COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00291 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P3BP
O R D O N N A N C E N° 2023 - 292
du 07 Juin 2023
SUR TROISIEME PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [I] [K]
né le 10 Novembre 1994 à [Localité 4]
de nationalité Algérienne
retenu au centre de rétention de [Localité 5] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant, assisté de Maître Christelle BOURRET MENDEL, avocat commis d'office
Appelant,
et en présence de M. [J] [G], interprète en langue arabe qui prête serment
D'AUTRE PART :
1°) LE PREFET DE LA GIRONDE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Non représenté
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Sophie PUIGREDO conseiller à la cour d'appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Marion CIVALE, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu le jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux en date du 27 janvier 2021 portant interdiction du territoire français pour une durée de 3 ans à l'encontre de Monsieur [I] [K];
Vu la décision de placement en rétention administrative du 04 avril 2023 concernant M. [I] [K] par M. LE PREFET DE LA GIRONDE, pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Vu l'ordonnance du 06 avril 2023 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours,
Vu l'ordonnance du 04 mai 2023 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,
Vu la saisine de LE PREFET DE LA GIRONDE en date du 02 juin 2023 pour obtenir une troisième prolongation de la rétention de cet étranger,
Vu l'ordonnance du 03 juin 2023 à 14h52 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de quinze jours,
Vu la déclaration d'appel faite le 05 Juin 2023 par Monsieur [I] [K] , du centre de rétention administrative de [Localité 5], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 12h34,
Vu les télécopies et courriels adressés le 05 Juin 2023 à LE PREFET DE LA GIRONDE, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 07 Juin 2023 à 10 H 00,
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.
L'audience publique initialement fixée à 10 H 00 a commencé à 10h22.
PRETENTIONS DES PARTIES
Assisté de M. [J] [G], interprète, Monsieur [I] [K] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle Monsieur [I] [K], je suis né le 10 Novembre 1994 à [Localité 4]. Je suis algérien. J'ai été condamné par le tribunal correctionnel pour un vol à 9 mois avec sursis et trois ans d'interdiction du territoire. J'étais au CRA de [Localité 6] et j'ai été transféré à [Localité 5]. J'ai deux doigts qui sont morts, je cherche à me soigner, j'ai eu un accident. Le médecin du CRA m'a prescrit une ordonnance pour avoir une atèle. Je suis âgé, j'ai les cheveux qui tombent. J'aimerais partir de la frontière, j'aimerais aller en Espagne j'avais un billet de transport sur moi lorsque j'ai été interpellé. Je veux transférer mon dossier médical en Espagne. Je connais des gens à [Localité 3]. Donnez moi une chance, je ne mange pas, ni ne dors car je suis inquiet pour ma main. Ça fait 60 jours que je suis au centre de rétention. Je sais que la préfecture veut réserver un vol, ça fait plusieurs fois qu'ils veulent que je reparte en Algérie, et je suis d'accord pour rentrer il n'y a pas de problèmes. J'aimerais rentrer mais malheureusement je dois soigner ma main.'
L'avocat, Me Christelle BOURRET MENDEL développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Elle indique : 'J'ai une difficulté sur le fond : le juge de 1ère instance, pour prolonger pour la 3ème fois la rétention de mon client, se fonde sur le troisième point de l'article 742-5 du ceseda.
La préfecture a fait une demande de routing le 1er juin, ils n'ont pas de vol et on ne sait pas si ils vont avoir un vol dans les 15 jours. On n'est pas sûrs que le laissez-passer soit délivré. Les éléments ne permettent pas de justifier une délivrance des documents de voyage dans un bref délai. En cela, la décision doit être infirmée.'
Monsieur le représentant de LE PREFET DE LA GIRONDE ne comparait pas.
Assisté de M. [J] [G], interprète, Monsieur [I] [K] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'J'ai été placé en garde à vue le 24 mai, c'est eux qui m'ont frappé. Ils sont venus me chercher pour rien. La juge a regardé la vidéo des violences. J'étais au commissariat de [Localité 6], pendant trois jours. Je me suis réveillé j'ai demandé un cachet pour ma tête, un doliprane. J'ai pas dit merci au policier, il sait que je suis gentil et l'équipe qui travaillait ce jour là a dit que j'étais agressif, il m'a dit que j'étais un chien qui disait pas merci, ils m'ont mis à l'isolement et ils m'ont tapé là bas. La juge a vu la vidéo et mon avocat a déposé plainte contre le policier. Je suis très fatigué au centre. Cela fait deux mois et 5 jours. Je n'ai rien fait. Je ne mange pas bien là bas, il n'y a pas de médecin au centre.'
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 05 Juin 2023, à 12h34, Monsieur [I] [K] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 5] du 03 Juin 2023 notifiée à 14h52, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête préfectorale pour défaut de pièce utile:
Le moyen tiré du défaut de pièces relatives à la garde à vue de l'intéressé au cours de sa rétention n'ayant pas été soulevé devant le premier juge, il sera déclaré irrecevable.
Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir du déposant de la requête:
La requête saisissant le juge des libertés et de la détention en prolongation de la rétention de l'intéressé a été établie le 2 juin 2023 et a été signée par [H] [C], Cheffe du bureau 'de la lutte contre l'immigration irrégulière, ordre public et contentieux', régulièrement habilitée par le Préfet de la GIRONDE.
Elle émane donc bien de l'autorité préfectorale compétente en la matière.
Le seul fait que cette demande ait été transmise le 2 juin 2023 à 14h24, soit dans les délais légaux, par par le truchement de la Direction zonale de la PAF sud ouest et sans incidence sur la régularité de cette requête.
La fin de non recevoir sera rejetée.
L'article L742-5 du CESEDA dispose: 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9° de l'article L. 611-3 ou du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'
En l'espèce, l'étranger n'a pas fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement dans les quinze derniers jours de la deuxième prolongation soit entre le 45ème et le 60ème jour, n'a pas présenté de demande d'asile dans la même période et les autorités algériennes ont indiqué le 30 mai 2023 ne pas avoir d'objection quant à la délivrance du laissez passer consulaire.
En conséquence, l'autorité administrative a bien démontré que la délivrance du laissez passer consulaire lui serait délivrée dans un bref délai.
La fin de non recevoir de la requête préfectorale sera rejetée.
L'avocate de l'appelant soutient le défaut de diligence de l'autorité administrative.
Il résulte de l'article L. 741-3 du CESEDA qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention (1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 14-15.846, Bull. 2015, I, n° 109)
En l'espèce, l'autorité administrative a reçu réponse de la reconnaissance par l'Algérie de la qualité de ressortissant algérien de l'étranger le 30 mai 2023, suite à des demandes réitérées en date des 5 avril, 3 mai et 24 mai et les autorités consulaires ont accepté de délivrer le laissez passer 30 mai 2023, et une demande de routing a été établie dès le 1er juin 2023 par l'autorité préfectorale.
L'autorité administrative n'est pas comptable du délai pris par un pays étranger pour lui répondre selon le principe de la souveraineté des États.
Les autorités consulaires ayant reconnu l'intéressé comme un ressortissant algérien le 30 mai 2023, le délai d'un jour entre la reconnaissance de ressortissant algérien de l'étranger par le consul du pays et la demande de routing n'est pas déraisonnable, puisque sans cette autorisation d'entrée en Algérie, aucun vol retour n'aurait pu être réservé.
Le moyen de nullité sera rejeté.
SUR LE FOND
En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure qui est considéré comme établi au visa de l' article L 612-3, 1°et 8° du ceseda puisqu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour , fait l'objet d'une interdiction du territoire français suite à sa condamnation par le tribunal correctionnel de BORDEAUX du 27 janvier 2021 et ne dispose d'aucune attache sur le territoire naional .
Le juge des libertés et de la détention de Montpellier a fait une juste appréciation de la cause au visa de l'article L 742-5 du CESEDA.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Déclarons irrecevable le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête préfectorale pour défaut de pièce utile;
Rejetons la fin de non recevoir de la requête préfectorale et moyen de nullité,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 07 Juin 2023 à 10h50.
Le greffier, Le magistrat délégué,