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02/02/2023 | FRANCE | N°20/01250

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 02 février 2023, 20/01250


Grosse + copie

délivrées le

à









COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 02 FEVRIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01250 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORET





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 FEVRIER 2020

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 18/01319





APPELANT :



Monsieur [W] [E]

né le 25 Octobre 1957 à [Localité 6] Tunisie
r>de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant



INTIME :



Monsieur [N] [G]

né le 03 Avril 1948 à [Localité 5] (34)

d...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 02 FEVRIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01250 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 FEVRIER 2020

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 18/01319

APPELANT :

Monsieur [W] [E]

né le 25 Octobre 1957 à [Localité 6] Tunisie

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIME :

Monsieur [N] [G]

né le 03 Avril 1948 à [Localité 5] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Christel DAUDE de la SCP SCP D'AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 DECEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre et Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller, magistrat de permanence

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Monsieur [W] [E] - né le 25 octobre 1957 et exploitant en dernier lieu une entreprise individuelle de service funéraire - ambulance, après avoir également été artisan taxi - avait confié à Monsieur [N] [G], expert-comptable, la tenue de sa comptabilité et les opérations de gestion comptable de son entreprise.

Reprochant à ce prestataire d'avoir manqué à son devoir d'information concernant l'impact de résultats professionnels trop faibles sur plusieurs exercices (entre 2008 et 2016) engendrant des cotisations retraites insuffisantes lui interdisant de prétendre à une retraite à taux plein avant 67 ans, il l'a fait assigner le 2 mars 2018 en paiement de la somme de 119.370 € correspondant à la perte de retraite qu'il estimait avoir subie par sa faute entre 60 à 79 ans.

Monsieur [E] a pris sa retraite à effet du 1er novembre 2019, soit à l'âge de 62 ans, après avoir validé 157 trimestres.

Vu le jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal judiciaire de Montpellier l'a débouté de ses demandes et condamné à payer à Monsieur [G] une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Vu la déclaration d'appel de Monsieur [E] en date du 28 février 2020,

Vu ses dernières conclusions en date du 14 avril 2021, par lesquelles il demande à la cour d'infirmer le jugement  et, en substance, de condamner Monsieur [G] à lui payer :

- la somme de 131.799 €, actualisée depuis son départ à la retraite ou,

- à titre subsidiaire, celle de 119.370 € correspondant à ce qu'il avait demandé en première instance et dans ses premières écritures d'appelant,

- 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil,

Vu les dernières conclusions déposées le 25 février 2021 pour le compte de Monsieur [G], aux fins de confirmation du jugement entrepris et condamnation de l'appelant à lui payer une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 novembre 2022,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement ainsi qu'aux conclusions écrites susvisées.

MOTIFS

Le tribunal a estimé que le demandeur ne rapportait pas la preuve d'une faute de la part de son cocontractant, cela après avoir rappelé les règles de preuve en matière de responsabilité contractuelle et constaté que :

- Monsieur [E] reprochait à Monsieur [G] de ne pas l'avoir conseillé, ni avoir attiré son attention sur le fait que son chiffre d'affaires ne lui permettrait pas de valider chaque trimestre d'activite avec une assiette de cotisations suffisante afin de pouvoir pretendre à une retraite à taux plein à l'âge de 60 ans,

- le devoir de conseil d'un expert comptable est limité à la mission qui lui est confiée,

- il résutait des pièces produites que la mission confiée à Monsieur [G] se bornait à une mission classique purement comptable sans aucune mission sociale tendant à des conseils patrimoniaux ou financiers,

- l'obligation de conseil et d'assistance de l'expert comptable ne pouvait donc être étendue aux conseils à donner en matière de droits à la retraite qui dépendait principalement des trimestres validés, du patrimoine, des besoins financiers, du nombre et de l'âge des enfants...,

- il ne pouvait donc étre reproché à Monsieur [G] de n'avoir pas mis en garde Monsieur [E] sur ses droits à la retraite en lui indiquant qu'il devait travailler davantage pour obtenir une meilleure retraite,

- il appartenait à Monsieur [E], suite aux indications estimatives fournis par sa caisse de retraite, de se renseigner et d'organiser son départ à la retraite à l'âge qui lui convenait,

- le demandeur n'avait pas rapporté la preuve qui lui incombait d'un manquement contractuel de la part du défendeur, lequel n'avait aucun devoir de conseil au titre de la gestion du patrimoine du premier et dont il n'était pas justifié qu'il était en mesure de savoir que Monsieur [E] avait l'intention de prendre sa retraite à l'âge de 60 ans.

Au soutien de son appel, Monsieur [E] fait principalement valoir que le devoir de conseil de l'expert comptable vis-à-vis de ses clients est une obligation figurant dans le code de déontologie régissant cette profession et qu'elle est devenue une obligation règlementaire pour avoir été reprise dans le décret n°2007-1387 du 27 septembre 2007. Il indique que l'expert comptable est également tenu tant d'un devoir d'alerte lui imposant de prévenir son client lorsque ce dernier commet une action pouvant lui porter préjudice ou omet de commettre une action, si cette omission peut lui porter préjudice, que d'une obligation d'information et de conseil en matière notamment de prévoyance ou de droit à la retraite.

Et il soutient que Monsieur [G] - qui ne conteste pas ne pas lui avoir fourni d'information ou l'avoir averti concernant l'insuffisance de ses cotisations au regard de son droit à la retraite - ne peut se prévaloir d'une absence de convention écrite alors qu'elle n'était pas obligatoire à l'époque et que ce professionnel n'avait pas qu'une mission purement comptable dès lors qu'il effectuait l'intégralité des déclarations obligatoires et des règlements de l'entreprise. Monsieur [G] était donc débiteur à ce titre d'une obligation de l'informer sur l'insuffisance de ses cotisations au regard de ses résultats d'activité, lesquels - bien que non déficitaires - étaient trop faibles sur certains exercices pour lui permettre de valider des trimestres auprès de la caisse de retraite.

S'agissant de la faute de l'expert-comptable, la cour rappelle que - comme objecté à juste par Monsieur [G] et jugé constamment par la Cour de cassation - il peut seulement être imputé une telle faute qu'en cas de manquement de l'expert-comptable à son obligation de conseil dans le cadre de la mission qui lui est confiée (cf. Cass. com., 11 mars 2008, pourvoi n° 07-12.158). Ainsi, lorsque la mission confiée à l'expert-comptable porte sur l'établissement des comptes et bilan annuels, il ne peut lui être reproché aucune faute en matière de droit social (cf. Cass. Com., 26 février 2013, pourvoi n° 11-28.397). Inversement, l'expert-comptable qui a reçu la mission de rédiger les bulletins de paie et les déclarations sociales pour le compte de son client a, compte tenu des informations qu'il doit recueillir sur le contrat de travail pour établir ces documents, une obligation de conseil afférente à la conformité de ce contrat aux dispositions légales et réglementaires : il doit alors alerter son client sur des irrégularités des contrats de travail, documents qu'il doit nécessairement consulter pour l'accomplissement de sa tâche (cf. Cass. Com., 17 mars 2009, pourvoi n° 07-20.667, Bull. IV  n° 40).

Il se déduit également des précédents susvisés que l'obligation d'informer le client s'apprécie au regard des informations que l'expert-comptable a en sa possession.

Quant à l'arrêt cité par Monsieur [E] dans ses écritures (Cass., com., 29 novembre 2011 n°11-10.933), il statue exclusivement sur l'existence du préjudice résultant de la perte d'une chance - non démontrée en l'occurrence - suite au pourvoi formé par le client qui avait été débouté pour ce motif par les juges du fond. Cet arrêt est donc dépourvu de toute portée jurisprudentielle sur la question de la faute reprochée par ce client à son expert-comptable, à savoir un manquement à l'obligation de conseil et d'information sur ses droits à la retraite, la Cour de cassation n'ayant pas été appelée à se prononcer sur ce point.

Or, en l'espèce, si Monsieur [E] se reposait sur Monsieur [G] pour tous les aspects comptables de son entreprise (dépôts des comptes annuels, déclarations de TVA, paiement des cotisations obligatoires et complémentaires aux organismes concernés), moyennant des honoraires limités à 200 ou 300 € par trimestre), il ne justifie pas avoir confié à son expert-comptable une mission plus large, notamment pour apporter son concours en matière de gestion de patrimoine et de conseiller financier en vue d'optimiser ses résultats pour préparer sa retraite.

S'agissant des déclarations annuelles, en dehors de celles qui concernaient l'entreprise, Monsieur [G] indique qu'il fournissait seulement à Monsieur [E] les éléments concernant ses revenus professionnels à déclarer, et il conteste formellement avoir été chargé de remplir la déclaration d'impôts de l'artisan et de son épouse, notamment les éléments concernant les revenus de cette dernière, les revenus fonciers du couple et les déductions diverses auxquelles il pouvait prétendre.

Monsieur [G] conteste également avoir jamais obtenu la moindre information de la part de Monsieur [E] sur les projets de ce dernier en matière de départ en retraite, et la cour constate que ce dernier ne rapporte toujours aucun élément de preuve à ce sujet.

C'est donc à bon droit et par de justes motifs que le tribunal a débouté Monsieur [E] de ses prétentions. Le jugement mérite confirmation.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [E] supportera les dépens d'appel et sera condamné à payer à onsieur [G] une indemnité au titre des frais par elle exposés dans le cadre de la présente procédure en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, et mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [W] [E] à payer à Monsieur [N] [G] la somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01250
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;20.01250 ?
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