Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 28 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/02397 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6QU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 22 MARS 2021
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2019009939
APPELANTE :
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON agissant poursuites et diligences de son Président du Directoire en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Willy LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
SOCIETE DU [Adresse 5] société civile prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Vincent RIEU de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.S. CORUM FINANCES, prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Assignée le 10 juin 2021 en Procès-verbal de recherches infructueuses
Ordonnance de clôture du 13 Décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
*
* *
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
Par acte sous seing privé en date du 6 juin 2016, la société civile [Adresse 5] a donné à bail à la SAS Corum finances, dans un bâtiment situé [Adresse 5], de locaux commerciaux d'une surface de 280 m², outre un local à archives et deux places de stationnement pour un loyer annuel de 40 585 euros HT et une provision sur charges de 16 308,10 euros HT par an.
La Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon (la Caisse d'épargne) s'est portée caution solidaire, par acte du 9 septembre 2016, du paiement des loyers, incluant les charges et taxes, dont la société Corum finances pourrait être redevable à l'égard de la société [Adresse 5] au titre de l'engagement de location du 6 juin 2016, dans la limite de la somme de 28 446,50 euros en principal, intérêts, frais et accessoires.
Par un nouvel acte sous seing privé du 15 novembre 2016, un bail complémentaire a été signé entre la société [Adresse 5] et la société Corum finances relativement à un local à usage de bureau d'une surface de 323,66 m² et à une troisième place de stationnement, moyennant un loyer annuel de 9000 euros HT et une provision sur charges de 2160 euros par an.
Le 31 octobre 2018, la société [Adresse 5] a fait délivrer à la société Corum finances un commandement de payer la somme de 42 327,90 euros au titre d'un arriéré de loyers et de charges, rappelant la clause de résiliation de plein droit insérée dans les contrats de bail.
Par ordonnance du 21 mars 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier a constaté la résiliation des deux baux commerciaux à compter du 1er décembre 2018, a ordonné l'expulsion de la société Corum finances et celle de tous occupants de son chef et a condamné la société Corum finances à payer à la société [Adresse 5] une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer plus charges jusqu'à la libération effective des lieux et une provision de 35 329,90 euros à valoir sur les loyers et indemnités d'occupation au titre du bail du 6 juin 2016, outre une provision de 6702,55 euros au titre du bail du 15 novembre 2016.
Mise en demeure à plusieurs reprises d'exécuter son engagement de caution, notamment par deux lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 15 octobre 2018 et 12 décembre 2018, la Caisse d'épargne s'y est finalement refusée.
Par exploit du 4 juillet 2019, la Société [Adresse 5] l'a donc faite assigner en paiement de la somme de 28 446,50 euros devant le tribunal de commerce de Montpellier ; la Caisse d'épargne a, par acte délivré le 14 janvier 2020, appelé en cause la société Corum finances.
Le tribunal de commerce, par jugement du 22 mars 2021, a notamment :
- condamné la Caisse d'épargne à régler la somme de 28 446,50 euros outre intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018, date de la première demande de paiement,
- dit que la Caisse d'épargne ne peut se prévaloir d'un défaut d'information sous l'argument de ne pas avoir été informée dans les formes et délais,
- débouté la Caisse d'épargne de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la Caisse d'épargne à payer à la société [Adresse 5] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La Caisse d'épargne a régulièrement relevé appel, le 14 avril 2021, de ce jugement en vue de sa réformation.
Elle demande à la cour, dans ses conclusions déposées le 21 mai 2021 via le RPVA, de :
Vu l'article 2292 du code civil,
Accueillant le juste appel de la Caisse d'épargne,
Réformant en tout état de cause la décision entreprise,
Au principal,
Considérant que l'engagement de caution délivré au bénéficiaire, la société civile immobilière [Adresse 5], résulte de l'acte du 9 septembre 2016 intitulé « acte de caution bancaire garantissant le paiement de loyers n°A17160GX »,
Considérant que le cautionnement ne peut s'étendre au-delà des limites pour lesquelles il a été contracté,
Considérant que le cautionnement du 9 septembre 2016 n'a pas pris effet à défaut de caractère définitif de la contre-garantie prévue au contrat « client » du 9 septembre 2016 (nantissement assurance-vie),
Considérant qu'elle n'a pas été avisée par lettre recommandé avec accusé de réception dans les quinze jours suivant la date d'exigibilité des obligations garanties,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier du 22 mars 2021 en ce qu'il la condamne à régler la somme de 28 446,50 euros outre intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018, date de la première demande de paiement, dit qu'elle ne peut se prévaloir d'un défaut d'information sous l'argument de ne pas avoir été informée dans les formes et délais, et la déboute de l'ensemble de ses demandes,
Statuant à nouveau,
- débouter la société civile immobilière [Adresse 5] de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement,
- condamner la société Corum finances à la relever de l'ensemble des sommes mises à sa charge sur le recours de la société [Adresse 5],
- condamner la société Corum finances à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
- la société [Adresse 5] ne peut se prévaloir du « contrat client » établi entre la banque et la société Corum finances,
- l'acte de caution n'a pas pris effet puisque son engagement était subordonné à la constitution, à titre de contre-garantie, du nantissement d'un contrat d'assurance-vie « Nuances plus » d'un montant de 28 446,50 euros,
- or, la créance résultant de ce contrat d'assurance-vie a fait l'objet d'une saisie pénale, qui lui a été notifiée le 6 juin 2018, ce dont il résulte que la contre-garantie n'est pas définitive et que l'engagement de caution n'a pas pris effet,
- elle n'a pas été avisée de l'inexécution par son client des obligations garanties, dans les quinze jours suivant la date d'exigibilité desdites obligations comme stipulé dans l'acte, en sorte qu'elle n'a pu exercer contre la société Corum finances le recours prévu à l'article 2309 du code civil,
- le tribunal a omis de statuer sur son recours formé à titre subsidiaire à l'encontre de la société Corum finances.
La Société [Adresse 5], dont les conclusions ont déposées par le RPVA le 8 juillet 2021, sollicite de voir :
Vu les articles 2228 et suivants du code civil et L. 110-1 du code de commerce,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la Caisse d'épargne,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier le 22 mars 2021 entre les parties,
Y ajoutant,
- condamner la Caisse d'épargne à lui payer la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose en substance que :
- l'engagement de caution produit ses effets puisque le nantissement, annexé à l'acte, donné en contre-garantie est valable, la saisie pénale n'ayant pas pour effet d'anéantir celui-ci,
- la Caisse d'épargne a été régulièrement informée de la dette de la société Corum finances et la prétendue condition de notification de la banque enfermée dans un certain délai lui est inopposable,
- la banque n'établit pas en effet avoir recueilli son agrément à la mise en 'uvre d'une telle condition, l'exemplaire, qu'elle produit n'étant pas signé d'elle,
- le montant des sommes réclamées est justifié.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La société Corum finances n'a pas comparu, la délivrance à son égard de l'assignation portant signification de la déclaration d'appel ayant donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de recherches établi en conformité de l'article 659 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 13 décembre 2022.
MOTIFS de la DECISION :
L'acte du 9 septembre 2016 par lequel la Caisse d'épargne a déclaré se porter caution solidaire de la société Corum finances au bénéfice de la société 47 du Verdanson, au titre du contrat de location du 6 juin 2016, à concurrence de 28 446,50 euros, stipule que l'engagement de la banque ne prendra effet qu'à la condition expresse de la constitution préalable et définitive des contres-garanties mentionnées, le cas échéant, dans le contrat signé le 9 septembre 2016 ; ce contrat « client N A 17160GX » conclu avec la société Corum finances dispose ainsi que le client consent, à titre de contre-garantie, à la Caisse d'épargne le nantissement d'un contrat Nuances Plus ouvert au nom de Mme [C] [I] sous le n° 859332915 ; il est établi par les pièces produites que le nantissement sur ce contrat d'assurance-vie a été effectivement constitué au profit de la Caisse d'épargne par acte du 9 septembre 2016 signé de Mme [C], titulaire du contrat.
Pour prétendre que l'acte de caution n'a pas pris effet, la Caisse d'épargne invoque l'existence d'une saisie pénale portant précisément sur le contrat d'assurance-vie n° 859332915, autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Montpellier en date du 6 juin 2018, à la suite d'une enquête préliminaire visant notamment Mme [C], titulaire du contrat, pour des faits délictuels (escroquerie, déclaration fausse ou incomplète pour obtenir d'un organisme chargé d'une mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou des avantages indus, établissement d'attestation fausse ou inexacte et usage, abus de bien social, blanchiment aggravé, recel de délit) commis entre janvier 2014 et mai 2018.
Or, aux termes de l'article 706-145, alinéa 2, du code de procédure pénale, « la saisie pénale suspend ou interdit toute procédure civile d'exécution sur le bien objet de la saisie pénale » ; il en résulte que la saisie pénale, telle qu'elle a été autorisée, en l'espèce, par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 6 juin 2018, n'a pas provoqué l'annulation ou la mainlevée du nantissement consenti à la Caisse d'épargne à titre de contre-garantie, mais a eu simplement pour effet de suspendre l'exécution de cet contre-garantie ; la Caisse d'épargne, qui ne fournit d'ailleurs aucune indication, ni justification, sur le sort de la saisie pénale, ne peut dès lors prétendre que son engagement de caution n'a pas pris effet, puisqu'à la date à laquelle il a été contracté, la condition de constitution, préalable et définitive, d'un nantissement sur le contrat d'assurance-vie n° 859332 915 se trouvait remplie.
La Caisse d'épargne invoque, par ailleurs, la clause de l'acte de caution, qu'elle produit aux débats, selon laquelle « en cas d'inexécution par le client des obligations garanties, le bénéficiaire en informera la Caisse d'épargne dans les quinze jours suivant la date d'exigibilité de cette obligation, par lettre recommandée avec accusé-réception » ; pour autant, il n'est pas établi que cette obligation d'information ait été portée à la connaissance de la société [Adresse 5] et acceptée par elle, l'intéressée affirmant que l'exemplaire de l'acte de caution, dont la Caisse d'épargne ne s'est prévalue qu'en cours de procédure, ne correspond pas à l'exemplaire de l'acte en sa possession ; en outre, force est de constater que la Caisse d'épargne a été avisée de l'arriéré de loyers et de charges dû par la société Corum finances suivant lettre recommandée du 15 octobre 2018, préalablement à la délivrance à la locataire d'un commandement de payer, et qu'une nouvelle mise en demeure de satisfaire à son engagement de caution lui a été adressée par lettre recommandée du 12 décembre 2018, lettres auxquelles le chargé des affaires spéciales de la direction juridique de la banque (M. [Y]) a répondu, le 18 décembre 2018, que notre établissement n'a pas d'objection à la mise en jeu de sa garantie.
Il résulte de tout ce qui précède que le jugement entrepris, ayant notamment condamné la Caisse d'épargne au paiement de la somme de 28 446,50 euros au titre de son engagement de caution, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018, doit être confirmé dans toutes ses dispositions.
L'article 2309 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, dispose que la caution, même avant d'avoir payé, peut agir contre le débiteur, pour être par lui indemnisé, notamment lorsqu'elle est poursuivie en justice pour le paiement ; il convient dès lors de condamner la société Corum finances à relever et garantir la Caisse d'épargne de la condamnation en paiement de la somme de 28 446,50 euros outre intérêts, prononcée à son encontre, demande sur laquelle le premier juge a omis de statuer.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la Caisse d'épargne doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société [Adresse 5] la somme de 2500 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer dans le cadre d'une procédure d'appel manifestement vouée à l'échec ; il n'y a pas lieu, en revanche, de condamner la société Corum finances à relever et garantir la Caisse d'épargne d'une telle condamnation aux dépens et en paiement d'une indemnité de procédure, ni de faire application, au profit de la Caisse d'épargne, de l'article 700 du code de procédure civile dans ses rapports avec la société Corum finances.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et par arrêt de défaut,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 22 mars 2021,
Y ajoutant,
Condamne la société Corum finances à relever et garantir la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon de la condamnation en paiement de la somme de 28 446,50 euros outre intérêts, prononcée à son encontre,
Condamne la Caisse d'épargne aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société [Adresse 5] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
le greffier, le président,