Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 18 AVRIL 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/04086 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PBYG
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du 14 JUIN 2021
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CARCASSONNE
N° RG 15/01262
APPELANT :
Monsieur [W] [D] en qualité de gérant ET ancien dirigeant de la SCI LES MERLETTES
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 4]
de nationalité Française
Dalnamein Lodge Calvine Pertshire
PH 18 SUL ECOSSE
Représenté par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représenté par Me Bénédicte DE GAUDRIC, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, avocat plaidant
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/009825 du 28/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEES :
SELARL [M] [P] représentée par Me [M] [P] es-qualités de liquidateur de la SCI LES MERLETTES,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE (anciennement HSBC FRANCE) prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me David SARDA de la SELARL SAINTE-CLUQUE - SARDA - LAURENS, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant
Représentée par Me Katell THOUEMENT, avocat au barreau de GRENOBLE substituant Me Xavier DELACHENAL, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 31 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 FEVRIER 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre chargé du rapport et Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Mme Audrey VALERO, Greffière.
*
* *
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
La SCI Les Merlettes dont le gérant était [W] [D] avait pour activité la location de terrains et de biens immobiliers.
Par acte notarié du 31 octobre 2001, le Crédit commercial de France a consenti à la SCI Les Merlettes un prêt d'un montant de 457 347,05 euros à 6% sur 15 ans, remboursable par mensualités de 3941,38 euros, destiné à financer l'acquisition auprès du groupement foncier agricole des Rougeats d'une maison d'habitation avec bâtiment d'exploitation, cour, dépendance, jardin et potager située à Montirat (Aude).
M. [D] s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt en garantie duquel le Crédit commercial de France a également fait inscrire au bureau des hypothèques son privilège de préteur de deniers sur le bien vendu pour sûreté d'une créance de 503 081,76 euros ; le groupement foncier rural des Rougeats, dont M. [D] était également le gérant, s'est, par ailleurs, constitué caution hypothécaire de la SCI Les Merlettes vis-à-vis de la banque affectant à cette garantie diverses parcelles à usage de vigne, terre, bois et landes situées sur les communes de Montirat, Trèbes et Fonties d'Aude pour un montant global de 503 081,76 euros.
La SCI les Merlettes a été défaillante dans le remboursement du prêt et le Crédit commercial de France lui a notifié, le 30 juin 2003, la déchéance du terme, réclamant le paiement d'une somme de 468 894,01 euros au titre du solde du compte courant (28 025,37 euros), de quatre échéances impayées sur le prêt (17 762,44 euros) et du capital restant dû (425 106,20 euros).
Le 8 septembre 2009, le tribunal de grande instance de Carcassonne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard tant de la SCI Les Merlettes que du GFR des Rougeats, procédure convertie ultérieurement, le 8 décembre 2009, en liquidation judiciaire, Mme [P], désignée initialement comme mandataire judiciaire, devenant liquidateur.
Par jugement en date du 4 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Grenoble, que la SA HSBC France venant aux droits du Crédit commercial de France avait saisi antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, a notamment évalué la créance de la banque sur la SCI Les Merlettes à la somme de 39 957,63 euros au titre du solde débiteur du compte-courant et à la somme de 524 425,16 euros au titre du prêt immobilier, outre intérêts au taux de 6% à compter du 8 septembre 2009.
Par deux ordonnances du 4 juillet 2013, rectifiées par ordonnances des 10 et 16 août 2013, le juge commissaire en charge des deux procédures collectives a autorisé la vente de gré à gré à la SAFER du Languedoc-Roussillon, pour son compte ou après substitution pour le compte de son attributaire, des biens immobiliers de la SCI Les Merlettes, moyennant le prix de 500 000 euros, et des biens immobiliers du GFR des Rougeats, moyennant le prix de 250 000 euros.
Ces ordonnances ont été contestées par M. et Mme [D] agissant à titre personnel et en qualité d'anciens dirigeants de la SCI Les Merlettes et du GFR des Rougeats.
Statuant après cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Montpellier (2ème chambre) du 3 mai 2016, la cour d'appel de Nîmes (4ème chambre commerciale) a notamment, par un arrêt du 8 septembre 2018, après avoir déclaré l'appel de Mme [D] irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, a débouté M. [D] de sa demande d'annulation des ordonnances du 4 juillet 2013 et de celles des 10 et 16 août 2013, a débouté le même de sa demande de caducité des ordonnances des 4 juillet 2013 rectifiées les 10 et 16 août 2013, a confirmé les ordonnances déférées et a dit que la vente des actifs immobiliers des deux sociétés débitrices à la communauté d'agglomération Carcassonne Agglo, substituée à la SAFER, est parfaite.
Entre-temps, par jugement du 25 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Carcassonne a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire de la SCI Les Merlettes, mais par un nouveau jugement du 22 septembre 2015, le même tribunal a ordonné la reprise des opérations de liquidation à l'égard de la SCI, la Selarl [M] [P] étant alors désignée en qualité de liquidateur.
La société HSBC France a, par lettre de son conseil du 27 septembre 2018, demandé au liquidateur le règlement provisionnel après déduction des frais de 453 489,10 euros, règlement offert dans un précédent courrier du liquidateur en date du 5 mars 2014.
Par lettre du 9 novembre 2020, la Selarl [M] [P] a proposé au conseil de la banque le règlement d'une somme de 441 487,51 euros correspondant à la différence entre le prix de vente des biens immobiliers de la SCI Les Merlettes augmenté des intérêts (524 425,16 euros) et le montant des divers frais exposés (63 944,58 euros).
Statuant sur la requête, dont la société HSBC France avait saisi le juge-commissaire le 4 novembre 2020, celui-ci a, par ordonnance du 14 juin 2021:
- déclaré M. [D] irrecevable en son action engagée à titre personnel,
- débouté en conséquence les parties de l'ensemble de leurs demandes formées en sa faveur ou à son encontre en cette qualité,
- débouté M. [D], pris en sa qualité de gérant ou ancien dirigeant de la SCI Les Merlettes, de l'ensemble de ses demandes,
- ordonné le paiement provisionnel à la société HSBC continental Europe, anciennement dénommée HSBC France, de la somme de 441 487,51 euros à parfaire par les intérêts servis au titre des années 2020 et 2021 et sous déduction des éventuels nouveaux frais devant être pris en compte à intervenir,
- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples, autres ou contraires,
- dit que les dépens passeront en frais privilégiés de procédure collective.
M [D] a régulièrement relevé appel, le 24 juin 2021, de cette ordonnance en sa qualité de gérant et ancien dirigeant de la SCI Les Merlettes.
Il demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées le 24 janvier 2023 via le RPVA, de :
Vu les articles L. 622-22, L. 625-3, L. 110-4, R. 624-11 du code de commerce, les articles 760 et suivants et 386 et suivants du code de procédure civile, les articles 1382 et suivants anciens du code civil, à titre subsidiaire 1240 et suivants du même code,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et moyens de Me [P] ès qualités de liquidateur judiciaire ou tout mandataire ès qualités la substituant de la SCI Les Merlettes et de la banque HSBC Continental Europe,
- le juger recevable et bien-fondé tant à titre personnel qu'en sa qualité de gérant de la SCI Les Merlettes, en ses demandes, fins et moyens qu'elles comportent,
- infirmer l'ordonnance du juge commissaire du 14 juin 2021 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
In limine litis,
- prononcer la nullité de l'ordonnance, le juge commissaire ayant excédé son pouvoir juridictionnel et renvoyer la présente affaire devant le tribunal judiciaire de Carcassonne pour l'examen de l'admission de créance ou non de la société HSBC Continental Europe,
A défaut,
- juger irrecevable l'action de la banque devant le juge commissaire, celle-ci étant forclose et prescrite,
- juger prescrite, forclose et frappée de péremption l'action de la société HSBC Continental Europe faute de créance inscrite à titre définitif au passif sur l'état des créances de la société Les Merlettes,
A défaut,
- juger irrecevable l'action et la demande de la société HSBC France faute de qualité et d'intérêt à agir,
- juger que la société HSBC Continental Europe ne justifie pas venir aux droits du CCF ni qu'elle détient onze ans plus tard encore une créance comptable en ses livres et qu'elle ne dispose d'aucune créance admise au passif de la SCI Les Merlettes représentée par Me [P] ès qualités, ne disposant au surplus d'aucune ordonnance d'admission de créance au passif de cette société et n'ayant pas déclaré sa créance dans le cadre de la seconde procédure collective ouverte le 22 septembre 2015, ni dans le cadre de la reprise d'instance ayant donné lieu au jugement du 4 novembre 2010, ni à la suite de celui-ci et n'ayant pas justifié auprès du tribunal de Grenoble lors de la reprise d'instance de sa déclaration de créance,
- juger que le juge n'a pas la capacité de modifier les obligations et parties d'une décision de justice et que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grenoble le 4 novembre 2010 n'est pas opposable à la procédure collective de la SCI Les Merlettes représentée par Me [P] ès qualités de liquidateur judiciaire,
- juger que le jugement même s'il était décidé qu'il fixe une créance ne constitue pas un titre exécutoire,
A défaut,
- juger le commandement de payer valant saisie immobilière du 21 août 2009 frappé de péremption et de caducité,
- juger que la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière du 21 août 2009 a privé rétroactivement de tous ses effets tous les actes de procédure de saisie qu'il engage, (y compris donc le jugement du 4 novembre 2010),
- rejeter la demande d'homologation de répartition présentée par Me [P] ès qualités représentant la SCI Les Merlettes et le renvoyer à présenter une nouvelle répartition suivant les termes de l'arrêt à intervenir sous un mois à compter de la notification de l'ordonnance,
- rejeter la demande d'attribution de la somme de 39 957,63 euros à titre chirographaire avec intérêts et de la somme de 524 425,16 euros que ce soit à titre hypothécaire ou chirographaire avec intérêts présentée par la société HSBC Continental Europe,
- condamner la société HSBC Continental Europe et Me [P] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Merlettes à lui payer chacun la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral,
- condamner la société HSBC Continental Europe et Me [P] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Merlettes à lui payer chacun la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :
- la requête de la banque était irrecevable puisque le juge commissaire était incompétent pour en connaitre, la demande de répartition excédant son pouvoir juridictionnel,
- il est recevable à agir à titre personnel, étant solidaire des dettes de la SCI Les Merlettes,
- la société HSBC Continental Europe est irrecevable à agir faute de qualité, n'ayant pas justifié venir aux droits du Crédit commercial de France et détenir juridiquement et comptablement une créance à l'encontre de la SCI Les Merlettes,
- la banque n'apporte pas la preuve de l'admission de sa créance dans le cadre de la première procédure collective,
- le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 4 novembre 2010 n'est pas opposable à la SCI Les Merlettes non représentée, ni d'ailleurs à Me [P] en sa qualité de liquidateur, celui-ci n'étant pas intervenu volontairement à la procédure en cette qualité de liquidateur et le jugement ne lui ayant pas été signifié ès qualités,
- la prétendue créance de la banque est éteinte dès lors celle-ci ne justifie pas de la déclaration de sa créance, ni de son admission définitive, notamment dans le cadre de la seconde procédure collective ouverte le 22 septembre 2015,
- le jugement du 4 novembre 2010 n'a pas fixé au passif de la SCI Les Merlettes la créance de la banque mais l'a évaluée et il ne permettait pas au juge-commissaire d'admettre la créance au passif, ni d'homologuer la répartition proposée par Me [P],
- ledit jugement doit être considéré comme non avenu au sens de l'article 372 du code de procédure civile,
- l'instance est périmée dès lors que dans le délai de deux ans suivant le jugement du 4 novembre 2010, la banque n'a pas adressé le jugement au greffe en vue de l'inscription de sa créance au passif,
- le commandement de payer valant saisie du 21 août 2009 a cessé de produire ses effets, l'ordonnance autorisant la vente étant intervenue plus de deux ans après sa publication,
- il est également caduc, n'ayant pas été publié dans le délai de deux mois,
- elle n'apporte pas, non plus, la preuve du renouvellement de son hypothèque, dont l'inscription n'était valable que jusqu'au 26 octobre 2018,
- l'action est prescrite faute pour la banque d'établir qu'elle a sollicité l'inscription de sa créance au passif de la SCI Les Merlettes dans le délai de 5 ans suivant le jugement du 4 novembre 2010.
La SA HSBC, dans ses dernières conclusions déposées par le RPVA le 18 janvier 2023, demande, pour sa part, à la cour de :
Vu les articles L. 621-9, R. 621-21, L. 622-8, L. 622-22, L. 624-1 et R. 624-1 du code de commerce, 2435 du code civil, 797 et 114 du code de procédure civile,
- débouter M. [D] de son appel,
- confirmer l'ordonnance rendue par Mme le juge commissaire le 14 juin 2021 en ce qu'elle a débouté M. [D] pris en sa qualité de gérant ou ancien dirigeant de la SCI Les Merlettes de l'ensemble de ses demandes et ordonné le paiement provisionnel de la somme de 441 487,51 euros, à parfaire par les intérêts servis au titre des années 2020 et 2021, et sous déduction des éventuels nouveaux frais devant être pris en compte à l'avenir,
En conséquence,
- constater que sa dénomination sociale « HSBC France » est devenue « HSBC continental Europe » par procès-verbal du conseil d'administration du 23 octobre 2020,
- constater que le jugement du 4 novembre 2010 passé en force de chose jugée et au contradictoire de la SCI Les Merlettes et de Me [P], a évalué la créance au jour du jugement d'ouverture de redressement judiciaire de la société Les Merlettes aux sommes de 39 957,63 euros au titre du solde débiteur du compte courant, outre intérêts au taux de 6% à compter du 8 septembre 2009, et de 524 425,16 euros au titre du prêt immobilier, outre intérêts au taux de 6% à compter du 8 septembre 2009,
- constater que par ordonnance du juge commissaire du 26 mai 2010, les créances ont été admises en l'absence de contestations, sauf instance en cours purgé depuis le jugement du 4 novembre 2010, à hauteur de 524 425,16 euros à titre hypothécaire et de 39 957,63 euros à titre chirographaire,
- homologuer la proposition de Me [P], mandataire liquidateur, de lui régler la somme de 441 487,51 euros après déduction des règlements du passif des frais de liquidation de la SCI Les Merlettes pour la somme de 63 944,58 euros, sauf à parfaire par les intérêts servis au titre de l'année 2020, outre actuellement 2021, 2022 et 2023,
- ordonner en conséquence le paiement provisionnel de la somme de 441487,51 euros, à parfaire par les intérêts servis au titre des années 2020, 2021, 2022 et 2023 et sous déduction des éventuels nouveaux frais devant être pris en compte à l'avenir,
- réformer l'ordonnance pour le surplus,
- condamner M. [D] personnellement à lui régler la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive couvrant le préjudice financier, - le condamner également au paiement d'une indemnité de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose en substance que :
- elle a qualité à agir, ayant seulement changé de dénomination et venant aux droits du CCF,
- M. [D] n'a soulevé aucune contestation quant à sa qualité à agir dans le cadre de plusieurs litiges antérieurs et ne rapporte pas la preuve de ce que la créance en cause ne lui appartiendrait pas,
- la créance n'est pas contestable puisqu'elle a été fixée par un jugement du 4 novembre 2010 revêtu de l'autorité de la chose jugée,
- elle a régulièrement déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la SCI Les Merlettes et a été admise au passif,
- elle n'avait d'ailleurs aucune obligation de confirmer sa créance, qui était admise, au passif de la liquidation de la SCI Les Merlettes,
- M. [D] ne rapporte pas la preuve d'une prescription de la créance et de l'admission au passif puisque la prescription applicable à la créance est de 10 ans et que la créance a été définitivement admise par ordonnance du juge commissaire,
- elle subit un préjudice notamment financier dû aux procédures abusives engagées par M. [D], justifiant l'octroi de dommages et intérêts.
La Selarl [M] Frontilès qualités, dont les conclusions ont été déposées le 3 décembre 2021 par le RPVA, sollicite de voir confirmer l'ordonnance du juge commissaire du tribunal judiciaire de Carcassonne du 14 juin 2021 en toutes ses dispositions, et condamner M. [D] à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le ministère public auquel le dossier de l'affaire a été communiqué, a été avisé de l'audience mais n'a pas fait connaître son avis.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 31 janvier 2023.
MOTIFS de la DÉCISION :
M. [D] a relevé appel de l'ordonnance du juge-commissaire en date du 14 juin 2021 et a déposé des conclusions devant la cour, non à titre personnel, mais en sa qualité de gérant et d'ancien dirigeant de la SCI les Merlettes (sic); ne figurant au procès d'appel qu'en sa qualité de gérant et d'ancien dirigeant de la SCI, il n'apparaît pas dès lors recevable à critiquer l'ordonnance ayant déclaré irrecevable son action engagée à titre personnel.
La requête dont la société HSBC France a saisi le juge-commissaire, fondée sur l'article L. 622-8 du code de commerce, vise à obtenir le règlement par la Selarl [M] [P] ès qualités d'une provision sur le produit de la vente des biens immobiliers de la SCI les Merlettes réalisée de gré à gré au profit de la SAFER du Languedoc-Roussillon, à laquelle s'était substituée la communauté d'agglomération Carcassonne Agglo ; en statuant sur cette requête, le juge-commissaire, qui était saisi d'une demande de paiement à titre provisionnel au profit d'un créancier titulaire d'une sûreté réelle en application des dispositions de l'article L. 622-8 du code de commerce, reprises à l'article L. 643-3 du même code, n'a nullement excédé ses pouvoirs, sachant que l'objet d'une telle demande n'était pas relatif à une contestation de l'ordre entre les créanciers qui aurait dû alors être portée devant le juge de l'exécution conformément à l'article L. 642-18 du code de commerce ; l'ordonnance déférée n'encourt pas dès lors l'annulation.
Abstraction faite de de la cession de contrôle opérée en 2000 au profit de son principal actionnaire ou de l'opération de fusion prétendument réalisée en 2005 ayant conduit à l'absorption de diverses banques d'affaires (la banque Hervet, la banque de Baecque Beau, l'UPB, la banque de Picardie), il résulte des pièces produites que la SA Crédit Commercial de France, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n° 775 670 284, a simplement changé de dénomination sociale à compter du 1er novembre 2005, devenant « HSBC France », changement de dénomination décidée par une assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 26 juillet 2005 publiée dans un journal d'annonces légales paru les 4 et 5 octobre 2005, et que la SA HSBC France, a changé, à son tour, de dénomination sociale à compter du 1er décembre 2020, pour devenir « HSBC continental Europe », selon un procès-verbal de l'assemblée générale mixte du 12 novembre 2020, décision publiée le 20 novembre 2020 dans un journal d'annonces légales ; la société HSBC continental Europe, immatriculée sous le même n° 775 670 284 au registre du commerce et des sociétés de Paris, n'est donc pas une personne morale nouvelle, mais bien la société ayant consenti, par acte notarié du 31 octobre 2001, le prêt litigieux à la SCI les Merlettes, qui a simplement changé de dénomination à deux reprises ; la production d'un article de presse paru dans la revue « Capital » du 18 juin 2021 n'est pas de nature à établir que la société HSBC continental Europe a cédé son portefeuille de prêts à la banque Cerberus; M. [D] n'est donc pas fondé à soutenir que cette dernière est irrecevable à agir, à défaut de justifier qu'elle détient juridiquement et comptablement une créance sur la SCI les Merlettes.
Lors de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SCI les Merlettes, une action en paiement des sommes dues au titre du prêt notarié du 31 octobre 2001 était pendante devant le tribunal de grande instance de Grenoble sur une assignation délivrée le 7 janvier 2009 par la société HSBC France ; la banque a déclaré sa créance, le 17 septembre 2009, entre les mains de Mme [P] en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire (à hauteur de 39 957,63 euros au titre du solde débiteur du compte-courant à titre chirographaire et de 524 425,16 euros à titre privilégié au titre du prêt avec intérêts au taux de 6 % à compter du 8 septembre 2009) et celle-ci est intervenue volontairement à l'instance en cours en cette qualité de mandataire judiciaire ; le jugement rendu par le tribunal le 4 novembre 2010 vise bien la SCI les Merlettes représentée par son gérant en exercice et Mme [P] ès qualités, la signification dudit jugement ayant été faite le 26 mai 2011 à M. [D] en sa qualité de gérant de la SCI et le 31 mai 2011 à Mme [P] en sa qualité de mandataire judiciaire.
L'appelant ne peut prétendre que le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 4 novembre 2010 est inopposable à la procédure collective au motif que Mme [P] n'est pas intervenue comme liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI, prononcée entre-temps le 8 décembre 2009, alors qu'un tel changement de qualité n'a pu avoir d'incidence sur la régularité de la reprise d'instance consécutive à la déclaration de la créance de la banque et à la mise en cause du mandataire judiciaire devant le tribunal, une fois ouverte la procédure collective ; il ne peut davantage soutenir que le jugement n'est pas opposable à la SCI les Merlettes qui, disposant d'un droit propre en matière de vérification du passif, a été régulièrement représentée à l'instance, comme en font foi les énonciations du jugement, par son gérant en exercice, auquel le jugement a été signifié par acte d'huissier de justice du 26 mai 2011.
De plus, si dans son jugement du 4 novembre 2010, le tribunal a évalué, et non pas fixé, la créance de la société HSBC France sur la SCI à la somme de 39 957,63 euros au titre du solde débiteur du compte-courant et à la somme de 524 425,16 euros au titre du prêt immobilier, outre intérêts au taux de 6 % à compter du 8 septembre 2009, cette mention est équivalente à celle de la fixation du montant de la créance prévue à l'article L. 622-22 du code de commerce ; le jugement du 4 novembre 2010 ayant autorité de la chose jugée, il est acquis que la créance de la société HSBC France a bien été déclarée dans le délai légal, ce que Mme [P] ès qualités n'a jamais contesté, et la banque n'était pas tenue de procéder à une nouvelle déclaration de sa créance lorsque la procédure de redressement judiciaire de la SCI les Merlettes a été convertie, le 8 décembre 2009, en liquidation judiciaire, sachant que par lettre recommandée du 5 janvier 2010, elle a indiqué à Mme [P] ès qualités confirmer sa déclaration de créance du 17 septembre 2009 ; de même, le tribunal de grande instance de Carcassonne, dans son jugement du 22 septembre 2015, n'a pas ouvert une nouvelle procédure collective de la SCI, mais a simplement ordonné la reprise des opérations de liquidation qu'il avait clôturée pour insuffisance d'actif, ce qui, là encore, n'obligeait pas la société HSBC France à réitérer sa déclaration de créance.
Il ne peut en conséquence être affirmé que le jugement du 4 novembre 2010 est non avenu conformément à l'article 372 du code de procédure civile au motif, erroné, que les conditions d'interruption de l'instance visées à l'article L. 622-22 du code de commerce n'étaient pas réunies.
L'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence ; l'article R. 624-8 du même code énonce que les décisions prononcées par le juge-commissaire sont portées par le greffier sur la liste des créances mentionnée au premier alinéa de l'article R. 624-2, que cette liste ainsi complétée et les relevés des créances résultant du contrat de travail constituent l'état des créances et que cet état est déposé au greffe du tribunal, où toute personne peut en prendre connaissance ; aux termes de l'article R. 624-11 : « Le créancier dont les droits ont été reconnus par une décision d'une autre juridiction passée en force de chose jugée adresse au greffier du tribunal qui a ouvert la procédure une expédition de cette décision. Le greffier avise le mandataire judiciaire ainsi que l'administrateur et le commissaire à l'exécution du plan, s'il y a lieu, de toute modification ainsi apportée à l'état des créances. »
En l'occurrence, en raison de l'existence d'une instance en cours devant le tribunal de grande instance de Grenoble, le juge-commissaire n'avait pas le pouvoir de décider de l'admission de la créance de la banque, la liste des créances établie le 25 mai 2010 par Mme [P] en sa qualité de mandataire judiciaire mentionnant bien l'existence d'une « instance en cours » relativement aux créances n° 1 (524 425,16 euros au titre du prêt) et n° 4 (39 957,63 euros au titre du solde débiteur du compte-courant) de la société HSBC France ; c'est donc par erreur que le greffier du tribunal de grande instance de Carcassonne a notifié à la banque, le 2 juin 2010, une décision d'admission en l'absence de contestation (sic) de ses créances, alors que le juge-commissaire n'avait fait que signer, le 26 mai 2010, la liste des créances établie par le mandataire judiciaire devenue l'état des créances, lequel mentionnait seulement l'existence d'une instance en cours ; M. [D] auquel le jugement du 4 novembre 2010 a été régulièrement signifié en sa qualité de gérant de la SCI les Merlettes ne prétend pas en avoir interjeté appel en sorte que, contrairement à ce qui est soutenu, la société HSBC France dispose d'un titre devenu exécutoire ; le fait qu'une expédition de ce jugement n'a pas été adressée par la banque au greffier du tribunal n'a pas d'incidence sur la validité du titre, l'obligation faite au créancier de transmettre une expédition du jugement au greffier n'étant destinée qu'à permettre à celui-ci de compléter l'état des créances.
L'appelant ne peut, non plus, sérieusement prétendre que l'instance visant à la distribution du prix de vente des biens immobiliers de la SCI les Merlettes, introduite par requête du 4 novembre 2020, est atteinte, d'une part, par la péremption au motif que plus de deux ans se sont écoulés depuis le prononcé du jugement du 4 novembre 2010 et, d'autre part, par la prescription au motif que plus de cinq ans se sont écoulés depuis les dernières ordonnances du juge-commissaire du 17 octobre 2013 (prorogeant au 15 décembre 2013 la date butoir de signature des actes de vente), alors que les opérations de liquidation de la SCI, ré-ouvertes par un jugement du 22 septembre 2015, étaient en cours et que le liquidateur a lui-même, à deux reprises, par courriers des 5 mars 2014 et 9 novembre 2020, reconnu le droit de la banque à percevoir une partie du prix de vente.
La société HSBC France ne conteste pas la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 21 août 2009 et portant sur les biens du GFR des Rougeats, le jugement du 8 septembre 2009 ouvrant le redressement judiciaire du GFR ayant eu pour effet, en vertu de l'article L. 622-21, d'arrêter toute procédure d'exécution et il n'est pas établi en quoi la caducité de ce commandement de saisie immobilière affecterait la validité de la demande dont la banque a saisi le juge-commissaire aux fins d'obtenir un paiement provisionnel de tout ou partie de sa créance.
Après avoir, par ailleurs, rappelé les dispositions des articles 2435 du code civil et des articles L. 332-14 et L. 331-1 du code des procédures civiles d'exécution, le premier juge, qui a relevé que la société HSBC France justifiait d'une inscription d'hypothèque conventionnelle sur les biens de la SCI les Merlettes ayant effet jusqu'au 26 octobre 2018, a justement considéré, en l'état des éléments d'appréciation qui lui étaient soumis, que la vente de gré à gré des biens de la SCI, la publication de la vente, la fixation de la quote-part du prix affecté aux créanciers et le versement du prix à la caisse des dépôts et consignations étaient intervenus avant cette date, ce qui dispensait la banque d'avoir à procéder au renouvellement de son inscription hypothécaire ; il a donc à juste titre rejeté la demande de M. [D] ès qualités tendant à voir déclarer irrecevable l'action de la banque.
Enfin, l'appelant ne saurait valablement invoquer la prescription de l'action de la banque visant à l'inscription de sa créance au passif, qui aurait dû, selon lui, intervenir au plus tard le 4 novembre 2015, alors que le montant de la créance de la société HSBC France a été fixé aux termes d'un jugement du 4 novembre 2010 dont l'exécution pouvait être poursuivie pendant dix ans (en vertu de l'article 3-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, devenu l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution) et que la saisine du juge-commissaire en vue de l'octroi d'une provision sur le prix de vente est intervenue le 4 novembre 2020, les opérations de liquidation étant toujours en cours.
Il résulte de tout ce qui précède que l'ordonnance rendue le 14 juin 2021 par le juge-commissaire doit être confirmée en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'elle a prescrit le paiement provisionnel à la société HSBC continental Europe, anciennement dénommée HSBC France, de la somme de 441 487,51 euros conformément à la proposition de règlement faite par la Selarl [M] [P] ès qualités par lettre du 9 novembre 2020, sauf à parfaire des intérêts servis au titre des années 2020, 2021, 2022 et 2023 et sous déduction des éventuels nouveaux frais devant être pris en compte.
Il a été indiqué plus haut que M. [D] était appelant de l'ordonnance du 14 juin 2021, non pas en son nom personnel, mais en sa qualité de gérant et d'ancien dirigeant (sic) de la SCI les Merlettes ; la société HSBC continental Europe n'est donc pas recevable en sa demande visant à obtenir sa condamnation à titre personnel au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Les dépens d'appel doivent être employés en frais privilégiés de procédure collective et recouvrés conformément aux textes en vigueur sur l'aide juridictionnelle ; M. [D], en sa qualité de gérant de la SCI les Merlettes, doit être condamné à payer à la société HSBC continental Europe la somme de 5000 euros et à la Selarl [M] [P] prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI la somme de 2000 euros, en remboursement des frais non taxables que celles-ci ont dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance déférée,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 14 juin 2021 par le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Carcassonne en charge de la procédure collective de la SCI les Merlettes, et notamment en ce qu'elle a prescrit le paiement de provisionnel à la société HSBC continental Europe, anciennement dénommée HSBC France, de la somme de 441 487,51 euros, sauf à parfaire des intérêts servis au titre des années 2020, 2021, 2022 et 2023 et sous déduction des éventuels nouveaux frais devant être pris en compte,
Rejette toutes autres demandes,
Dit que les dépens d'appel doivent être employés en frais privilégiés de procédure collective et recouvrés conformément aux textes en vigueur sur l'aide juridictionnelle,
Condamne M. [D], en sa qualité de gérant de la SCI les Merlettes, à payer à la société HSBC continental Europe la somme de 5000 euros et à la Selarl [M] [P] prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le président,