Grosse + copie
délivrées le
à
3e chambre sociale
ARRÊT DU 15 Février 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01784 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NTMK
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 FEVRIER 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE CARCASSONNE
N° RG21700096
APPELANT :
Monsieur [R] [B] [Z] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Marie SENGER-BIVER substituant Me Stéphane CABEE de la SCP CABEE-BIVER-SPANGHERO, avocat au barreau de CARCASSONNE
INTIMEE :
URSSAF LANGUEDOC ROUSSILLON aux droits de RSI
[Adresse 5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Ghislaine BONARELLI de la SCP BONARELLI, avocat au barreau de NARBONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 JANVIER 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Depuis le 24 janvier 2006, M. [R] [B] exerce en qualité d'entrepreneur individuel une activité de fabrication de moteurs, génératrices et transformateurs électriques, à [Localité 1] [Localité 1].
Le 8 décembre 2016, le RSI Languedoc-Roussillon adressait à M. [R] [B] une mise en demeure d'avoir à payer la somme de 2 978 €, arrêtée au 6 décembre 2016, concernant les cotisations du 4e trimestre 2016.
M. [R] [B] a saisi la commission de recours amiable du RSI le 29 décembre 2016.
Le RSI lui a répondu ainsi par lettre du 31 janvier 2017 :
« Par courrier du 29/12/2016, vous contestez la mise en demeure adressée au titre du 4e trimestre 2016. Vous demandez son annulation auprès de la commission de recours amiable, au motif que le RSI ne serait pas un régime légal de sécurité sociale mais un régime de secours mutuel. En s'appuyant sur le préambule de la Constitution de 1946, la France a fait le choix d'un principe constitutionnel de solidarité nationale. L'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale implique l'obligation, pour toute personne travaillant en France, d'être rattachée à un régime de protection sociale obligatoire. Chaque personne doit être affiliée au régime de sécurité sociale dont relève son activité. Comme tous les travailleurs indépendants, vous relevez de par la loi, du RSI, régime légal de sécurité sociale, régi par le code de la sécurité sociale. Vous y êtes rattaché et vous y cotisez au titre de l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès, retraite, allocations familiales, contributions à la formation professionnelle, CSG et CRDS. En application de la législation française et des directives européennes en matière de sécurité sociale, il est important de vous rappeler les principes et les règles de droit. En effet, il est opportun de distinguer :
' d'une part, la protection sociale obligatoire (nommée sécurité sociale), dont l'organisation, fondée sur des principes à valeur constitutionnelle, relève de l'entière maîtrise des États membres de l'Union européenne [articles 5 du traité de Lisbonne et 153-4 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne] ; ceci est confirmé par la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne.
' d'autre part, la protection sociale supplémentaire facultative soumise à la concurrence, relevant pour sa part du droit national de chaque État, mis en conformité avec la réglementation européenne applicable (directives assurances n° 92/49 CEE et n° 92/96 CE).
La mise en concurrence de l'assurance ne concerne pas la protection sociale obligatoire. Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les organismes qui concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale ne sont pas des entreprises au sens des traités européens. Ces organismes ne peuvent pas être soumis aux règles concurrentielles. En effet, ils remplissent une fonction de caractère exclusivement social, fondée sur le principe de la solidarité, dépourvue de tout but lucratif et soumise au contrôle de l'État. Il est important de préciser que l'ensemble des activités des caisses du RSI ne relève que du domaine de la sécurité sociale. Dès lors, puisque l'envoi de contraintes et de mises en demeure relevant du droit de la sécurité sociale, sont des mécanismes tendant au respect par les assurés de leur obligation d'adhérer et de cotiser au régime, il ne s'agit aucunement de pratiques commerciales abusives ou déloyales. Compte tenu des éléments cités, votre demande n'est pas de ressort de notre commission de recours amiable. »
Contestant notamment toute obligation d'affiliation, M. [R] [B] a saisi le 27 février 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aude, lequel, par jugement rendu le 27 février 2018, a :
débouté l'assuré de sa contestation relative au caractère obligatoire de son affiliation à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, venant aux droits du RSI ;
condamné l'assuré à payer à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, venant aux droits du RSI, la somme de 100 € au titre des frais irrépétibles ;
dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile ;
rejeté toute prétention contraire ou plus ample.
Cette décision a été notifiée le 7 mars 2018 à M. [R] [B] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 5 avril 2018.
Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles M. [R] [B] demande à la cour de :
débouter l'URSSAF venant aux droits du RSI de l'intégralité de ses prétentions ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile ;
infirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
dire que l'URSSAF venant aux droits du RSI n'a pas qualité à procéder au recouvrement des cotisations de sécurité sociale ;
dire qu'il n'existe pas de caractère obligatoire à son affiliation au RSI ;
dire que l'URSSAF venant aux droits du RSI ne justifie pas d'un pouvoir lui permettant d'émettre la mise en demeure litigieuse du 6 décembre 2016 ;
dire que l'URSSAF venant aux droits du RSI ne fonde ni ne justifie le montant des cotisations réclamées ;
dire que l'action en recouvrement fondée sur la mise en demeure litigieuse du 6 décembre 2016 est nulle ;
annuler la mise en demeure du 6 décembre 2016, pour un montant en principal de 2 978 € relative aux cotisations du 4e trimestre 2016 ;
condamner l'URSSAF venant aux droits du RSI à lui payer la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner l'URSSAF venant aux droits du RSI aux entiers dépens incluant ceux de première instance dont distraction au profit de la SCP CABEE BIVER SPANGHERO.
Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles l'URSSAF venant aux droits du RSI demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'appelant de sa contestation relative au caractère obligatoire de son affiliation à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant aux droits du RSI ;
dire que l'affiliation à titre obligatoire des travailleurs indépendants dont l'appelant auprès d'un organisme de sécurité sociale français n'est pas en contradiction avec les directives européennes 92.49 CEE et 92.96 CEE ;
dire qu'elle est un organisme relevant du code de la sécurité sociale et non du code de la mutualité ;
dire qu'elle a toutes capacités pour agir en recouvrement de créances dues par ses affiliés ;
dire que le RSI justifie de sa créance tant en la forme qu'au fond ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'appelant à la somme de 100 € au titre des frais irrépétibles dans le cadre de son opposition ;
condamner l'appelant à lui payer la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;
condamner l'appelant à l'amende prévue à l'article 32-1 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la qualité du RSI pour exiger le paiement des cotisations
L'appelant soutient que le RSI est constitué et fonctionne sous le régime des sociétés de secours mutuels qui sont devenues des mutuelles régies par le code de la mutualité.
Mais le RSI a été créé en qualité de régime légal de sécurité sociale par l'ordonnance du 8 décembre 2005 et l'article L. 611-3 du code de la sécurité sociale. Il a été chargé du recouvrement des cotisations sociales par l'article L. 133-6 du même code.
À compter du 1er janvier 2018, le RSI a été supprimé par la loi du 30 décembre 2017 laquelle a confié le recouvrement des cotisations aux URSSAF en application des articles L. 213-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale. La réforme a été mise en 'uvre par le décret du 9 mars 2018.
Au vu de l'ensemble de ces textes, il n'apparaît pas que le RSI ressortisse du code de la mutualité mais bien du code de la sécurité sociale qui l'a institué en qualité de régime légal de sécurité sociale et lui a donné compétence pour procéder au recouvrement des cotisations, compétence légalement dévolue à l'URSSAF.
2/ Sur le pouvoir pour agir
L'appelant reproche à la mise en demeure de ne pas préciser la personne l'ayant rendue autrement que par la mention « Le directeur ou son délégataire » qui n'est pas suivie d'une signature.
L'URSSAF fait valoir que la mise en demeure indique qu'elle est délivrée par le « RSI Languedoc-Roussillon » et produit la délégation de pouvoir en date du 18 février 2015 du directeur général de la caisse nationale au directeur de la caisse régionale Languedoc-Roussillon, M. [N] [T] à effet au 1er avril 2015.
La cour retient que l'omission des mentions prescrites par l'article 4, alinéa 2, de la loi du 12 avril 2000 n'affecte pas la validité de la mise en demeure prévue par le code de la sécurité sociale, dès lors que celle-ci mentionne comme en l'espèce la dénomination de l'organisme qui l'a émise. En conséquence, la mise en demeure n'encourt pas de critique de ce chef.
3/ Sur la justification des sommes réclamées
L'appelant reproche encore à l'URSSAF de ne pas justifier des sommes réclamées.
Mais l'URSSAF produit des tableaux précis indiquant les sommes déclarées et les cotisations appelées ainsi que les versements effectués. Ces documents précis et clairs ne sont pas discutés par l'appelant. La cour retient dès lors que l'URSSAF justifie suffisamment de sa créance et qu'il n'y a pas lieu d'annuler la mise en demeure en cause.
4/ Sur les autres demandes
L'URSSAF sollicite le prononcé d'une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile. Mais les dispositions de ce texte ne sauraient être mises en 'uvre que de la propre initiative de la juridiction saisie, une partie ne pouvant avoir aucun intérêt moral au prononcé d'une amende civile à l'encontre de son adversaire. Dès lors, cette demande formée par l'URSSAF apparaît irrecevable.
Il convient d'allouer à l'URSSAF la somme de 300 € au titre des frais irrépétibles d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile.
L'appelant supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Déboute M. [R] [B] de ses demandes.
Y ajoutant,
Déclare l'URSSAF irrecevable à solliciter le prononcé d'une amende civile.
Condamne M. [R] [B] à payer à l'URSSAF la somme de 300 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
Condamne M. [R] [B] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT