Le 08 février 2012, une nouvelle intervention chirurgicale a dû être réalisée en vue notamment de mettre un terme aux pertes de substance des seins et de corriger les cicatrices abdominales.

Le 07 juin 2012, la patiente a fait assigner le chirurgien et la clinique aux fins de voir ordonner une expertise médicale. Par acte du 04 juillet 2012, la patiente a fait assigner l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM).

Par acte d'huissier de justice en date du 29 juin 2012, le chirurgien a appelé en garantie la compagnie Médical Insurance Compagny (son assureur, devenu la société Mic Dac).

Selon ordonnance du 05 août 2012, le docteur [E] [X], a été désigné en qualité d'expert, ce dernier ayant déposé son rapport le 20 juin 2013.

C'est dans ce contexte que par acte d'huissier de justice en date des 2, 16, 27 juin 2014 et 1er juillet 2014, Mme [R] a fait assigner le Dr. [F] et son assureur, la CPAM et l'ONIAM en réparation des préjudices subis.

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Béziers du 18 février 2019, qui a en substance :

- prononcé la mise hors de cause de l'ONIAM et condamné Mme [R] à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum le Dr [F] et son assureur à payer à Mme [R] les sommes de:

- 2.776 euros au titre de la perte de gains professionnels ;

- 4.441,03 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 8.000 euros au titre des souffrances endurées temporaires;

- 4.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 7.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- 4.000 euros au titre du préjudice exceptionnel de suivi psychologique ;

- 2.000 euros au tire de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum le Dr [F] et son assureur à payer à la CPAM la somme de 19.308,14 euros, outre la somme de 1.028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;

- condamné in solidum le Dr [F] et son assureurs aux dépens;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Vu la déclaration d'appel de la société Mic Dac en date du 03 avril 2019 et l'appel incident de Mme [R].

Vu la déclaration d'appel du Dr [F] en date du 04 juin 2021, enregistrée sous le N°RG 21/03640.

Par conclusion d'incident du 19 juillet 2021, le Dr [F] a sollicité la jonction de procédures enregistrées N°RG 19/02285 et N°RG 21/03640.

Par conclusion d'incident du 12 octobre 2021, la société Mic Dac a soulevé l'irrecevabilité de l'appel interjeté par le Dr [F], plus de deux ans après la date du jugement.

Vu l'ordonnance sur requête en date du 13 décembre 2021 du conseiller de la mise en état qui a dit n'y avoir lieu à jonction de procédures N°RG 19/02285 et N°RG 21/03640.

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 20 avril 2022, qui a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes des parties dans l'attente de la décision définitive de la recevabilité de l'appel interjeté par le Dr [F].

Vu l'ordonnance du 22 novembre 2022, du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Montpellier qui a constaté le désistement d'appel du Dr [F] et l'a condamné à verser les sommes de 2.000 euros à Mme [R] et de 1.500 euros à la société Mic Dac au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 février 2023 aux termes desquelles la Société Mic Dac demande en substance, de :

- A titre principal, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu qu'elle devait sa garantie au Dr [F] et le débouter de sa demande de garantie ;

- A titre subsidiaire, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [F], débouter Mme [R] et la CPAM de leurs demandes et condamner Mme [R] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

- A titre infiniment subsidiaire, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu qu'elle devait garantir l'intégralité du dommage, condamner le Dr [F] à lui payer les sommes de 74.617,03 euros correspondant au montant des demandes indemnitaires, de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, juger que la garantie ne saurait excéder 60 % compte tenu de la perte de chance d'éviter la survenue du dommages, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'indemnisation des préjudices d'établissement et sexuel, débouter Mme [R] de sa demande au titre des dépenses de santé futures et réduire les sommes allouées au titre des postes de préjudices suivants :

- Déficit fonctionnel temporaire et partiel ;

- Souffrances endurées ;

- Préjudice esthétique ;

- Déficit fonctionnel permanent ;

- Pertes de gains professionnels actuelles ;

- Frais de psychologue.

Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 avril 2023, aux termes desquelles Mme [R] demande en substance, au visa de l'article L251-2 du code des assurances, de réformer le jugement et de :

- déclarer son appel incident recevable ;

- déclarer le Dr [F] responsable de l'intégralité des préjudices subis ;

- juger que la société Mic Dac sera garante des condamnations prononcées à l'encontre du Dr [F] ;

- fixer son préjudice et condamner solidairement, le Dr [F] et son assureur, à lui payer les sommes suivantes (74.617,03 euros):

- 4.441,03 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 25.000 euros au titre des souffrances endurées temporaires;

- 2.776 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

- 11.200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 9.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- 5.000 euros au titre du préjudice d'établissement ;

- 8.000 euros au titre du préjudice sexuel ;

- 4.200 euros au titres des frais de thérapie à mettre en place;

- 5.000 euros au titre des frais futurs de reconstruction mammaire ;

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 avril 2023, aux termes desquelles la CPAM demande en substance, au visa de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner solidairement le Dr [F] et son assureur à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Le Dr [F], qui a constitué avocat, n'a pas conclu.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 avril 2023.

MOTIFS

Sur l'appel principal de l'assureur

La Mic Dac poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa garantie en rappelant qu'en application des dispositions de l'article L251-2 du code des assurances, c'est la première réclamation, fixée en l'espèce au 07/06/2012, date d'assignation, qui détermine l'assureur tenu de prendre en charge les éventuelles conséquences d'un sinistre ; or le contrat d'assurance a été résilié à effet du 01 mars 2012 à 0h et c'est donc au nouvel assureur en responsabilité civile du docteur [F] de garantir les conséquences financières du litige. C'est à tort que le premier juge, suivant en cela l'argumentation de Mme [R] a fait jouer la garantie subséquente qui est subsidiaire et non applicable en l'espèce puisqu'elle n'est applicable qu'aux seuls cas limitatifs de rupture de continuité avec le nouveau contrat souscrit; qu'elle ne joue pas lorsqu'un nouveau contrat d'assurance a été souscrit post-résiliation et était en vigueur au jour de la réclamation ; qu'elle n'est pas un palliatif au défaut d'assurance du professionnel de santé, de telle sorte qu'elle n'a pas vocation, le contrat étant résilié, à pallier au défaut d'assurance imputable soit au docteur [F] soit au Bureau Central de Tarification Médical en charge de lui désigner un assureur.

Selon l'article L. 251-2 du code des assurances,

'Constitue un sinistre, pour les risques mentionnés à l'article L.1142-2 du code de la santé publique, tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable ou d'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique, imputable aux activités de l'assuré garanties par le contrat, et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations.

Constitue une réclamation toute demande en réparation amiable ou contentieuse formée par la victime d'un dommage ou ses ayants droit, et adressée à l'assuré ou à son assureur.

Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L.1142-2 du même code garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation.

Le contrat d'assurance garantit également les sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité du contrat et dans le cadre des activités garanties à la date de résiliation ou d'expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans.

Le dernier contrat conclu, avant sa cessation d'activité professionnelle ou son décès, par un professionnel de santé mentionné à la quatrième partie du code de la santé publique exerçant à titre libéral, garantit également les sinistres pour lesquels la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date de résiliation ou d'expiration de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité du contrat ou antérieurement à cette période dans le cadre des activités de l'assuré garanties à la date de résiliation ou d'expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. Ce délai ne peut être inférieur à dix ans. Cette garantie ne couvre pas les sinistres dont la première réclamation est postérieure à une éventuelle reprise d'activité. Le contrat ne peut prévoir pour cette garantie un plafond inférieur à celui de l'année précédant la fin du contrat.

Le contrat ne garantit pas les sinistres dont le fait dommageable était connu de l'assuré à la date de la souscription.

Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu'il soit fait application des dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 121-4.'

La société Mic Dac, dès lors qu'elle n'établit pas - la charge de la preuve lui en incombant - que le docteur [F] était couvert par un nouveau contrat d'assurance à compter du 01 mars 2012, sa garantie trouve nécessairement - l'emploi de l'adverbe également ouvrant un second cas de garantie après celui généré par la première réclamation- à s'appliquer au titre de l'alinéa 4 du texte précité, lequel n'est pas exclu par le dernier alinéa du même texte.

Les conditions d'application de l'alinéa 4 sont en l'espèce réunies puisque la réclamation est intervenue dans le délai de cinq ans à compter de la date de réalisation du dommage (assignation en référé expertise du 03 juin 2012 pour des interventions chirurgicales des 28 juin 2011-18 octobre 2011- 08 février 2012); le fait dommageable est survenu dans la période de validité du contrat souscrit auprès de Mi Dac qui a pris fin le 01 mars 2012 0h; le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités garanties.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la société Mic Dac était tenue à garantir le docteur [F].

Sur la responsabilité du docteur [F]

Pour retenir celle-ci les premiers juges ont motivé qu'il 'ressort de l'expertise judiciaire que le chirurgien n'a pu préserver la vascularisation de la plaque aréolo mamelonnaire de façon bilatérale au cours des interventions et que l'absence de prélèvements bactériologiques n'a pas permis d'anticiper toute infection secondaire. Les fautes sont donc établies.'

La Mic Dac rappelle que l'obligation à la charge des praticiens est une obligation de moyens et que le rapport d'expertise ne permet pas de caractériser la faute du docteur [F], l'expert ayant déduit celle-ci de la seule survenue de la complication, sans aucun raisonnement scientifique, exprimant de nombreuses contradictions.

Mme [R] souligne les fautes du docteur [F] ayant consisté en une faute de technique chirurgicale et une faute de négligence compte tenu de l'absence de prélèvement bactériologique.

Selon l'article L. 1142-1 du code de la santé publique,

'I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

(...)'.

Il est donc de la charge du patient de rapporter la preuve tant de la faute et du lien de causalité, ce que l'expertise judiciaire est à même de l'aider à faire.

Il convient d'énoncer ici la partie conclusion du rapport de l'expert [X], page 24 reprise in extenso ci-dessous :

'Madame [R] a été opérée à la clinique [10] à [Localité 9] par le Dr [F] le 28 juin 2001 pour une abdominoplastie et le 18 octobre 2011 pour une diminution mammaire puis le 08 février 2012 pour fermer les pertes de substances des seins et corriger des cicatrices disgracieuses abdominales. L'intervention de chirurgie abdominale a été conduite dans les règles de l'art, sans complication post opératoire immédiate. Mme [R] a reçu une information sur l'acte opératoire et a donné son consentement. Les cicatrices devaient être disgracieuses aux extrémités de la cicatrice elles ont été corrigées par le Dr [F], Mme [R] n'a aucune doléance à ce niveau. Une tuméfaction abdominale sus ombilicale est apparue à distance de l'intervention, plusieurs mois après, diagnostiquée à l'échographie comme un hématome en voie de résorption. L'évolution vers une régression est le plus probable.

La deuxième intervention de diminution mammaire a été réalisée près de quatre mois après, ce qui est un temps raisonnable. Madame [R] a reçu une information sur l'acte opératoire et a donné son consentement. L'intervention chirurgicale particulièrement longue, près de six heures, était probablement liée à une difficulté technique particulière chez cette patiente. Dans les suites opératoires, il existait une nécrose aseptique des deux plaques aréolo mamelonnaires et des cicatrices verticales. La bilatéralité des nécroses montre la faute de technique chirurgicale du Dr [F], face à une difficulté technique il a été incapable de préserver la vascularisation de la plaque aréolo mamelonnaire, et ceci de façon bilatérales. Des soins locaux ont été nécessaires pendant 3 mois et une nouvelle intervention chirurgicale a permis de fermer les pertes de substances des seins.

Il ne s'agit pas d'un aléa chirurgical, il n'y avait pas d'état antérieur qui aurait pu expliquer la survenue de cette complication. A partir de la constatation de la nécrose, les soins réalisés par le Dr [F] lui même ont été attentifs et consciencieux. Il existe cependant une faute de négligence car il aurait cependant du réaliser des prélèvements bactériologiques, ce genre de nécrose pouvant habituellement se surinfecter secondairement.

Il y a eu un épisode de contamination locale qui aurait pu être une véritable infection. Lors de la troisième intervention, le Dr [F] a recueilli le consentement de Mme [R] en préopératoire, par contre il semble qu'il y ait un manquement au devoir d'information sur l'intervention qu'il avait prévu et les cicatrices nécessaires pour fermer les pertes de substances des seins. Il existe donc une succession de faute technique, de faute de négligence et de défaut d'information. La nécrose bilatérale est à l'origine de consultations répétées, de soins locaux multiples et de reprise chirurgicale. Elle a laissé des séquelles cicatricielles importantes qui sont à l'origine d'un préjudice esthétique mais également de troubles psychologiques sévères allégués par la victime.

Il n y a pas eu d'infection nosocomiale, la responsabilité de l'établissement ne peut être engagée. On ne retrouve aucune faute ni manquement dans l'organisation des soins par la clinique [10] à [Localité 9].'

Des constatations et conclusions claires et circonstanciées de l'expert dont la portée n'est pas utilement contredite par les arguments de la Mic Dac, la cour s'estimant suffisamment informée, la faute du Dr [F] est caractérisée de même que le lien de causalité entre faute et dommage.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du Dr [F].

Il le sera en ce qu'il a retenu une responsabilité intégrale, l'expert ayant précisé que le tabagisme de Mme [R] à hauteur de 10 cigarettes/jour n'était pas en état d'imprégnation tabagique qui aurait pu expliquer au moins partiellement le type de nécrose constaté.

Sur la demande indemnitaire dirigée par la société Mic Dac à l'encontre du docteur [F]

selon l'article 564 du code de procédure civile,

'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

Par message électronique transmis aux conseils des parties le 23 juin 2023 en cours de délibéré, la cour a entendu recueillir leurs observations sur la prétention ainsi formulée par la Mic Dac à l'encontre du Dr [F] à hauteur d'appel.

Par message électronique du 26 juin 2023, le conseil de la Mic Dac a transmis ses conclusions récapitulatives de première instance et indiqué ne pas avoir d'observations particulières à formuler.

Il apparaît à la lecture des conclusions de première instance que la demande présentée à hauteur d'appel est nouvelle au sens de l'article précité et ne relève pas des articles 565 et 566 du même code.

Elle est en conséquence irrecevable.

Sur les demandes indemnitaires

Les demandes et offres telles qu'elles résultent des appels principal et incident sont synthétisées dans le tableau suivant :

Jugement

Patiente

Assureur (dont garantie à hauteur de 60%)

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires :

Perte de gains professionnelles actuels

2.776 €

2.776 €

Bien fondé non démontré

Sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires:

Déficit fonctionnel temporaire

4.441,03 €

4.441,03 €

2.470,20 (1.482,12) €

Souffrances endurées

8.000 €

25.000 €

5.000 (3.000)€

Sur les préjudices extra patrimoniaux permanents :

Déficit fonctionnel permanent

4.000 €

11.200 €

4.000 (2.400)€

Préjudice esthétique permanent

7.000 €

9.000 €

3.000 (1.800)€

Préjudice sexuel

Rejet

8.000 €

Non justifié,

à défaut 3.000

Préjudice d'établissement

Rejet

5.000 €

Non justifié,

à défaut 3.000€

Préjudice liés à des frais de thérapie

4.000 €

4.200 €

Non justifié

Coût des reprises chirurgicales

Non sollicité

5.000 €

Non justifié

S'agissant de la perte de gains actuels, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent, des frais de thérapie, du préjudice d'établissement, la cour estime que les premiers juges par des motifs pertinents qu'elle adopte a fait une juste appréciation de l'indemnisation de ces postes indemnitaires.

S'agissant de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, les observations de la société Mic Dac sur la période à prendre sont pertinentes dans la mesure où l'abdominoplastie n'est pas la cause du dommage, de telle sorte que les périodes à prendre en compte doivent être réduites et que leur indemnisation sera ramenée à la somme de 2470.20€ conformément aux écritures de la société Mic Dac;

S'agissant du préjudice sexuel, l'atteinte corporelle vécue par Mme [R] à l'âge de 35 ans génère indiscutablement une perte de libido et une perte de sensibilité de nature à ouvrir droit à une indemnisation à concurrence de 5000€.

S'agissant des frais futurs de reconstruction mammaire, la cour ne trouve pas dans le dossier de Mme [R] d'éléments médicaux de nature à justifier ceux-ci.

Quant à la créance de la CPAM de l'Hérault, la liste des débours exposés permet de confirmer le montant alloué par le premier juge dès lors que les arrêts de travail sont a minima en lien avec les troubles psychologiques réactionnels à la réduction mammaire.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Mic Dac supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement

Déclare irrecevable la demande de la société Mic Dac, nouvelle en appel, tendant à la condamnation du Dr [F] à lui payer la somme de 74617,03€.

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum le Dr [F] et la compagnie Mic Dac à payer à Mme [R] la somme de 4441.03€ au titre du déficit fonctionnel temporaire et en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation au titre du préjudice sexuel.

Statuant à nouveau de ces chefs

Condamne in solidum le Dr [F] et la compagnie Mic Dac à payer à Mme [C] [R] la somme de 2470.20€ au titre du déficit fonctionnel temporaire et celle de 5000€ au titre du préjudice sexuel

Confirme le jugement pour le surplus

Condamne la compagnie Mic Dac aux dépens d'appel

Condamne la compagnie Mic Dac à payer la somme de 3000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [R], celle de 1500€ au profit de la CPAM de l'hérault.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02285
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;19.02285 ?
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