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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 16 MAI 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/03910 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBNE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 18 MAI 2021
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER
N° RG 19/06214
APPELANTE :
Société d'assurance mutuelle ASSURANCE MUTUELLE DES MOTARDS prise en la personne de on président directeur général
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Arnaud JULIEN, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Jana KRATKA, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Etablissement L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône qui élit domicile en ses bureaux
[Adresse 4]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Raymond ESCALE de la SCP VIAL- PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT- PIRET -JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 23 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 MARS 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère faisant fonction de président en remplacement du Président de chambre régulièrement empêché, et par Mme Audrey VALERO, greffier.
FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
La société d'assurance mutuelle Assurance Mutuelle des Motards (la mutuelle AMDM), dont le siège social est situé à [Localité 5], a fait l'objet en 2012 d'une vérification de comptabilité par la direction générale des finances publiques, direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), pour les années 2009 et 2010.
Par réclamation contentieuse formée le 22 décembre 2017, la mutuelle AMDM a demandé, notamment, la restitution de la taxe sur les conventions d'assurance versée au titre de la garantie Equipement du conducteur pour l'année 2015.
Par décision du 17 septembre 2019, la direction départementale des finances publiques du département de l'Hérault a rejeté la réclamation de la mutuelle AMDM, qui faisait valoir que la garantie Équipement du conducteur devait être assujettie au taux de 9 % prévu à l'article 1001-6° du code général des impôts et non au taux de 18 % prévu par le 5° du même article.
Saisi par acte d'huissier en date du 21 novembre 2019 par la mutuelle AMDM, le tribunal judiciaire de Montpellier a, par jugement du 18 mai 2021, rejeté la réclamation contentieuse formée le 22 décembre 2017 relativement au taux de la taxe applicable à la garantie Equipement du conducteur, fixé à 18 % et aux modalités de calcul de la rectification liée à la substitution du taux de 18 % au taux de 9 % et rejeté à ce titre par décision du 17 septembre 2019 et dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Par déclaration reçue le 17 juin 2021, la mutuelle AMDM a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 21 septembre 2022, de :
« -Vu notamment,
- En application des articles L 199 et suivants du livre des procédures fiscales,
- déclarer la société mutuelle des motards recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes (') et de :
- Infirmer le jugement ('), statuant à nouveau :
- Prononcer un dégrèvement de taxe sur les conventions d'assurances payés (') sur la garantie équipement du conducteur pour une somme de 396 816 euros,
- Prononcer l'exécution immédiate de l'arrêt à intervenir,
- En tout état de cause, condamner l'administration fiscale à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance, en application de l'article R 207-1 du Livre des procédures fiscales. »
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
- la garantie Equipements du conducteur (EC) est dissociable des garanties principales, relative à la responsabilité civile et aux garanties dommages matériels, visées au tarif de l'article 1001 5° bis du CGI (18 %),
- eu égard à ce caractère dissociable (consacré dans le principe par un arrêt Sauvegarde en date du 3 janvier 2006), cette garantie doit être taxée au tarif prévu par l'article 1001-6° du CGI (9 %),
- la garantie EC est dissociable par nature du risque couvert par la garantie principale responsabilité civile et des risques couverts par la garantie dommages matériels, les événements générateurs et les bénéficiaires étant distincts,
- les statistiques sur l'année 2009 confirment ce caractère dissociable ; la garantie EC survient sans la garantie RC (la garantie EC intervient 2 fois sur 3 sans la garantie RC) et la garantie EC est en revanche liée à la garantie dommages corporels,
- la garantie EC est une garantie corporelle, se trouvant dans le même chapitre dans les conditions générales, couvrant le même risque, ayant les mêmes événements générateurs, visant les mêmes personnes assurées et bénéficiaires,
- elle est également commercialisée avec la garantie corporelle,
- la réparation du préjudice corporel s'entend dans un sens large ; elle comprend l'adaptation du logement ou du véhicule ainsi que la prise en charge des frais divers tels que les vêtements,
- si le BOI TCAS ASSUR 30 10 30 ne mentionne que la garantie dommages corporels au titre de la taxation à 9 %, il lui est loisible de démontrer que la garantie EC relève de ce taux,
- la garantie EC ne requiert pas des équipements pour la conduite uniquement, mais pour renforcer la protection corporelle,
- selon la nomenclature Dintilhac, la réparation des préjudices matériels relatifs aux équipements du conducteur entre dans les réparations effectuées à l'occasion des dommages corporels,
- la garantie EC n'a pas pour objet la couverture d'un dommage relatif aux véhicules terrestres à moteur même si elle joue à l'occasion d'un tel sinistre,
- la mise en 'uvre de la garantie EC est dissociable puisqu'elle n'a pas pour objet de réparer des pertes liées aux véhicules assurés, le critère de l'accident de circulation est insuffisant pour démontrer le caractère indissociable entre la garantie EC et les garanties principales.
L'administration des finances publiques, agissant par le biais du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 5 juillet 2022 :
« - Confirmer le jugement (...) en ce qu'il a débouté la société Assurance Mutuelle des Motards de l'intégralité de ses demandes ;
- Débouter la société Assurance Mutuelle des Motards de l'ensemble de ses demandes (...) ;
- Condamner la société Assurance Mutuelle des Motards à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. »
Elle expose en substance que :
- le BOI TCAS ASSUR 30 10 30 indique que le taux de 18 %, prévu par l'article 1001'5° bis, s'applique à l'ensemble des garanties contenues dans un contrat d'assurance automobile, qui porte sur des risques indissociables par nature de ceux couverts par les garanties principales du contrat, à savoir dommages matériels et responsabilité civile,
- l'article 3.4 des conditions générales du contrat d'assurance multirisque moto/auto/scooter AMDM stipule la garantie d'un « remboursement de l'équipement endommagé lors d'un accident de la circulation avec le véhicule assuré » et précise que l'équipement garanti est constitué des effets vestimentaires de protection et du casque,
- cette garantie EC est donc une garantie accessoire de la garantie complémentaire protection du conducteur, elle ne peut être libérée qu'à l'occasion de la circulation et ne vise pas à couvrir un risque dissociable du risque « automobile »,
- elle s'inscrit dans les conditions d'assujettissement à la taxe de 18 %, à savoir les « risques de toute nature relatifs au véhicule terrestre à moteur »,
- l'exception doctrinale prévue par le BOI concernant la garantie dommages corporels subis par le conducteur, taxable à 9 %, ne peut être étendue à la garantie EC, à défaut d'être expressément prévue,
- la garantie EC selon les articles 3.3 et 3.4, a pour objet lors de la réalisation d'un risque accident relatif à un véhicule terrestre à moteur de couvrir les frais de remplacement des effets vestimentaires de protection ; elle couvre un risque qui a un rapport direct avec un véhicule terrestre à moteur,
- la garantie EC qui garantit un risque de toute nature relatif aux véhicules terrestres à moteur entre dans le champ d'application de l'article 1001-5° bis, elle ne peut jouer par nature qu'à l'occasion d'un sinistre mettant en cause un véhicule terrestre à moteur,
- la garantie EC n'est pas de même nature que la garantie dommages corporels, elle couvre un dommage matériel même si elle se rapporte l'assuré et non au véhicule.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 février 2023.
MOTIFS de la DÉCISION :
1- sur le taux de la taxe sur les conventions d'assurances applicable à la garantie Équipement du conducteur
La taxe sur les conventions d'assurances est régie par les dispositions des articles 991 à 1004 du code général des impôts.
Selon l'article 1001 de ce code, dans sa rédaction alors applicable, le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d'assurances est fixé (') à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur (5° bis) et à 9 % pour toutes autres assurances (6°).
Selon l'administration fiscale (BOI 7 I-1-84), les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur sont ceux afférents auxdits véhicules, qu'il s'agisse de la responsabilité encourue par le propriétaire ou l'utilisateur du véhicule ou des risques de dommages matériels dans le cadre d'une assurance obligatoire ou facultative.
Ainsi, relèvent des dispositions de l'article 1001 5° bis, les garanties qui portent sur des risques indissociables par nature de ceux couverts par les garanties principales du contrat, soit les garanties Dommage matériel et Responsabilité civile.
L'article 3.4 des conditions générales du contrat d'assurance multirisque moto/scooter/auto, proposé par la mutuelle, dispose que sont garantis, lors d'un accident de la circulation avec le véhicule assuré, les effets vestimentaires de protection du conducteur, comprenant les vêtements spécialement adaptés pour la pratique du deux-roues (bottes, combinaison, pantalon, blouson, gants et protection dorsale), ainsi que le casque et sa visière, conçus et homologués pour la pratique du deux-roues, la personne assurée étant tout conducteur désigné aux conditions particulières.
La doctrine de l'administration fiscale (BOI 7 I-1-84 ou BOI-TCAS-ASSUR-30-10-30-06/04/2016) retient, à titre d'exception, que la garantie Dommages corporels du conducteur bénéficie du taux de base réduit à 9 %. Il appartient à l'AMDM, l'article 1001 5°bis étant un texte instaurant un taux dérogatoire au taux commun, devant être interprété strictement, de démontrer que la garantie Equipement du conducteur est également susceptible de relever de ce taux réduit en établissant une absence de lien étroit avec le véhicule terrestre à moteur assuré.
La garantie Équipement du conducteur couvre les dommages causés aux équipements portés par le conducteur du véhicule assuré lors d'un accident de la circulation impliquant le véhicule assuré, que le conducteur soit le propriétaire ou pas du véhicule.
Elle est mobilisable à l'occasion d'un accident mettant en cause un véhicule terrestre à moteur dans lequel le conducteur subit des dommages matériels consécutifs à une détérioration de ses effets vestimentaires ou de son casque et sa visière, portés lors de l'accident et ne peut jouer lorsque les dommages proviennent d'un sinistre ayant une autre cause que celle résultant d'un accident de la circulation, notamment du vol de l'équipement ou de sa dépréciation.
La garantie Équipement du conducteur, qu'elle soit mise en 'uvre concomitamment à la garantie responsabilité civile ou la garantie dommages matériels ou de façon distincte de ces deux garanties, lorsque les dommages sont exclusivement subis par des tiers ou que le propriétaire du véhicule assuré n'est pas le conducteur, ne peut jouer qu'à l'occasion d'un accident de la circulation dans lequel le conducteur subit des dommages affectant son équipement.
Le fait que cette garantie soit mobilisée à 78 % lorsque la garantie Dommages corporels est mise en jeu (évaluation sur les années 2009 à 2016) ne suffit pas à la rattacher à une garantie corporelle, soumise aux dispositions de l'article 1001 6°du code général des impôts ; cette mise en 'uvre parallèle découle de la localisation des équipements, donnant lieu à garantie, situés au niveau de la tête, du buste, des jambes, des mains et des pieds, qui protègent, par essence, l'ensemble du corps de l'assuré.
Cette garantie, même si elle se rapporte à la personne de l'assuré, couvre des dommages matériels aux équipements énumérés par l'article 3.4.
La distinction entre les bénéficiaires de la garantie, les personnes assurées ou les évènements générateurs ressort du caractère accessoire de la garantie Equipements du conducteur à la garantie Protection du conducteur, qui, elle, complète la garantie principale Responsabilité civile.
Il en résulte que le risque de dégradation de l'équipement du conducteur, ayant pour fait générateur un accident de la circulation, entre nécessairement dans le cadre du 5° bis de l'article 1001 du code général des impôts, qui assujettit au taux de 18 % les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
2- sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Succombant sur son appel, l'AMDM sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Montpellier en date du 18 mai 2021,
Condamne la société d'assurance mutuelle Assurance Mutuelle des Motards à payer à l'administration des finances publiques, agissant par le biais du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société d'assurance mutuelle Assurance Mutuelle des Motards fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société d'assurance mutuelle Assurance Mutuelle des Motards aux dépens d'appel.
le greffier la conseillère faisant fonction de président,