AFFAIRE :
[B]
C/
[M]
S.A. SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 14 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/00402 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PJFU
Décisions déférées à la Cour :
Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 15 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 883 F-D qui casse et annule partiellement l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 06 Juin 2019, enregistrée sous le n° 17/15239 statuant sur appel du jugement du Tribunal de Commerce de CANNES du 20 Juillet 2017, enregistrée sous le n° 2015/297
Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile;
DEMANDERESSE A LA SAISINE:
Madame [Z] [B] épouse [E]
née le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 11] (20)
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie-Camille PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Eric NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me François CREPEAUX, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant
DEFENDEURS A LA SAISINE
Monsieur [X] [M]
né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 8] (20)
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 5]
Assigné à personne le 3 février 2022
S.A. SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège social venant aux droits du CREDIT DU NORD en vertu du traité d'apport partiel d'actif en date du 11 septembre 2012
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Linda AOUADI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Nicolas BEDEL DE BUZAREINGUES de la SCP BEDEL DE BUZAREINGUES, BOILLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 29 novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 DECEMBRE 2022,en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 805 du code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRET :
- Réputé contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
*
* *
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
Par acte sous seing privé en date du 29 janvier 2004, la SARL MJV, société en cours de formation, représentée par ses associés fondateurs, [Z] [B] épouse [E] et [X] [M], a acquis un fonds de commerce de bar avec licence IV sis à [Localité 9] dans les Alpes-Maritimes, moyennant un prix de 335'300 euros.
Ce prix a été payé à concurrence de la somme de 295'350 euros par un prêt consenti par la SA Crédit du Nord, aux droits de laquelle vient la société marseillaise de crédit, au taux de 5,15 % et pour une durée de 7 ans.
Par le même acte, Mme [B] épouse [E] et M. [M] se sont chacun portés caution solidaire de l'engagement ainsi souscrit à hauteur de la somme de 191'978 euros chacun.
Le 17 avril 2012, le tribunal de commerce de Cannes a prononcé la liquidation judiciaire de la société MJV.
À la suite des assignations délivrées les 13 octobre 2015 et 27 mars 2017 par la société marseillaise de crédit à M. [M], M. [G] et à Mme [B] épouse [E], le tribunal de commerce de Cannes a, par jugement en date du 20 juillet 2017':
-condamné solidairement et indéfiniment M. [M] et Mme [B] épouse [E] à payer à la société marseillaise de crédit le solde dû, soit la somme de 118'384,94 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,5 % l'an depuis le 8 juin 2014, au titre de l'emprunt bancaire consenti par la Société marseillaise de crédit, aux associés fondateurs, agissant au nom et pour le compte de la société MJV, et dont l'acte de prêt n'a jamais fait l'objet de reprises par ladite société,
-ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière, résultant de la condamnation qui précède, comme il est dit à l'article 1154 du code civil,
-débouté la demande de condamnation à payer de la société marseillaise de crédit à l'encontre de M. [G],
-condamné M. [M] et Mme [B] épouse [E] aux dépens de la présente instance, ainsi qu'au paiement de la somme de 6 000 euros à la société marseillaise de crédit au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la Société marseillaise de crédit à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire.
Le 3 août 2017, M. [M] a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Le 31 août 2017, la Société marseillaise de crédit a également relevé appel du jugement.
Par arrêt en date du 6 juin 2019, la cour d'Appel d'Aix en Provence a':
-confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à rectifier l'erreur matérielle dont il est affecté en ce sens qu'il convient de lire M. [T] [G] au lieu de M. [S] [G],
-rejeté toutes autres demandes,
-fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par M. [M] et par la société marseillaise de crédit.
Par arrêt en date du 15 décembre 2021, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a':
-cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 6 juin 2019, mais seulement en ce qu'après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de la Société marseillaise de crédit soulevée par Mme [B] épouse [E], il la condamne, par confirmation de jugement, solidairement et indéfiniment avec M. [M] à payer à la société marseillaise de crédit la somme de 118 384,94 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,5 % l'an depuis le 6 juin 2014, en ce qu'il ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
-remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Montpellier,
-mis hors de cause, sur leur demande, les héritiers de M. [G],
-condamné la Société marseillaise de crédit aux dépens,
-en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société marseillaise de crédit, l'a condamnée à payer à Mme [B] épouse [E] la somme de 3 000 euros et a condamné Mme [B] épouse [E] à payer aux héritiers de M. [G] la somme globale de 3 000 euros.
Le 18 janvier 2022, Mme [B] épouse [E] a saisi la cour d'appel de Montpellier.
Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 24 mars 2022, de':
- juger dépourvue d'effet interruptif de prescription à l'égard de Mme [E] l'assignation de M. [M] du 21 octobre 2015 en sa qualité de caution de la SARL MJV,
- juger en conséquence prescrite l'action engagée par la société marseillaise de crédit à l'encontre de Mme [E],
En conséquence,
- réformer le jugement du 20 juillet 2017 en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de Mme [E],
- débouter la Société marseillaise de crédit de toutes ses demandes à l'encontre de Mme [E],
Très subsidiairement, s'il était jugé que l'assignation de M. [M] du 21 octobre 2015 était interruptive de prescription à l'égard de la concluante,
- juger que la somme de 17'172,52 euros en principal non prescrite à la date du 21 octobre 2015 sera productive d'intérêts au taux de 5,15 % à compter du 6 juin 2014,
- débouter la Société marseillaise de crédit du surplus de ses demandes,
En toute hypothèse,
- allouer 8 000 euros à la concluante sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société marseillaise de crédit aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :
-les demandes de la banque sont soumises à la prescription quinquennale, ce dont cette dernière convient,
-les échéances du prêt sont demeurées impayées à compter du mois de janvier 2009,
-le prêt était remboursable en 84 échéances mensuelles, du 29 février 2004 au 29 janvier 2011, de sorte que la prescription des échéances est acquise depuis le 29 janvier 2016,
-elle a été assignée le 27 mars 2017, de sorte que l'action de la banque à son encontre est prescrite,
-l'action diligentée par la Société marseillaise de crédit à l'encontre de M. [M] n'a nullement interrompu la prescription, dans la mesure où ce dernier n'a pas été assigné en qualité de codébiteur solidaire, mais en qualité de caution,
-à titre subsidiaire, la société marseillaise de crédit ne saurait prétendre à un taux d'intérêts contractuels de 8,15 % comme elle le sollicite, ses demandes initiales ne portant que sur un taux de 5,15 % et ce alors qu'elle n'a pas relevé appel de cette disposition du jugement du tribunal de commerce de Cannes.
Dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 31 mars 2022, la Société marseillaise de crédit demande à la cour de':
-dire et juger que le délai de prescription a été interrompu le 21 octobre 2015,
En conséquence,
-confirmer le jugement du tribunal de commerce de Cannes en date du juillet 2017 en ce qu'il a dit que Mme [E] était tenue au paiement,
Et statuant à nouveau,
-condamner Mme [E] au paiement de la somme de :
- 4 293,13 euros au titre de l'échéance du 29 octobre 2010, assortie des intérêts au taux de 8,15 % l'an (taux nominal de 5,15 % majoré de 3 points) à compter du 29 octobre 2010 et jusqu'à parfait paiement,
- 4 293,91 euros au titre de l'échéance du 29 novembre 2010, assortie des intérêts au taux de 8,15 % l'an (taux nominal de 5,15 % majoré de 3 points) à compter du 29 novembre 2010 et jusqu'à parfait paiement,
- 4 294,68 euros au titre de l'échéance du 29 décembre 2010, assortie des intérêts au taux de 8,15 % l'an (taux nominal de 5,15 % majoré de 3 points) à compter du 29 décembre 2010 et jusqu'à parfait paiement,
- 4 295,46 euros au titre de l'échéance du 29 janvier 2011, assortie des intérêts au taux de 8,15 % l'an (taux nominal de 5,15 % majoré de 3 points) à compter du 29 janvier 2011 et jusqu'à parfait paiement,
-prononcer la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
-condamner Mme [E] au paiement de la somme de 3'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
-l'action à l'encontre de M. [M], codébiteur solidaire de Mme [B] épouse [E], le 21 octobre 2015, a interrompu le délai de prescription à l'égard de cette dernière par application des dispositions des articles 2245 al. 1, et 1206 ancien du code civil, et celui-ci a été assigné le 21 octobre 2015,
-à la date de délivrance de l'assignation, soit le 21 octobre 2015, les échéances des mois d'octobre, novembre et décembre 2010, ainsi que l'échéance du mois de janvier 2011, n'étaient pas prescrites,
-elle a relevé appel du jugement du tribunal de commerce de sorte qu'elle peut parfaitement actualiser le taux d'intérêt (5,5 % majoré de 3 points).
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 novembre 2022.
L'intimé, M. [M], n'a pas constitué avocat. L'assignation et les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées à personne le 3 février 2022.
MOTIFS de la DÉCISION
Sur la prescription des demandes formées à l'encontre de Mme [B] épouse [E] par la Société marseillaise de crédit :
Selon les dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, ce dont les parties conviennent, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Par ailleurs, il est également acquis aux débats par les parties qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité (en ce sens, 1ère civ., 11 février 2016, n° 14-22.938).
De plus, selon l'article 2245 alinéa 1 du code civil, l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d'exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers.
Or, Mme [B] épouse [E] soutient que ces dispositions ne sont pas applicables dans la mesure où M. [M] a été assigné par la société marseillaise de crédit non pas en qualité de codébiteur solidaire, mais en qualité de caution.
Cependant, il ne peut être contesté comme soutenu à bon droit par la société marseillaise de crédit, que M. [M] n'a jamais eu en réalité que la qualité de débiteur solidaire du crédit souscrit auprès de la société marseillaise de crédit, faute de reprise de l'engagement de crédit par la société MJV et en conséquence de validité des cautionnements souscrits pour le compte de cette dernière.
Au demeurant, le moyen selon lequel dans l'acte introductif d'instance du 13 octobre 2015, M. [M] a été poursuivi en qualité de caution est inopérant dans la mesure où, comme relevé à bon droit par la banque, les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires, fût-ce sur le fondement d'un titre distinct, interrompent la prescription à l'égard de tous (2ème civ., 24 juin 2004, n° 02-19.761).
Ainsi, l'assignation du 13 octobre 2015 a interrompu la prescription des demandes formées à l'encontre de Mme [B] épouse [E].
À cette date les échéances du 29 octobre, 29 novembre, 29 décembre 2010 et 29 janvier 2011 n'étaient pas prescrites, de sorte que la banque est en droit d'en solliciter le paiement par de Mme [B] épouse [E], et ce pour un montant total de 17'177,18 euros.
Le jugement sera en conséquence réformé.
S'agissant du taux d'intérêt de 8,5 % sollicité par la société marseillaise de crédit, il convient de relever que d'une part, contrairement à ce que soutient Mme [B] épouse [E], la Société marseillaise de crédit a relevé appel du jugement du tribunal de commerce de Cannes, et que d'autre part elle est en droit de solliciter en cause d'appel l'application d'un taux majoré comme stipulé au contrat quand bien même elle n'avait sollicité initialement que le taux de 5,5 % dans son assignation.
Les sommes dues seront donc assorties des intérêts au taux conventionnel de 8,5 %, à compter de leur date d'exigibilité, avec la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Le jugement sera également réformé de ce chef.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [B] épouse [E] qui succombe dans ses demandes en cause d'appel sera condamnée aux dépens.
Il n'est pas inéquitable de condamner Mme [B] épouse [E] à payer à la société marseillaise de crédit la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [B] épouse [E] à payer à la Société marseillaise de crédit le solde dû, soit la somme de 118'384,94 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,5 % l'an depuis le 8 juin 2014,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [B] épouse [E] à payer à la Société marseillaise de crédit les sommes de':
-4 293,13 euros au titre de l'échéance du 29 octobre 2010, assortie des intérêts au taux de 8,15 % l'an à compter du 29 octobre 2010 et jusqu'à parfait paiement,
-4 293,91 euros au titre de l'échéance du 29 novembre 2010, assortie des intérêts au taux de 8,15 % l'an à compter du 29 novembre 2010 et jusqu'à parfait paiement,
-4 294,68 euros au titre de l'échéance du 29 décembre 2010, assortie des intérêts au taux de 8,15 % l'an à compter du 29 décembre 2010 et jusqu'à parfait paiement,
-4 295,46 euros au titre de l'échéance du 29 janvier 2011, assortie des intérêts au taux de 8,15 % l'an à compter du 29 janvier 2011 et jusqu'à parfait paiement,
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
Condamne Mme [Z] [B] épouse [E] aux dépens de l'instance d'appel,
Condamne Mme [Z] [B] épouse [E] à payer à la Société marseillaise de crédit la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le président,