COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00264 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P2RJ
O R D O N N A N C E N° 2023 - 265
du 22 Mai 2023
SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
ET
SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [O] [M]
né le 17 Février 1984 à [Localité 3] (TUNISIE)
de nationalité Tunisienne
retenu au centre de rétention de [Localité 6] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant et assisté par Maître Christelle BOURRET MENDEL, avocat commis d'office,
Appelant,
et en présence de M. [V] [K], interprète assermenté en langue arabe,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non représenté
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Philippe BRUEY conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Sophie SPINELLA, greffier,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 16 mai 2023 de Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de reetour de deux ans et ordonnant la rétention de Monsieur [O] [M], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu la décision de placement en rétention administrative du 16 mai 2023 de Monsieur [O] [M], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu la requête de Monsieur [O] [M] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 17 mai 2023 ;
Vu la requête de Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES en date du 17 mai 2023 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [O] [M] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;
Vu l'ordonnance du 18 Mai 2023 à 15h18 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a :
- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur [O] [M],
- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [O] [M] , pour une durée de vingt-huit jours à compter du 18 mai 2023 à 12h25,
Vu la déclaration d'appel faite le 19 Mai 2023, par Maître Christelle BOURRET MENDEL, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [O] [M], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour, à 14h,
Vu les télécopies adressées le 19 Mai 2023 à Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à l'intéressé et à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 22 Mai 2023 à 11 H 00,
Vu l'appel téléphonique du 19 Mai 2023 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 22 Mai 2023 à 11 H 00
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier
L'audience publique initialement fixée à 11 H 00 a commencé à 11h02.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Assisté de M. [V] [K], interprète, Monsieur [O] [M] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je suis né le 17 février 1984 à [Localité 3] en Tunisie. Je suis de nationalité tunisienne. Je suis en France depuis fin 2018. Quand j'ai été interpellé, j'allais passer le week-end à [Localité 2]. Cela fait 4 ans que je suis [Localité 4]. Je suis auto entrepreneur, je suis plombier, climatiseur. Je ne savais pas que c'était des faux papiers, j'ai payé quelqun qui m'a dit que c'était des vrais. Je gagne dans les 2000 euros par mois. Je suis célibataire. Je suis d'accord pour partir mais j'ai besoin d'un temps pour payer mes factures et récupérer mes affaires. '
L'avocat, Me [R] [J] [Z] développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant, de Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, demande la confirmation de l'ordonnance déférée et indique à l'audience : ' concernant l'article 78-2 alinéa 9, il permet de contrôler une personne de manière aléatoire sans constater d'infraction. L'arrêté de placement en rétention est justifié, Monsieur se promène avec de faux papiers, on ne peut pas croire qu'il va exécuter la mesure d'éloignement de lui-même.'
Assisté de M. [V] [K], interprète, Monsieur [O] [M] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je respecte la loi, c'est vous qui faites la décision. '
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 19 Mai 2023, à 14h, Maître Christelle BOURRET MENDEL, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [O] [M] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 18 Mai 2023 notifiée à 15h18, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
Sur la nullité de la procédure pénale
Il résulte des dispositions de l'alinéa 9 de l'article 78-2 du code de procédure pénale que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté et aux abords de ces gares, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, l'identité de toute personne peut être contrôlée, par les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1°, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi.
Ce contrôle ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas douze heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans lesdites zones ou lieux. La régularité des contrôles opérés sur le fondement de ce texte est indépendante des circonstances particulières tenant au comportement de l'intéressé.
L'avocate soutient que le contrôle de M. [O] [M] sur la base de ce texte est irrégulier, le procès-verbal d'interpellation ne faisant pas ressortir que le contrôle aurait été effectué pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontière.
Or, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, il est constant que le contrôle opéré par les policiers de la BCF de [Localité 5] le 15 mai 2023 à 12H10 en gare SNCF de [Localité 5], au visa de l'article 78-2 alinéa 9 du code de procédure pénale, est bien intervenu dans le cadre et selon les prévisions de ce texte. Il ressort, en effet, du procès-verbal de saisine du 15 mai 2023 à 12H10, que le contrôle est intervenu en gare de [Localité 5], au vu des instructions permanentes de la hiérarchie, au cours d'une patrouille mise en oeuvre de 11H30 à 12H30, en vue de vérifier, de manière non permanente et aléatoire, le respect de l'obligation de détention et de port des titres et documents prévus par la loi.
Dès lors que le texte fondant le dit contrôle est expressément visé, l'absence de reproduction au procès-verbal de la finalité du dit contrôle, à savoir la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, n'emporte pas par elle-même nullité de la procédure.
Le moyen sera rejeté.
Sur la nullité de l'arrêté de placement en rétention administrative
M. [O] [M] reproche au préfet, dans son arrêté, d'avoir indiqué à tort que Monsieur [M] ne justifiait pas d'un domicile stable et ce alors même qu'il avait communiqué son adresse dans ses auditions. Il ajoute que les services de police n'ont pas procédé à l'interrogatoire relatif à sa situation administrative. Il conclut que le préfet ne pouvait pas refuser d'assigner à résidence Monsieur [M] qui a donné son passeport aux services de police et qui dispose d'un logement. L'arrêté querellé est donc, selon lui, entaché d'une nullité certaine qui rend la présente procédure irrégulière.
D'abord, contrairement à ce que soutient M. [O] [M] , il a bien été interrogé sur sa situation personnelle durant sa garde à vue : il a déclaré être célibataire, sans enfant à charge et domicilié sur la commune de [Localité 4]. Il a ajouté travailler en tant qu'auto-entrepreneur en qualité de plombier. II a déclaré avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2015 et avoir été reconduit vers la Tunisie, son pays d'origine, la même année.
Par ailleurs, comme l'a indiqué à juste titre le premier juge, l'arrêté critiqué est motivée par l'absence de garanties de représentation effectives et le risque de fuite, dès lors que M. [O] [M] :
est revenu irrégulièrement en France après avoir exécuté une précédente décision d'éloignement de 2015,
utilise des documents belges contrefaits aux fins de se maintenir et de travailler illégalement sur le sol français (lors du contrôle du 15 mai 2023 par les services de police, l'intéressé a présenté une carte de séjour et un permis de conduire belges qui se sont avérés contrefaits).
Ces éléments établissaient l'absence de garanties effectives de représentation et justifiaient le placement en rétention décidé par le préfet L'autorité administrative a pu en conséquence légalement décider de placer l'intéressé en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence La contestation sera écartée.
SUR LE FOND
Sur la demande d'assignation à résidence
L'article L 743-13 du CESEDA':' «'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'»
En l'espèce, M. [O] [M] a fait le 16 mai 2023 l'objet d'un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français assorti d'une interdiction de retour de deux ans le 16 mai 2023.
Il a déclaré avoir obtenu le permis de conduire et la carte de séjour belge via un site internet et moyennant la somme de 2000 euros et aurait reçu ces documents par courrier en Italie qu'il serait allé chercher en 2019.
Si M. [O] [M] a remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie l'original du passeport et tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution, et s'il justifie d'une adresse à [Localité 4], il ne dispose de garanties de représentation effectives pour pouvoir bénéficier d'une assignation à résidence, en ce sens qu'il est revenu irrégulièrement en France après avoir exécuté une précédente décision d'éloignement de 2015 et a utilisé des documents belges contrefaits aux fins de se maintenir illégalement sur le sol français.
L'assignation à résidence ne peut en conséquence en l'état être ordonnée.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Rejetons les exceptions de nullité, moyens de nullité et la demande d'assignation à résidence,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 22 Mai 2023 à 11h19.
Le greffier, Le magistrat délégué