Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 20/02405 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OTGS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 28 mai 2020 - tribunal de Béziers
N° RG 18/00421
APPELANTE :
S.A. Axa France Iard
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège social
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Fleur GABORIT substituant Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [Z] [T]
pris en sa qualité de liquidateur de la SARL NEW LOC PRESTIGE, immatriculée au RCS de Béziers sous le n°821 289 014, ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Corinne PAQUETTE-DESSAIGNE de la SELARL JURIDIS-LR, avocat au barreau de BEZIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 6 septembre 2016, la société New Loc Prestige a conclu un contrat d'assurance avec AXA France, concernant l'assurance d'un véhicule Mercedes, étant précisé dans ce contrat que le véhicule était utilisé pour le transport public de voyageurs à titre onéreux, exploité en tant que véhicule de tourisme avec chauffeur.
Le 17 février 2017, l'assuré a déclaré à son assureur le vol dudit véhicule.
Par courrier en date du 6 juillet 2017, Axa a refusé d'assurer le sinistre.
Aucune solution amiable n'ayant été trouvée, New Loc Prestige a fait assigner Axa aux fins de la voir condamner à lui verser les indemnités d'assurance suite au sinistre de vol et à titre subsidiaire, de la voir condamner à lui verser des dommages et intérêts en raison de la violation de son devoir d'information et de conseil.
New Loc Prestige a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 14 mars 2018. La SELARL [Z] [T], mandataire judiciaire, a été désignée en qualité de liquidateur.
Par jugement en date du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Béziers a :
- condamné Axa à payer à la SELARL, mandataire judiciaire ès qualité de liquidateur de New Loc Prestige, la somme de 44 615 euros,
- condamné Axa à payer à la SELARL, ès qualité, la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Axa aux entiers dépens.
Vu la déclaration d'appel d'Axa en date du 17 juin 2020,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 décembre 2022,
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 8 juin 2022, Axa sollicite qu'il plaise à la cour d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- prononcer la nullité du contrat d'assurance.
- débouter New Loc Prestige représentée par la SELARL de toutes ses demandes,
- condamner la SELARL, ès qualité de liquidateur de New Loc Prestige à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 10 septembre 2020, la SELARL demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner Axa à lui verser, ès qualité, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS
Axa fait grief au jugement entrepris d'avoir considéré qu'elle n'établissait pas que la fausse déclaration faite par New Loc Prestige était de nature à changer l'objet du risque ou à en diminuer l'opinion qu'elle a pu se faire du risque.
En réponse, à titre principal, la SELARL expose que la mauvaise foi de New Loc Prestige n'est pas établie car elle pensait avoir effectué les démarches administratives nécessaires. En effet, le 16 février 2015, M. [Y] a obtenu l'attestation de capacité professionnelle en transport routier de personnes avec des véhicules n'excédant pas neuf places y compris le conducteur et le 13 juillet 2016, elle a désigné son gestionnaire de transport en la personne de M. [Y], conformément à l'article 1er de l'arrêté en date du 28 décembre 2011. Elle rappelle en outre qu'Axa n'a jamais demandé à New Loc Prestige de justifier de ce qu'elle indique être aujourd'hui des documents fondamentaux pour la conclusion du contrat d'assurance.
Sur le changement de la nature du risque ou la diminution de l'opinion de ce risque par l'assureur, la SELARL soutient qu'Axa ne peut valablement affirmer qu'elle aurait refusé de signer le contrat par le simple fait qu'elle aurait été informée qu'elle ne disposait pas de l'autorisation administrative alors qu'elle avait procédé à toutes les démarches en ce sens. Elle ajoute que l'autorisation administrative n'est que la conséquence de la désignation d'un gestionnaire de transport titulaire d'une attestation de capacité professionnelle en transport routier de personnes avec des véhicules n'excédant pas neuf places y compris le conducteur, dont disposait M. [Y], et qu'en conséquence le risque encouru était nul. La SELARL dénonce par ailleurs l'amalgame fait par Axa entre l'objet du sinistre qui est un vol, et qui est sans lien avec la capacité professionnelle, et la capacité à respecter la loi.
Subsidiairement, la SELARL soutient qu'Axa n'a procédé à aucune vérification quant à l'obtention par New Loc Prestige de l'autorisation de transport de personnes et que le contrat ne contient aucun mention sur le caractère substantiel de cette autorisation. Elle considère qu'Axa a commis une faute qui lui a causé un préjudice alors qu'elle a payé ses cotisations d'assurance et n'est pas indemnisée pour son sinistre, demande la somme de 44 615 euros à titre de réparation de ce préjudice, équivalent au prix du véhicule neuf.
Sur la demande d'annulation du contrat d'assurance :
L'article L.118-3 du code des assurance dispose : « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.
Les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts. »
Par courrier en date du 6 juillet 2017, Axa a refusé la prise en charge du sinistre aux motifs suivants :
« - Notre contrat a pour l'objet l'assurance d'un véhicule Mercedes immatriculé [Immatriculation 6] ; souscripteur société NEW LOC PRESTIGE, pour une activité de transport public de voyageurs à titre onéreux et un usage de location de voiture de tourisme avec chauffeur. Le véhicule stationne à [Localité 8]. L 'assuré déclare que la société est titulaire de l'attestation délivrée par la préfecture l'autorisant au transport de personnes à titre onéreux et les conducteurs désignés sont : [F] [P] [H], [B] [Y] et [V] [L].
- Contrairement aux dispositions contractuelles, ni la société, ni les conducteurs désignés au contrat ne sont titulaires des attestations nécessaires à l'activité de transport de personnes à titre onéreux.
De plus, la société NEW LOC PRESTIGE, exploitant au nom de LOCABEST, exerce une activité de location de véhicules classique et ne possède pas les autorisations nécessaires à l'exploitation de VTC. »
Le rapport d'enquête diligentée par l'assureur, a permis d'établir que :
- le vol du véhicule a eu lieu dans la nuit du 16 au 17 février 2017, sur le parking d'une cité populaire de [Localité 7], à proximité du domicile de M. [Y] qui l'utilisait de manière exceptionnelle pour effectuer des démarches administratives,
- aucune enquête n'a pu avoir lieu sur le vol en raison du comportement agressif des jeunes squatteurs du quartier,
- le véhicule était habituellement conduit par M. [V] [L] et était habituellement stationné à proximité du domicile de ce dernier, dans un quartier de standing non loin de la [Adresse 9],
- New Loc Prestige a été créée en juin 2016 et avait une activité de location de véhicules de tourisme, motocyclette, véhicule utilitaire et transport routier de personnes. Son gérant était M. [N]. Le capital social était détenu à 45 % par M. [L], à 45 % par M.[R] et à 10 % par M. [Y]. Le 7 novembre 2016, M.[L] a cédé ses parts à sa s'ur, Mme [O],
- le service de la réglementation des véhicules de transport avec chauffeur a indiqué qu'aucun des protagonistes n'était titulaire d'une inscription au registre des VTC, que ce soit en tant que personne physique ou en tant que personne morale,
- le véhicule en cause a été acheté neuf en location avec option d'achat pour la somme de 44 896 euros le 22 août 2016. Le premier loyer de 11 300 euros a été réglé par chèque de banque. Le garage Mercedes a enregistré une révision le 30 novembre 2016. Une première facture a été établie au nom de la société Kenza Prestige à la demande de M. [L] qui est venu le 27 avril 2017, alors qu'il n'avait plus aucune part dans l'entreprise, demander l'annulation de cette facture pour qu'elle soit établie au nom de New Loc Prestige,
- la société Kenza prestige a été créée en 2015, sise à [Localité 7], avec pour objet social le transport routier de personnes n'excédant pas neuf places. Son capital social est détenu à 50 % par M.[R] et à 50 % par M [Y], son gérant.
Les interférences entre les diverses sociétés et les protagonistes agissant au sein de ces sociétés, constatées par l'enquêteur de l'assureur, sont confirmées par les déclarations faites par M. [N], gérant de New Loc Prestige, dans son attestation en date du 22 mai 2017. Ce dernier explique que New Loc Prestige exploitait, sous le nom commercial de Locabest, 11 véhicules en location traditionnelle à durée variable. Elle était propriétaire de la Mercedes en cause, qu'elle louait à la société Kenza Prestige, le conducteur principal étant M. [Y]. Ce véhicule était utilisé comme VTC par Kenza Prestige. M.[N], qui était dans l'incapacité de fournir le contrat de location qui était entre les mains de M. [Y], précise que New Loc Prestige n'avait pas d'autorisation VTC et que l'autorisation pour Kenza Prestige était en cours.
Le contrat litigieux a été conclu le 6 septembre 2016 avec date d'effet au 30 août 2016. Il est indiqué que New Loc Prestige était titulaire de l'attestation délivrée par la préfecture l'autorisant à transporter des personnes à titre onéreux, ce qui est faux. Les conducteurs désignés dudit véhicule étaient « M. [L] », qui n'avait plus de parts dans la société au moment du vol, Mme [H] [F] [P], qui n'a aucune part dans la société et M.[Y], pour lequel la SELARL communique une autorisation de capacité professionnelle en transport routier de personnes en date du 16 février 2015 (qui n'est cependant assortie d'aucun tampon) mais qui n'est pas l'assuré.
La SELARL verse aux débats une demande d'autorisation d'exercer la profession de transporteur public de marchandises et de personnes en date du 13 juillet 2016 pour New Loc Prestige faite par M. [N]. Cette demande est arrivée dans le mauvais service le 8 août 2016. Elle était, en tout état de cause, au vu du courrier en date du 8 août 2016 émanant de la préfecture de la Région Languedoc Roussillon Midi Pyrénées, irrecevable, un certains nombre de mentions et de documents n'ayant pas été fournis.
Il est donc établi que New Loc Prestige a fait de fausses déclarations de manière intentionnelle.
S'agissant de l'opinion que l'assureur a pu se faire du risque, il sera retenu que l'autorisation pour le transport des personnes n'est délivrée par les préfectures que sous réserve d'avoir justifié que la condition d'exigence d'honorabilité est remplie ainsi que de l'absence de condamnations figurant au casier judiciaire. En ne se soumettant pas à ce contrôle, New Loc Prestige ne peut pas prétendre qu'elle présente les garanties suffisantes pour effectuer le transport de personnes et en conséquence n'a pas permis à l'assureur d'évaluer le risque encouru et en tout état de cause, elle ne lui a pas permis de refuser de conclure un contrat d'assurance.
Sur le manquement au devoir de conseil :
La Cour de cassation, par une jurisprudence constante, considère que si l'assureur se doit de proposer un contrat adapté à la situation de l'assuré, il n'a pas, en raison de la relation de confiance existant entre lui et son assuré, d'obligation de vérification des informations qui lui sont fournies par ce dernier, qui est censé être de bonne foi.
En l'espèce, le contrat précise bien qu'il a été conclu « sous réserve des déclarations informations conformes aux déclarations de l'assuré ». Le moyen est donc en voie de rejet.
La décision dont appel sera en conséquence réformée en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires :
Succombant à l'action, la SELARL sera condamnée, en application de l'article 696 du Code de procédure civile, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition
REFORME le jugement entrepris en ses dispositions telles qu'elles ont été déférées devant la cour d'appel,
Et, statuant à nouveau de ces chefs réformés :
PRONONCE la nullité du contrat d'assurance n° 7287264404 conclu le 6 septembre 2016 entre la société New Loc Prestige et la SA Axa France IARD,
DÉBOUTE la SELARL [Z] [T], mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de la SARL New Loc Prestige de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SELARL [Z] [T], mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de la SARL New Loc Prestige à payer à la SA Axa France IARD la somme de trois mille euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNE la SELARL [Z] [T], mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de la société New Loc Prestige aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT