La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2023 | FRANCE | N°20/04874

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 27 avril 2023, 20/04874


Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRÊT DU 27 AVRIL 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04874 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OXW2



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 OCTOBRE 2020 Tribunal judiciaire de Béziers

N° RG 16/02438





APPELANT :



Monsieur [C] [D]

n

é le 05 Octobre 1960 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Olivier MENUT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant





INTIMEES :



SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc Immatric...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04874 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OXW2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 OCTOBRE 2020 Tribunal judiciaire de Béziers

N° RG 16/02438

APPELANT :

Monsieur [C] [D]

né le 05 Octobre 1960 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Olivier MENUT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

INTIMEES :

SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc Immatriculée au RCS de Montpellier sous le n°492 826 417, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège social Mme [O] [U]

Réf. : 568692

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie Pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, ayant plaidé pour Me Franck RIGAUD, avocat au barreau de BEZIERS

S.A. CNP Assurances - Société Anonyme au capital de 686.618.477,00 euros entièrement libéré, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro B 341 737 062, dont le Siège Social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit Siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Paolo DIAZ substituant Me Emmanuel LE COZ, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 mars 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

lors de la mise à disposition : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, prévu le 20 avril 2023 et prorogé au 27 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suivant offre du 9 juin 2008 acceptée le 23 juin 2008, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc (la CRCAM, ci-après) a consenti à M. [D] un prêt de 142.197,26 € remboursable en 360 mensualités, au taux nominal de 5,4 % l'an et au taux effectif global de 6,063 %, destiné à financer intégralement l'acquisition d'une maison à usage d'habitation, à savoir la résidence principale de l'emprunteur.

L'offre comportait une garantie décès-invalidité garantissant 100% de l'emprunt proposée dans le cadre d'une assurance groupe souscrite par la banque auprès de la CNP Assurances.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 10 juillet 2008, l'assureur a informé l'emprunteur de l'acceptation de sa demande d'adhésion pour les risques suivants :

- décès,

- perte totale et irréversible d'autonomie (PTIA) uniquement si elle résulte d'un accident,

- incapacité temporaire totale uniquement si elle résulte d'un accident.

L'amortissement a démarré le 23 juillet 2008 et les échéances ont été payées selon les modalités convenues.

M. [D] a maheureusement été victime d'une affection d'origine inconnue qui lui a fait perdre la vue, et qui a conduit le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier à lui accorder, le 16 décembre 2015, le bénéfice d'une pension d'invalidité de catégorie III accordée aux personnes 'invalides qui, étant absolument incapables d'exercer une profession, sont en outre, dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie'.

Au regard de la dégradation de son état de santé et estimant qu'elle caractérisait une PTIA au sens du contrat d'assurance groupe auquel il avait adhéré dans le cadre de son contrat de prêt, l'emprunteur a présenté une demande de prise en charge des échéances de son prêt mais, le 1er décembre 2015, il a été informé du refus de garantie de la CNP au regard de la clause excluant les situations ayant une origine autre qu'accidentelle.

C'est dans ce contexte que, par actes des 19 août et 12 septembre 2016, M. [D] a fait assigner la CRCAM et la CNP pour demander à ce que la clause excluant l'indemnisation de la PTIA dans les situations autres qu'accidentelles lui soit déclarée inopposable et obtenir ainsi la garantie de l'assureur à concurrence d'une somme de 239.378,09 € représentant 287 échéances restant à courir. Il réclamait, à titre subsidiaire, l'indemnisation de son préjudice à concurrence de la même somme par la CRCAM en invoquant un manquement à ses obligations de prêteur et de mandataire dans le cadre de la souscription du contrat d'assurance.

Vu le jugement du 15 octobre 2020 par lequel, après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par la CRCAM, le tribunal judiciaire de Béziers a débouté M. [D] de l'ensemble de ses prétentions, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et l'a condamné aux entiers dépens,

Vu la déclaration d'appel de M. [D] en date du 4 novembre 2020 et l'appel incident de la CRCAM par le biais de ces uniques conclusions du 11 mars 2021,

Vu ses dernières conclusions, transmises le 5 octobre 2022, par lesquelles il demande à la cour d'infirmer le jugement - sauf sur le rejet de la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action l'encontre de la CRCAM - et, en substance, de :

- déclarer réputée non écrite et inopposable la clause ayant pour effet d'exclure l'indemnisation de la PTIA résultant d'une cause autre qu'accidentelle et condamner la CNP à garantir et payer la somme de 239.378,09 € représentant les 287 échéances restant à courir jusqu'à complet remboursement du prêt,

- à défaut, condamner la CNP au paiement de la même somme à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information et de conseil,

- subsidiairement, condamner la CRCAM à lui payer la même somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte intégrale de chance de ne pas avoir à supporter le remboursement du prêt depuis sa perte totale et irréversible d'autonomie, en raison du manquement de cette dernière à ses obligations de prêteur et de mandataire dans la souscription du contrat d'assurance faute de l'avoir éclairé sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle,

- condamner le défendeur succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les uniques conclusions prises pour le compte de la CRCAM le 11 mars 2021, aux fins de voir :

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité engagée par M. [D] à son encontre et déclarer cette action prescrite,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'emprunteur de ses demandes à son égard,

- à titre infiniment subsidiaire, débouter M. [D] de sa demande indemnitaire,

- condamnerl'appelant à lui payer la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Vu les dernières conclusions pour la CNP Assurances, en date du 7 février 2023, aux fins de confirmation du jugement entrepris, à défaut de limitation de la prise en charge du sinistre aux termes contractuels et au profit de l'organisme prêteur, qui est bénéficiaire du contrat en cause et, en tout état de cause, de condamnation de M. [D] à lui payer la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 8 février 2023,

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la prescription de l'action à l'encontre de la banque :

Le tribunal judiciaire de Béziers a estimé que l'action indemnitaire de M. [D] à l'encontre de la CRCAM n'était pas prescrite, cela après avoir rappelé les dispositions de l'article L.110-4 du code de commerce ainsi que la règle jurisprudentielle selon laquelle la prescription de l'action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu connaissance précédemment, et retenu qu'en l'espèce, 'le point de départ de la prescription (devait) alors être fixé à la date du refus de garantie par la CNP, soit le 1er décembre 2016".

M. [D] qui est appelant, limite sa demande d'infirmation aux autres dispositions du jugement et demande à la cour de confirmer le jugement sur ce point.

Or, la CRCAM - qui forme appel incident sur ce point - objecte à juste titre que le point de départ de la prescription quinquennale également visée à l'article 2224 du code civil s'agissant des actions personnelles et mobilières est celui du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et qu'en l'occurrence, M. [D] avait connaissance de l'étendue - et des limites - de la garantie offerte par la CNP le jour où il en avait été informé, à savoir le 10 juillet 2008, ce qui ne l'avait pas empêché d'adhérer au contrat d'assurance groupe souscrit par CRCAM dans le cadre de la garantie qui lui était ainsi offerte.

Par suite, la cour infirmera le jugement sur ce point et déclarera irrecevable car prescrite l'action en responsabilité engagée par l'emprunteur à l'encontre de la banque.

Sur la garantie de l'assureur :

Après avoir également rappelé les stipulations de l'article L.113-1 du code des assurances invoqué par M. [D] au soutien de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable la limitation de garantie offerte par la CNP et l'exclusion qui s'en infère, le tribunal judiciaire de Béziers a retenu que la clause litigieuse stipulant que la garantie des préjudices corporels résultera de l'existence d'une cause accidentelle constitue non une exclusion de garantie mais une condition de celle-ci, de sorte qu'elle n'est pas soumise aux exigences de l'article L.113-1 susvisé.

L'assuré réitère sa demande tendant à voir réputée non écrite et inopposable la clause litigieuse, en faisant valoir qu'ayant une portée générale, elle a pour effet de vider le contrat de sa substance : en effet, ce dernier ne couvre pas les pertes totales et irréversibles d'autonomie trouvant leur cause dans la maladie alors même que, compte tenu de son âge et de la durée du prêt, il s'agit du principal risque auquel il était exposé.

C'est méconnaître la distinction faite par la Cour de cassation aux termes d'une jurisprudence constante, entre les clauses d'exclusion de garantie et celles qui ont pour objet d'en déterminer les conditions. Ainsi, une clause qui comme en l'espère vient limiter la garantie aux seuls dommages consécutifs à un accident stipule seulement une condition de la garantie, et non une exclusion. Elle n'est donc pas soumise à la condition posée par l'article L.113-1 du code des assurances, que la clause soit formelle et limitée.

M. [D] fait également valoir qu'il souffre d'une affection d'origine inconnue et qu'il n'est pas établi que celle-ci n'est pas d'origine accidentelle et il estime qu'il incombe à l'assureur de rapporter la preuve que cette affection n'est pas d'origine accidentelle pour être autorisé à refuser la prise en charge.

L'appelant opère cependant ainsi un reversement de la charge de la preuve : dès lorsque la limitation de la garantie aux sinistres d'origine accidentelle est entrée dans le champ contractuel, il lui incombe d'établir qu'il remplit les conditions posées pour bénéficier de la garantie qu'il revendique et, par conséquent, d'établir qu'il souffre d'une affection d'origine accidentelle.

A défaut, le jugement mérite d'être confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de garantie de la part de la CNP.

Sur le manquement de l'assureur à ses obligations :

A titre subsidiaire, M. [D] fait valoir que la CNP a manqué à son obligation faute de l'avoir éclairé sur l'adéquation des risques couverts par les stipulations du contrat d'assurance, fussent-elles claires et précises, à sa situation personnelle. Il estime que le manquement de l'assureur à son devoir d'information et de conseil l'a conduit à souscrire, une garantie inefficace et non-conforme à ses besoins tels qu'imposés par le contrat de prêt.

La CNP objecte cependant à juste titre que l'intéressé a adhéré en toute connaissance de cause au contrat d'assurance groupe conclu entre l'assureur et la banque, que c'était à cette dernière qu'il incombait d'effectuer le recensement des besoins de l'emprunteur et de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle. En revanche, il ne lui appartenait pas en tant qu'assureur de procéder à une telle vérification, alors surtout qu'il n'était pas en relation directe avec l'adhérent.

Il a en effet été jugé, en matière d'assurance de groupe, qu'il appartient seulement à l'assureur d'établir une notice d'information claire et précise sur les caractéristiques, et notamment, la durée de la garantie couvrant les risques pouvant affecter la capacité de l'emprunteur à rembourser le prêt consenti par un établissement de crédit, mais qu'il n'est en revanche pas tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle, cette obligation incombant au seul établissement dispensateur du crédit ayant souscrit le contrat d'assurance auquel il lui propose d'adhérer (Cass. com., 1er décembre 2015, n°14-22.134, Bull. 2015, IV, n°164).

En l'état de l'information donnée à l'assuré le 10 juillet 2010 par la CNP, M. [D] n'est pas fondé à lui reprocher un manquement à ses obligations contractuelles et doit être débouté de sa dernière demande indemnitaire.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [D] supportera les dépens d'appel.

En revanche, l'équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf sur la prescription de l'action à l'encontre de la banque ;

Statuant à nouveau de ce seul chef, et y ajoutant,

Déclare irrecevable car prescrite l'action engagée par M. [D] à l'encontre de la CRCAM ;

Déboute M. [D] de sa demande indemnitaire à l'encontre de la CNP Assurances ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/04874
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;20.04874 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award