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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 14 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/01883 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5SL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 01 MARS 2021
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS
N° RG 2020 002091
APPELANTE :
Madame [O] [F] en qualité de loueur professionnel
née le 27 Décembre 1946 à [Localité 7] (83)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S.A.R.L. LE CARRÉ VERT prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Frédéric PINET de la SELARL PINET ET ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE
Ordonnance de clôture du 15 Novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 DECEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
*
* *
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
[O] [F] est propriétaire d'un appartement et de cinq villas situées à [Localité 1], résidence 'Le jardin de la palmeraie', dans la zone naturiste du [Localité 3], faisant l'objet de locations saisonnières et dont la gestion est assurée depuis le début des années 2000 par la SARL Le carré vert, exerçant sous l'enseigne Agence Résid'.
Le 10 décembre 2018, Mme [F] et la société Le carré vert ont signé six contrats de mandat de gestion immobilière.
Le 1er décembre 2019, Mme [F] a adressé à la société Le carré vert un courrier de résiliation des cinq contrats de gestion relatifs aux villas, lui reprochant la faiblesse des revenus locatifs pour l'année 2019.
À la suite de l'assignation délivrée le 13 mai 2020 par la société Le carré vert à Mme [F], le tribunal de commerce de Béziers a, par jugement en date du 1er mars 2021 :
-constaté la résiliation fautive des cinq contrats de location liant Mme [F] à la société Le carré vert,
-rejeté les demandes de Mme [F] concernant les manquements graves dans l'exécution des contrats,
-rejeté toutes les autres demandes de Mme [F] à titre reconventionnel,
-dit et jugé que la faute commise par Mme [F] en ne respectant pas les termes des contrats a fait subir à la société Le carré vert, un préjudice financier,
-condamné Mme [F] à payer à la société Le carré vert la somme de 17582 euros à titre de dommages et intérêts,
-condamné Mme [F] aux entiers dépens,
-condamné Mme [F] à verser à la société Le carré vert la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injustes ou mal fondées.
Le 22 mars 2021, Mme [F] a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 17 octobre 2022, de :
Vu les dispositions de l'article 1101 et 1193 du code civil ;
Vu les dispositions des articles 1991 et suivants du code civil ;
Vu les pièces versées au débat ;
Rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a constaté la résiliation fautive des cinq contrats de location la liant à la société Le carré vert;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [F] concernant les manquements graves dans l'exécution des contrats ;
Constater l'absence de faute de Mme [F] tenant la justification de la résiliation unilatérale des contrats de mandat de gestion immobilière, le 1er décembre 2019 ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes reconventionnelles formées par Mme [F] ;
En conséquence, statuant à nouveau :
Condamner la société Le carré vert au paiement de :
17 847 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier subi tenant la perte de loyers ;
3 916 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi au titre de la facture fantaisiste de charges,
17 509 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice nancier subi tenant la perte de loyers tenant l'absence de location des villas en période estivale ;
5 000 euros de dommages et intérêts tenant le préjudice moral subi tenant le défaut de conseil et d'information de la société Le carré vert ;
5 640 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier subi tenant l'absence de diligence de la société Le arré vert au titre du mandat de l'appartement [Adresse 5];
Débouter la société Le carré vert de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner la société Le carré vert à verser à Mme [F] la somme 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Le carré vert aux entiers dépens, et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :
-elle a effectué en 2017, à la demande de la société Le carré vert, d'importants travaux de rénovation de ses villas, pour améliorer leur location,
-en 2018, également à la demande de la société Le carré vert, elle a ajouté dans ses villas des éléments de confort pour encore améliorer leur location,
-or, les chiffres d'affaires des locations ont malgré tout considérablement baissé en 2019 par rapport à 2018 : 63 219 euros en 2018 et seulement 44 349 euros en 2019,
-elle n'a été informée des mauvais résultats de l'année 2019 qu'à la fin de cette dernière année,
-les contrats de gestion mentionnent un tarif de nuitées selon les différentes périodes de l'année que la société Le carré vert n'a pas respecté,
-la société Le carré vert lui a facturé des charges indues,
-certaines villas n'ont pas été louées pendant la période la plus demandée de l'été, soit la 2ème quinzaine d'août,
-les fautes de la société Le carré vert justifient la résiliation du contrat sans respect du préavis,
-depuis qu'elle a retiré la gestion de ses villas à la société Le carré vert, ses recettes locatives ont considérablement augmenté,
-la société Le carré vert a également été défaillante dans la location de son appartement.
Dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 7 novembre 2022, la société Le carré vert demande à la cour :
Vu les articles 1193, 1226, 1231-1 et 1231-2 du code civil,
Vu les pièces,
Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires ;
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 1er mars 2021 en toutes ses dispositions sauf s'agissant du quantum alloué à titre de dommages et intérêts à la société Le carré vert ;
Statuant à nouveau sur ce seul point :
A titre principal,
Réformer le jugement et condamner Mme [F] à verser à la société Le carré vert des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 22 354,67 euros ;
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mme [F] à verser à la société Le carré vert des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la faute commise à hauteur de 17 582 euros ;
Y ajoutant :
Condamner Mme [F] à verser à la société Le carré vert la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
-elle a toujours communiqué les résultats à la fin de l'année écoulée conformément aux dispositions du contrat, soit le 30 novembre de l'année en cours ;
-Mme [F] a résilié à tort les mandats de gestion sans respecter la période de préavis et la mise en demeure, alors qu'elle avait toujours accepté des locations au prix inférieur que celui mentionné dans les contrats de gestion, permettant d'éviter que les villas et l'appartement ne soient pas loués du tout,
-toutes les charges d'entretien qu'elle a facturées à Mme [F] sont justifiées,
-elle ne peut être nullement tenue pour responsable du fait que les villas n'ont pas été toujours louées, l'obligation pesant sur elle n'étant qu'une simple obligation de moyens,
-malgré les travaux de rénovation des villas effectuées, celles-ci présentaient encore des vétustés expliquant leur faible attractivité,
-Mme [F] ne justifie nullement des chiffres d'affaires qu'elle évoque pour les années postérieures de 2020 et 2021.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 novembre 2022.
MOTIFS de la DECISION
Sur la demande principale :
Selon les dispositions des articles 1992 et 1993 du code civil, le mandataire répond des fautes qu'il commet dans sa gestion, et tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison aux mandants de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration.
L'article 1226 de ce même code précise que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification et que sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
En application de ces dernières dispositions, il résulte de la jurisprudence de la cour de cassation que, toutefois, la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de manière unilatérale à ses risques et périls, sans être tenue de mettre préalablement son cocontractant en demeure de respecter ses obligations ni de caractériser une situation d'urgence.
En l'espèce, les contrats de mandat de gestion immobilière du 10 décembre 2018 stipulent :
Renouvellement/Résiliation : le présent contrat est conclu pour un an, renouvelable par tacite reconduction (pour une durée de 10 ans), il prendra effet le 1er janvier 2019 et pourra se résilier 3 mois avant l'échéance annuelle du règlement du loyer (soit avant le 31 août de l'année en cours) par la partie qui préviendra l'autre par lettre recommandée avec avis d'accusé de réception.
Mme [F] a résilié les cinq mandats de gestion le 1er décembre 2019, sans respecter le délai de préavis mentionné au contrat, invoquant les fautes de la société Le carré vert.
Au préalable, il convient de rappeler que la société Le carré vert n'est investie que d'une obligation de moyens dans son mandat de gestion, mais qu'elle doit toutefois accomplir toutes les diligences nécessaires à l'exécution de son mandat pour assurer l'efficacité de ce dernier.
De manière générale, Mme [F] soutient que la société Le carré vert a manqué à ses obligations contractuelles en lui faisant subir une très importante perte de chiffres d'affaires durant l'année 2019, malgré des travaux de rénovation et d'embellissement de ses biens immobiliers très importants et dont elle justifie.
Mme [F] produit une attestation de son expert-comptable datée du 28 mai 2021 aux termes de laquelle, pour les cinq mandats de gestion correspondant à ses cinq villas :
Elle a réalisé en 2018 un chiffres d'affaires HT de 63 219 euros (et a réglé à la société Le carré vert 5 661,51 euros de charges) ;
Elle a réalisé en 2019 un chiffres d'affaires HT de 44 349 euros (et a réglé 5 997, 21 euros de charges) ;
Elle indique sans toutefois en justifier qu'en 2020, en assurant elle-même la gestion de ses biens immobiliers, son bénéfice locatif a été de 52 500 euros, et elle rappelle qu'il avait été de 55 071 euros en 2017.
En premier lieu, s'agissant de tarifs de location inférieurs aux tarifs mentionnés sur le mandat de gestion, il apparaît en réalité que ceux-ci étaient pratiqués et acceptés les années précédentes par Mme [F], celles-ci en ayant eu connaissance lors de la communication des comptes-rendus de gestion, ainsi qu'il en est au moins justifié pour les années 2017 et 2018 par la société Le carré vert.
La cour constate que la location à des tarifs inférieurs apparaît d'autant plus acceptée par Mme [F] que celle-ci a redonné en connaissance de cause la gestion de ses biens immobiliers à la société Le carré vert par contrats du 10 décembre 2018.
Ces circonstances ne sauraient dès lors constituer un comportement fautif de la part de la société Le carré vert justifiant la résiliation des mandats de gestion dans le non-respect des délais de préavis.
Il en est de même, en deuxième lieu, pour ce qui concerne la facturation des charges qui ont été selon elle engagées par l'agence sans son accord (charges supérieures à 183 euros comme mentionné au contrat concernant, notamment, l'entretien d'un jacuzzi pour une somme de 1 500 euros en 2017 qui aurait été fait sans son accord), qu'elle reproche à la société Le carré vert, alors qu'elle a également renouvelé les contrats de mandat de gestion en connaissance de cause.
En troisième lieu, Mme [F] ne rapporte pas la preuve que la société Le carré vert aurait manqué à son obligation de conseil en lui faisant effectuer des travaux coûteux dans ses villas qui n'ont pas généré de locations durant la saison estivale 2019, en particulier durant la deuxième quinzaine du mois d'août, la société n'étant que tributaire d'une obligation de moyens et non de résultats, et alors que l'appelante ne soutient ni ne justifie que la société intimée aurait agi différemment en 2019 dans ses diligences pour permettre la location de ses biens immobiliers.
Enfin, et en dernier lieu, Mme [F] ne rapporte pas non plus la preuve d'un comportement fautif de la part de la société Le carré vert pour l'année 2019 s'agissant de la location de l'appartement dans la résidence Natureva, étant constaté à la suite de la société intimée qu'elle s'était réservé une période importante d'occupation de cet appartement durant la période estivale.
En conséquence, il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [F] est défaillante à rapporter la preuve de comportements graves tenant à des défauts majeurs de diligences dans l'offre de location par la société Le carré vert, qui ont abouti à une absence de locations durant certaines semaines notamment de la saison estivale, justifiant son non-respect des conditions de résiliation des mandats de gestion.
Le jugement sera dès lors confirmé.
En outre, s'agissant du préjudice subi par la société Le carré vert du fait de la résiliation fautive des mandats de gestion par Mme [F], les premiers juges ont, par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, évalué le préjudice en retenant le revenu le plus faible généré par la gestion locative, soit la somme de 17 582 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à l'année 2019.
Le jugement sera également confirmé.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [F] qui succombe dans ses demandes en cause d'appel sera condamnée aux dépens.
Il n'est pas inéquitable de condamner Mme [F] à payer à la société Le carré vert la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,
Condamne [O] [F] aux dépens de l'instance d'appel,
Condamne [O] [F] à payer à la SARL Le carré vert la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le président,