COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00174 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PYXG
O R D O N N A N C E N° 2023 - 174
du 04 Avril 2023
SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur X SE DISANT [F] [V] [T]
né le 17 Janvier 1969 à [Localité 3] (IRAK)
de nationalité Irakienne
retenu au centre de rétention de [Localité 2] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant, assisté de Maître Sanoussy CISSE, avocat commis d'office,.
Appelant,
et en présence de Mme [U] [J], interprète assermenté en langue arabe,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Monsieur [S] [O], dûment habilité,
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Jonathan ROBERTSON conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Laurence MONDA, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'arrêté du 20 mars 2023 de Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES portant obligation de quitter le territoire national sans délai assortie d'une interdiction de retour de dix-huit mois et d'une assignation à résidence de 6 mois pris à l'encontre de Monsieur X SE DISANT [F] [V] [T].
Vu la décision de placement en rétention administrative du 30 mars 2023 de Monsieur X SE DISANT [F] [V] [T], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Vu l'ordonnance du 01 Avril 2023 à 16h30 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.
Vu la déclaration d'appel faite le 03 Avril 2023 par Monsieur X SE DISANT [F] [V] [T], du centre de rétention administrative de [Localité 2], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 10h40.
Vu les télécopies et courriels adressés le 03 Avril 2023 à Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 04 Avril 2023 à 14 H 00.
Vu l'appel téléphonique du 03 Avril 2023 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience 04 Avril 2023 à 14 H 00
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.
L'audience publique initialement fixée à 14 H 00 a commencé à 14 H 20 .
PRETENTIONS DES PARTIES
Assisté de Mme [U] [J], interprète, Monsieur X SE DISANT [F] [V] [T] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' J'ai été persécuté en Irak et cest pour cela que je suis parti. Je suis parti en 2023. J'étais en prison de 2014 en 2021. Après j'ai eu le COVID, l'hôpital a pris feu et j'ai quitté l'Irak le 1er janvier 2023. Je suis passé par la Turquie, puis la Grèce et ensuite [Localité 4] . Je suis arrivé en France avec des passeurs. J'ai remis mon passeport irakien à la police. J'ai mon frère à [Localité 5] qui est là depuis 10 ans. Je risque d'aller en prison et d'être persécuté si je retourne en Irak. J'ai fait une demande d'asile. Là où j'ai été retenu j'ai fait cette demande. Je n'ai pas fait de demande avant. '
L'avocat Me [B] [P] développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande la confirmation de l'ordonnance déférée et le rejet des nullités demandées. Il indique à l'audience : ' à l'issue de la procédure il n' y a eu un classement sans suite, il n'y a eu aucun grief. Sur le défaut d'examen de situation : la préfecture a bien examiné sa situation qu'il a reprsie dans l'arrêté. De plus en France il a présenté des faux documents mais n'a pas fait une demande d'asile '
Assisté de Mme [U] [J], interprète, Monsieur X SE DISANT [F] [V] [T] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je demande a être libéré car je me suis enfui de la prison et de la torture '
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 03 Avril 2023, à 10h40, Monsieur X SE DISANT [F] [V] [T] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 01 Avril 2023 notifiée à 16h30, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
Si Monsieur [T] invoque la nullité de la garde à vue du 30 mars 2023 aux motifs qu'il aurait du l'être pour 'non respect d'assignation à résidence' et non pour 'soustraction à l'exécution d'une OQTF', il reste qu'il reconnaît lui-même qu'il n'a pas respecté son assignation à résidence décidée le 20 mars 2023, invoquant à cet égard le fait qu'il n'aurait pas compris cette décision et l'obligation pour lui de pointer dès le 23 mars 2023.
La décision l'ayant assigné à résidence lui ayant été traduite par le truchement d'un expert en langue arabe, il ne saurait être plaidé par Monsieur [T] qu'il n'a pas compris les termes de la décision l'assignant à résidence.
Dès lors il était parfaitement légitime de le placer en garde à vue compte tenu du non respect de ses obligations, le motif initialement retenu, fut-il erroné, ne causant au surplus aucun grief à l'intéressé.
Le moyen tiré de ce que la requête du préfet ne serait pas accompagnée de pièces utiles sera rejeté, faute pour Monsieur [T] d'indiquer quelles pièces seraient manquantes au dossier, lequel apparaît au demeurant parfaitement complet pour apprécier la situation.
En outre, si Monsieur [T] invoque sa vulnérabilité qui n'aurait pas été prise en compte par le préfet, force est de constater qu'il a lui-même déclaré ne souffrir d'aucun handicap ni maladie particulière, aucun élément n'étant objectivé s'agissant de la vulnérabilité invoquée, l'appelant faisant manifestement référence aux motifs allégués l'ayant conduit à fuir son pays d'origine (tortures pendant une période d'incarcération) qui ne sont pas en soi incompatibles avec une mesure de rétention administrative.
Enfin les considérations tirées des risques de retour dans son pays d'origine et des perspectives d'éloignement, à les supposer opposables dans le cadre de la présente procédure, ne sont pas suffisamment étayées, aucun élément ne permettant d'affirmer que Monsieur [T] s'exposerait à un danger en cas de retour dans son pays, aucune instruction officielle n'empêchant les mesures d'éloignement à destination de l'Irak, étant au surplus observé que Monsieur [T], qui a transité par la Grève, l'Espagne et la France n'a formé aucune demande d'asile.
Les moyens de nullité seront donc rejetés.
SUR LE FOND
L'article L742-3 du ceseda : 'Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-huit jours à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L. 741-1.'
En application des dispositions de l'article L612-2 du ceseda: 'Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :
1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;
2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;
3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.'
Et selon l'article L 612-3 du ceseda: 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'
En l'espèce, Monsieur [T] s'est soustrait aux obligations mises à sa charge par la décision du préfet d'assignation à résidence, de sorte qu'une nouvelle mesure d'assignation serait manifestement vouée à l'échec.
Il convient dès lors de s'assurer de l'effectivité de la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de Monsieur [T], lequel ne présente au demeurant aucune garantie de représentation, étant au surplus observé qu'il a produit lors de son premier contrôle de faux documents d'identité.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Rejetons les exceptions de nullité et la demande d'assignation à résidence,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 04 Avril 2023 à 15 heures 09
Le greffier, Le magistrat délégué,