COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00242 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P2JJ
O R D O N N A N C E N° 2023 - 243
du 15 Mai 2023
SUR SECONDE PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [C] [W]
né le 06 Juin 2001 à [Localité 4]
de nationalité Tunisienne
retenu au centre de rétention de [Localité 3] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant et assisté de Maître Alain BADUEL, avocat choisi,
Appelant,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur PREFET DU VAUCLUSE
[Localité 1]
Non représenté
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Jonathan ROBERTSON conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Sophie SPINELLA, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'arrêté du 12 avril 2023 de Monsieur PREFET DU VAUCLUSE qui a fait obligation à Monsieur [C] [W], de quitter le territoire français et a ordonné sa rétention administrative pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Vu la décision de placement en rétention administrative du 12 avril 2023 de Monsieur [C] [W], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Vu l'ordonnance du 14 avril 2023 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours,
Vu la saisine de Monsieur PREFET DU VAUCLUSE en date du 11 mai 2023 pour obtenir une seconde prolongation de la rétention de cet étranger,
Vu l'ordonnance du 11 mai 2023 à 16h00 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,
Vu la déclaration d'appel faite le 12 Mai 2023 par Monsieur [C] [W] , du centre de rétention administrative de [Localité 3], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 14h49,
Vu les télécopies et courriels adressés le 12 Mai 2023 à Monsieur PREFET DU VAUCLUSE, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 15 Mai 2023 à 11 H 00,
Vu l'appel téléphonique du 12 Mai 2023 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 15 Mai 2023 à 11 H 00 .
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.
L'audience publique initialement fixée à 11 H 00 a commencé à 11h39.
PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [C] [W] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je suis né le 06 janvier 2001 et non en juin. J'ai fait appel pour sortir, j'ai un travail, je travaille dans la restauration. Ma situation administrative est bloquée depuis 2020, on m'a confisqué mon passeport au centre de rétention à [Localité 2]. J'ai mon oncle, ma tante et ma cousine en France. J'ai respecté mon pointage lors de l'assignation à résidence mais quand l'officier m'a dit que c'était fini, j'ai arrêté d'y aller. '
L'avocat, Me Alain BADUEL développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant, de Monsieur PREFET DU VAUCLUSE, demande la confirmation de l'ordonnance déférée et indique à l'audience : ' le non respect de l'accord franco tunisien par les autorités tunisiennes ne rentrent pas dans les prescriptions de la loi française. On a un arrêt de la Cour de cassation qui dit que l'administration n'a pas à relancer un pays souverain sur lequel il n'y a pas de pouvoir coercition.'
Monsieur [C] [W] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je suis venu en France pour avoir une meilleure vie, une meilleure scolarité. Je me suis toujours adapté. J'ai fait une erreur en 2021, un accident de voiture sans permis et une voiture volée. '
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 12 Mai 2023, à 14h49, Monsieur [C] [W] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 11 Mai 2023 notifiée à 16h00, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
Monsieur [W] soutient que la procédure est irrégulière aux motifs que l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008 n'a pas été respecté, la Tunisie ne lui ayant pas délivré de laisser-passer dans les 48 heures de son audition.
Toutefois, comme l'a pertinemment relevé le premier juge, il ne saurait être reproché à l'administration française l'absence de délivrance d'un document qui relève de la seule responsabilité et souveraineté des autorités tunisiennes.
Au demeurant, comme le souligne le représentant du préfet à l'audience, l'administration n'a pas de pouvoir de coercition à l'encontre d'un état souverain : aussi ne peut-on lui reprocher de ne pas avoir relancé les autorités tunisiennes, déjà avisées de la situation de M. [W].
Le moyen de nullité sera donc rejeté.
SUR LE FOND
Selon l'article L742-4 du CESEDA': «'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'»
En application des dispositions de l'article L612-2 du CESEDA: 'Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :
1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;
2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;
3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.'
Et selon l'article L 612-3 du ceseda: 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'
En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure dès lors qu'il a déjà fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français et qu'il n'a pas respecté l'arrêté en date du 25 avril 2022 du préfet des Bouches du Rhône l'ayant assigné à résidence.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Rejetons le moyen de nullité,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 15 Mai 2023 à 11h52.
Le greffier, Le magistrat délégué,