COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00274 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P2ZV
O R D O N N A N C E N° 2023 - 275
du 30 Mai 2023
SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
ET
SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [V] [D]
né le 11 Mars 1994 à [Localité 3] (COMORES)
de nationalité Comorienne
alias M. [F] [Z] [O] [L]
retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant et assisté par Maître Dioma NDOYE, avocat commis d'office,
Appelant,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par M. [T] [X]
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Philippe BRUEY conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Sophie SPINELLA, greffier,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 23 mai 2023 de Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour d'une durée de trois ans et ordonnant la rétention de Monsieur [V] [D], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu la décision de placement en rétention administrative du 23 mai 2023 de Monsieur [V] [D], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu la requête de Monsieur [V] [D] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 24 mai 2023 ;
Vu la requête de Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES en date du 24 mai 2023 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [V] [D] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;
Vu l'ordonnance du 25 Mai 2023 à 15h25 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a :
- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur [V] [D],
- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [V] [D] , pour une durée de vingt-huit jours;
Vu la déclaration d'appel faite le 26 Mai 2023 par Monsieur [V] [D] , du centre de rétention administrative de [Localité 4], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 11h36,
Vu les télécopies adressées le 26 Mai 2023 à Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à l'intéressé et à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 30 Mai 2023 à 09 H 00,
Vu l'appel téléphonique du 26 Mai 2023 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 30 Mai 2023 à 09 H 00
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier
L'audience publique initialement fixée à 09 H 00 a commencé à 09 h15.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [V] [D] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' né le 11 Mars 1994 à [Localité 3] (COMORES) Je suis de nationalité Comorienne . J'ai été incarcéré pour conduite sans permis. Ma mère habite en France, mes deux soeurs, mon frère et mon père aussi. Je suis arrivé en France en 2018. Je suis venu par bateau irrégulièrement. Je suis pas reparti dans mon pays. Je travaille dans la logistique. Je travaille plus depuis deux mois que je suis au centre. J'ai toujours vécu à [Localité 5] mais je suis parti à [Localité 2] voir mon frère. J'ai été interpellé à [Localité 4]. Je reconnais être sans papier. J'accepte de repartir par mes propres moyens. '
L'avocat, Me Dioma NDOYE développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant, de Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, demande la confirmation de l'ordonnance déférée et indique à l'audience : ' la menace à l'ordre public n'est pas un critère de placement en rétention. Cet élément n'est pertinent que dans le cadre d'un recours contre la mesure d'éloignement qui ne concerne que le tribunal administratif. Monsieur [D] a été place en rétention car il est entré en situation irrégulière, il n'a fait aucune demande de régularisation. Il n'a pas de garanties de représentation.'
Monsieur [V] [D] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je voudrais être remis en liberté pour rejoindre ma famille, le temps de repartir. Mon père habite dans le 95. '
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 26 Mai 2023, à 11h36, Monsieur [V] [D] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 25 Mai 2023 notifiée à 15h25, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
Sur l'erreur manifeste d'appréciation concernant la menace à l'ordre public que je représente
La loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III posent le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Il résulte de ces textes qu'à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours contre les décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique.
Il résulte de l'article L 614-1 du CESEDA que l'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) peut en demander l'annulation au tribunal administratif.
Selon L. 741-10 du CESEDA, l'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention (depuis le transfert opéré par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016).
Le législateur a ainsi organisé deux compétences parallèles, exclusives l'une de l'autre.
Il s'en déduit que le juge administratif est seul compétent pour connaître de la légalité de la décision d'OQTF, quand bien même son illégalité serait invoquée par voie d'exception à l'occasion de la contestation, devant le juge judiciaire, de la décision de placement en rétention (Cour de cassation, 1ère Civ., 27 septembre 2017, pourvoi n° 17-10.207, Bull. 2017, I, n° 201).
En l'espèce, l'ordonnance critiquée du 25 mai 2023 est une décision de maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures, soit une première prolongation, sur le fondement des articles L742-1 à L742-3 du CESEDA.
Comme l'a à juste titre rappelé la juge des libertés et de la détention, le critère de la menace à l'ordre public n'est pas un critère légal à prendre en compte pour une première prolongation de rétention administrative. Le JLD n'a pas compétence pour contrôler, même par voie d'exception, la qualification de « menace à l'ordre public » qui fonde la légalité de l'arrêté préfectoral d'OQTF, alors que Monsieur [V] [D] soutient qu'il n'aurait pas dû faire l'objet d'un tel arrêté.
Le moyen de nullité sera donc rejeté.
Sur l'insuffisance de motivation de l'arrêté au regard de la vie privée et familiale
Monsieur [V] [D] soutient que le préfet n'a pas tenu compte d'éléments pourtant essentiels à l'examen de sa situation tels que le fait que sa famille nucléaire est en France, en situation régulière : il expose que son père est français ; que sa mère, chez qui il est hébergé, est résidente en France et possède un titre de 10 ans en cours de validité et que sa s'ur est, elle aussi Française.
Mais, M. X se disant [V] [D] ne remplit pas les conditions d'une assignation à résidence puisqu'il n'a pas remis de passeport original en cours de validité; à défaut de remise de ce document il ne peut être placé en assignation à résidence.
Par ailleurs, il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire francais et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes en ce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité. En outre, il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (l'attestation de sa mère et de sa soeur ne sont pas suffisantes pour attester de la réalité de la résidence). Enfin, il n'hésite pas à donner de fausses identités lorsqu'il est contrôlé par les services de police, comme le montre son procès-verbal d'audition du 16 mars 2023.
Dès lors, l'arrêté apparait suffisamment motivé.
Ce moyen sera rejeté.
SUR LE FOND
L'article L 743-13 du CESEDA':' «'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'»
En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d'éloignement.
L'assignation à résidence ne peut en conséquence en l'état être ordonnée.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Rejetons les moyens de nullité et la demande d'assignation à résidence,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 30 Mai 2023 à 09h26.
Le greffier, Le magistrat délégué,