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25/05/2023 | FRANCE | N°20/01500

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 25 mai 2023, 20/01500


Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRÊT DU 25 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01500 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORTV



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 JANVIER 2020 Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER N° RG 16/07723





APPELANTE :



S.A. Crédit Lyonnais

[A

dresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Claire LEFEBVRE substituant Me Jérémy BALZARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant





INTIMEE :



Madame [L] [Y]

née le [Date naissan...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRÊT DU 25 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01500 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORTV

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 JANVIER 2020 Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER N° RG 16/07723

APPELANTE :

S.A. Crédit Lyonnais

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Claire LEFEBVRE substituant Me Jérémy BALZARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

Madame [L] [Y]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Hervé POQUILLON de la SELARL HP AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRÊT :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE :

M. [U] [Y] est décédé le [Date décès 4] 2014 laissant pour seule héritière son épouse Mme [W] [Y], avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté universelle.

Par jugement en date du 13 juin 2014, Mme [W] [Y] a été placée sous la tutelle de ses filles, Mmes [L] et [B] [Y].

Par courrier du 16 mai 2014, la SA Crédit Lyonnais (la banque), assurant la gestion des comptes bancaires de M. [Y], a informé sa veuve qu'elle s'occupait du règlement de sa succession, s'agissant des actifs détenus auprès de son agence, constituée par un important portefeuille d'actions.

Par courrier électronique du 16 juillet 2015, Mme [L] [Y] a adressé à la banque l'ordonnance en date du 17 juin 2015 du juge des tutelles autorisant la vente des titres.

Le 24 août 2015, un nouvel ordre de vendre en urgence l'ensemble des titres était adressé à la banque et le 27 août 2015, la banque informait Mme [L] [Y] qu'elle avait procédé à un virement d'une partie des sommes pour un montant de 199 271,57 euros.

Le 1er septembre 2015, une nouvelle ordonnance relative à la vente des titres était rendue par le juge des tutelles.

Mme [W] [Y] décédait le [Date décès 2] 2015.

Les 22 et 29 février 2016, Mme [L] et Mme [B] [Y] donnaient à nouveau ordre à la banque de procéder à la vente des titres.

Le 14 mars 2016, la banque notifiait à Mme [L] [Y] la cession des titres, et le produit versé entre les mains du notaire chargé de la succession, pour la somme de 1 126 542,80 euros.

Le 24 mai 2016, Mme [L] [Y] mettait en demeure la banque de lui régler la somme de 143 667,30 euros au titre de dommages et intérêts suite à la perte financière subie du fait du retard pris dans l'exécution de l'ordre de vente.

C'est dans ce contexte que le 20 décembre 2016, Mme [L] [Y] a fait assigner la banque aux fins d'obtenir le paiement de dommages et intérêts.

Par un jugement en date du 30 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

- constaté que l'action n'a pas été engagée par Mme [L] [Y] au nom et pour le compte de l'indivision ;

- déclaré l'action recevable ;

- condamné la banque à payer à Mme [L] [Y] les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

- 71 833,83 euros en réparation de la perte financière sur la valeur des titres ;

- 1 378,66 euros au titre des frais de tenue de comptes titres;

- 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

- débouté Mme [L] [Y] du surplus de ses demandes indemnitaires ;

- condamné la banque à payer à Mme [L] [Y] la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance ;

- ordonné l'exécution provisoire.

La banque a relevé appel de ce jugement par une déclaration en date du 13 mars 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 octobre 2022, aux termes desquelles la banque demande en substance, au visa des articles 447, 505 et suivants, 815 et suivants, 1101 et suivants du code civil, L211-1 et suivants, L321-1 et suivants, L533-13 et suivants du code monétaire et financier de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

* à titre principal, débouter Mme [L] [Y] de l'intégralité de ses demandes ;

* à titre subsidiaire,

- débouter Mme [L] [Y] de sa demande de fixation de son dommage au regard de l'incidence des marchés financiers entre le 22 juillet 2015 et le 2 mars 2016 ;

- débouter Mme [L] [Y] de sa demande d'indemnisation prenant pour base la valorisation des titres détenus au 22 juillet 2015 ;

* à titre infiniment subsidiaire,

- débouter Mme [L] [Y] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner Mme [L] [Y] au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 novembre 2022, aux termes desquelles Mme [L] [Y] demande en substance, au visa des articles 1134, 1142 et 1191 anciens du code civil, 32-1 du code de procédure civile de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de la perte des intérêts et de :

- relever la caducité de l'appel interjeté par la banque ;

- condamner la banque au paiement des sommes suivantes :

- 10 116,23 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte des intérêts non perçus ;

- 390 euros au titre des frais engagés pour l'expertise financière ;

- 10 000 euros au titre du préjudice moral ;

- 10 000 euros à titre de procédure abusive ;

- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la banque au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 novembre 2022.

MOTIFS :

A titre liminaire, la cour d'appel, en réponse aux écritures des parties sur ce point, rappelle qu'en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, et de l'article 954 du Code de procédure civile qui énonce que « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. », il ne sera pas statué sur les « dire et juger », « constater », « dire que » et « donner acte » qui ne constituent pas des prétentions et qui, donc, ne la saisissent pas.

Sur la responsabilité contractuelle de la banque :

La banque considère que l'ordonnance du juge des tutelles présentait plusieurs anomalies : l'absence de précision quant à la vente des titres, l'absence de précision quant au prix de cession des actions, la demande de clôture de 3 des 4 comptes visés sans mention de la cession des titres et la demande portait sur la clôture d'un compte tout en sollicitant qu'il soit crédité.

Elle ajoute qu'en application de l'article 505 du code civil, l'autorisation du juge des tutelles pour autoriser un acte de disposition doit être motivé, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Elle rappelle que la demande de clôture des comptes et la demande de cession des titres n'ont été faites que par l'une des deux co-tutrices alors que l'accord des deux représentants légaux était nécessaire conformément aux dispositions de l'article 447 du code civil.

Enfin, elle estime qu'il ne peut lui être reproché d'avoir commis une faute alors qu'elle s'est simplement montrée vigilante quant à l'exécution des actes de disposition sollicités qui concernaient une personne sous tutelle et entraînaient un transfert de fonds d'une valeur de 1 305 000 euros.

S'agissant du devoir de conseil, de mise en garde et de vigilance du banquier, la banque fait valoir qu'elle est tenue d'une obligation de mise en garde à l'égard de son client lorsque l'ordre porte sur une opération spéculative et que le client est considéré comme un client non averti.

Elle soutient que les titres ont perdu de la valeur sur la période de juillet 2015 à octobre 2015 tel que le démontrent les graphiques fournis à la procédure et que, si elle avait procédé à la vente des titres dès la demande faite en juillet 2015, elle aurait commis une faute engageant sa responsabilité pour défaut de mise en garde sur les risques encourus de perte financière liée à la vente des titres, vis-à-vis de Mme [L] [Y], cliente non avertie.

Mme [L] [Y] répond que la banque doit respecter un principe de non-ingérence dans les comptes de ses clients, que le refus de cette dernière d'exécuter un ordre clair de son client est contraire aux dispositions de l'article 1191 du code civil, relatif au contrat de mandat, que selon la jurisprudence, le banquier ou la société de gestion de portefeuille peut être déclaré responsable à la suite d'une transmission défectueuse ou tardive de l'offre.

En l'espèce, elle considère que la banque a commis une faute en n'exécutant pas l'ordre de vente de titres autorisés par l'ordonnance du juge des tutelles en date du 17 juin 2015, en l'absence d'un motif légitime et en l'absence d'anomalie dans les instructions données et qu'en tout état de cause, la banque pouvait conformément aux dispositions de l'article 499 du code civil aviser le juge de ses doutes, ce qu'elle n'a pas fait.

L'article 447 du code civil édicte que « Le curateur ou le tuteur est désigné par le juge.

Celui-ci peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs curateurs ou plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. Chaque curateur ou tuteur est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation.»

L'article 499 du code civil énonce que « Les tiers peuvent informer le juge des actes ou omissions du tuteur qui leur paraissent de nature à porter préjudice aux intérêts de la personne protégée.

Ils ne sont pas garants de l'emploi des capitaux. Toutefois, si à l'occasion de cet emploi ils ont connaissance d'actes ou omissions qui compromettent manifestement l'intérêt de la personne protégée, ils en avisent le juge.

[...] »

L'article 505 du code civil dispose que : « Le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée. »

En premier lieu, il convient de rappeler à la banque qu'elle n'avait pas à se faire juge de l'absence de motivation, ni de la manière dont l'ordonnance du juge des tutelles était rédigée, mais qu'en revanche, s'inquiétant de la véracité du document qui lui avait été adressé par mail par Mme [L] [Y], elle pouvait, en application de l'article 499 susvisé, saisir ledit juge et l'alerter sur ses doutes, ce qu'elle s'est abstenue de faire. Elle ne s'explique d'ailleurs pas sur cette abstention.

Il est constant que la première ordonnance du juge des tutelles autorisant la vente du portefeuille est en date du 13 juin 2015, que la première demande présentée par Mme [L] [Y] auprès de la banque est en date du 16 juillet 2015 et que la vente des titres a été effectuée en mars 2016.

Le rendez-vous en date du 22 juillet 2015, destiné manifestement à rassurer la banque sur la véracité du document et les intentions de Mme [L] [Y], n'a manifestement pas atteint son objectif puisque malgré les demandes de cette dernière, la banque n'a procédé à aucune vente.

Il sera retenu qu'en suite de ce rendez-vous et des multiples relances faites par courrier par Mme [L] [Y], seule, ou avec sa s'ur, la banque s'est bornée à répondre :

- par lettre en date du 4 septembre 2015 : « Au vu des sommes et de l'impact fiscal de ces ventes, nous ne pouvons répondre favorablement à votre demande par un simple courrier. Nous aimerions convenir d'un rendez-vous avec vous et votre s'ur afin de remplir complément notre devoir de conseil »,

- par lettres du 22 septembre 2015 : « Les comptes concernés sont suivis par l'agence LCL du Triangle et par le service successions. Nous transmettons donc votre courrier auprès de la directrice de l'agence du Triangle d'où dépend la gestion de la succession de votre défunt père afin qu'une réponse vous soit apportée. » et  : « C'est avec attention que j'ai pris connaissance de votre demande. Nous mettons tout en 'uvre afin qu'une réponse vous soit apportée dans les meilleurs délais. »,

- par lettre du 3 octobre 2015 : « Par courrier du 25 septembre 2015, vous souhaitez attirer notre attention sur le détail de votre portefeuille titres. Nous restons à votre disposition pour toute information complémentaire lors d'un rendez-vous dont vous pourrez convenir ['] Nous vous retournons par courrier votre portefeuille. »

Le peu d'empressement de la banque retenu par le premier juge est donc parfaitement caractérisé. Au vu de ses courriers, il est manifeste qu'elle ne donne aucune réponse précise à Mme [Y] sur ce qu'elle attend d'elle, ni sur le traitement réservé au dossier, au surplus alors qu'un rendez-vous avait déjà eu lieu le 22 juillet 2015. Elle ne fait d'ailleurs aucune référence à son devoir de conseil.

S'agissant du devoir de conseil et de mise en garde, outre le fait que les conseils sont censés avoir été donnés à Mme [L] [Y] lors du rendez-vous du 22 juillet 2015, il convient de rappeler qu'elle n'était pas sa cliente et agissait dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance du juge des tutelles qui avait donné une autorisation sur laquelle la banque n'avait aucun avis à émettre. Au surplus, il convient de rappeler que les établissements bancaires sont tenus à une obligation de non-ingérence dans les affaires d'un client qui les empêche de se prononcer sur l'opportunité d'une opération.

Il sera noté par ailleurs que la banque qui affirme qu'elle était tenue par un devoir de conseil et mise en garde eu égard à l'importance des sommes en jeu et à la qualité de non avertie de Mme [L] [Y], n'expose pas ce qui lui permettait de douter des capacités de cette dernière à s'occuper de la gestion du compte titres de ses parents.

Ainsi, s'il ne peut être reproché à la banque, entre la première demande de mise en 'uvre de l'ordonnance du juge des tutelles présentée par Mme [L] [Y] par mail du 16 juillet 2015 et le rendez-vous du 22 juillet 2015, de s'être montrée vigilante, son manque d'empressement est, par la suite, nettement fautif.

La décision du premier juge sera ainsi confirmée sur ce point.

Sur les demandes indemnitaires :

$gt; Sur le préjudice lié à la baisse de valeur des titres :

La banque soutient que le calcul du préjudice lié à la baisse des titres ne peut reposer sur la valorisation des titres au 22 juillet 2015, (date du premier ordre de vente), en comparaison avec la valorisation des titres le 2 mars 2016 (date de la vente) aux motifs que la cession de la totalité des titres n'aurait pas pu se réaliser en une journée, mais à minima sur 3 jours et que la période estivale, implique une baisse d'activité des marchés et des établissements bancaires.

Elle fait valoir que, selon l'article 1150 du code civil, le dommage réparable est limité à ce qui était prévu ou prévisible lors du contrat. Ainsi, le fait de calculer le montant des dommages et intérêts en tenant compte des fluctuations boursières rend le dommage réparable imprévisible. Elle affirme ainsi que lorsque la banque a manqué à son obligation envers son client dans le cadre d'une opération aléatoire, dite spéculative, la réparation ne peut être égale à la perte subie par le client.

Subsidiairement, elle reproche au premier juge de ne pas avoir déduit du préjudice le règlement des prélèvements sociaux relatifs à la clôture des PEA. Elle demande ainsi que la somme de 37 747,67 euros soit défalquée des sommes à verser à Mme [L] [Y] au titre de son préjudice.

Mme [L] [Y] sollicite la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a condamné la banque en paiement de la somme de 71 833,83 euros.

Il convient de rappeler que la banque, lorsqu'elle a reçu l'ordre de mise en vente des titres, se devait d'agir non pas comme si elle effectuait une opération à la demande de son client, mais en exécution de l'ordonnance du juge des tutelles. Les considérations sur le caractère aléatoire des opérations spéculatives sont donc à écarter.

Ayant eu confirmation de l'ordre de vente lors du rendez-vous du 22 juillet 2015, elle se devait donc d'y procéder le jour même, les délais de traitement de l'opération, qui ne sont pas de son fait et ne pouvant donc être constitutifs d'une faute, n'entrant pas en considération.

Le dommage a donc commencé le 22 juillet 2015 et s'est terminé lors du versement des sommes dues le 14 mars 2016. La banque, qui se perd dans des considérations qui ne concernent pas Mme [L] [Y], ne combat pas sérieusement les chiffres donnés par son adversaire sur la valeur du portefeuille de titres.

S'agissant de la déduction des sommes dues au titre des prélèvements sociaux, la cour d'appel constate que pour tout justificatif, la banque verse aux débats des relevés de compte de 2014 et 2015 faisant apparaître des retraits de sommes sous le vocable « retrait total » dont il ne peut se déduire qu'ils correspondent aux prélèvements sociaux revendiqués.

Elle produit, en voie d'appel, la copie d'une lettre simple en date du 18 décembre 2015 adressée, au notaire en charge de la succession de Mme [W] [Y], l'informant qu'elle ne peut donner suite à la demande de paiement d'une avance de 5 000 euros, le compte étant débiteur de la somme de 711,43 euros en raison des prélèvements sociaux suite à la clôture fiscale qui s'élève à 30 562,55 euros et des documents (pièce n° 32) également établis par elle, qui ne sauraient donc avoir valeur probante sur la réalité de la somme de 37 747,67 euros sollicitée.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné la banque à payer à Mme [L] [Y] la somme de 71833,83 euros au titre du préjudice subi pour la perte financière sur la valeur des titres.

$gt; Sur la perte des intérêts :

Mme [L] [Y] reproche à la décision dont appel de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de la perte des intérêts au motif qu'elle ne produisait pas une estimation suffissament précise sur la perte subie.

Elle considère en effet que la somme de 1 399 773,40 euros qui aurait dû être reçue au mois de juillet 2015 était destinée à être placée sur des produits financiers destinés à générer des intérêts au profit de sa mère. Elle produit donc en voie d'appel une étude réalisée par M. [V], le conseiller financier de la famille, qui démontre que les intérêts issus des placements qui auraient été réalisés si la banque avait exécuté les ordres de virement à compter du 1er août 2015, s'élèvent à la somme de 10116,23 euros par indivisaire.

La banque demande confirmation de la décision entreprise sur ce point.

La cour d'appel rappelle que par une jurisprudence constante, la Cour de cassation a tranché que le juge ne peut pas fonder sa décision uniquement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une des parties et non contradictoire et que toute décision contraire serait prise en violation de l'article 16 du Code de procédure civile. S'agissant d'un document qui ne saurait être considéré comme une expertise, le moyen sera rejeté de plus fort.

La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

$gt; Sur les frais de tenue de compte et le préjudice moral :

La banque demande réformation de la décision entreprise faisant valoir, pour les frais de tenue de compte, qu'il s'agit d'un préjudice matériel qui « ne peut être apprécié en justice dans sa globalité mais à travers la notion de perte de chance qui n'est jamais de 100 % » et, s'agissant du préjudice moral, que Mme [L] [Y] fait à ce titre une demande forfaitaire qui n'est assortie d'aucune justificatif.

Mme [L] [Y] demande confirmation de la décision qui lui a alloué la somme de 1 378,66 euros au titre des commissions de tenue de compte durant la période litigieuse et réformation de ladite décision sur l'indemnisation de son préjudice moral dont elle demande qu'elle soit portée à la somme de 10 000 euros.

S'agissant des frais de compte, la demande de paiement de la somme de 1 378,66 euros attribuée au vu des justificatifs précis versés aux débats par Mme [L] [Y], ne relève pas de la perte de chance mais bien d'un préjudice matériel au vu des sommes facturées par la banque au titre de commissions de tenue de comptes pendant la période litigieuse.

S'agissant du préjudice moral, Mme [L] [Y] ne verse pas plus d'élément devant la cour d'appel que devant le premier juge, justifiant d'une indemnisation à hauteur de 10 000 euros et permettant de contester la très juste évaluation faite par le premier juge des tracas et désagréments subis du fait de la faute de la banque, à la somme de 5 000 euros.

La décision sera donc confirmée sur ces points.

$gt; Sur l'indemnisation au titre de la procédure abusive :

Mme [L] [Y] considère que la banque qui a interjeté appel sans apporter de nouveaux arguments doit être condamnée sur le fondement de l'article 32-1 du code civil, à lui payer la somme de 10 000 euros.

Le droit d'agir en justice étant un droit fondamental, Mme [L] [Y], qui ne démontre pas que l'action menée par la banque a procédé d'un esprit de malice, d'une intention de nuire ou de mauvaise foi, doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires :

Succombant à l'action, la banque sera condamnée, en application de l'article 696 du Code de procédure civile, aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions telles qu'elles ont été déférées devant la cour d'appel,

DÉBOUTE Mme [L] [Y] de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive,

Y ajoutant :

CONDAMNE la SA Crédit Lyonnais à payer à Mme [L] [Y] la somme de sept mille euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE la SA Crédit Lyonnais aux entiers dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01500
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;20.01500 ?
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