COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00077 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PWQG
O R D O N N A N C E N° 2023 - 77
du 04 Février 2023
SUR TROISIEME PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [A] [B]
né le 15 Octobre 1992 à [Localité 3] (NIGERIA)
de nationalité Nigeriane
retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant, assisté de Maître Fariza TOUMI, avocat commis d'office
en présence de Me SOLH, avocat en observation
Appelant,
et en présence de Madame [C] [Y], interprète en langue anglaise qui prête serment à l'audience,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DU GARD
[Adresse 1]
[Localité 2]
Non représenté
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Sophie PUIGREDO conseillère à la cour d'appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Marion CIVALE, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'arrêté du 5 décembre 2022 de Monsieur LE PREFET DU GARD portant obligation de quitter le territoire national sans délai pris à l'encontre de Monsieur [A] [B],
Vu la décision de placement en rétention administrative du 5 décembre 2022 de Monsieur [A] [B], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, notifiée à l'intéressé le 5 décembre 2022 à 11h40.
Vu l'ordonnance du 7 décembre 2022 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MONTPELLIER qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours,
Vu l'ordonnance du 05 janvier 2023 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MONTPELLIER qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,
Vu la saisine de Monsieur LE PREFET DU GARD en date du 1er février 2023 pour obtenir une troisième prolongation de la rétention de cet étranger,
Vu l'ordonnance du 03 février 2023 à 12h54 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MONTPELLIER qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de quinze jours,
Vu la déclaration d'appel faite le 04 Février 2023 par Monsieur [A] [B] , du centre de rétention administrative de [Localité 4], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 11h20,
Vu les télécopies et courriels adressés le 04 Février 2023 à Monsieur LE PREFET DU GARD, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 04 Février 2023 à 15 H 30,
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.
L'audience publique initialement fixée à 15 H 30 a commencé à 17h18.
PRETENTIONS DES PARTIES
Assisté de Madame [C], interprète, Monsieur [A] [B] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [A] [B], je suis né le 15 Octobre 1992 à [Localité 3] au Nigeria. Je sais que Me [N] m'avait conseillé de ne pas faire appel, mais c'est très long, j'aimerais sortir et voir ma famille donc j'ai réfléchi cette nuit et j'ai décidé de faire appel quand même. J'ai deux enfants, un qui habite au Nigeria, et un bébé de trois mois en France. Il aura 4 mois bientôt. Je l'ai reconnu à l'état civil oui. Je me suis retrouvé en janvier devant le tribunal, j'aurais dû voir le consul à [Localité 2] c'est ce que j'ai fait. On m'a expliqué que je devais rester pas plus de deux mois au CRA. Si la préfecture a décidé qu'il y avait une OQTF contre moi, d'accord je partirai mais je ne vais pas laisser mes enfants je partirai avec ma famille.'
L'avocat, Me [U] [D] développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Je renonce au moyen tiré de l'absence de signataire compétent de la requête préfectorale du 1er février 2023.
Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DU GARD ne comparait pas mais a fait parvenir un mémoire le 4 février 2023 à 13h08 tendant à voir confirmer l'ordonnance déférée.
Assisté de Madame [C], interprète, Monsieur [A] [B] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je comprends pas comment la préfecture décide que je dois partir alors que ma femme et ma fille ne partent pas, la femme qui dit que je l'aurais violentée c'est la même qui a payé l'avocat qui m'a défendu. Je ne comprends pas comment donner une OQTF à un père et pas toute la famille, normalement ils devraient le donner à toute ma famille. J'ai un titre de séjour en Italie qui doit expirer en 2030, je l'ai donné lors de ma fouille, je voudrais être reconduit avec ma famille en Italie et pas vers le Nigeria.'
La conseillère indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée sur place.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 04 Février 2023, à 11h20, Monsieur [A] [B] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de MONTPELLIER du 03 Février 2023 notifiée à 12h54, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur les moyens de nullité :
L'appelant soutient dans son acte d'appel l'irrecevabilité de la requête préfectorale du 1er février 2023 au motif que le signataire de la requête de prolongation ne serait pas compétent mais sur l'audience son conseil indique abandonner ce moyen.
Il résulte effectivement de l'examen de la procédure que la requête de l'autorité administrative est datée du 1er février 2023, signée par [O] [T] ; pour 'la Préfète et par délégation, le chef du bureau de l'éloignement et de l'asile' de la Préfecture du GARD et accompagnée de l'arrêté du 23 janvier 2023 de Madame la Préfète du GARD portant délégation de signature notamment à Mme [T].
Le conseil de l'appelant soutient dans son acte d'appel l'irrecevabilité de la requête préfectorale du 1er février 2023 au motif que la copie actualisée du registre ne figure pas au dossier.
L'article R742-1 du CESEDA précise: 'Le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.
La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1.'
L'article R743-2 du même code stipule: 'A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2. ( ...)'
Or en l'espèce et comme l'a justement retenu le premier juge, l'examen de la procédure fait apparaître que toutes les pièces justificatives dont la copie actualisée du registre prévu à l'article L744-2 du CESEDA figurent au dossier.
Le moyen sera donc rejeté.
L'avocat de l'appelant soutient l'irrecevabilité de la requête préfectorale du 1er février 2023 pour défaut de base légale par violation des dispositions de l'article L 742-5 du CESEDA
L'article L742-5 du CESEDA dispose: 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9° de l'article L. 611-3 ou du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'
En l'espèce, Monsieur [B] n'a certes pas fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement dans les quinze derniers jours de la deuxième prolongation soit entre le 45ème et le 60ème jour et n'a pas présenté de demande d'asile dans la même période.
Toutefois, il résulte de la procédure que la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
En effet, l'autorité administrative française justifie avoir adressé de nombreuses demandes à l'ambassade du Nigeria dès le 5 décembre 2022, soit dès le placement en rétention administrative de l'étranger, puis au consulat du NIGERIA.
Monsieur [B] a pu être finalement présenté au consulat nigérian le 10 janvier 2023, après plusieurs reports décidés par l'autorité nigériane dont l'autorité administrative française n'est pas comptable.
Les autorités préfectorales ont sollicité de nouveau un laissez-passer le 27 janvier 2023 et ont adressé une demande de routing également le 27 janvier 2023.
L'autorité préfectorale justifie, en conséquence, avoir accompli les diligences nécessaires qui lui incombaient pour permettre l'éloignement de l'intéressé dans les plus brefs délais.
Par ailleurs, l'autorité administrative précise que le laissez-passer devrait arriver sous peu et justifie avoir effectué une nouvelle demande de routing, de sorte qu'il est démontré que la délivrance du laissez passer consulaire lui serait délivré dans un bref délai.
La fin de non recevoir de la requête préfectorale sera rejetée.
L'avocate de l'appelant soutient le défaut de diligence de l'autorité administrative.
Il résulte de l'article L. 741-3 du CESEDA qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention (1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 14-15.846, Bull. 2015, I, n° 109)
Comme indiqué précédemment, l'autorité administrative française justifie avoir adressé de nombreuses demandes à l'ambassade du Nigeria dès le 5 décembre 2022, soit dès le placement en rétention administrative de l'étranger, puis au consulat du NIGERIA.
Monsieur [B] a pu être finalement présenté au consulat nigérian le 10 janvier 2023, après plusieurs reports décidés par l'autorité nigériane dont l'autorité administrative française n'est pas comptable.
Les autorités préfectorales ont sollicité de nouveau un laissez-passer le 27 janvier 2023 et ont adressé une demande de routing également le 27 janvier 2023 .
L'autorité préfectorale justifie, en conséquence, avoir accompli les diligences nécessaires qui lui incombaient pour permettre l'éloignement de l'intéressé dans les plus brefs délais.
L'autorité administrative n'est pas comptable du délai pris par un pays étranger pour lui répondre selon le principe de la souveraineté des États.
Le moyen de nullité sera rejeté.
SUR LE FOND
L'article L742-5 du CESEDA qui dispose: 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9° de l'article L. 611-3 ou du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'
En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure
Le juge des libertés et de la détention de Montpellier a fait une juste appréciation de la cause au visa de l'article L 742-5 du CESEDA.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Déclarons l'appel recevable,
Rejetons les exceptions de nullité et moyens de nullité,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 04 Février 2023 à 18h38.
Le greffier, Le magistrat délégué,