COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00110 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PXOI
O R D O N N A N C E N° 2023 - 110
du 24 Février 2023
SUR SECONDE PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [K] [T]
né le 14 Août 1995 à [Localité 4]
de nationalité Algérienne
alias
Monsieur [Z] [R] [U]
né le 11 août 1988
de nationalité algérienne
retenu au centre de rétention de [Localité 6] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant, assisté de Maître François QUINTARD, avocat commis d'office,
Appelant,
et en présence de M. [M] [L], interprète assermenté en langue arabe,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DES [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
non représenté
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, M. Philippe BRUEY conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Sophie SPINELLA, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'arrêt correctionnel de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 novembre 2021, condamnant [T] [K] alias [U] [Z] [R] à une interdiction définitive du territoire français;
Vu la décision de placement en rétention administrative du 20 janvier 2023 de Monsieur [K] [T], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Vu l'ordonnance du 25 janvier 2023 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours,
Vu la saisine de Monsieur LE PREFET DES [Localité 3] en date du 21 février 2023 pour obtenir une seconde prolongation de la rétention de cet étranger,
Vu l'ordonnance du 22 février 2023 à 11h32 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,
Vu la déclaration d'appel faite le 23 Février 2023, par Maître François QUINTARD, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [K] [T], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour, à 10h56,
Vu les télécopies et courriels adressés le 23 Février 2023 à Monsieur LE PREFET DES [Localité 3], à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 24 Février 2023 à 10 H 00,
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, en la présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.
L'audience publique initialement fixée à 10 H 00 a commencé à 10h14.
PRETENTIONS DES PARTIES
Assisté de M. [L] [M], interprète, Monsieur [K] [T] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je suis [K] [T]. Je suis né le 11 août 1995 à [Localité 2]. Quand j'ai pris la fuite en Suisse, on m'a mis dans une zone où on parlait l'allemand et l'italien et je ne parlais aucune de ces langues. Après j'ai contacté mon cousin en France, je suis resté en France 8 mois puis je suis allé en prison. Je suis venu directement de Suisse en France. Je ne suis plus à l'isolement, je suis sorti hier soir. '
L'avocat, Me François QUINTARD développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DES [Localité 3] ne comparait pas.
Assisté de M. [L] [M], interprète, Monsieur [K] [T] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' on ne m'a pas laissé faire appel. Heureusement mon avocat a fait appel. '
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 23 Février 2023, à 10h56, Maître François QUINTARD, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [K] [T] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 22 Février 2023 notifiée à 11h32, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
Sur le placement en chambre d'isolement
Monsieur [K] [T] expose avoir été placé en chambre de l'isolement postérieurement à l'audience devant le juge des libertés et de la détention du 22 février 2023.
Mais, une telle demande doit faire l'objet d'un premier examen par le juge du fond et ne peut être directement soumise au juge d'appel.
En tout état de cause, Monsieur [K] [T] est sorti de chambre d'isolement d'après ses dires à l'audience.
Dès lors, il y a lieu de déclarer irrecevable ce moyen.
Sur l'irrecevabilité pour absence de pièce utile et les diligences
Comme l'a indiqué le premier juge, le recours à la langue française ne concerne que les actes de procédures et il appartient au juge du fond, dans l'exercice de son pouvoir souverain, d'apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.
Au cas présent, l'administration a saisi les autorités suisses, le 13 février 2023, d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, puisque après recherches sur le fichier EURODAC le 6 février 2023, il est apparu que l'intéressé avait été signalisé sous l'identité de [U] [Z] [R], en Suisse, le 4 juin 2020.
Le 13 février 2023, les autorités françaises ont saisi, en langue anglaise, les autorités suisses d'une « demande de reprise » (« taking back »).
Par courrier en langue anglaise du 14 février 2023, qu'il convient d'admettre aux débats, il ressort que les autorités suisses regrettent de ne pas être en mesure d'accepter la demande des autorités françaises pour les raisons suivantes :
Les autorités italiennes ont accepté de prendre en charge la requête de Monsieur [K] [T] le 17 juillet 2020, conformément à l'article 13 du règlement de Dublin.
Comme M. [K] [T] s'est enfui, il a été demandé aux autorités italiennes d'étendre la période de transfert à 18 mois. Depuis le 11 octobre 2020, ils n'ont pas d'information sur la localisation de l'intéressé et son trajet entre le 11 octobre 2020 et le 6 février 2023.
Ils sont pleinement conscients que la preuve de la cessation incombe à l'État membre requis. Toutefois, afin d'examiner le cas avec soin, ils demandent aux autorités françaises de transmettre une demande de reprise aux autorités italiennes afin d'exclure que la personne susmentionnée soit retournée en Italie.
Mais, en l'absence de trace au fichier EURODAC d'une signalisation en Italie dans les douze derniers mois, la préfecture n'a pas à adresser de demande de reprise en charge aux autorités italiennes (d'autant que l'intéressé était incarcéré en France).
Dès lors, c'est donc à tort que les autorités suisses formulent cette demande auprès des autorités françaises.
Il ressort, par ailleurs, des pièces communiquées avec la requête que l'autorité administrative a, dès le 27 janvier 2023, saisi le consul d'Algérie à [Localité 5] d'une demande d' identification et de délivrance d'un laissez-passer.
Un rendez-vous consulaire a eu lieu le 1er février 2023. Une relance a été adresssée aux autorités consulaires le 21 février 2023.
La préfecture reste dans l'attente d'une réponse à sa demande.
Les diligences accomplies apparaissent suffisantes pour permettre un éloignement de M. [K] [T] dans les délais les plus brefs.
Le moyen de nullité sera donc rejeté.
SUR LE FOND
Selon l'article L742-4 du CESEDA': «'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'»
En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d'éloignement.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Déclarons irrecevable la demande sur l'isolement,
Rejetons les moyens de nullité,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 24 Février 2023 à 10 h55.
Le greffier, Le magistrat délégué,