Grosse + copie
délivrées le
à
3e chambre sociale
ARRÊT DU 15 Février 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03798 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PPVM
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 OCTOBRE 2016 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT
N° RG21500438
APPELANTE :
Madame [I] [B] [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me BARDEAU FRAPPA substituant Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
CIPAV
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentant : Me SAIZ MELEIRO substituant Me Stéphanie PAILLER de la SELEURL CABINET STEPHANIE PAILLER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
URSSAF LANGUEDOC ROUSSILLON
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentant : Me Julien ASTRUC de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Société CNAVPL
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Dominique BESSE de la SELARL B2B AVOCATS, avocat au barreau d'ALBI
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 JANVIER 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
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* *
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [I] [F] épouse [B] a débuté une activité de psychologue libérale de 2007 à 2013.
La Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse, CIPAV, s'étant tardivement rapprochée de Mme [I] [F] épouse [B], cette dernière lui écrivait le 2 décembre 2013 en ces termes :
« Suite au courrier reçu par vos services (cf la photocopie jointe à mon courrier), je vous adresse mon refus de devoir de telles sommes à votre caisse et ce pour cette raison : J'ignorais jusqu'à ce jour que j'avais un dossier dans vos services, j'ignorais même l'existence de votre caisse de retraite, n'ayant disposé d'aucune information : Je n'ai jamais reçu de courrier de votre part, ni appel à cotisations, ni rappel, ni échéancier ou quoique ce soit d'autre. J'ai contacté vos services par téléphone, dès réception de votre courrier. Il m'a été dit que vos services avaient contacté l'URSSAF, qui leur avait déclaré que « j'étais inconnue » ''''' et vous trouvez mes coordonnées au moment où j'arrête mon activité ''' de 2007 à 2013, vos services n'ont pas réussi à me trouver '''
J'ai à ma disposition tous les courriers que j'ai reçus des services de l'URSSAF depuis le début de mon activité en 2007. je ne suis pas responsable des erreurs de communication entre votre caisse et l'URSSAF. Par ailleurs, ma retraite est assurée par mes activités en tant que salariée et je bénéficie de celle de mon conjoint, j'ai droit à ma retraite depuis le 1er octobre, je ne perçois aucun versement de la CIPAV, et d'ailleurs je ne réclame rien. »
La CIPAV a adressé à Mme [I] [F] épouse [B] les deux mises en demeure suivantes :
' le 20 décembre 2013 concernant les années 2010 à 2012, lettre réceptionnée le 2 janvier 2014 ;
' le 14 novembre 2014 pour l'année 2013, lettre réceptionnée le 21 novembre 2014.
Mme [I] [F] épouse [B] a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV les 23 août 2014 et 16 février 2015 aux fins de contester ces mises en demeure.
Se plaignant d'une décision de rejet implicite, Mme [I] [F] épouse [B] a saisi le 19 mars 2015 le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault.
La commission de recours amiable a rendu une décision notifiée le 29 octobre 2015 et ainsi rédigée :
« Nous vous informons que lors de sa réunion du 30/09/2015, notre commission de recours amiable a rejeté votre demande au motif que : Mme [I] [F] épouse [B] née le 16/12/1952, a été affiliée du 01/04/2007 au 31/12/2013 pour une activité de psychologue. Elle saisit la commission le 23/08/2014 et le 16/02/2015 d'une contestation des mises en demeure du 20/12/2013 et du 14/11/2014, d'une demande d'exonération à 100 % des cotisations de la retraite complémentaire et invalidité-décès des années 2010 à 2013 et d'une demande de dommage et intérêts pour une somme de 5 000 €. Les courriers envoyés à l'adresse de Mme [F] : [Adresse 3], sont revenus avec la mention « N'habite pas à l'adresse indiquée ». la CIPAV a procédé à une enquête adresse auprès de l'URSSAF en 2007, elle nous répond ceci : « inconnu dans nos fichiers ». De ce fait, il n'y a pas eu de pré-appel et d'appels de cotisations. La CIPAV reprend contact avec elle au moment de sa radiation le 27/11/2013 et l'informe qu'elle est redevable aux titres des cotisations des années 2007 à 2013 d'un montant total de 9 020,33 € (majorations incluses). Une mise en demeure est envoyée le 20/12/2013 pour les années 2010 à 2012 d'un montant de 4 918,33 €, à l'adresse : [Adresse 2], qu'elle a reçue (AR signé) ; ainsi qu'une contrainte en date du 23/05/2014. Une mise en demeure est envoyée le 14/11/2014 pour l'année 2013 d'un montant de 197,30 € qu'elle a bien reçue (AR signé), ainsi qu'une contrainte le 28/01/2015. En effet, l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale prévoit ceci « L'avertissement ou la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précédent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année leur envoi. » À l'étude du dossier les mises en demeures concernant les années 2010 à 2013, ont bien été reçues par Mme [F]. Nos services lui répondent que le fait d'être inscrit à l'URSSAF entraîne l'obligation de cotiser à une caisse d'assurance maladie et de vieillesse et l'informe que du fait qu'elle est radiée il n'y aura pas de régularisation sur les années 2012 et 2013. Elle indique qu'elle est retraitée au régime général depuis le 01/10/2013, et notamment « je ne perçois aucun versement de la CIPAV, et d'ailleurs je ne réclame rien ». Or, la CIPAV est un organisme de sécurité sociale institué en application des articles L. 621-1, L. 621-3 et L. 622-5 du code de la sécurité sociale et qui gère les trois régimes obligatoires suivants :
' le régime de l'assurance vieillesse de base institué plus généralement pour les non salariés par la loi du 17 janvier 1948 ;
' le régime de retraite complémentaire institué par décret du 21 mars 1979, par application de l'article L. 544-1 du code de la sécurité sociale ;
' le régime de l'invalidité-décès institué par décret du 21 mars 1979, par application de l'article L. 644-2 du code de la sécurité sociale.
Il ressort des textes ci-dessus, qui sont d'ordre public, que l'affiliation à la CIPAV entraîne l'obligation de cotiser au trois régimes de retraite gérés par cette caisse de retraite. De plus, il n'y a pas de seuil d'affiliation à le CIPAV en deçà duquel les adhérents seraient totalement exonérés de cotisations. De plus, l'article D. 642-6 du code de la sécurité sociale prévoit ceci : « Ne font pas l'objet de la régularisation prévue au troisième alinéa de l'article L. 642-2 les cotisations des assurés qui, l'année au cours de laquelle la régularisation aurait dû être opérée par une section professionnelle, soit n'exercent plus aucune activité relevant de ladite section, soit ont fait liquider leurs droits à pension de retraite de base. Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux cotisations des assurés assises sur un revenu estimé dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 642-2. »
Par ces motifs :
Les membres de la Commission rejettent la contestation des mises en demeure du 20/12/2013 et du 14/11/2014 ainsi que la demande d'exonération à 100 % des cotisations de la retraite complémentaire et invalidité-décès des années 2010 à 2013. Les membres de la commission regrettent de ne pouvoir toutefois accéder à la demande de dommage et intérêts pour une somme de 5 000 € ; Qu'en effet les demandes d'indemnisation de toutes natures excèdent la compétence matérielle de la commission, qui peut arbitrer un litige opposant un assuré à la caisse, sans toutefois pouvoir allouer de dommages-intérêts. »
Le tribunal des affaires de sécurité sociale, par jugement rendu le 19 octobre 2016 :
a reçu Mme [I] [F] épouse [B] en sa contestation ;
l'a déboutée de ses demandes ;
l'a condamnée à payer à la CNAVPL la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles ;
a dit que le jugement est opposable à l'URSSAF Languedoc-Roussillon.
Cette décision a été notifiée le 20 octobre 2016 à Mme [I] [F] épouse [B] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 10 novembre 2016.
Le 3 octobre 2018, la CIPAV signifiait deux contraintes à une homonyme de Mme [I] [F] épouse [B] et tentait de procéder à une saisie-attribution dont main-levée était ordonnée par le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Montpellier suivant décision du 15 avril 2019.
Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles Mme [I] [F] épouse [B] demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, dont l'allocation d'une somme de 1 000 € d'indemnité à la CNAVPL ;
ordonner l'exonération totale de ses cotisations de retraite complémentaire et invalidité-décès 2010, 2011, 2012 et 2013 et l'annulation des majorations de retard afférentes ;
condamner la CIPAV à lui verser une somme de 10 000 € de dommages et intérêts tous chefs de préjudice confondus au titre du traitement défectueux de son compte retraite depuis 2007 ;
débouter la CIPAV, la CNAVPL et l'URSSAF de leurs demandes dirigées contre elle dont les demandes relatives aux frais irrépétibles ;
condamner la CIPAV à lui verser la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
condamner la CIPAV aux dépens.
Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse, CIPAV, demande à la cour de :
débouter Mme [I] [F] épouse [B] de toutes ses demandes ;
déclarer irrecevables la contestation des deux mises en demeure pour forclusion ;
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
condamner Mme [I] [F] épouse [B] à lui régler la somme de 1 300 € au titre des frais irrépétibles.
Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse des Professions Libérales, CNAVPL, demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
condamner Mme [I] [F] épouse [B] à lui payer une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales, URSSAF, de Languedoc-Roussillon demande à la cour de :
statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel ;
confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris le 19 octobre 2016 ;
débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes ;
déclarer l'URSSAF de Languedoc-Roussillon hors de cause ;
condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la recevabilité de la contestation des mises en demeure
La CIPAV conteste la recevabilité de la contestation des deux mises en demeure pour forclusion.
Mais la commission de recours amiable n'a pas relevé la tardiveté des deux recours qu'elle a rejetés après examen au fond lors de sa réunion du 30 septembre 2015. Dès lors, la caisse, qui se trouve liée par la décision de sa commission de recours amiable, ne peut plus contester la recevabilité de la saisine de cette dernière, étant relevé que l'appelante a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale avant même la décision de la commission en se plaignant d'un rejet implicite.
2/ Sur la demande d'exonération totale des cotisations et l'annulation des majorations de retard
L'appelante demande à la cour d'ordonner l'exonération totale de ses cotisations de retraite complémentaire et invalidité-décès 2010, 2011, 2012 et 2013. Elle sollicite aussi l'annulation des majorations de retard afférentes. Elle fait valoir que ses revenus non-salarié pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012 étaient inférieurs à 15 % du plafond de la sécurité sociale et qu'elle était ainsi éligible à une demande d'exonération en application des dispositions de l'article 3.12 des statuts de la CIPAV. Elle soutient que cette demande ne se trouvait enserrée dans aucun délai, contrairement aux demandes de réduction de cotisations, avant la décision du conseil d'administration de la CIPAV du 23 septembre 2015 applicable au 1er janvier 2016 aux termes de laquelle les demandes de réduction et de dispense de cotisations doivent être formulées à peine de forclusion avant le 31 décembre de l'année d'exigibilité.
La CIPAV répond que l'appelante n'a pas effectué sa demande d'exonération dans les délais statutaires, à savoir avant le 31 mars de l'année à laquelle elle rapporte.
Mais la cour retient qu'il n'apparaît pas qu'au temps des contestations des mises en demeure, c'est-à-dire courant 2014, la demande d'exonération totale des cotisations ait été soumise à un quelconque délai. En conséquence, l'appelante qui les a formés dans le cadre de saisines recevables de la commission de recours amiable ne se trouve frappée par aucune prescription ou forclusion.
L'appelante n'articule aucun moyen au soutien de sa demande d'exonération des cotisations qui, selon les dispositions de l'article 3.12 des statuts de la CIPAV, ne constitue qu'une faculté pour cet organisme et n'est pas droit comme le rappelle justement la commission de recours amiable. En particulier, elle ne s'explique nullement sur ses autres revenus et sa situation financière et professionnelle durant la période considérée. En conséquence, il n'y a pas lieu d'exonérer l'appelante des cotisations et d'annuler de ce fait les majorations de retard.
3/ Sur la demande de dommages et intérêts
L'appelante demande à la cour de condamner la CIPAV à lui verser une somme de 10 000 € de dommages et intérêts tous chefs de préjudice confondus au titre du traitement défectueux de son compte retraite depuis 2007. Elle reproche à la CIPAV de ne pas l'avoir affiliée automatiquement à la suite de la déclaration qu'elle a effectuée auprès du centre de formalité des entreprises. Elle évalue ainsi son préjudice : perte des droits à retraite concernant les années 2007, 2008 et 2009 dont les cotisations n'ont pu être régularisées par l'effet de la prescription, soit 39 € par mois pendant 15 ans pour un capital de 7 000 €, outre 3 000 € en réparation de l'anxiété liée à la procédure diligentée par huissier.
Mais la CIPAV répond justement que la prescription des cotisations relatives aux années 2007, 2008 et 2009 fait uniquement interdiction au créancier de procéder à un recouvrement forcé mais ne prive nullement la débitrice de la faculté d'acquitter volontairement de ses cotisations afin de retrouver ses droits. De plus, l'appelante résiste tout autant au paiement des cotisations postérieures qui ne sont pourtant pas prescrites qu'à celles qu'elle incrimine. Le préjudice d'anxiété qu'elle invoque n'apparaît nullement établi, les manquements de la CIPAV lui ayant au contraire permis d'éluder des sommes significatives au moyen de la prescription.
4/ Sur la demande de mise hors de cause de l'URSSAF
L'URSSAF sollicite sa mise hors de cause. Aucune demande n'est formée à son encontre, elle sera dès lors mise hors de cause.
5/ Sur les autres demandes
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en première instance et en appel. Elles seront dès lors déboutées de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il :
a reçu Mme [I] [F] épouse [B] en sa contestation ;
l'a déboutée de ses demandes.
L'infirme pour le surplus.
Statuant à nouveau,
Met hors de cause l'URSSAF de Languedoc-Roussillon.
Déboute les parties de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Condamne Mme [I] [F] épouse [B] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT