COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00243 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P2JP
O R D O N N A N C E N° 2023 - 244
du 15 Mai 2023
SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [T] [V]
né le 15 Mars 1992 à [Localité 2]
de nationalité Algérienne
retenu au centre de rétention de [Localité 5] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant et assisté de Maître Julie SERRANO, avocat commis d'office,
Appelant,
et en présence de M. [W] [I], interprète assermenté en langue arabe,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DU VAR
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Monsieur [Y] [D], dûment habilité,
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Jonathan ROBERTSON conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Sophie SPINELLA, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'arrêté du 5 mai 2023 notifié de Monsieur LE PREFET DU VAR portant obligation de quitter le territoire national sans délai pris à l'encontre de Monsieur [T] [V].
Vu la décision de placement en rétention administrative du 05 mai 2023 de Monsieur [T] [V], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Vu l'ordonnance du 12 Mai 2023 à 11h03 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.
Vu la déclaration d'appel faite le 12 Mai 2023 par Monsieur [T] [V], du centre de rétention administrative de [Localité 5], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 16h48.
Vu les télécopies et courriels adressés le 12 Mai 2023 à Monsieur LE PREFET DU VAR, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 15 Mai 2023 à 14 H 30.
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.
L'audience publique initialement fixée à 14 H 30 a commencé à 14h59.
PRETENTIONS DES PARTIES
Assisté de M. [W] [I], interprète, Monsieur [T] [V] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je suis né le 15 Mars 1992 à [Localité 2]. J'ai fait appel pour avoir une chance d'être libéré et quitter le territoire français de moi-même. Je suis coiffeur, je travaille au black. J'habite à [Localité 4]. C'est une sous location, je paye un loyer. C'est un locataire qui m'a sous loué, son prénom c'est [T]. Les factures d'eau et d'électricité sont à son nom. J'ai une cousine en France. Je n'ai pas de passeport. '
L'avocat Me Julie SERRANO développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger. Maitre SERRANO abandonne le moyen tenant à l'absence de délégation de signature.
Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DU VAR demande la confirmation de l'ordonnance déférée. Il indique à l'audience : ' La délégation de signature est présente au dossier. Le CESEDA n'exige pas un document relatif à la vulnérabilité, seulement la prise en compte de cet état, il a déclaré qu'il n'avait pas de problème de santé.'
Assisté de M. [W] [I], interprète, Monsieur [T] [V] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' J'ai été suivi médicalement en prison pour des problèmes d'addiction. Quand je suis sorti de prison, je n'ai pas menti sur mon état de vulnérabilité. On m'a donné un livret pour aller à l'hôpital européen pour suivre des soins. Je suis allé en prison car je vendais des cigarettes et des médicaments. Je suis un travailleur, J'étais exploité quand je travaillais, mais en fait on me payait pas. Je suis un homme gentil, je n'ai jamais fait de conneries de drogue. '
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 12 Mai 2023, à 16h48, Monsieur [T] [V] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 12 Mai 2023 notifiée à 11h03, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
Monsieur [T] [V] soutient, dans sa déclaration d'appel, que la requête du préfet est irrecevable aux motifs qu'il appartient au juge judiciaire, même d'office, de vérifier la compétence du signataire de la requête de prolongation et qu'en outre ne figure pas au dossier la grille de vulnérabilité de l'intéressé qui constitue pourtant une pièce utile au sens de l'article R.743-2 CESEDA.
A l'audience Monsieur [T] [V] abandonne son premier moyen, la délégation de signature figurant au demeurant au dossier de la procédure. S'agissant de la vulnérabilité, si elle doit être prise en compte par l'autorité administrative, il reste que la grille invoquée par l'appelant ne constitue pas une pièce utile au sens de l'article R.743-2 CESEDA. Au demeurant, au-delà des problèmes d'addiction dont a fait part Monsieur [T] [V] à l'audience, aucun élément des débats ne souligne une quelconque vulnérabilité de l'intéressé.
Les moyens seront rejetés.
SUR LE FOND
L'article L742-3 du ceseda : 'Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-huit jours à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L. 741-1.'
En application des dispositions de l'article L612-2 du ceseda: 'Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :
1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;
2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;
3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.'
Et selon l'article L 612-3 du ceseda: 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'
L'article L 743-13 du CESEDA dispose':' «'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'»
En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure dès lors que, ainsi que le premier juge l'a relevé de manière pertinente, Monsieur [T] [V] ne justifie d'aucun domicile fixe sur le territoire national, qu'il ne possède pas de passeport en cours de validité, et qu'il a déjà fait l'objet de deux précédentes OQTF en novembre 2020 et janvier 2022 qu'il n'a pas respectées.
L'assignation à résidence ne peut en conséquence en l'état être ordonnée.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Rejetons les moyens de nullité et la demande d'assignation à résidence,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 15 Mai 2023 à 15h24
Le greffier, Le magistrat délégué,