COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00086 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PWUN
O R D O N N A N C E N° 2023 - 86
du 09 Février 2023
SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
ET
SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F]
né le 08 Décembre 2002 à [Localité 6] (MAROC)
de nationalité Marocaine
retenu au centre de rétention de [Localité 5] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant assisté par Maître Pascal MESANS CONTI, avocat commis d'office
Appelant,
et en présence de M. [M] [K], interprète assermenté en langue arabe,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DE [Localité 1]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Monsieur [L] [T] dûment habilité,
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Philippe BRUEY conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Sophie SPINELLA, greffier,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 21 décembre 2022, de Monsieur LE PREFET DE [Localité 1] portant obligation de quitter le territoire national sans délai et ordonnant la rétention de Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu la décision de placement en rétention administrative du 04 février 2023 de Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu la requête de Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 06 février 2023 ;
Vu la requête de Monsieur LE PREFET DE [Localité 1] en date du 05 février 2023 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;
Vu l'ordonnance du 07 Février 2023 à 14h20 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a :
- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F],
- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F] , pour une durée de vingt-huit jours à compter du 06 février 2023,
Vu la déclaration d'appel faite le 08 Février 2023, par Maître Pascal MESANS CONTI, avocat, agissant pour le compte de Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour, à 17h39,
Vu les télécopies adressées le 08 Février 2023 à Monsieur LE PREFET DE [Localité 1], à l'intéressé et à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 09 Février 2023 à 10 H 00,
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier
L'audience publique initialement fixée à 10 H 00 a commencé à 10h06.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Assisté de M. [M] [K], interprète, Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je suis [W] [F]. Je suis né le 08 dcembre 2002 à [Localité 6] au Maroc. Je suis de nationalité marocaine. Je ne suis pas marié, je n'ai pas d'enfant. J'habite en Espagne à Madrid. L'adresse est 13,200 Général de Ricardos. Le code postal est 28049. En France je ne travaille pas mais en Espagne, je travaillais en tant que cuisinier. Je n'ai pas de problème de santé. Je suis en France depuis le 21 décembre de l'année dernière. Quand on m'a notifié l'OQTF, j'ai quitté la France, je suis parti dans un premier temps en Suisse et je me suis rendu compte qu'il fallait que je reparte en Espagne pour continuer de régulariser ma situation. Lors de mon voyage de [Localité 2] à [Localité 3], je suis arrivé à [Localité 3], je ne connaissais pas cette ville et j'ai été interpellé. J'ai une carte qui s'appelle Résidencia. Je suis parti chez ma famille en Suisse qui m' hébergé, donné de l'argent et par la suite je suis redescendu en Espagne pour régulariser ma situation. Je ne souhaite pas régulariser ma situation en Espagne car elle est déja régulière. Ma famille m'a donné de l'argent et le jour où je suis descendu, j'ai payé mon billet, j'ai donné ma véritable identité aux policiers quand j'ai été interpellé. Je suis d'accord pour quitter la France et ne plus revenir. Je suis sans papier en France.'
L'avocat, Me Pascal MESANS CONTI développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant, de Monsieur LE PREFET DE [Localité 1], demande la confirmation de l'ordonnance déférée. Il a déclaré à l'audience : ' Sur la compétence du signataire, M. [J] bénéficie d'une délégation générale, il n'y a pas besoin d'une délégation spéciale pour le week-end. La préfecture est libre de ses diligences, elle a choisi de continuer le pays d'origine, peut être qu'elle contactera l'Espagne ou pas. Il a eu une OQTF du 21 décembre 2022 mais il est toujours sur le territoire français un mois après. Le fait d'avoir un titre de séjour espagnol ne donne aucun droit à Monsieur en France, ne donne aucune résidence effective et stable en France. Cela ne remet pas en question l'OQTF et le placement en rétention.'
Assisté de M. [M] [K], interprète, Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' j'aimerai qu'on me laisse une chance de repartir en Espagne.'
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 08 Février 2023, à 17h39, Maître Pascal MESANS CONTI, avocat, agissant pour le compte de Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 3] du 07 Février 2023 notifiée à 14h20, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
Sur l'incompétence de l'auteur de la requête du 05 février 2023 saisissant le JLD
Comme l'a indiqué à juste titre le premier juge, par un arrêté du 14 septembre 2022 versé au dossier de la procédure, le préfet a donné délégation de signature à M. [J] en sa qualité de secrétaire général pour signer tous arrêtés relatifs à la rétention administrative des étrangers. Cet arrêté ne limite pas la délégation à la semaine.
Le moyen sera rejeté.
Sur la violation de l'article L.741-3 du CESEDA
Selon l'article L. 741-3 du CESEDA (ancien article L. 554-1), « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
Monsieur [Y] a la nationalité marocaine. Il dispose, par ailleurs, d'un titre de séjour espagnol en cours de validité jusqu'au 30 septembre 2023 . Il fait valoir qu'en choisissant de se rapprocher des autorités marocaines dans l'attente d'une éventuelle identification, de l'hypothétique délivrance d'un laissez-passer consulaire et de la réservation d'un routing, qui prendront un temps important dans tous les cas de figure, alors qu'elle sait d'ores et déjà que Monsieur [Y] est admissible en Espagne, sans exercer la moindre diligence pour le renvoyer vers ce pays, l'administration a manqué à son obligation de diligence.
Mais, l'administration est tenue d'exercer les diligences utiles. En l'espèce, la saisine des autorités consultaires marocaines est une diligence légitime, puisque Monsieur [Y] est marocain. Dans ce cas, l'administration n'a pas à saisir un pays tiers ayant accordé un titre de séjour à l'intéressé.
Autrement dit, la préfecture est libre de saisir soit le pays dont l'étranger est originaire, soit l'état où il est légalement admissible.
Dès lors, ce moyen doit être écarté.
Sur l'absence d'examen sérieux de la situation de Monsieur [Y] par l'administration
Monsieur [Y] soutient que l'administration aurait dû prendre en compte qu'il disposait d'un titre de séjour espagnol en cours de validité.
Comme l'a indiqué à juste titre le premier juge, l'administration a rappelé que Monsieur [Y] avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour le 21 décembre 2022. Il ne s'est pas conformé à cette obligation.
L'administration doit donc effectuer les démarches légitimes pour que la décision d'éloignement soit mise à exécution, en l'espèce le placement en rétention apparaît donc justifié.
Le moyen de nullité sera donc rejeté.
SUR LE FOND
En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d'éloignement.
Monsieur se disant [F] [Y] alias [W] [F] est en situation irrégulière en France.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Déclarons l'appel recevable,
Rejetons les moyens de nullité,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 09 Février 2023 à 10h50.
Le greffier, Le magistrat délégué,