COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ORDONNANCE SUR REQUÊTE
N° RG 22/03107 - N° Portalis DBVK-V-B7G-POKN
APPELANTE :
S.A.S. FRANCOIS FONDEVILLE
[Adresse 7]
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représentée par Me Emily APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substiant Me Jean Philippe MENEAU, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A.S. FDI PROMOTION inscrite au RCS de [Localité 5] sous le N° B 392 452 470, Siret 392 452 470 00041, prise en la personne de son président en exercice domicilié ès qualités audit siège social sis
[Adresse 10]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de par Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTERVENANTS VOLONTAIRES
Me Hélène [B]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Emily APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substiant Me Jean philippe MENEAU, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Me Vincent [I]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Emily APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assisté de Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substiant Me Jean philippe MENEAU, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTERVENANTES FORCEES
S.A.R.L. THIERRY CLAIR ARCHITECTE
[Adresse 13]
[Adresse 3]
[Localité 14]
Représentée par Me Sophie ENSENAT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Julie ABEN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
S.A.R.L. BUREAU ALPES CONTROLES
[Adresse 4]
[Adresse 12]
[Localité 9]
Représentée par Me Sophie ENSENAT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Julie ABEN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Le VINGT DEUX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
Nous, Anne-Claire BOURDON, Conseillère, magistrat chargé de la mise en état, assistée de Audrey VALERO, greffière,
Vu les débats à l'audience sur incident du 5 AVRIL 2023, composée de Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère, magistrat chargé de la mise en état, assistée de Sylvie SABATON, greffière, à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 22 MAI 2023 ;
EXPOSE DU LITIGE :
La SAS FDI Promotion, maître d'ouvrage dans le cadre de la réalisation d'une opération de 46 logements et de parkings, situés à [Localité 14], a confié trois lots à la SAS François Fondeville pour un prix global et forfaitaire de 2 360 000 euros HT.
Une mission de maîtrise d''uvre complète a été confiée à la SARL Thierry Clair, cabinet d'architectes et une mission de contrôle technique a été confiée à la SAS Bureau Alpes Contrôles.
Par ordonnance en date du 18 juillet 2017, le président du tribunal de grande instance de Montpellier, statuant en référé, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire, dont le rapport a été déposé le 11 avril 2019.
Entre-temps, par jugement en date du 9 octobre 2018 du tribunal de commerce de Montpellier, la société Fondeville a été admise au bénéfice de la procédure de redressement judiciaire. La société FDI Promotion a déclaré une créance d'un montant de 968 662,42 euros.
Par ordonnance rendue le 7 décembre 2020, le juge-commissaire, constatant le caractère sérieux de la contestation élevée par la société Fondeville, a invité les parties à mieux se pourvoir.
Saisi par acte d'huissier en date du 11 janvier 2021 délivré par la société Fondeville, le tribunal de commerce de Montpellier a, par jugement du 16 mars 2022 :
« - Jugé que le projet de décompte final présenté par la SAS F. Fondeville ne présente pas un caractère définitif,
- Débouté la SAS F. Fondeville de sa demande financière de 2.160.019,08 euros TTC au titre du solde du marché de travaux,
- Débouté la SAS FDI Promotion de sa demande de 371.037,00 euros HT (445.244,40 euros) à la SAS F. Fondeville au titre des travaux liés à la fosse à hydrocarbure,
- Condamné la SAS F. Fondeville à régler à la SAS FDI Promotion la somme de 275.714,00 euros HT, soit 330.856,80 euros TTC au titre des travaux liés à la fosse à hydrocarbure,
- Condamné la SAS F. Fondeville à régler à la SAS FDI Promotion la somme de 228.180 euros TTC au titre des appels de fonds non encaissés du fait de la non mise à disposition des sous-sols,
- Débouté la SAS FDI Promotion de sa demande de 38.000 euros (45.696,00 euros TTC), au titre de la levée des réserves autres que celles objet de l'expertise judiciaire,
- Débouté la SAS FDI Promotion de sa demande à la SAS F. Fondeville à régler la somme de 38.010 euros TTC au titre de pénalités exigibles par ses clients,
- Condamné la SAS F. Fondeville à payer à la SAS FDI Promotion la somme de 51.036,48 euros TTC au 1er octobre 2018 sous réserve de réactualisation à compter du mois de janvier 2019 à hauteur de 2.610 euros par mois de retard supplémentaire, et à 1.383,30 euros TTC pour le parking Breillier, jusqu'à paiement de l'indemnité relative à la réparation des travaux de sous-sol,
- Condamné la SAS F. Fondeville à payer à la SAS FDI Promotion la somme de 3.846,47 euros sous réserve de réactualisation à compter du mois de janvier 2019, au titre des surprimes d'assurances (TRC, D0, CNR),
- Débouté la SAS FDI Promotion de sa demande à la SAS F. Fondeville la somme de 6.375,21 euros au titre du remboursement de frais engagés par le syndic de copropriété,
- Débouté la SAS FDI Promotion de sa demande à la SAS F. Fondeville de la somme de 7.290,36 euros TTC au titre des pertes de revenus locatifs de FDI HABITAT,
- Débouté la SAS FDI Promotion de sa demande de 141.600 euros pour retenue de garantie,
- Condamné la SAS F. Fondeville à verser à la SAS FDI Promotion la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné la société SAS F. Fondeville aux entiers dépens ('). »
La société F. Fondeville a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 10 juin 2022.
La SARL Thierry Clair architecte DPLG et la SAS Bureau Alpes Contrôles ont été assignées en intervention forcée devant la cour par actes d'huissier délivrés les 20 et 27 septembre 2022 par la société F. Fondeville, Mme [B] ès qualités et M. [I] ès qualités.
Par conclusions transmises et notifiées par voie électronique le 16 décembre 2022, la société Thierry Clair architecte et la société Bureau Alpes Contrôles sollicitent de voir :
'- vu l'article 914 et l'article 555 du code de procédure civile,
- juger que l'initiative procédurale de la SAS Fondeville, de Maître [Y] [B] et Maître [J] [I] à leur encontre apparaît parfaitement irrecevable, aucun élément nouveau ne permettant de stigmatiser une évolution du litige postérieur au jugement et autorisant les prétentions nouvellement soumises sans respect du double degré de juridiction,
- en conséquence, les débouter de leur assignation en intervention forcée telle que délivrée à la date du 20 septembre 2022,
- les condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.'
Elles font valoir qu'il n'existe aucun élément nouveau autorisant la privation du bénéfice du double degré de juridiction, la société F. Fondeville n'ignorant pas depuis l'origine qui sont les intervenants au chantier et quelles sont les responsabilités susceptibles d'être encourues eu égard au rapport d'expertise judiciaire, antérieur à la saisine du tribunal de commerce.
Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 20 janvier 2023, la société FDI Promotion demande au conseiller de la mise en état de :
'- vu l'article 555 du code de procédure civile (...),
- juger irrecevable et en toute hypothèse infondée l'assignation en intervention forcée délivrée par la société Fondeville à l'encontre des sociétés T. Clair et Bureau Alpes Contrôle en l'absence d'éléments nouveaux,
- juger que les éléments engageant la responsabilité des appelés en intervention forcée étaient connus par la société Fondeville au plus tard au jour du dépôt du rapport d'expertise le 18 avril 2019,
- Condamner la partie succombante à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure.'
Elle estime que la responsabilité des sociétés assignées en intervention forcée est connue par l'appelante depuis l'expertise judiciaire et au plus tard depuis le dépôt du rapport d'expertise le 18 avril 2019, répartissant la responsabilité à hauteur de 70 % pour l'appelante et de 30 % pour les intervenants forcés et qu'aucun élément nouveau n'est survenu depuis le jugement.
Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 4 avril 2023, la société F. Fondeville, Mme [B] ès qualités et M. [I] ès qualités sollicitent de voir :
« - Vu les articles 378, 555, 564 et 700 du code de procédure civile,
- A titre liminaire, rejeter la fin de non-recevoir comme excédant les pouvoirs du Conseiller de la mise en état et relevant de la compétence de la Cour,
- A titre principal, rejeter la fin de non-recevoir, tenant l'évolution du litige,
- A titre subsidiaire, ordonner d'office un sursis à statuer, dans l'attente du jugement à intervenir dans l'instance 22/00124 actuellement pendante devant le TJ de [Localité 5], dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice,
- En tout état de cause, condamner les sociétés T. Clair, architecte et Bureau Alpes Contrôles à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- Condamner la société FDI à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »
Ils considèrent que le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée, l'examen des demandes nouvelles relevant de la cour et l'appréciation de l'évolution du litige et du lien suffisant avec les prétentions des parties excédant ses pouvoirs. Ils soutiennent que l'évolution du litige est constituée en ce que la société F. Fondeville n'avait pas connaissance de l'existence d'autres contentieux, celle-ci n'ayant été attraite devant le tribunal judiciaire que deux jours avant le prononcé du jugement entrepris. Rappelant que le juge peut toujours surseoir à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, ils estiment que la société FDI Promotion est susceptible de percevoir deux fois la même somme, que la société F. Fondeville est pareillement susceptible d'être condamnée au moins en partie deux fois, outre le risque d'une appréciation différente entre la juridiction civile et la juridiction commerciale.
MOTIFS de la DÉCISION :
1- sur l'irrecevabilité des assignations en intervention forcée
Le conseiller de la mise en état est, désormais, compétent, par application combinée des articles 907 et 789 6 ° du code de procédure civile, dans leur version issue du décret n°2019-131 du 11 décembre 2019, pour statuer sur les fins de non-recevoir, sauf celles qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ou celles, qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge.
Cette compétence doit, toutefois, être appréhendée dans le respect des effets de l'appel et des règles de compétence définies par la loi, à savoir le pouvoir juridictionnel de la cour.
L'article 555 de ce code permet l'intervention de tiers en cause d'appel quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
L'évolution du litige, impliquant la mise en cause d'un tiers, devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieurement à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige.
Le conseiller de la mise en état est le juge de la procédure d'appel tandis que seule la cour est le juge de l'appel, dans le cadre duquel l'appréciation de la recevabilité de l'intervention forcée de tiers, tenant l'évolution, ou pas, du litige, est susceptible de modifier l'étendue de sa saisine.
A titre surabondant, l'examen des demandes nouvelles, tenant à l'intervention d'un tiers, relève de la compétence de la cour en ce qu'il se rattache à l'effet dévolutif de l'appel.
Il en résulte que la demande tendant à l'examen de la recevabilité des assignations en intervention forcée de la société Thierry Clair et de la société Bureau Alpes Contrôles est irrecevable devant le conseiller de la mise en état comme relevant de la cour.
2- sur le sursis à statuer
La présente cour est saisie de l'appel d'un jugement du tribunal de commerce de Montpellier, en date du 16 mars 2022, ayant lui-même été saisi par une assignation délivrée le 11 janvier 2021 par la société F. Fondeville à l'encontre de la société FDI Promotion, suite à l'ordonnance du juge-commissaire en date du 7 décembre 2020, l'ayant renvoyée à mieux se pourvoir eu égard à sa contestation de la créance du maître de l'ouvrage dans le cadre de la vérification des créances.
Le tribunal judiciaire de Montpellier est saisi depuis une assignation délivrée le 13 décembre 2021 par les sociétés FDI Promotion et FDI Habitat d'une action en responsabilité sur le fondement des articles 1103 et suivants du code civil à l'encontre des sociétés Thierry Clair architecte et Bureau Alpes Contrôles, maître d''uvre et contrôleur technique, ces derniers ayant attrait dans cette procédure, la société F. Fondeville par une assignation délivrée le 14 mars 2022 au titre d'un appel en garantie.
Les demandes de la société FDI Promotion à l'encontre de chaque locateur d'ouvrage sont fondées sur le même rapport d'expertise judiciaire au titre des responsabilités, des désordres et de leur indemnisation, celle-ci ayant, d'ailleurs, conclu devant le tribunal de commerce à une condamnation à son profit de la société F. Fondeville « in solidum » ; la solution du litige, pendant devant le tribunal judiciaire, devant lequel l'ensemble des parties à l'opération de construction semble présent, est, ainsi, de nature à avoir une incidence directe sur la solution du présent litige, de sorte qu'il paraît d'une bonne administration de la justice d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction civile.
3- Le sort des dépens et des demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera réservé.
PAR CES MOTIFS
Nous, conseiller de la mise en état, statuant publiquement, contradictoirement,
Déclarons irrecevable, comme relevant de la cour, la fin de non-recevoir, tirée de la recevabilité des assignations en intervention forcée en cause d'appel de la SARL Thierry Clair architecte DPLG et de la SAS Bureau Alpes Contrôles,
Ordonnons un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance pendante devant le tribunal judiciaire de Montpellier sous le numéro de répertoire général 22/00124, opposant la SAS François Fondeville, la SAS FDI Promotion, la SARL Thierry Clair architecte DPLG et la SAS Bureau Alpes Contrôles,
Disons que l'instance sera reprise à l'initiative de la partie la plus diligente sur la justification d'une décision passée en force de chose jugée entre lesdites parties,
Prononçons le retrait du rôle de la procédure,
Rappelons que cette ordonnance peut être déférée à la cour par requête transmise au greffe dans un délai de 15 jours ;
Réservons le sort des dépens et des demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le conseiller de la mise en état,