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14/03/2023 | FRANCE | N°21/03445

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 14 mars 2023, 21/03445


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 14 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03445 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAQV





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 25 JANVIER 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018015385





APPELANT :



Monsieur [R] [L]

né le [Date naissance 1] 1968 à [

Localité 6] (50)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide j...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 14 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03445 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAQV

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 25 JANVIER 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018015385

APPELANT :

Monsieur [R] [L]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6] (50)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004344 du 14/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

S.A. BANQUE POPULAIRE DU SUD

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Willy LEMOINE de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 18 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La SARL Fruits [L], dont [R] [L] était le gérant, avait pour activité l'exploitation d'un fonds de commerce de restaurant à l'enseigne « Tamarillos » ; par acte sous seing privé du 26 août 2014, la Banque populaire du Sud lui a consenti un prêt, d'un montant de 80 000 euros sur une durée de 84 mois au taux de 3,23 %, destiné à financer les travaux d'aménagement de ses locaux situés 2, place du marché aux fleurs à [Localité 7] ; M. [L] s'est rendu caution solidaire des engagements de la société à hauteur de 104 000 euros et pour une durée de 96 mois.

Par jugement du 20 novembre 2017, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Fruits [L] convertie ultérieurement, le 28 septembre 2018, en liquidation judiciaire.

La Banque populaire du Sud a déclaré sa créance à la procédure collective pour un montant finalement arrêté à la somme de 61 951,60 euros, outre les intérêts au taux de 3,23 % à compter du 29 septembre 2018, et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 8 octobre 2018, elle a mis en demeure M. [L], au titre de son engagement de caution, de lui payer la somme de 62 000,80 euros.

Par exploit du 4 décembre 2018, la Banque populaire du Sud a fait assigner en paiement M. [L] devant le tribunal de commerce de Montpellier lequel, par jugement du 25 janvier 2021, a notamment :

- dit que les garanties inscrites par la Banque populaire du Sud ne sont pas disproportionnées par rapport à son patrimoine et revenus,

- dit que M. [L] ne justifie d'aucune faute de la Banque populaire du Sud ni d'aucun préjudice en corrélation,

- débouté M. [L] de sa demande reconventionnelle à l'encontre de la Banque populaire du Sud,

- condamné M. [L] à payer à la Banque populaire du Sud la somme de 62 187,76 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,23 % à compter de la mise en demeure du 8 octobre 2018 jusqu'à parfait paiement dans la limite de 104 000 euros,

- dit que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par cet huissier, par application de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, devrait être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que toutes sommes susceptibles d'être versées par le requis sur les somme susvisées, s'imputeront tout d'abord sur les intérêts dus si le règlement n'est pas intégral,

- dit que les intérêts des présentes condamnations se capitaliseront par année entière, et ce par application de l'article 1343-2 du code civil,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné M. [L] en sa qualité de caution à payer à la Banque populaire du Sud la somme de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 28 mai 2021 au greffe de la cour, M. [L] a régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.

Il demande la cour, dans ses dernières conclusions déposées le 25 novembre 2021 via le RPVA, de :

Au principal,

- juger le caractère manifestement disproportionné au jour de la signature du contrat de prêt de son engagement de caution,

- juger en conséquence l'engagement de caution nulle et de nul effet,

Subsidiairement,

- juger que l'engagement de caution ne pourra jouer que dans la limite des sommes effectivement produites en principal par la Banque populaire du Sud à l'exclusion de tout intérêt,

- condamner la Banque populaire du Sud au paiement d'une somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait valoir pour l'essentiel que :

- pour considérer que son engagement de caution n'était pas disproportionné à ses biens et revenus, le premier juge a estimé à tort que la valeur du fonds de commerce était égale à 70 % du chiffre d'affaires réalisé en 2015, soit 160 430,20 euros, et que la valeur de ses parts, soit 400 sur 500 parts, était donc de 128 334,16 euros,

- or, le résultat d'exploitation de la société Fruits [L] était négatif en 2012 (-7853 euros) et le résultat d'exploitation sur l'exercice 2013 (+ 13 153 euros) permettait juste de couvrir les mensualités du prêt,

- il n'a perçu aucune rémunération en 2013 et la rémunération de 18 000 euros perçue en 2014 a conduit un résultat d'exploitation négatif (-6306 euros),

- son engagement n'était donc pas adapté à ses capacités financières personnelles dès lors qu'il n'avait d'autres revenus que ceux résultant de son activité et qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti,

- au regard de la capacité d'autofinancement de l'entreprise, la banque, qui a accordé un crédit inadapté, a manqué à son égard à son obligation de mise en garde, alors qu'il doit être considéré comme une caution non avertie,

- la banque a déclaré des « intérêts pour mémoire » sans en préciser les modalités exactes de calcul, en sorte que, la déclaration des intérêts n'ayant pas été valablement effectuée, il ne peut être tenu, subsidiairement, qu'au principal de la créance.

La Banque populaire du Sud, dont les dernières conclusions ont été déposées le 22 mars 2022 par le RPVA, sollicite de voir confirmer le jugement du tribunal de commerce et condamner M. [L] à lui payer la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 18 janvier 2023.

MOTIFS de la DECISION :

Il résulte de l'article L. 341-4, devenu l'article L. 332-1, du code de la consommation, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; la disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution, en prenant également en considération l'endettement global de celle-ci, dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance, y compris l'endettement résultant d'autres engagements de caution souscrits antérieurement ; il est de principe que la charge de la preuve de la disproportion manifeste au jour de la souscription de l'engagement incombe à la caution, tandis que le créancier, qui entend se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, doit établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son engagement.

En l'occurrence, M. [L] communique ses avis d'impôt sur les revenus 2012 et 2013, dont il résulte un total de revenus de 3600 euros la première année et de 20 euros seulement la seconde année ; les comptes de résultat de la société Fruits [L] montrent qu'il n'a perçu aucune rémunération, en sa qualité de gérant de la société, en 2013 et une rémunération de 18 000 euros en 2014.

L'appelant conteste l'évaluation de ses droits sociaux, correspondant à 400 des 500 parts sociales composant le capital social, telle qu'elle a été faite par le premier juge qui a estimé le fonds de commerce de restaurant par référence à un pourcentage (80 %) du chiffre d'affaires afférent à l'exercice 2015 (229 186 euros) ; il considère comme obsolète la méthode utilisée et invoque les difficultés de l'entreprise à s'autofinancer notamment en raison, d'une part, d'un résultat d'exploitation de seulement + 13 153 euros en 2013, année au cours de laquelle il n'a perçu aucune rémunération, et de -6306 euros en 2014, année au cours de laquelle il a perçu une rémunération de 18 000 euros, et, d'autre part, d'un endettement au titre des emprunts et dettes aux établissements financiers de 35 001 euros en 2013 puis de 92 636 euros en 2014 ; pour autant, il ne propose, justificatifs à l'appui, aucune évaluation du fonds de commerce de restaurant, qui était exploité depuis 2002, place du marché aux fleurs à [Localité 7], en plein centre-ville, dont pourrait être déduite la valeur de ses droits sociaux correspondant à 80 % du capital social.

La Banque populaire du Sud se réfère, pour sa part, à une évaluation par le chiffre d'affaires selon le barème d'évaluation proposé par le mémento [J] [Z] « transmission d'entreprise » 2020-2021 selon lequel la valeur d'un fonds de commerce de restauration peut être appréciée dans une fourchette comprise entre 55 à 110 % du chiffre d'affaires hors-taxes ; en l'espèce, à partir du chiffre d'affaires de 289 847 euros réalisé en 2013 par la société Fruits [L], résultant du compte de résultat connu lors de l'octroi du prêt et de la souscription du cautionnement, le fonds de commerce devrait alors être évalué à 159 815 euros en prenant le taux le plus bas de 55 %, ce dont il se déduit une valeur des droits sociaux de M. [L] égale à la somme de 127 532 euros.

Il n'est pas, dans ces conditions, établi que le cautionnement de 104 000 euros était, lors de sa souscription, manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [L] au sens de l'article L. 341-4 susvisé et il n'y a pas lieu de rechercher si le patrimoine de celui-ci, au moment où il a été appelé, lui permet de satisfaire à son obligation.

En cas de crédit excessif, la banque engage sa responsabilité contractuelle à l'égard d'une caution pour ne pas l'avoir mise en garde du risque d'endettement qu'elle encourt du fait de son engagement ou si l'opération financée était manifestement inadaptée aux capacités financières de l'emprunteur ; en l'occurrence, il peut être admis que M. [L], chef pâtissier de métier et dont le restaurant à l'enseigne « Tamarillos » était la première création d'entreprise, doit être considéré comme une caution non avertie, n'ayant aucune connaissance particulière en matière de gestion financière ; cependant, le prêt contracté par la société Fruits [L] a été remboursé sans difficulté particulière durant deux années consécutives, du 3 septembre 2014 au 3 août 2016, ce dont il se déduit que le crédit consenti était nécessairement adapté aux capacités financières de la société et que la banque n'a donc pas engagé sa responsabilité en n'alertant pas son client sur les risques de l'opération envisagée ; il a, par ailleurs, été indiqué plus haut que M. [L] ne rapportait pas la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution.

La créance de la banque a été déclarée, dans le cadre de la procédure collective, à hauteur de 61 951,60 euros outre les intérêts du 29 septembre 2018 jusqu'à la date effective de paiement ; la déclaration de créance au titre des intérêts ainsi déclarés pour « mémoire » n'a pas été contestée au motif de l'indétermination de ses modalités de calcul et l'état des créances a été déposé, le 6 mai 2019, au greffe du tribunal de commerce, la publication de ce dépôt ayant été faite au Bodacc le 10 mai 2019 ; M. [L], en sa qualité de caution, ne prétend pas avoir présenté une réclamation devant le juge-commissaire dans le mois suivant cette publication au Bodacc et n'est donc pas fondé à demander, à titre subsidiaire, que son engagement de caution ne joue que pour le principal de la créance à l'exclusion des intérêts.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé dans toutes ses dispositions.

Succombant sur son appel, M. [L] doit être condamné aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux textes en vigueur sur l'aide juridictionnelle ; il convient également de faire application, au profit de la Banque populaire du Sud, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 25 janvier 2021,

Condamne M. [L] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux textes en vigueur sur l'aide juridictionnelle,

Le condamne également à payer à la Banque populaire du Sud la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/03445
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;21.03445 ?
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