Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 22 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/00917 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O3ZE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 08 janvier 2021 - juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Perpignan
N° RG 1118001264
APPELANTE :
S.A. Compagnie Générale de Location d'Equipements
au capital de 58.606.156,00 euros prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au dit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Bachir BELKAID substituant Me Gilles BERTRAND de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL'OVA, BERTRAND, AUSSEDAT , SMALLWOOD, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMES :
Monsieur [X] [K]
né le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
assigné par acte remis à étude le 29 mars 2021
Monsieur [R] [K]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
assigné par PV de recherches infructueuses du 29 mars 2021
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
L'affaire a été mise en délibéré au 1er juin 2023. A ladite date, le délibéré a été prorogé au 22 juin 2023.
ARRET :
- par défaut ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES
Le 29 avril 2014, la société Compagnie Générale de Location d'Equipements (la CGLE, ci-après) a consenti à MM. [X] [K] et [R] [K] un prêt de 16.800 €, au taux conventionnel de 6,75% et au taux annuel effectif global de 8,42%, remboursable en 37 échéances de 322,90 € (302,74 € hors assurance) accessoire à l'achat d'un véhicule Volkswagen Polo.
Le 6 mars 2017, ayant reconnu ne pas être en capacité de régulariser les 4 échéances impayées, dont la première datait du 20 novembre 2016, les emprunteurs ont restitué le véhicule et le contrat de crédit a été résilié d'un commun accord par le biais d'un avenant donnant mandat à la CGLE de vendre le véhicule et rendant exigible une somme de 12.341,89 €, dont 1.012,92 € au titre des indemnités légales sur impayés et sur capital.
C'est dans ce contexte que, par deux actes des 27 et 30 août 2018 - l'un délivré à l'étude d'huissier et l'autre transformé en procès verbal de recherches infructueuses après accomplissement des diligences prévues à l'article 659 du code de procédure civile -, la CGLE a fait assigner MM. [K] en paiement de la somme principale du solde (5.853,41 €) suite à la revente du véhicule pour le prix de 6.468 €.
Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 8 janvier 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Perpignan qui a :
- déclaré la CGLE déchue de son droit aux intérêts et dit que MM.[K] ne seraient tenus qu'au seul remboursement du capital,
- condamné solidairement MM. [K] à payer à la CGLE la somme de 1.423, 28 € suivant l'échéancier prévu au titre du contrat de crédit,
- dit que les sommes déjà perçues par la CGLE au titre des intérêts du prêt étaient productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement au profit de MM. [K] et que ces intérêts dus à MM. [K] seraient imputés sur le capital restant dû,
- rappelé qu'aucun intérêt supplémentaire, ni aucun frais d'exécution, ni aucune pénalité ni aucune somme autre que celle mentionnée ci-dessus ne pourrait être perçue par la CGLE ni par quiconque au titre du jugement ou du contrat de crédit,
- débouté la CGLE du surplus de ses prétentions en ce compris celles relatives aux frais irrépétibles,
- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la CGLE aux dépens,
Vu la déclaration d'appel de la CGLE en date du 12 février 2021,
Vu ses uniques conclusions en date du 18 mars 2021 par lesquelles l'appelante demande à la cour de déclarer son appel recevable, d'infirmer le jugement entrepris et, en substance, de condamner solidairement MM. [K] à lui payer :
- la somme de 5.853,41 € majorée des intérêts au taux contractuel de 6, 76 % à compter du 17 mars 2017, avec capitalisation
- une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
et les condamner également aux dépens,
Vu l'absence de constitution d'avocat pour le compte des intimés, malgré la signification de la déclaration d'appel et des premières conclusions de l'appelante par actes des 29 mars 2021 délivré à l'étude s'agissant de M. [X] [K] et transformé en procès-verbal de recherches à l'égard de M. [R] [K],
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 mars 2023,
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont régulièrement été signifiées à MM. [K] par deux actes remplissant les conditions des articles 657, 658 et 659 du code de procédure civile, c'est-à-dire non remis à personne.
Les deux intimés n'ayant pas constitué avocat, l'arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 473 du même code.
L'article 472 précise que si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et fondée, au seul vu des pièces fournies par le demandeur.
En l'espèce, les demandes qui sont régulières en la forme et recevables, peuvent être examinées au fond.
A cet égard, il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation, étant précisé que l'insuffisance de preuve est toujours retenue au détriment de celui qui a la charge de la preuve.
En l'espèce, le juge des contentieux du tribunal judiciaire de Perpignan a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la CGLE après avoir constaté que :
- la demanderesse n'établissait s'être conformée aux exigences de l'article L.311-9 du code de la consommation devenu L.312-16 et de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers même si, pour s'en prévaloir vainement, elle produisait pour chaque emprunteur un document abscons non signé et dont ni le rédacteur ni les conditions de rédaction ne sont déterminables consistant pour l'essentiel en une suite de chiffres et de lettres dont le but est d'accréditer le fait que la consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers aurait eu effectivement lieu,
- le document produit semblait accréditer l'idée que la consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers par la prêteuse aurait eu lieu le même jour que le jour de la conclusion du contrat litigieux qui intervient, nonobstant les dispositions de l'article 2 de l'arrêté susmentionné lorsque l'emprunteur en apposant sa signature de l'offre manifeste sans ambivalence la volonté de l'accepter sans réserves et n'aurait donc pas eu lieu avant la conclusion du contrat comme l'exigent les dispositions susmentionnées du code de la consommation,
- la prêteuse ne rapportait en aucun cas la preuve qu'elle a accompli la formalité de l'interrogation du FICP.
Au soutien de son appel, la CGLE fait valoir qu'elle a bien consulté le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers et elle produit, en pièces 19 et 20, des documents comportant la retranscription des mentions informatisées inscrites sur la réponse de la Banque de France suite cette consultation.
Il résulte de l'article L.311-9 - devenu L.312-16 - du code de la consommation qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur consulte le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) prévu à l'article L.333-4 du code de la consommation dans les conditions prévues par l'arrêté relatif à ce fichier, dont il résulte que la procédure est entièrement informatisée et que les paramètres informatiques ne dépendent pas de la CGLE mais de la Banque de France.
Suivant le protocole de cet établissement versé aux débats par l'appelante, l'établissement de crédit entre les cinq premières lettres du nom de famille et la date de naissance de la personne concernée par la consultation. Ce protocole précise que « si aucun dossier n'est recensé dans le FICP pour la clé recherchée, la réponse sera : Dossier non trouvé pour la clé JJMMAAXXXXX (0 si interrogation par télétransmission »
Il est par ailleurs admis en jurisprudence que la consultation doit avoir lieu au plus tard avant la mise à disposition des fonds par laquelle le prêteur agréé la personne des emprunteurs.
Or, en l'espèce, il est inscrit sur les documents produits :
- « 301094FOURN » pour M. [X] [K] né le [Date naissance 2] 1994,
- « 201166FOURN » pour M. [R] [K] né le [Date naissance 1] 1966,
- 'Dossier non trouvé' pour les deux,
ce dont il se déduit que les intéressés ne figuraient pas au fichier à la date précisée, à savoir le '29/04/2014".
La consultation ayant été réalisée le 29 avril 2014, jour de la signature du contrat, avec des réponses émises à 15 h 28, il est justifié que cette formalité a bien été accomplie avant la mise à disposition des fonds, qui est intervenue le 21 juin 2014 seulement.
En cet état, le premier juge ne pouvait retenir une méconnaissance de l'obligation de consultation préalable du FICP et considérer qu'elle emportait déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur par application de l'article L.311-48 du code de la consommation.
Au vu des pièces versées aux débats, la cour constate que la CGLE justifie de la souscription du contrat de crédit litigieux, de son inexécution par les intimés, de sa résiliation d'un commun accord entre les parties le 6 mars 2017 et de l'existence d'une créance en faveur du prêteur suite à la vente du véhicule financé, qu'il conviendra de majorer des intérêts au taux contractuel de 6,75 % à compter du 18 mai 2017, date des mises en demeure, et non à partir du 17 mars 2017 comme le réclame l'appelant.
En effet, le courrier adressé aux emprunteurs le 17 mars 2017 ne comporte aucune mise en demeure : faisant suite à la signature de l'avenant de résiliation quelques jours plus tôt, il avait pour objet de confirmer à MM. [K] que le CGLE avait l'intention de vendre le bien restitué pour réduire le montant de sa créance et de les inviter à faire 'part de (leurs) propositions de règlement de (cette) créance en (...) justifiant de (leurs) revenus'.
S'agissant du montant de la créance dont le paiement est réclamé, la cour observe que le décompte vise notamment deux indemnités de 8%, l'une sur impayés et l'autre sur capital, pour un total de 1.012,92 € (103,33 + 809,59 €).
Si l'article L.311-24 devenu L.312-39 du code de la consommation autorise le prêteur à demander à l'emprunteur défaillant une indemnité dont le barême est fixé par décret (dite 'indemnité légale'), aux termes de l'article 1152 du code civil en vigueur à la date de signature du contrat de prêt (devenu l'article 1231-5) "lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l 'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite".
Or, en l'espèce, la cour estime que la peine convenue est manifestement excessive et elle en déduit qu'elle mérite d'être modérée, d'office, pour être fixée à la somme symbolique d'un euro et ce, compte tenu à la fois de l'équilibre global du contrat - dont le montant du crédit, sa durée d'exécution et le taux pratiqué, du pourcentage fixé pour l'indemnité et de l'existence d'un avenant de résiliation -signé dans les quatre mois du premier impayé non régularisé, avec restitution du véhicule permettant sa revente et la réduction immédiate de la créance -.
Par suite, MM. [K] seront condamnés solidairement à payer à la CGLE la somme de 4.761,49 € avec intérêts au taux contractuel de 6,75 % à compter du 18 mai 2017.
Enfin, la cour rappelle que la demande de capitalisation des intérêts fondée sur un texte général ' à savoir l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil - se heurte aux dispositions spéciales de l'article L.311-23 du code de la consommation, applicable aux contrats souscrits du 2 mai 2011 au 1er juillet 2016 et devenu depuis L.311-32 puis L.312-38. Elle sera donc rejetée.
Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, MM. [K] supporteront les dépens de première instance et d'appel.
En revanche, l'équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par défaut,
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Condamne solidairement MM. [X] et [R] [K] à payer à la CGLE la somme de 4.761,49 € majorée des intérêts au taux contractuel de 6,75 % à compter du 18 mai 2017 ;
- Déboute la CGLE du surplus de ses demandes ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne MM. [X] et [R] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT