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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 02 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/02999 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PODJ
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du 24 MAI 2022
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 20/5635
DEMANDEURS A LA REQUETE EN DEFERE :
Monsieur [T] [F]
né le 18 Août 1978 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Jacques-Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Philippe NESE, avocat plaidant, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
S.A.R.L. Escasante
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Jacques-Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Philippe NESE, avocat plaidant, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
DEFENDEURE A LA REQUETE EN DEFERE :
S.A.R.L. C2i Développement
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Mathilde SEBASTIAN substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Patrick DAHAN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 916 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 DECEMBRE 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre et Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller, magistrat de permanence
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Le 22 janvier 2014, la société Escasante exerçant à l'enseigne Evolution Immobilier a consenti à la société C2I Développement exerçant à l'enseigne Arthur Lloyd Immobilier un mandat de recherche sans exclusivité portant sur un ensemble immobilier situé à [Localité 5]. La rémunération de l'agence mandatée était fixée à la somme de 35.000 € HT soit 42.000 € TTC.
Par un acte du 19 décembre 2014 reconnaissant par ailleurs expressément que la vente avait été réalisée par l'intermédiaire de Arthur Lloyd Immobilier (la société C2I Développement) et mentionnant que l'acquéreur s'engageait à verser à cette agence une rémunération de 35.000 € TTC, la société Escasante - représentée par son gérant Monsieur [T] [F] - a effectivement acheté l'immeuble concerné à une SCI Margaux.
Après deux sommations de payer en date des 21 août et 2 novembre 2015 restées vaines, la société C2I Développement a fait assigner Monsieur [F] le 22 février 2016 en paiement de cette commission devant le tribunal de grande instance - devenu le tribunal judiciaire - de Perpignan,
Par un nouvel acte délivré le 19 février 2019, la demanderesse a fait assigner la société Escasante devant la même juridiction, aux fins de condamnation solidaire avec Monsieur [F] concernant la commission.
Les deux instances ont été jointes le 4 juillet 2019.
Dans le dernier état de ses conclusions, la demanderesse demandait la condamnation de la société Escasante au paiement de la commission ainsi que la condamnation solidaire de Monsieur [F] au paiement de la même somme sur un double fondement contractuel et délictuel (en visant les articles 1134 et 1382 anciens du code civil).
Vu le jugement contradictoire en date du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal judiciaire de Perpignan
- l'a déboutée de sa demande en paiement de sa commission à l'encontre de la société Escasante ainsi que de son action en responsabilité à l'encontre de Monsieur [F],
- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ni à application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens,
Vu la déclaration d'appel de la société C21 Développement en date du 10 décembre 2020,
Vu les conclusions d'incident de Monsieur [F] et la société Escasante soulevant l'irrecevabilité de la demande indemnitaire formulée à l'encontre de la seconde, comme étant présentée pour la première fois en appel,
Vu l'ordonnance rendue par le conseiller de le mise le 24 mai 2022, qui a :
- rejeté la demande de la société Escasante tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions formulés par l'appelante dans le cadre de ses conclusions au fond visant au paiement d'une indemnité de 42.000 € en réparation du préjudice subi,
- dit n'y avoir lieu à ce stade de la procédure à application de l'article 700 du code de procédure civile et que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux du principal,
Vu la requête en déféré en date du 1er juin 2022, par laquelle Monsieur [T] [F] et la société Escasante demandent à la cour de réformer cette ordonnance et, statuant à nouveau, de :
- déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande indemnitaire de la société C21 Développement à l'encontre de la société Escasante,
- condamner l'appelante à leur payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions en réponse sur déféré, transmises le 21 novembre 2022 pour le compte de la société C2Développement, aux fins de voir :
- juger que le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour connaitre du moyen d'irrecevabilité soulevé au visa de l'article 564 du code de procédure civile et se déclarer incompétent,
- renvoyer les demandeurs à mieux se pourvoir,
- à titre subsidiaire, confirmer l'ordonnance déférée et rejeter la demande de la société Escasante visant à voir déclarer irrecevables les prétentions (à savoir sa demande en paiement d'une somme de 42.000 € au titre de l'indemnisation du préjudice subi) qu'elle a formulées dans le cadre de ses conclusions au fond,
- condamner chacun des deux intimés et demandeurs au déféré à lui payer une indemnité de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Vu les conclusions sur déféré prises le 29 novembre 2022 pour les requérants réitèrent leur demande de réformation de l'ordonnance déférée et demandent à la cour de :
- juger que la 'demande d'irrecevabilité' sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile relève de la cour et non du conseiller de la mise en état,
- inviter les appelants à présenter de leur demande d'irrecevabilité devant la cour seule compétente,
- dire que chacune des parties conservera les frais du déféré,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement entrepris, à l'ordonnance déférée ainsi qu'aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS
L'article 564 du Code de procédure civile qui figure dans la sous-section 1 sur l'effet dévolutif, elle-même placée dans la section II du code de procédure civile ayant pour intitulé « Les effets de l'appel », dispose qu' « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Ce principe - celui de la prohibition des prétentions nouvelles en appel - trouve son origine dans le respect du double degré de juridiction.
Si l'irrecevabilité des demandes nouvelles tombe sous la qualification de fin de non-recevoir de l'article 122 du code de procédure civile, la question de la compétence du conseiller de la mise en état a fait l'objet de nombreux débats en doctrine.
L'argument selon lequel la réponse à apporter suppose un examen de l'effet dévolutif de l'appel, lequel n'appartient qu'à la cour d'appel, a prévalu et, dans un avis en date du 11 octobre 2022 (n° 22-70.010), la Cour de cassation a estimé que :
- par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, l'article 789, 6° du code de procédure civile (visant les fins de non-recevoir) est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue,
- (toutefois) les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile relèvent de la compétence de la cour d'appel,
cela après avoir notamment énoncé que :
- en premier lieu, ainsi qu'il l'a été rappelé dans l'avis rendu par la deuxième Chambre civile le 3 juin 2021 (n° 21-70.006), publié, le conseiller de la mise en état est un magistrat de la cour d'appel chargé de l'instruction de l'appel ; conformément à l'article L.311-1 du code de l'organisation judiciaire, la cour d'appel est, quant à elle, compétente pour connaître des décisions rendues en premier ressort et statuer souverainement sur le fond des affaires ;
- il en résulte que la cour d'appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l'appel, celles touchant à la procédure d'appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état ; Or, l'examen des fins de non-recevoir édictées aux articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, relatives pour la première à l'interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel et pour la seconde à l'obligation de présenter dès les premières conclusions l'ensemble des prétentions sur le fond relatives aux conclusions, relève de l'appel et non de la procédure d'appel ;
- en second lieu, l'examen de ces fins de non-recevoir implique que les parties n'aient plus la possibilité de déposer de nouvelles conclusions après l'examen par le juge de ces fins de non-recevoir; il importe, en effet, dans le souci d'une bonne administration de la justice, d'éviter que de nouvelles fins de non-recevoir soient invoquées au fur à mesure du dépôt de nouvelles conclusions et de permettre au juge d'apprécier si ces fins de non-recevoir n'ont pas été régularisées ; or, en matière de procédure ordinaire avec représentation obligatoire, conformément à l'article 783 du code de procédure civile, auquel renvoie l'article 907 du même code pour la procédure d'appel, les parties peuvent déposer des conclusions jusqu'à l'ordonnance de clôture, toutes conclusions déposées postérieurement étant irrecevables.
En cet état, la cour infirmera l'ordonnance référée et renverra les parties à mieux se pourvoir au fond, la cour saisie dans le cadre d'un déféré ne pouvant empiéter sur les pouvoirs conférés à la cour statuant au fond.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Dit que la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [F] et la société Escasante intimés relève de l'appel et non de la procédure d'appel ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir à ce sujet devant la cour au fond ;
Condamne solidairement Monsieur [F] et la société Escasante à payer à la société C21 Développement une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [F] et la société Escasante aux éventuels dépens de l'instance d'incident.
LE GREFFIER LE PRESIDENT